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Date : 20160719


Dossier : IMM-4556-15

Référence : 2016 CF 821

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 juillet 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

S. N.

M. R.

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS

[1]               Les demandeurs, qui sont conjoints, sont des citoyens de l’Iran. Ils ont présenté une demande de résidence permanente à titre de membres de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), qui a été rejetée par un agent des visas exerçant ses fonctions à partir de l’ambassade du Canada à [CAVIARDÉ]. C’est le refus d’accorder les demandes qui fait l’objet de la demande de contrôle judiciaire, conformément à l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[2]               La décision a été rendue le [CAVIARDÉ] 2015 et indique que le conjoint de la demanderesse principale appartient à une catégorie de personnes interdites de territoire. Il est fait référence à l’alinéa 34(1)d) de la LIPR, qui est rédigé comme suit :

34 (1) Emportent interdiction de territoire pour raison de sécurité les faits suivants :

34 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on security grounds for

 

 

d) constituer un danger pour la sécurité du Canada;

(d) being a danger to the security of Canada;

[3]               Par application de l’article 42 de la LIPR, les deux conjoints sont interdits de territoire.

I.                   Question préliminaire

[4]               En se fondant sur l’article 87 de la LIPR, le ministre a cherché à faire supprimer des passages de deux documents qui font partie du dossier certifié du tribunal (DCT). Par ordonnance datée du 30 mai, la Cour a conclu que la suppression proposée était appropriée.

[5]               Il est important de souligner que le ministre a indiqué au dossier que l’information supprimée ne devait pas être utilisée aux fins de la demande de contrôle judiciaire. Seules les parties des deux documents qui font partie du dossier public peuvent être utilisées par les deux parties. J’ajoute que l’avocat des demandeurs n’a pas pris position quant à savoir si oui ou non les passages avaient été correctement supprimés, laissant ainsi à la Cour le soin d’examiner soigneusement les éléments supprimés pour s’assurer que la suppression avait été faite correctement. En outre, rien dans les passages supprimés ne pouvait aider les demandeurs. Par conséquent, l’affaire présentée devant la Cour reposait sur un dossier certifié du tribunal de 650 pages, dont 10 étaient partiellement caviardées.

II.                Faits

[6]               [CAVIARDÉ]

[7]               [CAVIARDÉ]

[8]               [CAVIARDÉ]

[9]               Le demandeur a déposé une première demande de résidence permanente en [CAVIARDÉ]. La demande n’a jamais été traitée.

[10]           [CAVIARDÉ]

[11]           La demande, qui avait été transférée à l’ambassade du Canada à [CAVIARDÉ] pour y être traitée, a nécessité un certain temps de traitement. Tout au long du processus, les demandeurs ont montré un intérêt soutenu à immigrer au Canada.

[12]           Enfin, la date d’une entrevue a été fixée au [CAVIARDÉ], entrevue qui devait avoir lieu à [CAVIARDÉ].

[13]           Aucun renseignement important ne semble être ressorti de l’entrevue de la demanderesse principale. [CAVIARDÉ] La demanderesse principale a déclaré que leur projet était de quitter l’Iran pour s’installer au Canada; [CAVIARDÉ].

[14]           Le demandeur, le mari de la demanderesse principale, a également été reçu en entrevue le [CAVIARDÉ] et il a fourni un affidavit décrivant la façon dont l’entrevue s’était déroulée.

[15]           Il a confirmé qu’il était le directeur général de [CAVIARDÉ], dont les principales activités incluaient la conception et la production de [matériel et services technologiques]. Les clients de la société [comprenaient] des entreprises gouvernementales situées en Iran. [CAVIARDÉ] Le demandeur était responsable des opérations officielles et commerciales de l’entreprise [et] devait signer tous les contrats.

