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Date : 20161108


Dossier : IMM-1372-16

Référence : 2016 CF 1245

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Alan Diner

ENTRE :

CHUN YIP MA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’un contrôle judiciaire, aux termes du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), d’une décision rendue le 7 mars 2016 par la Section d’appel de l’immigration (SAI ou Tribunal) concluant qu’elle n’avait pas la compétence d’entendre l’appel du demandeur au sujet d’une mesure de renvoi à son endroit en vertu de l’article 64 de la Loi (la décision).

[2]               La question clé soulevée en l’espèce est de savoir si le Tribunal a commis une erreur en concluant que l’ordonnance de sursis de neuf mois du demandeur était « une peine d’emprisonnement d’au moins six mois » conformément au paragraphe 64(2) de la Loi, signifiant que le demandeur a perdu ses droits d’appel à la SAI pour cause de grande criminalité.

I.                        Contexte

[3]               Le demandeur, Chun Yip Ma, est né à Hong Kong en 1981 et il est un citoyen de la République populaire de Chine. Il est arrivé en tant que résident permanent du Canada en 1994 à l’âge de 13 ans. Son fils de sept ans, son épouse et sa famille élargie vivent maintenant au Canada.

[4]               En 2003, le demandeur a été condamné pour trafic de cocaïne contrevenant ainsi au paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19. Il a été condamné à une ordonnance de sursis de neuf mois. En 2004, un rapport a été rédigé en vertu de l’article 44 de la Loi pour cette interdiction de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)a) et il a reçu une « lettre d’avertissement sévère » indiquant qu’une participation à toute autre activité criminelle pourrait se traduire par son renvoi du Canada.

[5]               En 2010, le demandeur a été condamné pour conduite pendant une période d’interdiction contrevenant ainsi au paragraphe 95(1) de la Motor Vehicle Act, RSBC 1996, ch. 318 de la Colombie-Britannique (en anglais seulement). Il a reçu une ordonnance de sursis de cinq mois et une probation d’un an. Le 4 septembre 2014, il a été condamné de vol d’identité en vertu du paragraphe 402.2(1) du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46. Il a reçu une ordonnance de sursis de neuf mois et une probation d’un an.

[6]               C’est après cette condamnation qu’un deuxième rapport en vertu de l’article 44 a été rédigé pour sa condamnation de 2003. Une audience sur l’interdiction de territoire a eu lieu le 26 février 2015 et le demandeur a été déclaré interdit de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)a) pour avoir été condamné pour une infraction passible d’une peine maximale de dix ans à l’égard d’une condamnation de 2003. Une ordonnance d’expulsion a été émise contre lui.

[7]               Le demandeur a interjeté appel auprès de la SAI le 26 février 2015. La SAI a demandé des avis afin de déterminer si elle avait la compétence d’entendre l’appel en vertu de l’article 64 de la Loi.

[8]               Le 30 octobre 2015, la Cour d’appel fédérale a publié l’arrêt Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Tran, 2015 CAF 237 [Tran CAF], qui a conclu qu’une ordonnance de sursis pourrait être interprétée comme une « peine d’emprisonnement » pour l’application de l’alinéa 36(1)a) de la Loi.

[9]               Le 7 mars 2016, la SAI a décidé qu’elle n’avait pas la compétence pour entendre l’appel du demandeur. La SAI a conclu qu’elle était [traduction] « liée en l’espèce par notre système de common law et, plus précisément, par la décision récente de la Cour » (Décision au paragraphe 8, faisant référence à l’arrêt Shehzad c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 80 [Shehzad]). Le Tribunal a conclu que les arrêts Tran CAF et Shehzad étaient identiques pour les points pertinents, la seule différence étant la durée des ordonnances de sursis – une différence qui a rendu les affaires « nettement différentes » (Décision au paragraphe 8).

