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Date : 20161130


Dossier : T-428-13

Référence : 2016 CF 1313

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2016

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

DANIEL DAVYDIUK

demandeur

et

INTERNET ARCHIVE CANADA ET INTERNET ARCHIVE

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

LE JUGE SOUTHCOTT

I.  Aperçu

[1]  Les présents motifs ont trait à deux requêtes entendues par la Cour à Toronto, le 1er novembre 2016, dans le cadre de la présente action pour violation du droit d’auteur.

[2]  Le demandeur affirme être le titulaire du droit d’auteur sur certaines œuvres cinématographiques et prestations non précisées décrites dans sa déclaration originale. Il demande l’autorisation de modifier sa déclaration pour y ajouter des mentions expresses concernant la revendication de la titularité du droit d’auteur sur des photographies, des images et des enregistrements audiovisuels créés pendant la production de ces œuvres et prestations.

[3]  L’autre requête, présentée par les défenderesses, vise à obtenir un jugement sommaire et une ordonnance rejetant la demande du demandeur.

[4]  Pour les motifs qui suivent, chacune des requêtes est accueillie en partie. Comme je l’explique en plus amples détails ci-dessous, le demandeur est autorisé à modifier sa déclaration en ce qui a trait aux œuvres, mais non aux prestations. La Cour accorde un jugement sommaire en faveur des défenderesses et rejette la demande du demandeur en ce qui concerne les prestations, mais non les œuvres.

II.  Résumé des faits

[5]  En 2002 et en 2003, le demandeur, Daniel Davydiuk, est apparu dans deux vidéos pornographiques et dans une série de prestations non précisées, diffusées en direct sur Internet. En 2003, M. Davydiuk a décidé qu’il ne voulait plus être associé à l’industrie de la pornographie, et il a entrepris de protéger le droit d’auteur sur les vidéos afin de veiller à ce qu’elles soient supprimées définitivement. Les vidéos avaient été produites par une entreprise située à Montréal, appelée Intercan Media Design Inc. (Intercan). Au moyen d’une cession faite par écrit en date du 22 mai 2009, M. Davydiuk a acquis, d’Intercan, le droit d’auteur à l’échelle mondiale sur les vidéos et tout le contenu connexe, y compris les images et les photographies, et Intercan a accepté de tout retirer de ses sites Web et de supprimer toutes les copies en sa possession.

[6]  En 2009, M. Davydiuk a découvert que la défenderesse, Internet Archive, hébergeait une partie de ce contenu dans sa collection d’archives Web. Internet Archive est une bibliothèque numérique sans but lucratif établie en Californie. Elle exploite un service appelé Wayback Machine, qui préserve les sites Internet accessibles au public dans des archives gratuites et consultables. L’autre défenderesse, Internet Archive Canada, est un organisme sans but lucratif établi à l’Université de Toronto, qui numérise des livres pour ces archives. Puisque les distinctions entre les rôles respectifs des deux défenderesses ne se rapportent pas aux questions et aux arguments soulevés dans les présentes requêtes, les présents motifs désigneront collectivement les défenderesses comme « Internet Archive ».

[7]  M. Davydiuk ou ses représentants ont envoyé à Internet Archive plusieurs demandes visant à faire retirer ou exclure certaines pages Web, qu’il a désignées, de ses archives. Ces demandes comprenaient des avis présentés en vertu de la Digital Millenium Copyright Act des États-Unis alléguant une prétendue violation du droit d’auteur et indiquant l’œuvre protégée par le droit d’auteur prétendument violée, de même que la page Web contrefaite. M. Davydiuk affirme qu’Internet Archive l’a informé, en 2009, que le contenu qu’il avait désigné avait été retiré de ses sites Web et de ses collections. Toutefois, en 2011, il a découvert qu’Internet Archive avait lancé une nouvelle version d’un de ses sites Web d’archivage et que le contenu en question y était affiché.

[8]  M. Davydiuk a par la suite retenu les services d’un avocat, qui, avec les représentants de M. Davydiuk, ont poursuivi en son nom les efforts visant à ce que le contenu sur lequel il avait revendiqué un droit d’auteur soit retiré du service Wayback Machine d’Internet Archive. Le 8 mars 2013, M. Davydiuk a déposé sa déclaration en l’espèce, alléguant la violation du droit d’auteur par Internet Archive et la commission, par cette dernière, d’actes interdits par l’article 15 et le paragraphe 27(2) de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42 (la Loi). La déclaration précise que la prétendue violation comprend la reproduction du contenu protégé par le droit d’auteur de M. Davydiuk sur des pages Web figurant sur une liste d’adresses URL jointe à titre d’annexe « A » de la déclaration.

