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Date : 20160902

Dossiers : T-1947-13

T-1997-14

T-942-15

Référence : 2016 CF 994

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 2 septembre 2016

En présence de monsieur le protonotaire Roger R. Lafrenière

Dossier : T-1947-13

ENTRE :

LA NATION CRIE D’ENOCH

REPRÉSENTÉE PAR

LE CHEF RON VINCENT MORIN ET

LYLE MORIN, NOLA WANUCH,

JOHN THOMAS FILS, BILLY MORIN,

LORNA MORIN, LORNE MORIN,

KELLY MORIN, WAYNE MORIN ET SHANE MORIN, CONSEILLERS DE BANDE AGISSANT EN LEUR PROPRE NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION CRIE D’ENOCH

requérants

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LE MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES

ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD CANADIEN,

LE MINISTRE DES TRANSPORTS,

LE MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT,

PARKLAND AIRPORT DEVELOPMENT

CORPORATION, CPL6 HOLDINGS LTD.,

ROBERT GILGEN, SILKE GILGEN, AARON SOOS ET LA BANQUE ROYALE DU CANADA

défendeurs

Dossier : T-1997-14

ET ENTRE :

LA NATION CRIE D’ENOCH

REPRÉSENTÉE PAR

LE CHEF RON VINCENT MORIN ET

LYLE MORIN, NOLA WANUCH,

JOHN THOMAS FILS, BILLY MORIN,

LORNA MORIN, LORNE MORIN,

KELLY MORIN, WAYNE MORIN ET SHANE MORIN, CONSEILLERS DE BANDE AGISSANT EN LEUR PROPRE NOM ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA NATION CRIE D’ENOCH

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DES TRANSPORTS,

PARKLAND AIRPORT DEVELOPMENT

CORPORATION, CPL6 HOLDINGS LTD.,

intimés

Dossier : T-942-15

ET ENTRE :

LA NATION CRIE D’ENOCH

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

REPRÉSENTÉE PAR

LE MINISTRE DES TRANSPORTS

ET PARKLAND AIRPORT

DEVELOPMENT CORPORATION

intimés

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

[1]               La présente requête est déposée par Parkland Airport Development Corporation (Parkland), CPL6 Holdings Ltd. (CPL6), Robert Gilgen, Silke Gilgen et Aaron Soos, les intimés dans le dossier de la Cour no T-1947-13, par Parkland et CPL6, défenderesses dans le dossier de la Cour no T-1997-14, et par Parkland, la défenderesse dans le dossier de la Cour no T-942-15; toutes ces parties seront désignées dans les présents motifs par « parties requérantes ». Celles-ci sollicitent une ordonnance déclarant Parlee McLaws LLP (Parlee), y compris M. Edward H. Molstad. c.r., inhabile à agir au nom de la Nation crie d’Enoch (Enoch), principale requérante ou demanderesse dans les trois procédures dont la Cour est saisie, et ce, en raison d’un conflit d’intérêts.

[2]               Ce conflit d’intérêts découlerait du fait que Parlee a représenté Parkland et CPL6 à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta de 2013 à 2015. Selon le principal motif invoqué par les parties requérantes, la représentation d’Enoch constitue pour Parlee un manquement à l’obligation de loyauté envers Parkland et CPL6, anciens clients de Parlee, et est préjudiciable pour la réputation de l’administration de la justice. Selon le second motif invoqué est que Parlee devrait être tenu à l’écart pour éviter le risque d’une utilisation irrégulière de renseignements confidentiels fournis par Parkland et CPL6 à Parlee dans le contexte de leur relation avocat-client et après que Parlee a assuré aux parties requérantes qu’Enoch ne retiendrait pas les services de Parlee dans son litige qui l’oppose à Parkland et à CPL6 en raison du conflit flagrant.

[3]               La requête est contestée par Enoch, le chef Ronald Morin et le conseil de bande, désignés comme requérants dans le dossier de la Cour no T-1947-13 et comme demandeurs dans le dossier de la Cour no T-1997-14 ainsi que par Enoch, demanderesse dans le dossier de la Cour no T‑942‑15.

I.                   Introduction

[4]               Les parties requérantes ont déposé la présente requête le 15 décembre 2015. Pour appuyer leur requête, elles ont déposé les affidavits de M. Ferguson et de M. Robert Gilgen. Pour sa part, Enoch a déposé neuf affidavits en réponse. De plus, les parties ont présenté des documents relatifs aux procédures intentées par Enoch devant la Cour et à la procédure intentée par Parkland et CPL6 devant la Cour du banc de la Reine de l’Alberta, y compris des plaidoiries, des affidavits et des transcriptions.