[10]           La SAI a ensuite résumé l’arrêt Shehzad et cité les trois paragraphes clés suivants :

Dans sa décision, la SAI a examiné les courants jurisprudentiels alors contradictoires, et a suivi celui qui lui paraissait le mieux convenir à la présente affaire. La SAI a estimé qu’une peine d’emprisonnement d’un an avec sursis était un emprisonnement de plus de six mois et a conclu, en vertu du paragraphe 64(2) de la LIPR, qu’elle n’était pas compétente pour instruire l’appel visant la mesure de renvoi.

Compte tenu de la récente décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Tran, précité, la décision de la SAI est raisonnable.

Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

(Shehzad aux paragraphes 17 à 19).

[11]           La SAI a conclu qu’elle était liée par l’arrêt Shehzad en ce qu’elle n’avait pas la compétence en matière d’appel, et a donc rejeté l’appel (Décision aux paragraphes 11 à 13).

II.                Questions en litige

[12]           Le demandeur soulève deux questions de fond en l’espèce, autre que la norme de contrôle applicable (laquelle fait l’objet d’une discussion dans la section Analyse ci-dessous) :

(i)     savoir si le Tribunal a commis une erreur en concluant qu’il était lié par l’arrêt Shehzad, plutôt que d’examiner en détail si une ordonnance de sursis constituait une peine d’emprisonnement en l’espèce, d’après les motifs de l’arrêt Tran CAF;

(ii)   savoir si le Tribunal a commis une erreur en omettant de tenir compte de facteurs importants, incluant que la condamnation datait de 2003, et qu’elle n’aurait pas pu se traduire par la perte du droit d’appel avant que la loi soit modifiée en 2012.

[13]           Ces deux questions peuvent être regroupées en une seule : est-ce que la SAI a entravé son pouvoir discrétionnaire en concluant qu’elle est liée par l’arrêt Shehzad, omettant ainsi d’effectuer une évaluation indépendante des faits et du droit?

III.                  Analyse

[14]           Un tribunal administratif ne peut pas utiliser une décision précédente pour entraver son pouvoir discrétionnaire (Hopedale Developments Ltd v Oakville (Town) (1965), 47 DLR (2d) 482 (ONCA) au paragraphe 486, cité dans Bell Canada c. Canada (Procureur général), 2011 CF 1120 aux paragraphes 88 et 89). Bien qu’il puisse se fier à des décisions antérieures, il doit « écouter très attentivement et accorder toute son attention à l’ensemble du problème devant lui ». Tel que cela est affirmé dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 24, « [u]ne décision résultant d’une entrave au pouvoir discrétionnaire doit en soi être déraisonnable ».

[15]           Autrement dit, l’entrave au pouvoir discrétionnaire est une erreur susceptible de révision selon la norme de contrôle de la décision correcte ou de la décision raisonnable; cela se traduira par l’annulation de la décision, peu importe la norme de contrôle appliquée (Gordon c. Canada (Procureur général), 2016 CF 643, aux paragraphes 27 et 28).

[16]           Consulter l’arrêt Shehzad était certainement justifiable, mais cela n’était qu’une partie de la tâche de la SAI dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. La SAI a omis une autre partie de sa tâche, notamment celle d’examiner les faits et les circonstances en l’espèce, ne serait-ce que superficiellement. Plutôt, le Tribunal a simplement adopté la décision antérieure de l’arrêt Shehzad, sans examiner les faits sous-jacents ou les circonstances du demandeur. Le Tribunal a déraisonnablement omis de se pencher sur les faits qui sous-tendent l’ordonnance de sursis de 2003 du demandeur, et de les appliquer au texte législatif, même de façon minimale, comme il lui incombait selon la décision de la juge Gauthier dans l’arrêt Tran CAF, de même que la décision de la juge en chef McLachlin dans l’arrêt Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68.