[9]  Internet Archive admet que des erreurs ont été commises à l’occasion au cours du processus au moyen duquel elle a bloqué l’accès aux pages Web désignées par M. Davydiuk. Cependant, selon la preuve par affidavit de son directeur de bureau, Christopher Butler, ce ne sont pas toutes les pages Web énumérées à l’annexe « A » de la déclaration qui étaient détenues, exploitées et contrôlées par Internet Archive. Elle affirme également que, parmi les pages Web qui étaient contrôlées par Internet Archive (appelées les pages faisant l’objet de la plainte), on avait bloqué l’accès à chacune d’elles et la plupart d’entre elles avaient été supprimées avant le dépôt de la déclaration, le 8 mars 2013, les autres ayant étant supprimées avant juillet 2013.

[10]  Le 18 octobre 2013, Internet Archive a présenté une requête contestant la compétence de la Cour à l’égard de l’instruction de la présente action. Le protonotaire Aalto a rejeté cette requête le 27 novembre 2013. Internet Archive a interjeté appel de cette décision, et la juge McVeigh a rejeté l’appel le 6 octobre 2014.

[11]  Internet Archive a ensuite déposé sa défense le 16 décembre 2014; les parties ont échangé les affidavits de documents et M. Davydiuk a été interrogé au préalable le 7 décembre 2015. Lors de l’interrogatoire préalable de M. Davydiuk, l’avocat d’Internet Archive a soulevé la question de savoir si les réclamations de M. Davydiuk formulées dans la présente action englobaient les photographies prises pendant le tournage des vidéos auxquelles l’action se rapporte. M. Davydiuk a indiqué que telle était son intention.

[12]  Le 30 juin 2016, M. Davydiuk a présenté la présente requête en autorisation de modifier la déclaration. L’alinéa 1a) de la déclaration décrit le contenu sur lequel M. Davydiuk revendique la titularité du droit d’auteur, le définissant comme des [traduction« œuvres » et des « prestations ». Dans sa modification proposée, il cherche à ajouter un libellé à cet alinéa. L’alinéa 1a), qui contient les modifications proposées soulignées, est rédigé ainsi :

[traduction]

1. Le demandeur réclame ce qui suit :

a) Une déclaration selon laquelle le demandeur est titulaire du droit d’auteur sur chacun des éléments suivants :

(i) une œuvre originale (de la nature d’une œuvre cinématographique) intitulée MARK & XANDER DUO créée en 2003 et une œuvre originale (de la nature d’une œuvre cinématographique) intitulée MARK SOLO créée en 2002 ainsi que la totalité des photographies, des images et des enregistrements audiovisuels créés pendant la production de ces œuvres (collectivement, les « œuvres »);

(ii) une série de prestations non précisées, exécutées au Canada par le demandeur, et diffusées sur Internet toutes les deux semaines de juin 2002 à septembre 2003 ainsi que la totalité des photographies, des images et des enregistrements audiovisuels créés pendant la production de ces prestations (les « prestations »).

[13]  Internet Archive s’oppose à la requête en modification. Elle a également déposé la présente requête en jugement sommaire le 30 juin 2016. Selon les éléments de preuve présentés par M. Davydiuk au cours de l’interrogatoire préalable, Internet Archive soutient qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse. Elle adopte cette position peu importe l’issue de la requête en modification de la déclaration présentée par M. Davydiuk.

III.  Questions en litige

A.  Requête en autorisation de modifier la déclaration

[14]  M. Davydiuk soulève les questions suivantes dans sa requête en autorisation de modifier la déclaration :

  1. À quel moment l’autorisation de modification peut-elle être accordée?

  2. L’autorisation de modifier la déclaration devrait-elle être accordée?

[15]  Dans ses observations écrites déposées en réponse à la présente requête, Internet Archive formule ainsi les questions à examiner :

  1. Est-il évident et manifeste que les modifications proposées seront rejetées?

  2. Les modifications proposées causeront-elles aux défenderesses un préjudice qui ne peut être réparé par l’adjudication de dépens?

[16]  D’après mon analyse qui suit du critère applicable à une requête en modification d’une déclaration, j’estime que la formulation des questions par Internet Archive représente un meilleur cadre à l’intérieur duquel se pencher sur la question de savoir si M. Davydiuk satisfait au critère.

B.  Requête en jugement sommaire

[17]  Internet Archive soutient que sa requête en jugement sommaire soulève les questions suivantes :

  1. Existe-t-il une véritable question litigieuse quant à savoir si le demandeur peut établir une violation du droit d’auteur à l’égard des œuvres?

