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Date : 20161103


Dossier : IMM-2216-16

Référence : 2016 CF 1225

Ottawa (Ontario), le 3 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

OLIVIER KANA ZEBAZE

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, Olivier Kana Zebaze, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiées [SPR] le 25 février dernier qui a conclu que le demandeur n’est ni un réfugié, ni une personne à être protégée. La demande de contrôle judiciaire est faite aux termes de l’article 72 de Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR].

[2]               Le demandeur prétend que la décision rendue à son égard n’est pas raisonnable, insistant notamment sur le fait que la SPR n’a accordé aucune force probante à l’un des éléments de preuve qui avait été mis de l’avant par le demandeur. Pour les raisons qui suivent, cette demande de contrôle judiciaire ne peut réussir.

[3]               Le demandeur est maintenant âgé de 32 ans. Il est un citoyen du Cameroun mais n’y réside pas depuis l’an 2010. Alors qu’il résidait en Roumanie pour y poursuivre des études, il est devenu le père de deux enfants (dont l’une est maintenant malheureusement décédée) dont la mère est une citoyenne canadienne rencontrée en Roumanie. Celle-ci réside maintenant dans la province de Québec.

[4]               Alors qu’il était un jeune garçon de six ou sept ans, le demandeur alla habiter chez son oncle, dans la région du nord du Cameroun. Il semble qu’il soit demeuré avec lui de temps à autres jusqu’à une partie des études secondaires. Cet oncle a fait carrière comme officier supérieur de police. Il semble qu’une cousine du demandeur, alors elle-même en jeune âge, serait décédée mystérieusement en 2001 ou 2002. En mars 2015, une cousine du demandeur qui habitait chez cet oncle a été retrouvée morte, « étouffée », dans sa voiture, près de la résidence.

[5]               À partir de ces deux incidents, à l’évidence tous les deux tragiques, et de son accointance avec cet oncle officier de police, le demandeur recherche le statut de réfugié ou celui de personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR. Selon le demandeur, il aurait à craindre des narcotrafiquants ou des membres du groupe terroriste Boko Haram du fait de son accointance avec son oncle. La demande a été rejetée.

[6]               Essentiellement, la SPR aura conclu qu’il n’y a pas de possibilité sérieuse de persécution dans l’éventualité où il retournera au Cameroun (décision, para 18). Le lien entre le demandeur et son oncle fonctionnaire de police n’est pas suffisant pour établir la possibilité sérieuse de persécution. Après tout, le demandeur ne vit plus chez cet oncle depuis 2010 et il ne semble pas qu’avant cette date il ait passé tout son temps avec cet oncle (décision, para 19).

[7]               Le demandeur prétend que la SPR n’a pas conclu à son absence de crédibilité. La Cour croit aussi que là n’est pas la question. Cependant, ce qui aura été retenu par la SPR est le caractère non plausible de son allégation. On ne doute pas du décès des deux cousines. Personne ne remet en question le travail de l’oncle bienfaiteur. Ce que la SPR détermine cependant est que le demandeur n’a pas établi un lien fort entre ces éléments et a fait qu’il serait une cible pour des narcotrafiquants ou Boko Haram. Les morts tragiques ne sont pas expliquées et elles procèdent de la conjecture quand on tente de les lier aux narcotrafiquants et Boko Haram.

[8]               Aucun élément de preuve n’est mis de l’avant pour établir un quelque lien entre la mort de la cousine en 2001 ou 2002 et de la cousine en 2015, qui aurait pu être causé par les narcotrafiquants ou le groupe Boko Haram. Pour la SPR, il ne s’agit là, au mieux, que de conjecture. En effet, dans les deux cas la SPR a convenu que « la cause de la mort était inconnue, et l’identité du ou des éventuels auteurs du crime est également inconnue » (décision, para 18).

[9]               L’allégation faite par le demandeur selon laquelle il pourrait être ciblé parce qu’il est demeuré avec son oncle n’a pas été reçue non plus. Le demandeur, maintenant âgé de 32 ans, ne vit plus avec son oncle depuis 2010 et il semble avoir été à l’extérieur du pays durant toute cette période.