[17]           Premièrement, dans l’arrêt Tran CAF, la juge Gauthier a fait remarquer que la SAI avait un pouvoir discrétionnaire dans ces affaires, lorsqu’elle a soulevé la notion de « souplesse » lorsqu’elle a décidé si une ordonnance de sursis constitue une peine d’emprisonnement de plus de six mois :

Évidemment, la retenue due à l’égard des décideurs administratifs vise en partie à leur accorder la souplesse dont ils ont besoin pour s’adapter aux nouveaux arguments et aux nouvelles circonstances. La SI et la SAI sont donc évidemment libres d’adopter une autre interprétation si elles croient que c’est ce qu’elles doivent faire en réponse aux conséquences contradictoires décrites ci‑dessus.

Tran CAF au paragraphe 87 [non souligné dans l’original].

[18]           Deuxièmement, dans sa décision majoritaire dans l’arrêt Febles c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CSC 68, la juge en chef McLachlin a également fait allusion à un ensemble de possibilités dans le contexte des résultats de la détermination de la peine. Bien que l’arrêt Febles ait traité des éléments différents dans l’intersection entre l’immigration et le droit criminel, les propos de la juge en chef sont néanmoins instructifs pour démontrer que dans le contexte de l’exclusion (alinéa 1Fb)), les évaluations d’un crime grave en vertu du droit de l’immigration peuvent dépendre de la nature de la peine infligée. Ces propos sont mis en évidence ci-dessous :

Dans les arrêts Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 390 (C.A.), et Jayasekara, la Cour d’appel fédérale s’est dite d’avis que le crime est généralement considéré comme grave lorsqu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été commis au Canada. C’est aussi mon avis. Toutefois, il ne faut pas voir dans cette généralisation une présomption rigide qu’il est impossible de réfuter. Lorsqu’une disposition du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-46, prévoit un large éventail de peines, qui vont d’une peine relativement légère jusqu’à une peine d’au moins dix ans d’emprisonnement, on ne saurait exclure de façon présomptive un demandeur qui serait condamné au Canada à une peine parmi les plus légères. L’article 1Fb) vise à n’exclure que les personnes qui ont commis des crimes graves. Le HCR a indiqué qu’une présomption de crime grave pourrait découler de la preuve de la perpétration des infractions suivantes : l’homicide, le viol, l’attentat à la pudeur d’un enfant, les coups et blessures, le crime d’incendie, le trafic de drogues et le vol qualifié (Goodwin-Gill et McAdams, p. 179). Il s’agit là d’exemples valables de crimes suffisamment graves pour justifier de façon présomptive l’exclusion de la protection offerte aux réfugiés. Toutefois, je le rappelle, la présomption peut être réfutée dans un cas donné. Toutefois, je le rappelle, la présomption peut être réfutée dans un cas donné. Le fait qu’une peine maximale d’au moins dix ans d’emprisonnement aurait pu être infligée si le crime avait été perpétré au Canada s’avère un guide utile, et les crimes qui, au Canada, rendent leur auteur passible d’une peine maximale d’au moins dix ans seront en général suffisamment graves pour justifier l’exclusion, mais il ne faudrait pas appliquer la règle des dix ans machinalement, sans tenir compte du contexte ou de manière injuste.

Febles au paragraphe 62.

[19]           Dans une autre affaire récente, incidemment du même nom, Tran c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1065 [Tran 2016], le juge Shore de notre Cour a suivi cette remarque de l’arrêt Tran CAF, concluant que le raisonnement sous-jacent au pouvoir discrétionnaire doit être suffisant (au paragraphe 23) :

En l’espèce, bien que la SAI n’ait pas l’obligation d’interpréter différemment cette disposition, ses décideurs doivent tout de même motiver suffisamment leurs décisions.

[20]           Bien que le juge Shore ait présenté l’arrêt Tran 2016 comme étant au sujet de la suffisance des motifs, il dépend de la SAI entravant son pouvoir discrétionnaire. L’essentiel, selon le juge Shore, était que la SAI devait examiner les faits qui lui ont été présentés avant de pouvoir exercer correctement son pouvoir discrétionnaire :

Il aurait été essentiel que la SAI étudie le cas spécifique de la demanderesse et motive suffisamment sa décision afin de respecter l’équité procédurale.