[5]               Les faits en l’espèce sont plutôt bien documentés et la plupart d’entre eux ne suscitent aucune controverse. En revanche, chaque partie préconise une approche différente de ma part dans l’interprétation des faits pour décider si Parlee a respecté les principes relatifs au conflit d’intérêts. Sans essayer de résumer l’ensemble des très nombreux éléments de preuve que les parties ont déposés, j’établirai uniquement ci-dessous la liste chronologique des faits qui m’ont paru pertinents.

II.                Exposé des faits

[6]               En novembre 2012, Robert Gilgen et M. Soos, le président et le vice-président de Parkland, commencent à explorer la possibilité de créer un aérodrome dans le comté de Parkland (le comté). En décembre 2012, ils se sont réunis pour apprendre ensemble le processus de création d’un aérodrome. Ils ont tous les deux pris connaissance de certains documents, notamment le Manuel d’information aéronautique de Transports Canada et les exigences de la Loi sur l’aéronautique. Ils ont aussi appris que le Canada n’imposait pas de restrictions d’ordre général sur l’aménagement d’un aérodrome.

[7]               Parkland a été constituée en société en février 2013. En août 2013, Parkland a appris que l’aéroport du centre-ville d’Edmonton fermerait le 30 novembre 2013. CPL6 a été constituée en société en août 2013 et a fait l’acquisition d’un terrain pour la création d’un aérodrome.

[8]               Le 17 septembre 2013, M. Rodney Shaigec, maire du comté, a envoyé une lettre au ministre des Transports de l’époque pour lui faire part de ses inquiétudes au sujet du projet d’aérodrome. Une copie de la lettre est envoyée à diverses parties, dont Parkland, le chef Morin et à l’honorable Rona Ambrose, alors députée de la circonscription dans laquelle se trouve la réserve d’Enoch. Le maire Shaigec termine sa lettre par ces mots :

[traduction] 

De plus, le demandeur n’a pas consulté la Première Nation crie d’Enoch, située à environ deux (2) kilomètres à l’est de l’aérodrome envisagé. Comme l’approbation de la demande relève de la Couronne, je suis sûr que Transports Canada consultera la Première Nation crie d’Enoch avant de prendre une décision qui pourrait avoir des conséquences sur leurs droits et leurs titres ancestraux.

[9]               À son tour, le 19 septembre 2013, le chef Morin a envoyé une lettre à Mme Ambrose, en en faisant parvenir une copie au ministre des Transports, au comté et à Parkland, pour l’informer qu’Enoch n’avait pas encore été consultée ni par Transports Canada ni par aucun autre organisme fédéral concernant le projet d’aérodrome. Le chef Morin a indiqué que la construction avait déjà commencé et s’est demandé si une évaluation environnementale du projet avait été effectuée. À la fin de sa lettre, il a affirmé qu’Enoch s’était opposée à ce que d’autres travaux de construction aient lieu avant la tenue d’une consultation avec la Première Nation.

[10]           Le maire Shaigec a envoyé une deuxième lettre au ministre des Transports le 26 septembre 2013 pour demander au gouvernement fédéral de faire modifier la Loi sur l’aéronautique et ses règlements afin de permettre aux municipalités de contribuer de manière significative au processus de demande et de révision. Dans sa lettre, il demande à nouveau à Transports Canada, au nom du comté, de ne pas approuver la demande de Parkland « puisqu’elle n’est pas d’intérêt public. » Parkland et le chef Morin en ont reçu une copie.

III.             Services du cabinet d’avocats Parlee

[11]           Le 18 septembre 2013, le Comté a ordonné l’arrêt des travaux au moyen d’un ordre de cessation immédiate (« stop order ») en application du paragraphe 645(1) de la Municipal Government Act, qui demande à CPL6 de renoncer et mettre fin à tous les travaux de désenrobage et de nivellement au plus tard le 10 octobre 2013.

[12]           Début octobre 2013, Parkland et CPL6 ont retenu les services de M. Fred Laux, c.r., pour agir en leur nom dans le but de faire annuler l’ordre de cessation immédiate et d’autoriser ainsi la reprise des travaux de construction et d’aménagement de l’aérodrome. M. Laux est un avocat du cabinet Shores Jardine LLP et se spécialise en droit relatif aux municipalités et à l’aménagement du territoire. Cependant, en raison de l’urgence de la situation de l’affaire, les services de M. Ian Wachowicz ont été retenus pour aider M. Laux concernant la procédure contentieuse. À l’époque, Ian Wachowicz était associé au sein de Parlee. Les deux avocats travaillaient ensemble à la préparation de documents pour appuyer la demande d’une injonction provisoire ou permanente visant à interdire au comté d’appliquer l’ordre de cessation immédiate. Cela a donné lieu à la procédure contentieuse ayant pris naissance le 7 octobre 2014 devant la Cour du banc de la Reine de l’Alberta, dossier de la Cour no 1303-14319 (la « demande de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta »).