  2. Existe-t-il une véritable question litigieuse quant à savoir si le demandeur peut établir une violation du droit d’auteur à l’égard des prestations?

[18]  M. Davydiuk soutient également que la présente requête soulève la question de savoir s’il existe une véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’une instruction.

[19]  Puisque les éléments de preuve liés à la prétendue violation du droit d’auteur à l’égard des œuvres diffèrent considérablement de ceux liés à la prétendue violation du droit d’auteur à l’égard des prestations, dans l’analyse qui suit, j’examinerai les questions formulées par Internet Archive.

IV.  Analyse

A.  Requête en autorisation de modifier la déclaration

1)  Prestations

[20]  À titre préliminaire, je remarque que l’avocat de M. Davydiuk a reconnu à l’audience que, d’après les éléments de preuve qui sont maintenant disponibles, aucune des adresses URL énumérées à l’annexe « A » ne représente des vidéos ou des images fixes qui violent son droit d’auteur à l’égard des prestations. Par conséquent, il ne donne pas suite à la demande d’autorisation de modifier le sous-alinéa 1a)(ii) de la déclaration.

2)  Critère applicable à la requête en modification de la déclaration

[21]  À l’appui de sa requête en modification de la déclaration, M. Davydiuk invoque le paragraphe 75(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, qui est rédigé ainsi :

Modifications avec autorisation

Amendments with leave

75 (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.

75 (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.

[22]  M. Davydiuk se fonde également sur la décision Khadr c Canada, 2014 CF 1001 [Khadr], au paragraphe 6, selon laquelle « une modification devait être autorisée à toute étape d’un litige afin de régler les questions en litige entre les parties, dans la mesure où il n’en résulte pas pour l’autre partie un préjudice qui ne puisse être réparé par l’octroi de dépens, et dans la mesure où la modification est conforme à l’intérêt de la justice ».

[23]  M. Davydiuk indique que, même une modification qui vise à ajouter une nouvelle cause d’action au-delà d’un délai de prescription peut être accueillie si la nouvelle cause d’action repose essentiellement sur des faits qui sont les mêmes ou essentiellement les mêmes que ceux de la cause d’action déjà plaidée, et s’il paraît équitable de l’autoriser (voir la décision Francœur c Canada, [1992] 2 CF 333, au paragraphe 8). Internet Archive ne conteste pas cette thèse, se fondant sur la décision Seanix Technology Inc. c Synnex Canada Ltd., 2005 CF 243, bien qu’elle soutienne que la modification proposée par M. Davydiuk soulève effectivement une nouvelle cause d’action qui ne repose pas sur les mêmes faits que ceux qui ont été plaidés initialement.

[24]  En ce qui concerne l’évaluation de l’injustice ou du préjudice causé à l’autre partie, M. Davydiuk renvoie aux facteurs suivants énoncés au paragraphe 6 de la décision Khadr :

[6] [...] Les facteurs qui s’appliquent à l’évaluation du préjudice sont l’à‑propos de la requête en modification, la mesure dans laquelle la modification retarderait l’issue du procès, la mesure dans laquelle la position initiale a obligé une autre partie à suivre une ligne de conduite qui ne pourra être facilement modifiée, enfin la question de savoir si la modification facilitera pour la Cour l’examen du bien-fondé de l’action : Valentino Gennarini SRL c Andromeda Navigation Inc, 2003 CFPI 567, au paragraphe 29, citant Scannar Industries Inc et autres c Canada (Ministre du Revenu national) (1994), 172 NR 313 (C.A.F.).

[25]  Internet Archive cite la décision Video Box Enterprises Inc. c Lam, 2006 CF 546, aux paragraphes 6 à 9, à l’appui de la thèse selon laquelle une modification ne devrait pas être autorisée si cela cause un préjudice à la partie adverse et que ce préjudice ne peut être réparé par l’octroi de dépens, ainsi que du principe voulant qu’il convienne de rejeter une demande de modification lorsqu’il est évident et manifeste que la partie qui la propose ne peut avoir gain de cause.

[26]  En me fondant sur cette jurisprudence, j’examinerai les deux questions soulevées par Internet Archive en opposition aux modifications proposées par M. Davydiuk.

3)  Est-il évident et manifeste que les modifications proposées seront rejetées?