[16]           [CAVIARDÉ] À la question de savoir si la société menait des projets avec [l’entité nucléaire iranienne 1], le demandeur a affirmé que l’entreprise avait vendu [du matériel technique à cette entité]. Ce [matériel] est important puisqu’il permet d’évaluer si la « machine » fonctionne normalement. Le demandeur aurait explicitement confirmé que sa société n’avait mené aucun autre projet avec [cette entité nucléaire iranienne pendant plusieurs années]. En effet, si [la société] n’a mené aucun projet avec [cette entité nucléaire iranienne] et l’autre société, [entité nucléaire iranienne 2], c’est parce que le demandeur avait appris que la communauté internationale était préoccupée par la conclusion de projets avec des sociétés soumises à des sanctions. Le demandeur a déclaré qu’il ne voulait pas nuire à la réputation de la société en s’associant à une entité qui pourrait poser un problème de sécurité. Effectivement, le demandeur a souligné l’absence de dépendance organisationnelle et de lien avec ces deux sociétés. Toutefois, [un autre cadre de la société] est un ancien employé de [l’entité nucléaire iranienne], et des demandes d’achat [CAVIARDÉ] de produits [de la société] ont été présentées par [cette entité]. Cependant, aucune [certaines pièce d’équipement] n’a été vendue à [l’entité nucléaire iranienne 1 ou 2], et ce, bien que [la société] concède fournir des programmes d’entretien, même lorsque [ces pièces d’équipement] ont été achetées auprès d’autres fabricants.

[17]           [CAVIARDÉ]

[18]           Le demandeur a réitéré que [sa société] n’avait jamais figuré sur aucune liste de sanctions. Les activités de la société sont centrées sur l’élaboration et la production [de pièces d’équipement technique] utilisées dans de nombreuses industries. [CAVIARDÉ]

[19]           De toute évidence, il y avait des préoccupations au sujet de la délivrance d’un visa aux demandeurs. Les préoccupations ont été établies dans un courriel envoyé à la demanderesse principale le [CAVIARDÉ] (la soi-disant « lettre relative à l’équité procédurale »). Le courriel informait les demandeurs de ce qui suit :

[traduction] La présente lettre concerne votre demande de résidence permanente au Canada. Après un examen minutieux et approfondi de tous les aspects de votre demande, y compris l’entrevue du [CAVIARDÉ], j’en arrive à la conclusion qu’il est possible que vous ne remplissiez pas les conditions requises pour l’obtention d’un visa de résident permanent. Il existe des motifs raisonnables de croire que vos antécédents de travail en tant que chef de la direction de [la société] font que vous appartenez à la catégorie des personnes interdites de territoire visée à l’alinéa 34(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. [CAVIARDÉ] est notamment liée à [trois entités nucléaires iraniennes], ces sociétés étant directement liées aux activités d’approvisionnement nucléaire de l’Iran. En outre, vous étiez responsable des contrats entre [une entité nucléaire iranienne] et votre entreprise [CAVIARDÉ] et dans le cadre de ces contrats, des services ont été fournis [aux installations nucléaires]. Avant qu’une décision définitive soit prise relativement à votre demande, vous disposez de 30 jours pour soumettre toute information susceptible d’apaiser nos préoccupations. Si vous ne le faites pas, une décision d’interdiction de territoire au Canada pourrait être prise. Si vous souhaitez retirer votre demande, veuillez me le faire savoir par écrit en répondant au présent courriel.

[20]           La demanderesse principale a sollicité une prolongation de 60 jours pour répondre à la lettre relative à l’équité procédurale. Une demande d’accès à l’information en vertu de la législation canadienne semble également avoir été faite.

[21]           La réponse qui a été donnée par un avocat canadien qui n’est pas l’avocat inscrit au dossier dans la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée le [CAVIARDÉ] 2015. Cette réponse visait à faire valoir des arguments. Premièrement, elle dénonçait le fait que la lettre relative à l’équité procédurale était vague en ce qui concerne les allégations formulées à l’encontre des demandeurs. La lettre relative à l’équité procédurale n’aurait pas défini les services que le demandeur a fournis à [une installation nucléaire et une entité nucléaire iranienne]. Les liens avec [deux entités nucléaires iraniennes] ne laissaient pas entendre l’existence d’une dépendance organisationnelle. Si les produits offerts par la société ont été achetés, c’était en raison de la connaissance d’un ancien employé de [entité nucléaire iranienne].

[22]           Deuxièmement, la réponse soulignait que les activités de [la société] sont centrées sur l’élaboration et la production de pièces d’équipement [CAVIARDÉ] utilisées dans de nombreuses industries. Par conséquent, l’équipement ne peut pas être utilisé pour des applications sensibles ou critiques.

[23]           Troisièmement, la réponse faisait remarquer que [CAVIARDÉ] n’avait pas mené de projets avec [les entités nucléaires iraniennes depuis plusieurs années], compte tenu d’une prise de conscience des sanctions internationales imposées à ces entreprises. Fondamentalement, les demandeurs soutiennent que [la société] n’a rien fait qui puisse mettre en danger la sécurité du Canada. En effet, [la société] n’a jamais figuré sur aucune liste de sanctions.