[13]           Robert Gilgen a affirmé que M. Wachowicz a donné un avis juridique portant sur les textes législatifs propres à l’aménagement d’un aérodrome, y compris sur l’enregistrement et l’agrément de l’aérodrome conformément à la Loi sur l’aéronautique. M. Wachowicz soutient, cependant, que le litige portait exclusivement sur la question de savoir si le  comté avait compétence pour réglementer l’aérodrome. Même s’il reconnaît que la Loi sur l’aéronautique a pu être citée dans le mémoire, M. Wachowicz nie avoir donné un avis juridique à Parkland ou à CPL6 portant sur la loi. Selon M. Wachowicz, il s’agissait plutôt dans cet avis de déterminer l’étendue du pouvoir du comté concernant l’aérodrome.

[14]           Le 24 octobre 2013, M. Laux et M. Wachowicz ont fait valoir le bien-fondé de la demande devant le juge R. Paul Belzil, de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, en s’appuyant sur une preuve par affidavit de Robert Gilgen et sur un mémoire écrit déposé au nom de Parkland et de CPL6. Le mémoire écrit décrit le travail accompli par Parkland et CPL6 pour développer et construire l’aérodrome et renvoie aux exigences juridiques visant l’enregistrement et la certification de l’aérodrome. Au paragraphe 5, M. Laux soutient que les installations qui doivent être construites satisfont à la définition du terme « aérodrome » en vertu de la Loi sur l’aéronautique. Au paragraphe 10, il ajoute [traduction] « [q]u’en vertu de la Loi sur l’aéronautique ou de ses règlements aucune forme d’approbation ne doit être obtenue avant d’entreprendre la construction des installations décrites ci-dessus ». Des observations orales allant dans le même sens ont été présentées.

[15]           Le 29 octobre 2013, le juge Belzil a rendu une décision enjoignant le comté à tenter d’appliquer le soi-disant ordre de cessation immédiate : Parkland Airport Development Corporation v Parkland (County), 2013 ABQB 641 (CanLII). Aucun appel n’a été interjeté à l’endroit de cette décision; cependant, Parlee a continué à représenter Parkland et CPL6 jusqu’aux alentours d’août 2015, lorsque la question des dépens de la demande a finalement été réglée par l’associé directeur de Parlee, M. James McGinnis, à la suite du départ de M. Wachowicz de Parlee.

IV.             Procédure judiciaire engagée par Enoch à l’encontre des parties requérantes

[16]           Le 28 novembre 2013, le cabinet d’avocats Willier and Company (qui représentait Enoch à l’époque) a présenté aux avocats des parties requérantes, Lynass Ferguson & Schoctor, la déclaration contenue dans le dossier de la Cour no T-1947-13, ainsi qu’un dossier de requête demandant une injonction à court préavis. En résumé, dans la déclaration, il est allégué que le développement et la construction de l’aérodrome par les défendeurs sont illégaux et constituent un danger ou une menace permanents pour les droits issus de traités d’Enoch, pour les droits ancestraux, pour le mode de vie traditionnel et pour les valeurs culturelles autochtones. Au paragraphe 23, on prétend que les défendeurs ont intentionnellement enfreint les lois canadiennes, en particulier la Loi sur l’aéronautique.

[17]           Le jour précédent, M. Will Willier, de Willier and Company, avait envoyé une lettre à M. Molstad pour le mettre en garde contre la représentation de Parkland par Parlee. La lettre est rédigée comme suit :

[traduction

Veuillez trouver ci-jointe une déclaration qui a été déposée à la Cour fédérale le 26 novembre 2013,

Nous comprenons que Parlee McLaws représente les défendeurs, Parkland Airport Development Corporation, CPL6 Holdings Ltd., et peut-être même Robert Gilgen, Silke Gilgen, et Aaron Soos.

Comme Parlee McLaws agit au nom de la Nation crie d’Enoch, en ce qui concerne des revendications territoriales, y compris dans l’affaire du territoire ancestral de la Nation crie d’Enoch sur lequel il est proposé d’ériger l’aérodrome/l’aéroport dans le comté de Parkland, nous soutenons que Parlee McLaws est en situation de conflit d’intérêts et ne peut plus représenter Parkland Airport Development Corporation.