[27]  M. Davydiuk souhaite modifier sa déclaration pour y inclure une mention explicite de violation de son droit d’auteur sur des photographies et des images créées pendant la production des œuvres mentionnées dans la déclaration originale. Dans son affidavit produit dans le cadre de la présente requête, il joint des copies de 50 photographies qui auraient été prises avec un appareil photo pendant le tournage de la vidéo intitulée MARK SOLO, de même que 17 images qui, comme l’a reconnu son avocat au cours de sa plaidoirie, sont des captures d’écran extraites de la vidéo intitulée MARK & XANDER DUO.

[28]  M. Davydiuk est d’avis que les modifications proposées ne servent qu’à clarifier la déclaration originale, qui comprenait déjà implicitement la revendication de son droit d’auteur sur les photographies et les images. Il demande la modification en réponse à la question que l’avocat d’Internet Archive a soulevée lors de son interrogatoire préalable selon laquelle le droit d’auteur qu’il revendiquait dans la déclaration originale ne portait que sur les œuvres cinématographiques et les prestations, et non sur les photographies ou les images. Selon les éléments de preuve, la totalité ou la quasi-totalité des reproductions alléguées figurant sur les pages faisant l’objet de la plainte sont des images ou des photographies fixes, et non des vidéos. Comme je l’expliquerai plus loin dans mon analyse de la requête en jugement sommaire, Internet Archive est d’avis que les images et les photographies fixes ne peuvent pas constituer des reproductions de parties importantes des vidéos sur lesquelles M. Davydiuk revendique un droit d’auteur, au point de constituer une violation au sens de la Loi. M. Davydiuk demande donc la modification, du moins en partie, en réponse à la position d’Internet Archive voulant que sa réclamation, conformément à l’acte de procédure original, ne soulève pas de véritable question litigieuse.

[29]  Bien qu’Internet Archive n’ait pas évoqué ce point dans sa plaidoirie de vive voix, dans ses observations écrites, elle soutient que les modifications proposées soulèvent une nouvelle cause d’action qui est prescrite, faisant référence au délai de prescription de trois ans prévu à l’article 43.1 de la Loi. Aux termes de cet article, le délai de prescription commence au plus tard au moment où le demandeur a pris connaissance ou au moment où il est raisonnable de s’attendre à ce qu’il ait pris connaissance de l’acte ou de l’omission dont il demande réparation. Internet Archive soutient que M. Davydiuk était au courant des faits substantiels auxquels se rapportent les modifications proposées depuis 2009, de sorte que le délai de prescription de trois ans est expiré.

[30]  M. Davydiuk est d’avis que les modifications ne soulèvent pas de nouvelle cause d’action. Il soutient qu’il est clair que les allégations figurant dans la déclaration originale concernaient non seulement les vidéos, mais également les photographies et les images, parce qu’un grand nombre d’adresses URL énumérées à l’annexe « A » se terminent par le suffixe « jpg », qui désigne des fichiers d’images.

[31]  Le problème avec l’argument de M. Davydiuk est qu’il confond, d’une part, les allégations figurant dans la déclaration quant au contenu sur lequel il revendique un droit d’auteur, et, d’autre part, les allégations quant aux actions d’Internet Archive qui constituerait une violation d’un tel droit. Aux paragraphes 3 à 7, M. Davydiuk revendique la titularité du droit d’auteur sur les œuvres, terme qui est défini à l’alinéa 1a) de la déclaration. Cet alinéa, énoncé précédemment dans les présents motifs, définit les œuvres comme étant de la nature d’œuvres cinématographiques.

[32]  Internet Archive renvoie la Cour à la définition d’« œuvre cinématographique » de l’article 2 de la Loi. Même si la déclaration n’indique pas expressément l’intention selon laquelle les définitions législatives s’appliquent aux termes qui y sont employés, j’estime que de telles définitions constituent un outil d’interprétation utile. L’article 2 donne les définitions pertinentes suivantes :

œuvre artistique Sont compris parmi les œuvres artistiques les peintures, dessins, sculptures, œuvres architecturales, gravures ou photographies, les œuvres artistiques dues à des artisans ainsi que les graphiques, cartes, plans et compilations d’œuvres artistiques.

artistic work includes paintings, drawings, maps, charts, plans, photographs, engravings, sculptures, works of artistic craftsmanship, architectural works, and compilations of artistic works; (emphasis added)

œuvre cinématographique Y est assimilée toute œuvre exprimée par un procédé analogue à la cinématographie, qu’elle soit accompagnée ou non d’une bande sonore.

cinematographic work includes any work expressed by any process analogous to cinematography, whether or not accompanied by a soundtrack;

