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Date : 20161130


Dossier : IMM-2838-16

Référence : 2016 CF 1330

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 30 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

JOSE RIGOBERTO DINARTES

(AUSSI CONNU SOUS LE NOM DE JOSE RIGOBERTO DINARTE)

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur est un citoyen d’El Salvador dont la demande d’asile liée à la violence des gangs a été refusée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) dans une décision datée du 3 mars 2016. Le rejet était fondé sur la conclusion de la SPR voulant que la demande du demandeur n’avait aucun fondement crédible en raison d’une conclusion défavorable sur la crédibilité relativement à la preuve de son identité, puisqu’il n’a pas réussi à établir son identité. Dans le dossier présenté à la SPR, il y a des éléments de preuve indiquant que puisque la sœur du demandeur, Mme Iris Dinarte, est à risque de violence des gangs, le demandeur le serait également. Toutefois, puisque le demandeur n’a pas réussi à établir son identité, la SPR n’a pas effectué une évaluation de la possibilité que le demandeur soit à risque conformément à l’article 97 de la LIPR s’il devait retourner à El Salvador.

[2]  Le 29 mars 2016, le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SPR. Le 30 mars, une mesure de renvoi est entrée en vigueur et s’est traduite par la planification du renvoi du demandeur du Canada le 25 avril. Le renvoi en instance du demandeur s’est traduit par une série de reports et litiges relativement au contrôle judiciaire. Le 16 juin, le litige a été résolu par un accord entre l’avocat du demandeur et le défendeur voulant que l’élément de preuve relatif au risque encouru par le demandeur s’il devait retourner à El Salvador serait présenté à un agent de report (l’agent) pour examen en vertu du Bulletin opérationnel PRG-2014-22 du demandeur (le bulletin).

[3]  Le Bulletin établit la procédure suivante :

[traduction] Le processus suivant doit être utilisé lorsqu’un agent d’exécution de la loi a déterminé, dans le cadre d’une demande de report du renvoi, que les nouvelles allégations de risque soulevées par un étranger répondent au critère établi par la Cour d’appel fédérale dans les décisions de Baron (2009) et Shpati (2011). L’étranger doit faire l’objet d’une mesure de renvoi exécutoire suivant le rejet ou le retrait d’une demande d’asile ou d’une demande de protection […]

[…]

Dans l’affaire Shpati, la Cour d’appel fédérale a confirmé que l’exécution d’une mesure de renvoi ne devrait être reportée que dans les circonstances suivantes :

-   le défaut de reporter le renvoi exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain;

-   les risques invoqués doivent être survenus depuis le prononcé de la décision d’Examen des risques avant renvoi (ERAR) (ou depuis le dernier examen des risques);

-   les risques allégués exposent le demandeur à un préjudice personnel grave en cas de renvoi.

[…]

Remarque : L’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs ne doit PAS procéder à un examen complet du risque allégué ni arriver à une conclusion quant à savoir si la personne est à risque. L’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs est chargé [traduction] « d’examiner les éléments de preuve qui lui ont été soumis lorsqu’il y a des allégations selon lesquelles le demandeur sera exposé à un risque si la mesure de renvoi est exécutée ».

Dans les circonstances où un agent conclut qu’un report temporaire du renvoi est justifié, les étapes suivantes doivent être suivies :

Mesures à prendre :

Étape 1 : À l’aide du modèle de lettre joint, l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs prépare et envoie l’avis au demandeur principal stipulant notamment, à la lumière des allégations de risque mentionnées : (i) le renvoi a été temporairement reporté, (ii) le dossier sera porté à l’attention de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) pour un examen possible en vertu de l’article 25.1 de la LIPR, (iii) le renvoi peut être reporté conformément à la loi, et (iv) aucune mesure n’est requise de la part du demandeur principal jusqu’à ce que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) l’avise de la date à laquelle se présenter à un bureau de l’ASFC.

[…]

(Dossier certifié du tribunal, p.52 - 53)

[4]  La décision faisant l’objet du présent contrôle est le résultat de l’application du bulletin par l’agent. Les passages suivants de la décision de l’agent décrivent le processus décisionnel faisant l’objet du contrôle :

[traduction] Selon la demande de report, l’avocat prétend que le risque pour M. Dinartes n’a jamais été évalué par un organisme compétent au Canada et que les nouveaux éléments de preuve inclus dans la demande de report établissent que le renvoi de M. Dinartes l’exposerait à un danger de mort, à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain. Le report du renvoi est donc demandé en tenant pour acquis qu’une nouvelle évaluation, comme l’indique le bulletin opérationnel de l’ASFC, PRG-2014-22 devrait être appliqué dans le cas de M. Dinartes.

[…]

[traduction] Dans le cadre d’une demande de report du renvoi, mon pouvoir discrétionnaire restreint est centré sur des éléments de preuve nouveaux et convaincants d’un préjudice plausible résultant de l’exécution de la mesure de renvoi tel que prévu. Ma décision est un exercice par écrit de mon pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi; elle ne devrait pas être interprétée comme une évaluation des risques accessoires. Je ne possède pas l’autorité déléguée d’effectuer des évaluations du risque. Je suis chargé d’évaluer si de nouveaux éléments de preuve convaincants pour justifier le report du renvoi de M. Dinartes ont été présentés et doivent faire l’objet d’un examen plus approfondi des risques.

[…]

[Non souligné dans l’original.]

(Décision, p. 2)

[5]  Une utilisation habituelle du bulletin suppose qu’un examen des risques a été effectué et qu’aucun risque n’a été identifié. Par conséquent, il importe généralement de déterminer si de nouveaux éléments de preuve à l’égard de risques justifient un report. Toutefois, en l’espèce, puisqu’un examen des risques n’avait pas été effectué par la SPR, l’agent devait évaluer si tous les éléments de preuve à l’égard de risques, soit les éléments de preuve dans le dossier présenté à la SPR, ainsi que les « nouveaux » éléments de preuve présentés, justifient un report.

[6]  Cependant, l’objectif de l’examen de l’agent touchait uniquement les nouveaux éléments de preuve présentés. Je juge que ce résultat est dû à une erreur de fait : la SPR a effectué un examen des risques et aucun risque n’a été identifié.

[7]  En raison de cette erreur, je conclus que la décision de l’agent est déraisonnable.


JUGEMENT

LA COUR infirme la décision à l’examen, et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un autre décideur conformément aux motifs dans les présentes.

« Douglas R. Campbell »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2838-16

INTITULÉ :

JOSE RIGOBERTO DINARTES (AUSSI CONNU SOUS LE NOM DE JOSE RIGOBERTO DINARTE) c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 novembre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 30 novembre 2016

COMPARUTIONS :

Benjamin Liston

Pour le demandeur

Bradley Gotkin

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Benjamin Liston

Avocat

Bureau du droit des réfugiés

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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