Nous attendons votre réponse immédiate avec impatience.

[18]           M. Molstad a répondu à M. Willier le 27 novembre 2013 et lui a dit que Parlee ne représenterait pas les défendeurs dans ce différend.

[19]           Ignorant la correspondance échangée entre M. Willier et M. Molstad, M. Richard Ferguson, un associé de Lynass Ferguson & Schoctor, a envoyé les documents de requête et l’acte de procédure accompagnés d’une lettre d’accompagnement à M. Wachowicz le 28 novembre 2013, en demandant si Parlee pouvait représenter les parties requérantes pour la contestation de l’action et la réponse à la requête. Plus tard ce même jour, M. Ferguson a reçu un courriel de M. Wachowicz qui est rédigé comme suit :

[traduction] 

« Je viens de prendre connaissance de votre lettre. Malheureusement, je ne peux pas agir. Enoch est une cliente de Parlee McLaws et, même si la Nation crie d’Enoch n’a pas fait appel à notre cabinet pour cette affaire (de toute évidence en raison du conflit), elle vient de nous envoyer une lettre nous demandant de nous abstenir de représenter l’une ou l’autre des parties à ce différend. Je communiquerai avec vous à ce sujet demain, ainsi qu’au sujet des références concernant l’avocat spécialisé en droit autochtone. »

[20]           M. Wachowicz déclare que, puisqu’il avait informé M. Ferguson qu’Enoch avait demandé à Parlee de ne pas agir au nom de l’[traduction] « une ou l’autre des parties » à ce différend, il faisait erreur. Il a envoyé un autre courriel à M. Ferguson, ainsi qu’une copie conforme à Robert Gilgen, pour l’informer que Parlee était en conflit d’intérêts puisque le cabinet représentait Enoch dans des affaires non liées.

[21]           Les parties requérantes ont par la suite fait appel à Shores Jardine LLP pour assurer leur défense dans le cadre de l’action et de la demande d’injonction.

[22]           Dans l’affidavit qui a été déposé à l’appui de la demande de mesure injonctive, le chef Morin déclare que le conseil de la bande Enoch s’est réuni le 8 novembre 2015 et a adopté une motion visant à présenter sans délai une demande en vue d’empêcher la construction de l’aérodrome/l’aéroport par Parkland et CPL6. Il exprime diverses préoccupations concernant la construction d’un aérodrome à côté de la réserve, notamment les dommages environnementaux généraux et irréparables que cela causerait aux sites archéologiques, culturels et historiques de la Première Nation dans le voisinage immédiat. Le chef Morin ajoute qu’il a également entendu Parkland et CPL6 se vanter que la Loi sur l’aéronautique ou ses règlements ne contenaient aucune obligation pour une partie donnée d’obtenir une forme quelconque d’approbation avant d’entreprendre la construction des installations. Dans son affidavit, le chef Morin décrit les étapes ou exigences qui devraient être intégrées dans le processus de développement d’un aérodrome/aéroport avant que les ministères du gouvernement fédéral n’accordent une quelconque approbation et que la construction proprement dite d’un aérodrome, d’une bande ou d’une piste d’atterrissage ne puisse débuter.

[23]           Le 20 janvier 2014, le juge Michael Phelan a finalement ordonné que la requête en injonction soit rejetée.

[24]           Enoch a par la suite déposé, le 24 octobre 2014, une demande de contrôle judiciaire sous le numéro T-1997-14. À ce moment, Enoch était représenté par Willier and Company. Pour appuyer la demande, le chef Morin a déposé un affidavit réitérant la position d’Enoch voulant que le processus de création de l’aérodrome était illégal. Au début de 2015, on a retenu les services du cabinet Olthuis Kleer Townshend LLP (Olthuis Kleer) pour représenter Enoch dans les dossiers T-1947-13 et T-1997-14.

[25]           Le 4 juin 2015, Enoch a présenté une deuxième demande de contrôle judiciaire, visant cette fois la Couronne et Parkland (T-942-15). Là encore, à ce moment, Enoch était représentée par Willier and Company. Les motifs de recours et les éléments de preuve énoncés dans la deuxième demande chevauchent substantiellement ceux que contenaient les dossiers T-1947-13 et T-1997-14.

[26]           Olthuis Kleer a par la suite présenté une demande en vue de faire rayer son nom de la liste des avocats inscrits aux dossiers T-1947-13 et T-1997-14, et cette demande a été accueillie par voie d’ordonnance datée du 28 octobre 2015.