œuvre dramatique Y sont assimilées les pièces pouvant être récitées, les œuvres chorégraphiques ou les pantomimes dont l’arrangement scénique ou la mise en scène est fixé par écrit ou autrement, les œuvres cinématographiques et les compilations d’œuvres dramatiques. (emphase ajouté)

dramatic work includes

(a) any piece for recitation, choreographic work or mime, the scenic arrangement or acting form of which is fixed in writing or otherwise,

(b) any cinematographic work, and (c) any compilation of dramatic works;

(emphasis added)

[33]  Internet Archive fait également remarquer que l’article 5 de la Loi dispose que « [s]ous réserve des autres dispositions de la présente loi, le droit d’auteur existe au Canada [...] sur toute œuvre littéraire, dramatique, musicale ou artistique originale [...] ». Ces dispositions législatives ont pour effet d’établir une distinction entre une « œuvre dramatique » (qui comprend une « œuvre cinématographique ») et une « œuvre artistique » (qui comprend des « photographies »). Il ressort également de la définition de l’expression « œuvre cinématographique » qu’elle n’englobe pas de manière évidente les photographies ou les images fixes.

[34]  Je conclus donc que le terme « œuvres » tel qu’il est utilisé dans la déclaration ne comprend pas les photographies ou les images fixes.

[35]  En ce qui concerne l’annexe « A », bien que je reconnaisse que bon nombre des adresses URL qui y sont recensées possèdent le suffixe « .jpg » et renvoient donc à des images, le paragraphe 15 de la déclaration renvoie à l’annexe « A », qui expose le détail des pages Web qui, selon M. Davydiuk, constituent des reproductions, des fixations et des communications publiques par Internet Archive des œuvres définies dans la déclaration. Ainsi, l’annexe « A » précise les reproductions faisant l’objet d’une prétendue violation, et non pas les œuvres dont le droit d’auteur aurait été violé. Par conséquent, l’annexe « A » ne sert pas l’argument de M. Davydiuk selon lequel, dans la déclaration originale, il revendiquait la titularité du droit d’auteur sur les photographies et les images et que la modification demandée ne fait que clarifier ou préciser la demande.

[36]  Il est donc nécessaire d’examiner l’argument d’Internet Archive voulant que la modification demandée soulève une nouvelle cause d’action qui est prescrite. Comme je l’ai déjà mentionné, une telle modification peut être autorisée au-delà du délai de prescription si la nouvelle cause d’action repose essentiellement sur les mêmes que ceux de la cause d’action déjà plaidée, et s’il paraît équitable de l’autoriser.

[37]  Je conclus qu’effectivement, la cause d’action soulevée par la modification proposée repose essentiellement sur les mêmes faits que ceux de la cause d’action déjà plaidée. La modification se rapporte à la revendication du droit d’auteur sur des photographies et des images fixes créées pendant la production des deux œuvres cinématographiques sur lesquelles M. Davydiuk revendique la propriété du droit d’auteur dans la déclaration originale. Les pages Web prétendument hébergées par Internet Archive, qui font l’objet d’une prétendue violation du droit d’auteur de M Davydiuk, sont les mêmes que ce qui a déjà été plaidé. M. Davydiuk souligne par ailleurs avec justesse que sa correspondance avec Internet Archive remontant à 2009 se rapporte manifestement aux vidéos et aux photographies faisant l’objet d’une prétendue violation, de sorte que les allégations présentées dans la modification proposée ont fait l’objet de communications entre les parties depuis un certain temps.

[38]  Je ne conclus donc pas que l’application possible d’un délai de prescription empêche d’accorder l’autorisation de modification. Il demeure nécessaire de se demander s’il est équitable de l’autoriser, ce que j’évalue ci-dessous en examinant le préjudice invoqué par Internet Archive. Je dois toutefois d’abord examiner un autre argument soulevé par Internet Archive pour expliquer pourquoi il est évident et manifeste que la modification proposée sera rejetée.

[39]  Internet Archive soutient que, dans la mesure où la modification proposée vise l’allégation selon laquelle les photographies et les images créées pendant la production des deux vidéos remplit les conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de la protection indépendante du droit d’auteur, cette allégation doit être rejetée parce que les photographies et les images ne satisfont pas au critère d’originalité requis pour pouvoir bénéficier d’une telle protection. Suivant l’article 5 de la Loi, ce sont les œuvres « originales » auxquelles s’applique la protection du droit d’auteur. Internet Archive renvoie à l’explication suivante de ce critère d’originalité donnée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt CCH Canadienne Ltée c Barreau du Haut-Canada, [2004] 1 RCS 339 [CCH], au paragraphe 16 :

