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Date : 20161122


Dossier : T-669-16

Référence : 2016 CF 1288

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 22 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

NICHOLAS MANOUSOS

demandeur

et

FEDERAL EXPRESS CANADA LTÉE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La présente demande concerne la plainte du demandeur déposée tardivement auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) dans laquelle il alléguait que, au cours de son emploi en tant que coursier, la défenderesse a fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa déficience, en le traitant de manière préjudiciable et en mettant fin à son emploi contrairement à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la Loi).

[2]               Le fondement de la plainte du demandeur repose sur le fait qu’une maladie chronique appelée la maladie de Crohn et de colite ulcéreuse, entraînant le syndrome du côlon irritable, lui a été diagnostiquée et pour laquelle la défenderesse n’a pas pris de mesures d’adaptation.

[3]               L’emploi du demandeur a pris fin le 21 novembre 2013. Par conséquent, il était tenu de déposer une plainte auprès de la Commission dans un délai d’un an à compter de cette date. Cependant, au lieu de faire cette demande, il a présenté une demande au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Cette erreur n’a pas été corrigée avant le 22 janvier 2015, lorsque le demandeur a déposé une demande tardivement auprès de la Commission.

[4]               Conformément à l’alinéa 41(1)e) de la Loi, la Commission a le pouvoir légal d’accorder un redressement à l’égard de plaintes déposées tardivement s’il est estimé que c’est « indiqué » :

41 (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

[...]

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

41 (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

[…]

(e) the complaint is based on acts or omissions the last of which occurred more than one year, or such longer period of time as the Commission considers appropriate in the circumstances, before receipt of the complaint.

[5]               En l’espèce, un rapport d’enquête daté du 23 décembre 2015 a été préparé aux fins d’examen par la Commission et dans lequel les circonstances étaient détaillées. Dans le rapport, au paragraphe 19, une opinion clé concernant la teneur de la plainte du demandeur a été exprimée :

[traduction]
La plainte soulève des allégations de défaut de prendre des mesures d’adaptation liées à la déficience du plaignant et de congédiement du plaignant. Le plaignant admet dans son formulaire de plainte qu’il a falsifié un document en contournant la bande de signature et en saisissant le nom du séquestre. La défenderesse dit que c’était la troisième fois qu’il falsifiait des documents. Cette plainte est un litige privé entre les parties et ne soulève aucune allégation de discrimination systémique.

[Non souligné dans l’original.]

[6]               La conclusion du rapport, au paragraphe 24, a été recommandée à la Commission :

[traduction]
Conclusion

La présente plainte a été déposée le 22 janvier 2015, 14 mois après le congédiement du plaignant, le 21 novembre 2013. La question pour la Commission est de savoir si elle devrait exercer sa discrétion pour traiter la plainte, même si elle a été déposée deux mois après l’échéance prévue par la Loi. Le plaignant explique que la raison du retard est qu’il n’a pas eu connaissance de l’existence de la Commission avant le 28 décembre 2014. L’ignorance de la loi ou de l’existence de la Commission n’est pas une excuse ni une raison pour la Commission d’exercer sa discrétion pour traiter une plainte qui a été déposée hors délai. De plus, la Loi canadienne sur les droits de la personne est mentionnée dans le guide de l’employé de la défenderesse, dans sa politique sur la violence en milieu de travail et le harcèlement, qui précise que FedEx condamne tout acte de violence, de harcèlement ou de discrimination sur ses lieux de travail. Le plaignant aurait pu s’informer lui-même de ses droits s’il avait consulté son guide de l’employé. Il semble que le plaignant n’a pas fait tout ce qu’il a pu ni tout ce qu’il aurait dû faire pour déposer sa plainte en temps opportun. Le plaignant n’a pas fourni d’explication raisonnable pour justifier le retard du dépôt de sa plainte et, par conséquent, la Commission ne devrait pas traiter la plainte.

[Non souligné dans l’original.]

[7]               La Commission a retenu la recommandation et a décidé de ne pas traiter la plainte du demandeur. Cette conclusion a été annoncée au demandeur le 30 mars 2016.

[8]               Concernant le degré de retenue qui devrait être accordé à l’examen préalable de la Commission, il importe de tenir compte de deux précédents.

[9]               La Cour d’appel fédérale a fait remarquer ce qui suit dans l’arrêt Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 RCF 113, au paragraphe 38 :

La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable au moment de la réception d’un rapport d’enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d’expressions comme « à son avis », « devrait », « normalement ouverts », « pourrait avantageusement être instruite », « des circonstances », « estime indiqué dans les circonstances », qui ne laissent aucun doute quant à l’intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément, de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d’opinion (voir Latif c. La Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687 (C.A.), à la page 698, le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu’en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape.

[Non souligné dans l’original.]

[10]           Dans la décision Zavery c. Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines), 2004 CF 929, au paragraphe 27, la Cour fédérale avait ceci à dire :

La décision à l’égard de la question de la présentation en temps opportun est une décision discrétionnaire de la Commission qui requiert la plus grande retenue. Si la décision de la Commission de rejeter toutes les allégations en raison de l’omission de présentation en temps opportun n’était pas manifestement déraisonnable ou autrement susceptible de contrôle, l’erreur quant à la compétence devient non pertinente. La Commission est tenue, lorsqu’elle rend une décision à l’égard de la question de savoir s’il devrait être statué sur une plainte déposée après la période d’un an, d’examiner la question de savoir si les circonstances justifient qu’une période plus longue soit accordée pour le dépôt de la plainte (alinéa 41(1)e)).

[Non souligné dans l’original.]

[11]           Je conclus que la Commission a certainement examiné les circonstances de la plainte du demandeur et qu’elle a rendu une décision raisonnable claire. Par conséquent, la demande du présent demandeur doit être rejetée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande.

« Douglas R. Campbell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-669-16

 

INTITULÉ :

NICHOLAS MANOUSOS c. FEDERAL EXPRESS CANADA LTÉE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 NOVEMBRE 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 NOVEMBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

Nicholas Manousos

Pour le demandeur

[Pour son propre compte]

 

Bonny Mak Waterfall

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fasken Martineau

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour la défenderesse

 

 

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