V.                Conflit d’intérêts signalé

[27]           Le 6 novembre 2015, M. Kirk Lambrecht, avocat des parties requérantes, a reçu un appel de M. Molstad, avocat principal chez Parlee. Selon M. Lambrecht, M. Molstad aurait mentionné que Enoch envisageait de confier à Parlee la défense de la poursuite dans le dossier T-942-15 plutôt qu’à Willier and Company et désirait s’assurer que Parkland ne s’objecterait pas à ce que Parlee soit l’avocat inscrit au dossier au motif de ce conflit.

[28]           Qu’il y ait désaccord pour ce qui est d’établir si M. Molstad a demandé à Parkland de renoncer à tout conflit est sans importance, car il est évident que M. Lambrecht a immédiatement évoqué la possibilité d’un conflit. M. Lambrecht a fait parvenir la réponse suivante par courriel à M. Molstad le 9 novembre 2015 :

[traduction

Mes clients ont confirmé que Parlee LLP avait effectivement représenté Parkland Airport Development Corporation dans le dossier sur la création de l’aéroport et ont décidé de ne pas renoncer au conflit impliquant Parlee LLP dans cette affaire. Par conséquent, ils ne consentent pas à ce que Parlee LLP (M. Molstad ou associés) prenne la relève d’une partie au litige, en la présente instance la Première Nation crie Enoch.

[29]           Le 11 novembre 2015, M. Molstad a répondu par courriel. Pour plus de fidélité, le texte complet des parties pertinentes du courriel est reproduit ci-dessous.

[traduction

Pour clarifier la situation, Parlee McLaws n’a pas demandé à Parkland Airport Development Corporation (« Parkland ») de renoncer à tout conflit, puisque nous n’avons connaissance d’aucun conflit d’intérêts.

Lors de la conversation que nous avons tenue avec vous dans l’après-midi du vendredi 6 novembre 2015, nous vous avons indiqué que nous savions que Parlee McLaws avait agi pour le compte de Parkland par le passé, mais le signataire n’était pas familier avec cette question et n’avait aucune connaissance à cet égard. Nous vous avons demandé de vous enquérir auprès de Parkland pour déterminer si elle avait des objections à ce que le signataire agisse au nom de la nation crie d’Enoch (« Enoch ») dans le différend entre Enoch et Parkland.

Le mardi 10 novembre 2015, nous avons communiqué avec M. Ian Wachowicz, qui était un associé chez Parlee McLaws jusqu’au début de la présente année (il est maintenant au cabinet d’avocats Dentons). Ce dernier nous a indiqué que son mandat auprès de Parkland portait sur un différend avec le comté de Parkland. Ce mandat a été mené à terme et le dossier a été clos. Parlee McLaws n’agit pas au nom de Parkland à l’heure actuelle.

Par ailleurs, M. Wachowicz nous a indiqué n’avoir reçu aucun renseignement confidentiel pouvant être lié de près ou de loin au différend entre Parkland et Enoch.

Nous avons été informés aujourd’hui par M. Littlechild que le chef et le conseil de bande d’Enoch ont adopté une résolution du conseil de bande le 10 novembre 2015, confirmant que le signataire avait été mandaté pour les représenter dans leur différend avec Parkland et la Couronne.

Sur la base des renseignements que nous avons reçus de M. Wachowicz, nous sommes d’avis qu’il n’y a pas de conflit et que le signataire est en mesure de représenter Enoch dans le différend qui l’oppose à Parkland et la Couronne.

Nous déposerons un avis de constitution d’un nouvel avocat et demanderons une conférence téléphonique avec le protonotaire Lafrenière afin d’établir l’échéancier pour cette affaire.

[30]           M. Lambrecht a fait parvenir la réponse suivante à M. Molstad le 12 novembre 2015 :

[traduction

Votre courriel semble indiquer que votre position, selon laquelle Parlee n’est pas en situation de conflit, est basée sur des renseignements « reçus de M. Wachowicz ». Il semblerait que vous ne connaissez pas toutes les circonstances importantes ayant une incidence sur la question de conflit d’intérêts; je tâcherai donc de réunir renseignements supplémentaires à cet égard au cours des jours et des semaines à venir. Pour l’instant, cette question demeure irrésolue.

[31]           En dépit des observations supplémentaires formulées par M. Lambrecht, Parlee a maintenu sa position selon laquelle le cabinet ne se plaçait pas en situation de conflit d’intérêts en représentant Enoch dans son litige avec Parkland, puisque le cabinet ne possédait aucune information confidentielle préjudiciable. Parlee a cependant indiqué être disposé à continuer de prendre des mesures pour faire en sorte qu’aucune information ne soit communiquée par les avocats du cabinet ayant travaillé au dossier entre Parkland et le comté aux autres avocats du cabinet.