[24]           Le demandeur a également fourni une réponse écrite. Dans une lettre datée du [CAVIARDÉ], il formulait les mêmes arguments, dans l’ensemble, que son avocat. Je reviendrai sur certains éléments précis de la lettre.

[25]           Quelques jours plus tard, le [CAVIARDÉ] 2015, la demande de la demanderesse principale a été rejetée. Les motifs du refus figurent dans les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC). Le passage important est reproduit ci-après :

[traduction] Dossier examiné. Il existe des motifs raisonnables de croire que les antécédents de travail de [CAVIARDÉ], le conjoint de la demanderesse, en tant que chef de la direction de [la société] font qu’il appartient à la catégorie des personnes interdites de territoire visée à l’alinéa 34(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. [La société] est notamment liée à [trois entités nucléaires iraniennes], ces sociétés étant directement liées aux activités d’approvisionnement nucléaire de l’Iran. En outre, [il était] responsable des contrats entre [une entité nucléaire iranienne] et [la société] et dans le cadre de ces contrats, des services ont été fournis [aux installations nucléaires]. Dans la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale du [CAVIARDÉ], les demandeurs ont indiqué qu’après [CAVIARDÉ], la société du demandeur avait cessé de travailler avec [deux entités nucléaires iraniennes] du fait qu’il [traduction] « avait appris que la communauté internationale était préoccupée par la conclusion de projets avec des sociétés soumises à des sanctions ». Les réponses du client (en date du [CAVIARDÉ]) à nos lettres relatives à l’équité procédurale (ne) dissipent (pas) mes préoccupations concernant son interdiction de territoire au Canada. Il confirme ses liens avec les entités mentionnées ci-dessus et les antécédents contractuels de son entreprise avec celles-ci. Le client est interdit de territoire au Canada en vertu de l’alinéa 34(1)d) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La demanderesse principale est donc interdite de territoire conformément à l’article 42 de la LIPR et la demande est rejetée.

[Les mots « ne » et « pas » sont ajoutés entre parenthèses puisqu’ils ne figuraient pas dans le texte original. Cependant, cette omission semble être une simple erreur.]

III.             Questions en litige

[26]           Les demandeurs ont initialement formulé trois arguments :

1.      Il y a eu manquement à un principe de justice naturelle en ce sens qu’une note de service de l’Agence des services frontaliers (ASFC) du Canada n’a pas été divulguée aux demandeurs;

2.      Il y a eu manquement à un principe de justice naturelle en ce sens que la réponse des demandeurs n’a pas été prise en compte;

3.      La décision tire des inférences et des conclusions de fait déraisonnables qui conduisent à la conclusion que les demandeurs sont interdits de territoire pour le motif prévu à l’alinéa 34(1)d).

[27]           Cependant, lors de l’audience de la présente affaire, l’avocat des demandeurs a déclaré que le caractère raisonnable de la décision est la seule question qui doit être tranchée. Selon moi, cette concession était sage. Ce qui importe, c’est que les renseignements contenus dans le rapport de l’ASFC ont été communiqués au demandeur, comme cela a été fait; le document lui-même n’a pas besoin d’être présenté. En ce qui concerne l’examen de la réponse des demandeurs à la lettre relative à l’équité procédurale, il ressort clairement des notes du SMGC que la réponse a été reçue et examinée. Le fait que tous les éléments de la réponse n’ont pas été acceptés par le décideur ne crée pas un principe de justice naturelle. Par conséquent, l’affaire porte principalement sur le caractère raisonnable de la décision.

IV.             Argumentation et analyse

A.                Les observations des parties

[28]           Il y a donc une question que la Cour doit examiner. L’agent des visas a-t-il commis une erreur susceptible de révision en concluant que les demandeurs étaient interdits de territoire pour raisons de sécurité compte tenu du danger qu’ils représentent pour la sécurité du Canada? Étant donné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit, la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité (Jahazi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 424, [2011] 3 RCF 85; Alijani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 327; Karahroudi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 522). Le résultat auquel est arrivé le décideur doit faire partie des issues possibles acceptables; en outre, l’instance révisionnelle s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