[10]           Le demandeur a cherché à mettre en exergue un document qui aurait été rédigé le 17 janvier 2016 par cet oncle dont il est ici question. À l’audience, l’avocate du demandeur a argumenté que la SPR n’avait aucune raison valable pour ne pas considérer cette preuve corroborative. Ceci dit avec égards, il n’est pas clair quel usage pourrait être fait de cet écrit. Tout ce que ce document déclare est que « [r]econnais avoir vécu tous les faits tragiques tels que mentionnés sur le document produit par mon neveu KANA ZEBAZE Olivier […] ». Il est raisonnable de penser que les seuls faits tragiques dont il peut s’agir en relation avec le demandeur seraient les morts des deux cousines. On ne retrouve nulle part quelque lien entre ces morts et les narcotrafiquants ou Boko Haram, encore moins que ce serait une forme d’intimidation ou de représailles.

[11]           À mon avis la SPR a eu raison de ne donner que très peu de force probante à ce document. Non seulement celui-ci fait-il défaut de décrire les évènements dont il aurait été question, mais si les évènements dont il est question sont les décès des cousines, ces évènements ne font preuve que de peu de chose. Il y a lieu de noter que c’est exactement le reproche que la SPR fait au document. Ce document ne « corrobore pas en soi de lien entre le travail de l’oncle du demandeur d’asile et la mort de ses cousins causée par des narcotrafiquants ou par le groupe Boko Haram » (décision, para 17). L’attestation n’a pas de force probante parce qu’elle ne prouve pas ce lien, se contentant de corroborer les incidents tragiques. Ainsi les morts des cousines sont corroborées, rien de plus. Il n’y a à ce dossier aucune preuve de cause à effet. Il n’y a que des allégations vagues qui ne sont soutenues par aucune preuve. Les assertions générales ne favorisent pas le demandeur. Lorsque le demandeur témoigne de la mort de ses cousines, cela n’est pas contesté. Lorsqu’il conjecture, suppose, présume, cela n’établit en rien l’existence d’un lien entre les morts et des attentats en représailles ou pour intimider. Le document émanant de l’oncle du demandeur n’aidait aucunement à cet égard.

[12]           De fait, lorsque l’on examine le fondement de la demande d’asile faite le 4 décembre 2015, on y voit la déclaration du demandeur au sujet de la question relative à sa tentative de demander protection aux autorités de son pays d’origine : « J’avais le choix entre déposer la demande d’asile en Roumanie et le Canada, j’ai choisi le Canada pour rejoindre ma famille. » Le même thème se retrouve dans le narratif préparé par le demandeur. Ainsi, on apprend qu’il a fait une demande de visa à partir de la Roumanie où il résidait, demande qui a été refusée. À l’avant-dernier paragraphe de sa déclaration, il écrit :

Je pouvais retourner au Cameroun et par la suite faire venir mon enfant et sa mere qu’ils ont longtemps souffert vivre avec moi au Cameroun. Quén est-il de celle qui a ete enterre au Canada? Etait il la solution de les amener vivre dans un pays envahi par les terroristes et les traficants ? jái donc pris la decision d’arriver au Canada en passant par les etats unis donc jái obtenu le visa afin dácheminer mon voyage par bus au Canada ou jái demande lásile a la frontiere afin détre en securite et de prendre soin de mon garçon qui n’est pas mort et de sa mere, de jouer mon role de père qui m’avait ete enleve. [Sic]

[13]           On comprend facilement comment la SPR a rejeté la demande de statut de réfugié. Non seulement la qualité de réfugié n’a en aucune manière été établie, mais il apparaît que la véritable motivation, qui est noble, est de venir rejoindre au Canada son fils et la mère de celui-ci. Même si cela engendre une certaine sympathie, ce ne sont pas des considérations pertinentes à l’obtention du statut de réfugié ou de personne à protéger.

[14]           Il n’est pas contesté que la norme de contrôle en notre espèce est celle de la décision raisonnable (Warsame c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 596). Comme chacun le sait, le fardeau est sur les épaules du demandeur de démontrer, sur balance de probabilités, que la décision n’a pas les apanages de la raisonnabilité. Or, la décision rendue est justifiée, intelligible et transparente, en plus de tomber au sein des issus possibles acceptables selon les faits et le droit. Ce qui fait cruellement défaut est un lien plausible entre les morts tragiques et la crainte alléguée, alors même que l’oncle fonctionnaire de police ne l’allègue même pas lui-même. Il en résulte que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question d’importance n’a été soulevée et aucune ne se présente à la Cour.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2216-16

 

INTITULÉ :

OLIVIER KANA ZEBAZE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 octobre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 novembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Claudette Menghile

 

Pour la partie demanderesse

 

Me Steve Bell

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Claudette Menghile

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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