[32]           Dans une lettre datée du 3 décembre 2015, M. Molstad conclut le débat comme suit :

[traduction

Comme vous le savez, Parlee McLaws LLP est d’avis qu’il n’y a pas de conflit et qu’il est en mesure de continuer à représenter Enoch. En définitive, il appartiendra à la Cour de trancher. Lorsque la question du conflit d’intérêts aura été résolue et dans la mesure où la Cour nous permettra de continuer à représenter la nation crie d’Enoch, nous deviendrons à ce moment les avocats inscrits au dossier pour les actions T-1947-13 et T-1997-14.

VI.             Requête en disqualification de Parlee

[33]           En réponse à la requête des parties requérantes, Enoch a déposé les affidavits de six avocats et d’un stagiaire en droit de Parlee, de même que l’affidavit de M. Wachowicz, l’avocat qui, alors qu’il était chez Parlee, avait une relation avocat-client avec Parkland dans un litige porté devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta. La plupart de ces déposants n’ont eu qu’une participation limitée dans ledit litige.

[34]           M. James McGinnis, associé directeur chez Parlee, a déclaré dans son affidavit qu’il a examiné les dossiers des anciens clients du cabinet, Parkland et CPL6, et qu’il est en mesure de confirmer que le dossier ne contient aucun renseignement confidentiel portant sur le litige entre Parkland et Enoch. M. Wachowicz, M. Steven Rohatyn et M. Bruce Hirsche ont également nié l’existence de renseignements confidentiels pertinents au différend entre Enoch et Parkdale. Il a cependant été clairement établi en contre-interrogatoire qu’aucun des déposants n’avait effectivement lu les plaidoyers dans les dossiers T-1947-13, T-1997-14 ou T-942-15 au moment où ils ont préparé leurs affidavits.

[35]           M. McGinnis affirme qu’en vue de sécuriser le dossier de Parkland, Parlee a mis en place un certain nombre de règles d’éthique le 13 novembre 2015 ou aux environs de cette date. Il a obtenu le dossier physique et l’a placé dans un classeur verrouillé dont lui seul a la clé, dans son bureau. Le classeur se trouve sur un étage différent de celui où M. Molstad a son bureau. M. McGinnis a également demandé au personnel des TI de sécuriser le dossier électronique, de façon à ce qu’aucun autre avocat de la firme, sauf lui, ne puisse y avoir accès. M. McGinnis a parlé à tous les avocats ayant facturé du temps à l’égard du litige entre Parkland et le comté et leur a indiqué qu’ils n’étaient pas autorisés à discuter de cette affaire avec aucun autre membre du cabinet. Tous les avocats ayant facturé du temps pour ce dossier ont signé un engagement de l’avocat selon lequel ils doivent s’abstenir de discuter du contenu de ce dossier. M. McGinnis et M. Molstad ont également signé un tel engagement de l’avocat. M. McGinnis a passé en revue l’organisation du personnel pour s’assurer qu’aucun membre du personnel de soutien ayant travaillé sur le dossier Parkland ne travaillerait avec M. Molstad.

VII.          Question à trancher

[36]           Il est reconnu que Parlee a eu dans le passé une relation avocat-client avec Parkland et, par extension, avec CPL6 et les deux administrateurs de la société. Les modalités du mandat de représentation ne sont pas contestées non plus. La seule question à trancher dans cette requête est de savoir s’il devrait être interdit à Parlee, incluant M. Molstad, de représenter Enoch dans les trois actions intentées par Enoch contre les parties requérantes devant la Cour, en raison d’un conflit d’intérêts.

VIII.       Analyse

[37]           Depuis l’arrêt de principe Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3 RCS 1235, 77 DLR (4th) 249 [Succession Macdonald], jusqu’à sa décision récente dans l’arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. McKercher LLP, 2013 CSC 39 (CanLII), [2013] ACS no 39 [McKercher], la Cour suprême du Canada a donné des directives sur les circonstances dans lesquelles il est approprié de refuser à une partie l’avocat de son choix en raison de certaines activités passées de l’avocat, ou de membres de son cabinet, avec la partie adverse dans le litige. Bien que les principes directeurs soient maintenant bien établis, leur application repose sur une analyse poussée des faits.

[38]           Enoch fait valoir que la requête devrait être rejetée parce qu’il n’existe aucun risque que des renseignements confidentiels soient utilisés à mauvais escient ou qu’il y ait une violation du devoir de loyauté. Selon Enoch, le précédent mandat de représentation avec Parkland et CPL6 concernait un avocat qui a quitté le cabinet depuis un certain temps et ne présente aucun lien avec le litige entre Parkland et Enoch.