[29]           Les demandeurs font valoir que la preuve qui pèse contre eux repose sur des hypothèses et des spéculations. Les demandeurs sont tous deux [instruits] et ils travaillent tous les deux pour une société, [CAVIARDÉ], qui a traité avec [trois entités nucléaires iraniennes]. Ces sociétés auraient des liens avec les activités d’approvisionnement nucléaires en Iran. Plus précisément, le demandeur est le directeur général de la [société] et il est notamment responsable des contrats avec [une entité nucléaire iranienne] dans le cadre desquels des services sont fournis [aux installations nucléaires]. Toutefois, les demandeurs soutiennent qu’il n’y a aucune preuve que [deux entités nucléaires iraniennes] sont liées aux activités d’approvisionnement nucléaire de l’Iran en ce qui a trait à la contribution de [CAVIARDÉ]. En effet, ils dénoncent l’absence de lien entre les sociétés qui participent au programme nucléaire iranien et la contribution que la société [CAVIARDÉ] apporte à ce programme grâce aux produits (services compris) qu’elle a vendus à ces sociétés.

[30]           En substance, on ne sait pas quels services [la société] a rendus aux [deux entités nucléaires iraniennes], et on ne sait pas quel rapport il y a entre ces deux sociétés et le programme d’approvisionnement nucléaire en Iran, ce qui rend déraisonnable la conclusion du décideur selon laquelle les demandeurs sont reliés, par l’intermédiaire de cette chaîne, au programme d’approvisionnement.

[31]           Le défendeur estime que les motifs raisonnables de croire sont bien établis par la preuve présentée par les demandeurs, et en particulier par [CAVIARDÉ] lors de son entrevue, et dans la réponse à la « lettre relative à l’équité procédurale ». Le ministre se fonde également sur des omissions dans la preuve.

[32]           Le ministre soutient que les demandeurs ne peuvent pas valablement prétendre que [les deux entités nucléaires iraniennes] n’ont rien à voir avec le programme d’approvisionnement nucléaire de l’Iran alors qu’ils affirment explicitement que leur entreprise a cessé de mener des projets avec ces deux sociétés du fait qu’ils avaient [traduction] « appris que la communauté internationale était préoccupée par la conclusion de projets avec des sociétés soumises à des sanctions ».

[33]           Les demandeurs ne contestaient pas, et ils ne contestent toujours pas, que [les deux entités nucléaires iraniennes] avaient été inscrites dans la résolution 1737 du Conseil de sécurité des Nations Unies en 2006 et qu’elles étaient par conséquent soumises à des sanctions (résolution 1737 du Conseil de sécurité des Nations Unies [CSNU], S/RES/1737 [2006], Annexe A). [CAVIARDÉ] Le Canada a ensuite intégré la liste des sanctions au droit interne (Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur l’Iran, DORS/2007-44, article 9).

[34]           [Une des entités nucléaires iraniennes] est également visée par la loi canadienne, bien que cela soit plus récent que pour [une autre des entités nucléaires]. C’est le Règlement modifiant le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran, DORS/2011-268, qui inscrit [l’entité nucléaire iranienne] comme une entité « s’adonnant à des activités qui, directement ou indirectement, facilitent, procurent un soutien ou du financement ou contribuent ou pourraient contribuer à des activités nucléaires de l’Iran posant un risque de prolifération ou à ses activités relatives à la mise au point d’armes chimiques, biologiques ou nucléaires de destruction massive, ou à la mise au point de vecteurs de telles armes... ». Le ministre fait valoir que ce Règlement restreint l’exportation [du type d’équipement technique fourni par la société du demandeur] vers l’Iran, montrant ainsi l’importance de cet équipement et des [services] dans un programme nucléaire (mémoire des faits et du droit, paragraphe 34).

[35]           Le défendeur a contesté l’ignorance revendiquée concernant [une] installation d’enrichissement de l’uranium. En fait, les demandeurs eux-mêmes [font référence à du matériel] qui mentionne ce fait de façon très détaillée.

[36]           Le fait que le défendeur affirme sans ambiguïté que les activités [de la société] portent sur la conception et la production de [certains types de pièces d’équipement technique] renforce l’opinion selon laquelle [la société prenait part aux activités d’approvisionnement nucléaires]. Le ministre indique par ailleurs que le demandeur a concédé dans son entrevue avoir vendu [de l’équipement technique et des services à l’entité nucléaire iranienne qui évaluaient] si une machine fonctionne normalement ou si elle est défectueuse.

