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Date : 20161027


Dossier : IMM-1115-16

Référence : 2016 CF 1196

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2016

En présence de madame la juge McVeigh

ENTRE :

WEI HE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Le demandeur, Wei He (M. He), un citoyen de la République populaire de Chine (Chine), conteste une décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) datée du 18 février 2016. La SAR a confirmé une décision de la Section de la protection des réfugiés (RPD) qui a rejeté la demande d’asile de M. He pour le motif qu’il n’avait pas fourni [traduction] « d’éléments de preuve crédibles et fiables pour établir l’élément central de sa demande, soit qu’il est un adepte du Falun Gong recherché par les autorités ».

II.                Contexte

[2]               La question déterminante était la pratique présumée du Falun Gong par M. He en Chine et au Canada.

[3]               La contestation du contrôle judiciaire par M. He repose sur le fait que la SAR a, selon lui, dérogé aux principes de justice naturelle en n’indiquant pas que la connaissance du Falun Gong faisait partie de la question en litige. Le deuxième argument qui m’est présenté est que la SAR a fait preuve d’un zèle excessif dans son évaluation des connaissances de M. He au sujet du Falun Gong.

[4]               M. He s’appuie sur la présomption de vérité lorsqu’un demandeur d’asile affirme la véracité d’un fait (Maldonado c. Canada (Emploi et Immigration), [1980] 2 CF 302 (CAF), p. 305). Il a présenté des exemples où il a l’impression que la SAR a ignoré son témoignage sous serment et émis des hypothèses dans ses conclusions. De même, M. He affirme que la SAR n’a pas dûment examiné ses explications relatives aux incohérences.

III.             Questions en litige

[5]               Les questions que je dois trancher sont à savoir si la décision de la SAR était raisonnable et si M. He devait être avisé que ses connaissances du Falun Gong seraient une question examinée par la SAR.

IV.             Norme de contrôle

[6]               La Cour d’appel fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93 [Huruglica], a indiqué que la SAR doit faire sa propre évaluation des éléments de preuve et tirer ses propres conclusions. La SAR doit appliquer une norme de contrôle de la décision correcte, mais peut également s’en remettre aux conclusions de la SPR en matière de crédibilité lorsque la SPR jouit d’un avantage certain. Notre Cour doit examiner la décision de la SAR en fonction de la norme de la décision raisonnable.

V.                Analyse

[7]               Brièvement, en octobre 2014, la voisine de M. He, Mme Liu, l’a initié au Falun Gong. M. He était attristé par la mort de ses parents il y a plusieurs années déjà. Il a fait du Falun Gong avec Mme Liu et son mari jusqu’en mars 2015. M. He a expliqué qu’à ce moment, Mme Liu a reçu une visite d’un agent du comité de quartier. L’agent a mentionné à Mme Liu que la pratique du Falun Gong était une infraction punissable et que le Bureau de la sécurité publique enquêterait sur les adeptes soupçonnés. M. He n’a jamais été approché par le Bureau de la sécurité publique ou l’agent du comité de quartier. Par conséquent, M. He a cessé la pratique du Falun Gong.

[8]               M. He a pris contact avec un agent qui lui a indiqué qu’il pourrait l’aider à entrer à Toronto en passant par les États-Unis et Vancouver. M. He, avec l’aide de l’agent, a présenté sans succès une demande de visa pour les États-Unis en avril 2015 en utilisant des documents falsifiés. L’agent de M. He a ensuite présenté une deuxième demande en son nom, laquelle a été acceptée en juillet 2015. La tante de M. He a payé l’agent pour qu’il accompagne M. He pendant son voyage.

[9]               M. He est arrivé au Canada en août 2015 et il a présenté une demande d’asile. Il a repris sa pratique du Falun Gong et a acheté un texte de référence (le Zhuan Falun) traitant de cette pratique.

A.                Avis de connaissance du Falun Gong

[10]           L’avocat de M. He l’a représenté devant la SPR et la SAR. Il soutient qu’il ne pouvait pas savoir que la SAR se concentrerait sur la connaissance de M. He au sujet du Falun Gong étant donné la conclusion positive de la SPR sur cette question. Par conséquent, les documents de M. He pour la SAR n’abordaient pas cette question.

[11]           Le présent appel devant la SAR a formé une partie du projet pilote où une transcription et un cédérom de l’audience de la SPR ont été fournis à la SAR et à l’avocat. La SAR étant dans une position pour faire sa propre évaluation des éléments de preuve comme lui avait demandé la Cour d’appel fédérale dans Huruglica, ci-dessus.

[12]           Je ne suis pas d’accord pour dire que la SAR devait aviser spécifiquement M. He que sa connaissance du Falun Gong serait en cause. La détermination à savoir si M. He était un adepte du Falun Gong était l’élément central de sa demande d’asile. Un examen de la transcription et du dossier de la SPR révèle qu’il ne fait aucun doute que sa connaissance du Falun Gong serait en cause. Contrairement à la position de M. He, la SPR a conclu qu’il n’a pas démontré une pratique sincère. La SPR a constaté qu’il pouvait seulement répondre à des questions de base en nommant les cinq exercices et en donnant quelques renseignements sur les enseignements du Falun Gong. Cette conclusion par la SPR aurait dû indiquer à M. He que la SAR tirerait sa propre conclusion sur sa connaissance du Falun Gong au même titre que la SAR l’a fait pour d’autres conclusions du SPR. On ne peut pas prétendre que sa connaissance du Falun Gong est une nouvelle question. N’étant pas une nouvelle question, il était raisonnable pour M. He de prévoir que cette question serait soulevée devant la SAR.