16  J’arrive à la conclusion que la juste interprétation se situe entre ces deux extrêmes. Pour être « originale » au sens de la Loi sur le droit d’auteur, une œuvre doit être davantage qu’une copie d’une autre œuvre. Point n’est besoin toutefois qu’elle soit créative, c’est-à-dire novatrice ou unique. L’élément essentiel à la protection de l’expression d’une idée par le droit d’auteur est l’exercice du talent et du jugement. J’entends par talent le recours aux connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une compétence issue de l’expérience pour produire l’œuvre. J’entends par jugement la faculté de discernement ou la capacité de se faire une opinion ou de procéder à une évaluation en comparant différentes options possibles pour produire l’œuvre. Cet exercice du talent et du jugement implique nécessairement un effort intellectuel. L’exercice du talent et du jugement que requiert la production de l’œuvre ne doit pas être négligeable au point de pouvoir être assimilé à une entreprise purement mécanique. Par exemple, tout talent ou jugement que pourrait requérir la seule modification de la police de caractères d’une œuvre pour en créer une « autre » serait trop négligeable pour justifier la protection que le droit d’auteur accorde à une œuvre « originale ».

[40]  En ce qui concerne les 50 photographies liées à la vidéo MARK SOLO, que M. Davydiuk a produites à l’appui de sa requête, Internet Archive soutient qu’il ne s’agit pas des photographies originales prises pendant le tournage de la vidéo. Selon le témoignage de M. Davydiuk, pendant ses négociations avec Intercan, cette dernière l’a autorisé à avoir accès à son serveur. Il a téléchargé les fichiers de ces photographies, et les photos imprimées sont jointes à son affidavit. Cependant, Internet Archive est d’avis que, sans la production des images numériques originales ou du témoignage du photographe qui, selon les dires de M. Davydiuk, a pris ces photographies, il est impossible d’évaluer le talent et le jugement de ce photographe lorsqu’il a réalisé les photographies, et donc d’en évaluer l’originalité.

[41]  En ce qui concerne les 17 captures d’écran de la vidéo MARK & XANDER DUO, Internet Archive fait valoir que la revendication de la protection du droit d’auteur est encore plus indéfendable, puisque l’extraction de ces images de la vidéo représente un exercice purement mécanique qui ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur selon les principes énoncés dans l’arrêt CCH.

[42]  M. Davydiuk répond que les décisions prises par le photographe quant au maniement de l’appareil photo pendant le tournage de la vidéo MARK SOLO ainsi que les décisions prises au moment de sélectionner les captures d’écran à extraire de la vidéo MARK & XANDER DUO constituent des exercices de talent et de jugement qui suffisent à satisfaire au critère d’originalité pour ce qui est de l’application de la protection du droit d’auteur à ces photographies et à ces images.

[43]  Internet Archive fait valoir des arguments semblables à l’appui de sa requête en jugement sommaire. Ces arguments seront examinés plus loin dans le cadre du critère applicable à cette requête et du fardeau de preuve imposé à M. Davydiuk. Cependant, pour les besoins de la requête en modification de la déclaration, bien que les arguments soulevés par Internet Archive en ce qui concerne l’originalité des photographies et des images puissent être présentés en défense à la réclamation représentée par les modifications, je n’estime pas que ces arguments démontrent qu’il est évident et manifeste qu’une telle réclamation doive être rejetée. Sous réserve de l’issue de la requête en jugement sommaire, il s’agit d’arguments à évaluer avec les éléments de preuve présentés au procès, après les processus de production et d’interrogatoire préalable précédant l’instruction.

4)  Les modifications proposées causeront-elles aux défenderesses un préjudice qui ne peut être réparé par l’adjudication de dépens?

[44]  En faisant référence aux facteurs énoncés dans la décision Khadr, comme étant pertinents pour l’évaluation du préjudice, M. Davydiuk soutient que sa requête en modification est opportune, ayant été déposée immédiatement après la détermination, lors de son interrogatoire préalable, de la question ayant déclenché la modification. Il soutient également qu’aucun élément de preuve ne démontre que la modification retardera l’avancement du dossier jusqu’au procès et que la modification facilite l’examen par la Cour du fond du litige, puisqu’elle permet d’examiner l’ensemble des revendications du droit d’auteur découlant du contenu généré pendant la production des vidéos en 2002 et en 2003. Je conviens que ces facteurs favorisent M. Davydiuk.

[45]  Le facteur nécessitant une analyse plus détaillée est la mesure dans laquelle Internet Archive a suivi une ligne de conduite qui ne peut être modifiée, ce que je considère comme étant le facteur le plus pertinent pour évaluer le préjudice, comme l’ont affirmé les défenderesses. Internet Archive affirme avoir subi un préjudice en raison de sa décision de supprimer les pages faisant l’objet de la plainte, ce qui a entraîné une perte d’éléments de preuve pertinents pour sa défense à l’action de M. Davydiuk. Elle fait valoir qu’elle a effectué ces suppressions à la demande de M. Davydiuk et sur la foi des actes de procédure qui avaient été présentés à l’origine.