B.                 Analyse

[37]           À mon avis, il est important de situer clairement ce qui est en jeu dans un cas comme celui-ci. En vertu de la LIPR, est interdite de territoire au Canada pour raisons de sécurité une personne qui représente un danger pour la sécurité du Canada. Cependant, les raisons de sécurité ne doivent pas être établies selon la prépondérance des probabilités, la norme habituelle en matière civile (F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41). Lord Denning a décrit cette norme en ces termes :

[traduction] Il suppose un degré raisonnable de probabilité, mais pas un degré de probabilité aussi élevé que celui qui est exigé en matière pénale. Si la preuve est telle qu’elle permet au tribunal de dire : “Nous estimons que cela est plus probable qu’improbable”, le fardeau est déchargé, mais si les probabilités sont égales, le fardeau n’est pas déchargé ».

(Miller v Minister of Pensions [1947] 2 All ER 372, à la page 374).

[38]           Le Parlement a préféré placer la barre plus bas en la matière. L’article 33 de la LIPR se lit comme suit :

33 Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

33 The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

[39]           Il a été décidé que les motifs raisonnables de croire exigent plus qu’un simple soupçon, mais moins que la prépondérance des probabilités. Dans l’arrêt Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 RCS 100, la Cour suprême a mentionné « un fondement objectif reposant sur des renseignements concluants et dignes de foi » (paragraphe 114). Dans l’arrêt George c. Rockett, 93 ALR 483, [1990] HCA 26, la Haute Cour d’Australie a donné une illustration fort utile des différences qui existent entre les raisons de soupçonner et les raisons de croire au paragraphe 14 :

[traduction] Ainsi que le lord Devlin l’a expliqué dans l’arrêt Hussein c. Chong Fook Kam [35], [traduction] « dans son sens courant, le soupçon est une conjecture ou une supposition qui ne repose sur aucune preuve : “Je soupçonne, mais je ne peux pas prouver” ». Les faits qui peuvent raisonnablement fonder un soupçon peuvent être tout à fait insuffisants pour justifier de façon raisonnable une conviction et pourtant il faut démontrer l’existence d’un fondement factuel à la base du soupçon. Dans l’arrêt Queensland Bacon Pty Ltd c. Rees [36], la question soulevée consistait à savoir si un créancier avait des raisons de soupçonner que le payeur (un débiteur) « était incapable de payer [ses] dettes à mesure qu’elles arrivaient à échéance », au sens où cette expression est utilisée au paragraphe 95(4) de la Bankruptcy Act 1924 (Cth). Le juge Kitto s’est ainsi exprimé [37] :

Soupçonner l’existence d’une chose, c’est plus que simplement se demander si cette chose existe; le soupçon est un sentiment indéniable de véritable appréhension ou méfiance qui s’apparente à « une vague idée, non étayée de façon suffisante », comme l’exprime le Chambers’ Dictionary. Par conséquent, avoir une raison de soupçonner l’existence d’un fait, c’est plus qu’avoir une raison d’examiner ou d’envisager la possibilité de son existence. La notion que sous-tend l’expression « raison de soupçonner », au paragraphe (4), correspond, je crois, à ce qui, en toutes circonstances, suscite dans l’esprit d’une personne raisonnable placée dans la situation du créancier une véritable appréhension ou peur que la situation du payeur soit réellement celle décrite dans la disposition, c’est-à-dire une certaine méfiance à l’égard de la capacité du payeur à payer ses dettes à mesure qu’elles arrivent à échéance ainsi qu’à l’égard de l’effet que produirait un tel paiement entre le bénéficiaire du paiement et les autres créanciers.

Les circonstances objectives suffisantes pour démontrer l’existence de motifs de croire quelque chose doivent indiquer de façon plus claire l’objet de cette conviction sans qu’il soit toutefois nécessaire que ces circonstances objectives démontrent, selon la prépondérance des probabilités, que l’objet de la conviction s’est effectivement produit ou qu’il existe; ce qui emporte la conviction repose sur des éléments de preuve plus mince qu’une preuve. Quant à la conviction, il s’agit d’une inclination de l’esprit à adhérer à une proposition plutôt qu’à la rejeter et les motifs qui peuvent raisonnablement susciter cette inclination de l’esprit peuvent, selon les circonstances, tenir en partie de la supposition ou de la conjoncture.

[40]           La Cour d’appel fédérale était convaincue dans Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), [2001] 2 C.F. 297 (CA), que l’expression « motifs raisonnables » signifiait « la croyance légitime à une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi » (paragraphe 60).