[39]           Le cas en l’espèce est relativement unique en ce sens que les deux parties à cette requête ont, à un certain moment, affirmé que Parlee était en conflit d’intérêts vis-à-vis les intérêts de l’autre partie. De plus, les avocats de Parlee étaient profondément conscients qu’ils ouvraient la porte à un conflit d’intérêts éventuel en représentant leur client de longue date à la lumière de leur engagement antérieur auprès de Parkland.

[40]           Étant essentiellement d’accord avec les observations écrites déposées au nom des parties requérantes, je conclus qu’il doit être interdit à Parlee de représenter Enoch en raison de l’existence d’un conflit d’intérêts réel compte tenu des faits en l’espèce. Il existe, à tout le moins, une impression tout à fait convaincante de conflit d’intérêts.

[41]           En septembre 2013, les intérêts du comté et ceux d’Enoch étaient clairement partagés lorsqu’ils ont adopté des positions publiques et des moyens de pression similaires pour s’opposer au développement et à la construction de l’aérodrome de Parkland. En outre, les lettres du maire Shaigec et du chef Morin adressées aux ministres de la Couronne, dans lesquelles ils dressaient la liste de leurs objections, ont été copiées et remises non seulement à Parkland, mais également aux autres parties. Il est difficile de croire que M. Wachowicz n’était pas au courant de l’opposition d’Enoch au projet lorsqu’il représentait Parkland. À tout le moins, il aurait dû être au fait des intérêts d’Enoch dans le projet en parcourant la lettre du maire Shaigec envoyée au ministre des Transports le 26 septembre 2013, laquelle était jointe comme pièce à l’appui à l’affidavit de Robert Gilgen dans la requête à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta.

[42]           Il ne s’agit pas ici d’une affaire, comme dans Succession MacDonald, où des avocats changent de cabinet. Il ne s’agit pas non plus d’une affaire où un cabinet d’avocats accepte un mandat d’agir contre un client actuel dans une affaire sans lien avec les dossiers en cours de ce client, comme dans l’arrêt McKercher. Il s’agit d’une affaire dans laquelle un cabinet d’avocats qui représentait à un moment donné un client pour qu’il défende son droit de développer et de construire un aérodrome décide de faire volte-face et de s’opposer à ce même droit au nom d’un autre client. Il est clair que ces intérêts juridiques sont irréconciliables.

[43]           La règle générale veut qu’un avocat et, par extension, un cabinet d’avocats, ait un devoir de loyauté envers ses clients. Un avocat qui a précédemment représenté un client dans une affaire ne peut par la suite représenter une autre partie dans la même affaire, ou dans une autre affaire qui y est substantiellement liée, dans laquelle les intérêts de cette partie sont directement opposés aux intérêts de son ancien client, à moins que cet ancien client n’y consente après avoir été bien informé. Le devoir de loyauté inclut, entre autres choses, un devoir de franchise (divulgation totale) et un devoir d’éviter les conflits d’intérêts.

[44]           Dans l’arrêt R. c. Neil, [2002] 3 RCS 631, la Cour suprême du Canada a conclu que la relation fiduciaire entre un avocat et son client impose à l’avocat plus qu’un devoir de ne pas divulguer de renseignements confidentiels. Elle suppose un devoir de loyauté et, plus précisément, un devoir d’éviter les conflits d’intérêts s’il existe un risque sérieux que les devoirs de l’avocat envers un ancien client nuisent de façon appréciable à la représentation du client par l’avocat.

[45]           Comme je l’ai dit dans la décision Robbins & Myers Canada Ltd v. Torque Control Systems Ltd, 2007 FC 957 (CanLII), le devoir fiduciaire de loyauté que doit un avocat à un ancien client se poursuit après que la relation avocat-client a pris fin, de telle façon qu’un avocat ne peut agir d’une manière à causer un préjudice à son ancien client dans des affaires concernant sa représentation antérieure.

[46]           Circonstance aggravante, Parlee a décidé d’agir au nom d’autres clients intéressés ou concernés par le développement et la construction légitimes de l’aérodrome en vertu de la Loi sur l’aéronautique, après avoir été averti par Enoch de cesser de représenter Parkland. En l’espèce, cette transgression du devoir de loyauté préoccupe au plus haut point.