Tran 2016 au paragraphe 25.

[21]           Dans l’arrêt Tran CAF, bien qu’elle détermine finalement que la conclusion du décideur au sujet de l’ordonnance de sursis en tant que peine d’emprisonnement était une issue raisonnable, la CAF mentionne un exemple des circonstances incohérentes auquel le renvoi au paragraphe 87 ci-dessus fait référence, notamment « le fait de considérer que la LIPR traite plus sévèrement une peine de sept mois de prison avec sursis qu’une incarcération de cinq mois ». (Tran CAF au paragraphe 81). C’est pourquoi la juge Gauthier a conclu que d’autres interprétations d’une ordonnance de sursis étaient possibles.

[22]           Pour en revenir à l’arrêt Tran 2016, il suggère, dans un même ordre d’idée, qu’afin de bien exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 64(2) de la Loi, la SAI doit examiner si l’ordonnance de sursis infligée par la cour criminelle peut raisonnablement être interprétée comme étant « une peine d’emprisonnement d’au moins six mois ou celle décrite à l’alinéa 36(1)b) ou c) ». À cet égard, dans l’arrêt Tran 2016, le juge Shore ne s’est pas uniquement fié à l’arrêt Tran CAF, mais également à l’arrêt Febles. De même, en l’espèce, la SAI a commis une erreur en appliquant aveuglément le résultat de l’arrêt Shehzad sans tenir compte des faits de l’affaire dont elle est saisie, incluant de savoir si l’ordonnance de sursis constituait la peine d’emprisonnement requise. Faire cela a mené à une entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[23]           Le défendeur, dans des observations après l’audience qui ont tenu compte des arrêts Tran 2016 et Flore c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1098 [Flore], un autre cas très récent de notre Cour, a affirmé que la conclusion de la SAI en l’espèce était tout à fait raisonnable. Dans l’arrêt Flore aux paragraphes 30 et 31, la juge Tremblay-Lamer a rejeté qu’il était nécessaire de tenir compte de facteurs d’ordre humanitaire :

[traduction] Le demandeur soutient de plus que la SAI n’a pas tenu compte des considérations humanitaires en jeu et qu’elle ne lui a pas permis de faire valoir son point de vue quant à la gravité des infractions criminelles qui lui sont reprochées. Je ne suis pas d’accord.

La gravité des infractions criminelles n’a eu aucune incidence sur la décision de la SAI de ne pas faire droit à l’appel du demandeur au titre du paragraphe 64(2) de la LIPR, qui dispose expressément que la criminalité grave – l’élément déclencheur de la privation du droit d’appel en vertu du paragraphe 64(1) – englobe toute infraction sanctionnée par un emprisonnement d’au moins six mois. La conclusion essentielle était qu’une ordonnance de sursis équivalait à une peine d’emprisonnement. Je suis d’accord avec le défendeur que la perte du droit d’interjeter appel auprès de la SAI va de pair avec la perte de la possibilité que le tribunal examine les considérations d’ordre humanitaire, conformément au critère législatif objectif qui n’englobe pas l’examen des circonstances personnelles.

[24]           Toutefois, il y a une distinction fondamentale entre le processus de la SAI pour prendre une décision dans l’arrêt Flore, et en l’espèce. Dans l’arrêt Flore, la SAI a invité les parties à formuler de « nouvelles observations » fondées sur l’arrêt Tran CAF. La SAI a abordé ces observations et décidé, uniquement après les avoir examinées, que l’ordonnance de sursis de 18 mois était une peine d’emprisonnement de plus de six mois aux fins du paragraphe 64(2), excluant donc les droits d’appel. Tout cela a été examiné selon la norme de la décision raisonnable par la juge Tremblay-Lamer.