[41]           Ici, le ministre se fonde sur la preuve présentée par les demandeurs, et en particulier le demandeur, pour démontrer l’existence de motifs raisonnables. Les demandeurs peuvent difficilement soutenir que leur témoignage n’est pas crédible. Au contraire, ils font valoir que les liens entre les éléments du syllogisme de la Couronne ne sont pas suffisants.

[42]           Les demandeurs ont porté à l’attention de la Cour la récente décision rendue par mon collègue, le juge Gagné, dans l’affaire Alijani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 327 [Alijani]. Dans cette affaire, le juge Gagné a autorisé un contrôle judiciaire étant donné que la décision de l’agent des visas était décrite comme fondée sur les sept années d’études suivies par l’ingénieur en mécanique dans une université iranienne dont les étudiants jouent un rôle important au sein des industries iraniennes et du gouvernement; sur les domaines d’études spécialisés qui étaient critiqués par l’agent des visas du fait qu’ils donnaient des motifs raisonnables de croire qu’il pourrait contribuer aux programmes nucléaires de l’Iran; et, en général, sur sa capacité intellectuelle. En outre, l’agent des visas aurait rejeté d’importants éléments de preuve concernant le véritable domaine d’étude qui ne compromettrait pas la sécurité du Canada étant donné qu’il avait mal interprété les éléments de preuve scientifiques liés au domaine d’étude. La Cour n’était pas convaincue que les éléments de preuve avaient été correctement évalués. Ces éléments de preuve suggéraient fortement que l’expertise et le domaine d’étude de la personne ne pouvaient pas, et ne pourraient pas, s’appliquer à la technologie nucléaire ou à la production de missiles et d’autres armes.

[43]           De toute évidence, cette décision est très différente de celle soumise en l’espèce au contrôle de la Cour. En effet, par souci d’équité envers l’avocat des demandeurs, je dois dire qu’il a présenté l’affaire comme étant, sur une échelle, à l’autre extrémité, ne faisant pas partie de l’éventail d’issues possibles et acceptables. Cependant, il a soutenu que les éléments de preuve en l’espèce étaient faibles au point de se rapprocher de ceux de l’affaire Alijani.

[44]           À mon avis, le caractère raisonnable des motifs raisonnables de croire n’a pas été remis en question compte tenu des faits de l’espèce. Contrairement à l’affaire Alijani, il y a en l’espèce un lien direct entre la société avec laquelle le demandeur, en particulier, est associé (en tant que chef de la direction) et des entités qui participent aux programmes nucléaires de l’Iran. Il faut se rappeler que la décision visée par le contrôle n’est pas une décision où la participation au programme nucléaire doit être établie selon la prépondérance des probabilités. Personne ne semble contester qu’une contribution au programme d’approvisionnement nucléaire de l’Iran constituerait « pour raisons de sécurité un danger pour la sécurité du Canada » (alinéa 34(1)d) de la LIPR). Les faits qui constituent l’interdiction de territoire font l’objet d’une controverse en l’espèce. Cependant, une possibilité sérieuse en raison de preuves dignes de foi suffira. En fait, le rôle de la Cour ne consiste même pas à vérifier que les motifs sont raisonnables, ce qui entraînerait une norme de contrôle de la raisonnabilité, mais plutôt à avoir la conviction du caractère raisonnable de la conclusion de « motifs raisonnables de croire ».

[45]           Je ne peux pas conclure que les inférences que l’agent des visas a tirées pour en arriver aux conclusions qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les demandeurs ont contribué au programme d’approvisionnement sont déraisonnables. La preuve a établi que la société des demandeurs avait traité avec deux sociétés qui ont fini, à des moments différents, par être répertoriées par les institutions internationales en tant que sociétés étroitement associées au programme nucléaire de l’Iran. Le fait que la société des demandeurs ait fourni de l’équipement et des services [techniques] [importants pour l’approvisionnement nucléaire], comme le demandeur l’a admis, [l’équipement produit par la société] témoignerait d’une association étroite avec les sociétés qui participent à l’approvisionnement nucléaire en Iran. [La société a vendu de l’équipement technique et des services à une entité nucléaire iranienne.]