[46]  À l’appui de sa position sur cette question, Internet Archive se fonde sur l’affidavit de M. Butler, dans lequel ce dernier déclare qu’étant donné que les pages faisant l’objet de la plainte ont été supprimées, Internet Archive ne peut plus faire la preuve de certaines informations relatives à ces pages Web. Il renvoie aux exemples suivants illustrant les informations qui ne sont plus disponibles :

  1. l’identification de noms de fichiers ou d’extensions qui pourraient établir la provenance de certaines images;

  2. l’accès à des métadonnées qui pourraient identifier l’auteur, la date et l’équipement utilisé pour capter certaines images;

  3. la détermination de la résolution native des images, de façon à savoir si celles-ci sont des reproductions totales ou partielles du fichier original;

  4. la détermination du contenu des fichiers « robots.txt » de certains sites, qu’un exploitant de site Web ajoute à celui-ci afin d’indiquer aux logiciels d’indexation automatisée (les « robots Web » utilisés par les moteurs de recherche et Internet Archive) s’il faut ou non scanner le site.

[47]  Dans son affidavit, M. Butler déclare également qu’avec le temps, les exploitants des divers sites Web mentionnés dans la demande peuvent avoir changé ou disparu, de sorte qu’il est possible que leurs éléments de preuve ne soient plus disponibles.

[48]  Dans ses observations orales, Internet Archive met précisément l’accent sur la perte des fichiers « robots.txt », expliquant que, selon les protocoles relatifs aux moteurs de recherche qui sont la norme dans l’industrie, ce sont ces fichiers qui permettent aux propriétaires de sites Web d’exclure l’accès aux « robots Web ». Internet Archive soutient qu’en l’absence d’une telle exclusion, elle serait en mesure de faire valoir qu’elle a l’autorisation implicite de parcourir de tels sites.

[49]  Internet Archive souligne de plus que M. Butler n’a pas été contre-interrogé sur ses allégations de préjudice découlant de la suppression des pages faisant l’objet de la demande. M. Davydiuk signale toutefois que M. Butler a été contre-interrogé sur la nature de ces éléments supprimés. M. Butler a expliqué que la suppression est faite à partir de l’index du service Wayback Machine et que de cette façon, l’outil n’est plus en mesure de trouver ces fichiers sur ses serveurs, mais qu’il n’y avait pas de moyen pratique de retirer physiquement et directement les fichiers. Il a également déclaré qu’Internet Archive n’a pas tenté de récupérer les fichiers qui avaient été supprimés de l’index. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer la différence entre l’exclusion (une autre méthode par laquelle Internet Archive a répondu aux demandes de M. Davydiuk) et la suppression, M. Butler a expliqué que l’exclusion empêche le service Wayback Machine d’accéder à l’adresse URL dans l’index, tandis qu’au moyen de la suppression, toute référence à cette adresse URL est retirée. Il a déclaré qu’il est beaucoup plus facile de remettre dans l’index un site exclu précédemment que de récupérer des fichiers qui ont été supprimés de l’index. M. Davydiuk soutient donc que les pages faisant l’objet de la demande existent toujours sur les serveurs d’Internet Archive et que les éléments de preuve ne démontrent pas que ces pages peuvent être récupérées. Je suis d’accord avec la qualification de la preuve par M. Davydiuk.

[50]  Je note également l’argument de M. Davydiuk selon lequel ses demandes présentées à Internet Archive visaient la suppression des pages faisant l’objet de la demande pour qu’elles ne soient pas accessibles au public. M. Davydiuk soutient qu’il ne s’agissait pas de demandes autorisant Internet Archive à éliminer les éléments de preuve liés à la présente instance, et qui pourrait nuire à sa capacité d’établir le bien-fondé de sa demande. En réponse, Internet Archive fait remarquer que M. Davydiuk a demandé la suppression permanente de toutes les reproductions des œuvres.