B.                 Zèle excessif autour du dogme religieux

[13]           La deuxième partie de l’argument présenté par M. He est que la SAR a fait preuve d’un zèle excessif dans son examen de sa connaissance du Falun Gong (Chen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 510, au paragraphe 66). La détermination de la SAR est particulièrement déraisonnable étant donné la courte durée de pratique de M. He, son âge et le fait qu’il n’a pas réussi à mettre la main sur des livres sur le Falun Gong avant son arrivée au Canada.

[14]           Il n’a pas été contesté par la SAR ou le défendeur que M. He possède une connaissance sommaire du Falun Gong. La SAR a reconnu qu’il faut faire preuve de prudence lors de l’utilisation de la connaissance, ou de l’absence de connaissance, pour la détermination des croyances religieuses du demandeur.

[15]           La Cour fait preuve de cohérence en maintenant qu’il ne devrait pas y avoir un examen microscopique des connaissances religieuses du demandeur (Huang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 346). La question de savoir s’il y a eu un examen microscopique est surtout une détermination factuelle fondée sur la transcription et les motifs.

[16]           Il ne s’agit pas ici d’un tel cas, alors que la SAR exigeait un niveau de connaissance supérieur du Falun Gong que ce qui était raisonnable. Ils ont reconnu qu’il y avait une interdiction visant le Zhuan Falun en Chine et M. He a eu accès au texte pendant moins de quatre mois avant l’audience de la SPR. Ils ont effectué une analyse des réponses fournies par M. He et de la raison pour laquelle ils ont conclu qu’il n’était pas sincère dans sa croyance religieuse. La SAR a conclu, à partir de la preuve à sa disposition, que M. He a seulement pratiqué le Falun Gong pour appuyer sa demande d’asile.

[17]           Après un examen minutieux de la transcription, je ne suis pas d’avis qu’il s’agit d’un cas où le décideur a fait preuve d’un zèle excessif ou microscopique lors de son évaluation de la connaissance du Falun Gong que possède M. He. En fait, c’est M. He qui a demandé à la Cour de faire ce type d’analyse lorsqu’il a comparé des passages de la transcription avec les éléments de preuve documentaire afin de démontrer la cohérence de ses réponses.

[18]           La SAR est parvenue à la décision raisonnable, lorsque l’ensemble du dossier est examiné, que la pratique du Falun Gong par M. He n’est pas sincère. J’ai tiré cette conclusion en tenant compte de la mise en garde formulée dans Lin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 288, et de la norme peu rigoureuse imposée aux demandeurs d’asile pour démontrer leur croyance religieuse.

C.                 Erreurs factuelles

[19]           Le dernier argument que M. He a fourni est que la SAR n’a pas été raisonnable dans son évaluation de la preuve. Les arguments présentés lors de l’audience étaient longs et détaillés au sujet des éléments de preuve, de leur suffisance et de leur traitement par la SAR.

[20]           M. He a fait valoir que la SPR n’a tiré que deux conclusions défavorables sur la crédibilité : 1) au sujet de la capacité d’entrer au Canada en traversant le parc Peace Arch; 2) qu’il a abandonné son passeport à Toronto puisqu’il « pensait qu’il n’était plus nécessaire ». Depuis que la SAR a renversé ces deux conclusions défavorables et que la SPR a conclu que sa connaissance du Falun Gong est suffisante, M. He prétend que la SAR a maintenu une décision non étayée de la SPR.

[21]           Cet argument n’est pas retenu puisque M. He exagère ce que la SAR et la SPR ont actuellement statué. Pour ce qui est des conclusions relatives à son entrée au Canada, la SAR a conclu [traduction] « …qu’il y a une possibilité, si mince soit-elle, que le demandeur soit entré au Canada de la façon alléguée. Toutefois, cette entrée au Canada n’est pas la question déterminante de la présente demande. » Relativement au passeport, la SAR [traduction] « n’a tiré aucune conclusion sur le fait que le demandeur a remis son passeport au passeur ». La SPR n’a pas rejeté le récit du demandeur en se fondant sur cette conclusion comme le prétend ce dernier. Par contre, la SAR a conclu que [traduction] « cette question n’était pas déterminante dans la présente demande ». Ce qui était déterminant est la conclusion selon laquelle M. He pratique le Falun Gong uniquement pour appuyer sa demande d’asile.

[22]           Les conclusions de fait de la SPR appellent une certaine retenue. Je ne peux pas apprécier de nouveau la preuve ou tirer des conclusions de fait différentes à l’égard du contrôle judiciaire. Je conclus que la SAR a examiné adéquatement les éléments de preuve à sa disposition, et qu’elle a raisonnablement conclu que M. He a acquis ses connaissances du Falun Gong après son arrivée au Canada [traduction] » afin d’appuyer une demande d’asile frauduleuse » (Meng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 365, au paragraphe 27).

[23]           La Cour doit examiner la conclusion de la SAR selon la norme de la décision raisonnable et je conclus que la décision, dans son ensemble, est raisonnable. Le décideur a examiné tous les éléments de preuve et les observations de M. He et a rendu une décision qui appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[24]           Aucune question de certification n’a été proposée et aucune ne se pose. Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

« Glennys L. McVeigh »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1115-16

INTITULÉ :

WEI HE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 octobre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCVEIGH

DATE DES MOTIFS :

Le 27 octobre 2016

COMPARUTIONS :

Mark Rosenblatt

Pour le demandeur

Rachel Hepburn Craig

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mark Rosenblatt

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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