[46]           Il était tellement évident que [deux entités nucléaires iraniennes] représentaient un handicap que le demandeur a souligné que [CAVIARDÉ] avait cessé de mener des projets avec ces deux sociétés [il y a plusieurs années], lorsque, comme l’a suggéré le demandeur, il a appris que la communauté internationale était préoccupée par ces sociétés. C’est vraiment le moins qu’on puisse dire. [Une des entités nucléaires] figure dans la résolution 1737 du Conseil de sécurité de l’ONU depuis 2006 [CAVIARDÉ]. Ce n’est pas faire preuve d’audace que d’inférer [qu’une personne instruite], qui dirige une entreprise qui produit [de l’équipement technique utilisé pour des activités d’approvisionnement], aurait su que la société avec laquelle il fait des affaires a été inscrite sur la liste des sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU pour son étroite association avec le programme d’approvisionnement nucléaire de l’Iran. [Le] directeur général, le demandeur, signe tous les contrats.

[47]           Toutefois, qu’est-ce qui a motivé l’agent des visas à avoir des motifs raisonnables de croire que les produits et services offerts par [la société] ont été utilisés dans le cadre du programme nucléaire plutôt que d’être utilisés à d’autres fins industrielles par ces deux sociétés? Ne s’agit-il pas de simples suspicions?

[48]           C’est là que la lettre relative à l’équité procédurale et la réponse donnée à celle-ci sont importantes. La lettre relative à l’équité procédurale du [CAVIARDÉ] établit sans équivoque que c’est la relation entre [la société du demandeur et trois entités nucléaires iraniennes] qui pose problème, la question à laquelle les demandeurs doivent répondre, parce qu’elles sont toutes liées aux activités d’approvisionnement nucléaires de l’Iran. La lettre précise que [la société] a fourni des services [aux installations nucléaires iraniennes]. Cela exige une réponse.

[49]           Les candidats ont choisi d’opter pour une prolongation de 60 jours à la date limite initiale de 30 jours. Au lieu de fournir un historique complet et une explication de la nature et de l’étendue des travaux ou des projets menés avec ces entités, les demandeurs ont choisi de contester la lettre relative à l’équité procédurale, la qualifiant de « très vague », sans fournir de détails sur les liens et l’effet de ces liens sur la sécurité du Canada.

[50]           L’avocat dont les services ont été retenus par les demandeurs pour répondre à la lettre relative à l’équité procédurale ([CAVIARDÉ]) a agi comme s’il y avait un acte d’accusation, auquel cas l’accusé a droit d’obtenir des détails pour pouvoir présenter une défense pleine et entière (article 581 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46). La lettre datée du [CAVIARDÉ] que le demandeur a fournie en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale n’abordait pas non plus les préoccupations soulevées par cette dernière. Au lieu d’expliquer les services que [la société] a rendus [aux entités nucléaires iraniennes], la réponse fournie indique qu’il n’y a pas de « dépendance organisationnelle » ou de lien avec ces deux sociétés. Aucune tentative n’a été faite dans la réponse pour récuser le fait que les activités étaient liées au programme nucléaire. Dans sa réponse, le demandeur adopte la position voulant que l’allégation selon laquelle [la société] représente un danger pour la sécurité du Canada [traduction] « ne soit étayée par aucune preuve ». Le demandeur a même offert cette remarquable phrase en réponse aux préoccupations relativement à la sécurité du Canada :

[traduction] Même ma femme possédait un visa de touriste alors qu’elle était enceinte en 2013, mais nous avions décidé que notre enfant ne naîtrait pas au Canada, car nous pensions que cela pourrait avoir une influence négative sur notre dossier d’immigration.

[51]           Le défendeur a raison de souligner qu’il existe un principe fondamental du droit de l’immigration voulant que « les non‑citoyens n’aient pas un droit absolu d’entrer ou de demeurer au Canada » (Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 51, au paragraphe 46, [2005] 2 RCS 539). Il convient de rappeler qu’en vertu de la LIPR, c’est à l’étranger qu’incombe le fardeau de convaincre l’agent des visas qu’il n’est pas interdit de territoire et qu’il satisfait à l’exigence prévue par la LIPR (paragraphe 11(1)).