[25]           En l’espèce, la SAI a choisi de ne pas analyser les faits sous-jacents. Plutôt, le Tribunal a simplement mentionné qu’il était lié par la common law et l’arrêt Shehzad. Il s’agit d’une approche inappropriée. Comme il a été expliqué précédemment, chaque cas où il y a une ordonnance de sursis doit être évalué individuellement. Si cela n’avait pas été le cas, l’arrêt Tran CAF n’aurait pas conclu (comme mentionné ci-dessous conformément au paragraphe 87) qu’il peut y avoir d’autres interprétations défendables de la question de l’équivalence de l’ordonnance de sursis, et il est donc loisible à la SAI d’adopter une autre interprétation si elle croit que cela est justifié par des « conséquences contradictoires ».

[26]            En bref, après l’arrêt Tran (CAF), le Tribunal doit faire plus que simplement appliquer l’ordonnance de sursis d’une affaire précédente sans faire allusion au contexte factuel ou aux circonstances de l’affaire dont il est saisi. En effet, en l’espèce, la condamnation et l’ordonnance de sursis résultante ont été prononcées il y a près de 15 ans. À cette époque, il n’y aurait pas eu une perte des droits d’appel en raison du texte législatif en vigueur à ce moment; les modifications apportées par la SAI l’ont été dix ans après la condamnation.

[27]           De plus, le demandeur a fourni des observations détaillées justifiant pourquoi une perte des droits d’appel à la SAI pour l’infraction de 2003 et l’ordonnance de sursis serait « incohérente et absurde » (Dossier certifié du tribunal aux paragraphes 62 à 84). En omettant d’utiliser de façon significative ces observations, ou autrement les faits sous-jacents et les circonstances, mais en appliquant simplement l’arrêt Shehzad, la SAI a entravé son pouvoir discrétionnaire, et ce faisant, a commis le même vice fondamental que dans l’arrêt Tran 2016.

IV.                  Question proposée aux fins de certification

[28]           Le demandeur a proposé les trois questions suivantes :

  1. Une ordonnance de sursis imposée en vertu du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, représente-t-elle une « peine d’emprisonnement » au sens du paragraphe 64(2) de la LIPR si la norme de contrôle de la décision correcte est appliquée?
  2. Est-ce que la Section d’appel de l’immigration est juridiquement liée par une décision de la Cour fédérale, laquelle a maintenu une autre décision de la SAI sur la même question en se fondant sur la norme de la décision raisonnable (c.-à-d., n’a-t-elle pas alors un pouvoir discrétionnaire), notamment lorsque la Cour d’appel fédérale a mentionné « qu’il peut y avoir d’autres interprétations défendables »?
  3. Lorsque la Section d’appel de l’immigration a déterminé qu’elle n’a pas compétence sur un appel selon son interprétation d’une peine à l’article 64 de la LIPR (dans le présent cas, « peine d’emprisonnement »), ne s’agit-il pas d’une question de compétence véritable susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte?

[29]           Ces questions, toutes fondées sur une norme de contrôle, ne sont pas décisives pour les motifs que j’ai fournis ci-dessus, et ne seront donc pas certifiées.

V.                     Conclusion

[30]           À la lumière de ce qui précède, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire sera renvoyée pour réexamen à un décideur différent, à condition qu’il soit disponible.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire sera renvoyée pour réexamen à un décideur différent, à condition qu’il soit disponible.

2.      Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

3.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan Diner »

Juge


Annexe A : Cadre législatif

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Grande criminalité

36(1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé; […]

Immigration and Refugee Protection Act SC 2001, c 27

Serious criminality

36(1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed; […]

Restriction du droit d’appel

64(1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant.

No appeal for inadmissibility

64(1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

Grande criminalité

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité vise, d’une part, l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins six mois et, d’autre part, les faits visés aux alinéas 36(1)b) et c).

Serious criminality

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least six months or that is described in paragraph 36(1)(b) or (c).


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1372-16

INTITULÉ :

CHUN YIP MA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 AOÛT 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Diner

DATE DES MOTIFS :

Le 8 novembre 2016

COMPARUTIONS :

Erica Olmstead

Pour le demandeur

Mark E. W. East

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Erica Olmstead

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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