[47]           Je devrais ajouter qu’il importe peu que les parties requérantes aient fourni ou non des renseignements confidentiels pertinents à Parlee. Dans la décision Groupe-Tremca Inc. c. Techno-Bloc Inc., 1999 CanLII 9113 (CAF), la Cour d’appel fédérale a expliqué, au paragraphe 13, pourquoi le devoir de loyauté envers un ancien client persiste, sans égard à l’existence de renseignements confidentiels :

[13]      Il nous semble que dès lors qu’un cabinet d’avocats émet une opinion légale qui amène le client à adopter une ligne de conduite particulière, ce cabinet se place dans une situation de conflit d’intérêts, non plus appréhendée, mais apparente, s’il s’avise par la suite de poursuivre ce client pour des activités reliées à cette ligne de conduite. Ce cabinet doit assumer les conséquences de ses choix de client et le premier choisi devra demeurer, règle générale, le seul servi relativement à un problème lié au mandat donné. Le cabinet qui vient, en semblables circonstances, assumer la représentation d’un deuxième client, aura fort à faire pour démontrer à la Cour que le droit du second client de retenir ses services l’emporte sur le droit du premier client de tenir pour acquise la fidélité de son avocat.

[48]           Par souci d’exhaustivité, je conclus que les dénégations générales de M. Wachowicz, de M. McGinnis et d’autres avocats de Parlee ne suffisent pas à me convaincre que les parties requérantes ne pouvaient transmettre des renseignements confidentiels. D’abord, je suis d’accord avec les parties requérantes que les dénégations ont été faites sans connaissance apparente des allégations précises présentées par Enoch dans ses plaidoiries. Ensuite, une personne raisonnablement informée supposerait, comme je l’ai fait, qu’une variété de renseignements accessoires et d’opinions auraient été transmis entre M. Wachowicz et les directeurs des deux entreprises : Nutron Manufacturing Ltd. c. Almecon Industries Limited, (1994), 55 CPR (3d) 327, page 328.

[49]           Je devrais aussi ajouter que les mesures prises par M. McGinnis afin de garantir la protection des renseignements confidentiels des parties requérantes auraient pu être suffisantes si elles avaient été prises plus tôt, mais elles ont été prises trop tard. Il y a fort à présumer que les avocats qui travaillent ensemble échangent des renseignements confidentiels. Des mesures raisonnables auraient dû être prises pour veiller à ce qu’aucun renseignement ne soit divulgué immédiatement après que M. Willier eut écrit à M. Molstad le 27 novembre 2013, et non deux ans plus tard.

[50]           Les raisons pour lesquelles Enoch a persisté à défendre l’indéfendable ne sont pas claires à mes yeux. Dans les circonstances, je conclus que la requête devrait être accueillie, avec dépens d’un niveau élevé, comme le demandaient les parties requérantes.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  La requête est accueillie.

2.                  Il est interdit à Parlee McLaws LLP (Parlee), notamment à M. Edward H. Molstad, de représenter la nation crie d’Enoch dans les dossiers de la Cour nos T-1947-13, T-1997-14 et T-942-15, en raison d’un conflit d’intérêts.

3.                  Les dépens de la présente requête, ici fixés à 20 000 $, plus frais et taxes raisonnables, sont accordés en faveur des parties requérantes.

4.                  L’instance est suspendue en attendant l’expiration de la période d’appel et, dans l’éventualité où la nation crie d’Enoch interjetterait appel, jusqu’à l’issue définitive de tous les appels.

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1947-13

INTITULÉ :

LA NATION CRIE D’ENOCH, ET AL. C. SA MAJESTÉ LA REINE, ET AL.

ET DOSSIER :

T-1997-14

INTITULÉ :

LA NATION CRIE D’ENOCH, ET AL. C. SA MAJESTÉ LA REINE, ET AL.

ET DOSSIER :

T-942-15

INTITULÉ :

LA NATION CRIE D’ENOCH, ET AL. C. SA MAJESTÉ

LA REINE, ET AL.

LIEU DE L’AUDIENCE :

EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 FÉVRIER 2016

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

W.J. Kenny

Debra Curcio

POUR LES REQUÉRANTS/DEMANDEURS

Brad Bedard

POUR LES DÉFENDEURS/DEMANDEURS

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Kirk Lambrecht

Aman Athwal

POUR LES DÉFENDEURS/DEMANDEURS

PARKLAND AIRPORT DEVELOPMENT

CORPORATION, CPL6 HOLDINGS LTD.,

ROBERT GILGEN, SILKE GILGEN, AARON SOOS


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES REQUÉRANTS/DEMANDEURS

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DÉFENDEURS/INTIMÉS

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

Shores Jardine LLP

Edmonton (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS/INTIMÉS

PARKLAND AIRPORT DEVELOPMENT CORPORATION, CPL6 HOLDINGS LTD.

ROBERT GILGEN, SILKE GILGEN, AARON SOOS

 

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