[52]           Les préoccupations de l’agent des visas n’auraient pas pu être plus évidentes. À mon avis, les préoccupations n’ont pas été réglées, et à la lecture de la réponse, de l’avocat et du demandeur, il était loisible à l’agent des visas de déduire de l’absence de réponse, malgré un délai de réflexion de 90 jours, que les préoccupations étaient plus que des soupçons. Je partage l’opinion de mon collègue le juge Barnes qui a soutenu ce qui suit dans la décision Fallah c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1094 [Fallah] :

11        M. Fallah était très bien placé pour fournir une réponse complète aux préoccupations de l’agent, mais, pour l’essentiel, il ne l’a pas fait. M. Fallah ignorait probablement que l’agent s’était fondé sur des sources ouvertes concernant le Royaume-Uni et le Japon, mais, si son employeur avait eu de la difficulté à importer des produits à double usage, il en aurait été au courant. Afin d’essayer de répondre à la préoccupation de l’agent, M. Fallah a fourni un [traduction] « échantillon » de décisions qui ont été rendues aux États‑Unis et au Royaume‑Uni au titre desquelles son employeur s’est vu délivrer des permis. Or, fait à noter, M. Fallah, dans sa réponse, n’a fourni aucune explication quant aux cas où son employeur s’est vu refuser un permis d’importation de produits en Iran. M. Fallah aurait eu accès à cette information, mais il a fait fi de cette question, et ce, à son propre péril.

[12]      M. Fallah a eu l’occasion de fournir des explications disculpatoires détaillées quant aux pratiques commerciales de son employeur, et il avait d’ailleurs l’obligation de le faire; or, sa réponse à la lettre d’équité de l’agent était gravement lacunaire. Je suis convaincu que la lettre d’équité a permis à M. Fallah de connaître les arguments exposés à son encontre. M. Fallah aurait dû prévoir qu’il devrait fournir des explications détaillées quant aux pratiques commerciales de son employeur, mais il ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait.

[53]           Le manque de réactivité est en soi un élément qui doit être pesé dans l’appréciation des motifs de croire. Les demandeurs, confrontés à des problèmes particuliers directement liés aux dangers pour la sécurité du Canada, ont choisi de ne pas répondre, en dépit du fait que l’agent doit être convaincu qu’ils ne sont pas interdits de territoire. L’agent n’était pas convaincu. Le fait est que leurs activités sont liées au programme nucléaire et qu’elles ont dû être prises en compte. Comme l’a mentionné le juge Barnes au paragraphe 19 de la décision Fallah, « Étant donné la preuve dont disposait l’agent, y compris la réponse inadéquate de M. Fallah, la décision de lui refuser le visa était raisonnable. ».

[54]           La situation serait bien sûr tout à fait différente si la question avait été formulée de façon ambiguë et si elle n’exigeait pas manifestement une réponse simple et factuelle : voici ce que nous faisons et ce sont les produits et services que nous offrons à ces sociétés qui, selon vous, participent au programme nucléaire; on n’a rien à voir avec cela. Loin d’avoir fourni une telle réponse, les demandeurs, en effet, ont tenté de retourner le processus à l’envers en exigeant que le défendeur prouve en quoi ils sont interdits de territoire. Le procédé est plus global, en ce sens qu’il est caractérisé par un développement continu et plus naturel. Les motifs raisonnables de croire peuvent résulter d’un manque de réactivité à des questions légitimes. Ce qui compte au final, c’est de déterminer si l’ensemble des circonstances représente plus qu’un soupçon à propos des faits qui constituent un danger pour la sécurité du Canada. L’inclination de l’esprit est d’adhérer à la proposition selon laquelle les demandeurs participent ou ont participé au programme nucléaire de l’Iran une fois que les faits sont connus et que le manque de réactivité à des préoccupations précises est reconnu. Il importe peu, selon les termes employés par la Haute Cour d’Australie, que « les motifs qui peuvent raisonnablement susciter cette inclination de l’esprit peuvent [...] tenir en partie de la supposition ou de la conjoncture ». Nous ne sommes pas tenus à une norme de la prépondérance des probabilités, mais à celle des motifs raisonnables de croire.

[55]           Il en résulte que la Cour est convaincue qu’il était raisonnable pour l’agent des visas d’avoir des motifs raisonnables de croire que les demandeurs ont soutenu le programme nucléaire iranien dans le cadre des activités de leur société, de sorte que les demandeurs sont interdits de territoire pour raisons de sécurité du fait qu’ils représentent un danger pour la sécurité. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties ont convenu qu’il n’y avait aucune question grave de portée générale. Aucune question n’est certifiée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4556-15

INTITULÉ :

S. N., M. R. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 juin 2016

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

Le 19 juillet 2016

COMPARUTIONS :

M. Lorne Waldman

Pour les demandeurs

S. N.

M. R.

M. James Todd

Pour le défendeur

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

S. N.

M. R.

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

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