[51]  J’hésiterais à conclure qu’Internet Archive puisse se fonder sur les demandes de M. Davydiuk comme motif d’élimination des éléments de preuve portant sur les questions soulevées dans le cadre de la présente instance, surtout après l’introduction de l’instance. À cet égard, je remarque que les pages Web qui ont été supprimées de l’index du service Wayback Machine, dont la plupart ont été supprimées avant le moment où l’action de M. Davydiuk a été intentée en mars 2013, et dont le reste des pages ont été supprimées avant juillet 2013, font partie des pages énumérées à l’annexe « A » de la déclaration, soit les pages désignées comme portant atteinte au droit d’auteur de M. Davydiuk. Internet Archive affirme s’être fiée à son détriment sur les actes de procédure qui avaient été présentés à l’origine lorsqu’elle s’est conformée à la demande de M. Davydiuk et qu’elle a supprimé le reste des pages Web entre mars 2013 et juillet 2013. Elle fait valoir qu’elle était à l’aise de supprimer ces pages Web parce qu’elles ne comportaient aucune vidéo, mais seulement des images fixes et du texte, et qu’elle jugeait donc qu’elles avaient une pertinence limitée relativement aux allégations de violation du droit d’auteur sur les deux vidéos, formulées par M. Davydiuk. Cependant, peu importe à quel point Internet Archive peut avoir cru en toute confiance en sa défense, j’ai de la difficulté à croire qu’elle a compté sur cette confiance et, par conséquent, sur les actes de procédure présentés à l’origine, pour décider de se priver de l’accès aux pages Web qui, tel que l’indiquait expressément la déclaration originale, constituaient la prétendue violation du droit d’auteur.

[52]  Je conclus donc qu’Internet Archive n’a pas établi l’existence d’un préjudice résultant de la modification proposée qui devrait empêcher la Cour d’accorder l’autorisation demandée. Internet Archive a fait valoir, subsidiairement, que si la requête du demandeur était accueillie, l’ordonnance en résultant devrait exiger du demandeur qu’il précise les photographies, les images et les enregistrements audiovisuels allégués, y compris les créateurs d’origine et les dates de création, en plus d’en produire les originaux. M. Davydiuk soutient qu’il n’y a pas ouverture à cette réparation. Je suis d’accord, puisque les Règles imposent des obligations à M. Davydiuk et confèrent des droits à Internet Archive permettant d’aborder les exigences applicables en matière de précisions et de production. Si les parties éprouvent des difficultés liées à la conformité avec ces Règles, la réparation peut être demandée dans le contexte précis de ces difficultés.

[53]  L’ordonnance que je rendrai accordera donc au demandeur l’autorisation de modifier le sous-alinéa 1a)(i) de la déclaration, comme il l’a demandé.

B.  Requête en jugement sommaire

1)  Critère applicable à la requête en jugement sommaire

[54]  Internet Archive invoque le paragraphe 215(1) des Règles, qui est rédigé ainsi :

Absence de véritable question litigieuse

If no genuine issue for trial

215 (1) Si, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.

215 (1) If on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.

[55]  Internet Archive renvoie à la formulation du critère par la Cour suprême du Canada sur la question de savoir s’il y a une véritable question litigieuse, dans l’arrêt Hryniak c Mauldin, [2014] 1 RCS 87 [Hryniak], où la Cour a conclu ce qui suit au paragraphe 49 :

[49] Il n’existe pas de véritable question litigieuse nécessitant la tenue d’un procès lorsque le juge est en mesure de statuer justement et équitablement au fond sur une requête en jugement sommaire. Ce sera le cas lorsque la procédure de jugement sommaire 1) permet au juge de tirer les conclusions de fait nécessaires, 2) lui permet d’appliquer les règles de droit aux faits et 3) constitue un moyen proportionné, plus expéditif et moins coûteux d’arriver à un résultat juste.

[56]  En faisant référence à la décision Granville Shipping Co. c Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 CF 853 (1re inst.), au paragraphe 8, Internet Archive soutient qu’elle n’est pas tenue de démontrer que la cause de M. Davydiuk est impossible. L’enquête vise plutôt à déterminer « si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée par le juge des faits dans le cadre d’un éventuel procès ».

[57]  M. Davydiuk ne conteste pas le fait qu’Internet Archive se fonde sur cette jurisprudence, et j’accepte qu’elle énonce correctement le critère applicable. Je remarque que la Cour d’appel fédérale a aussi commenté récemment le critère applicable aux jugements sommaires, et, plus précisément, le fardeau légal et le fardeau de preuve applicables, dans l’arrêt Collins c Canada, 2015 CAF 281, au paragraphe 71 :

[71]  L’arrêt Dawson c Rexcraft Storage & Warehouse Inc. (1998), 1998 CanLII 4831 (ON CA), 111 O.A.C. 201, 164 D.L.R. (4th) 257 de la Cour d’appel de l’Ontario [Dawson] jette plus de lumière sur ce critère. Cette décision a été rendue à un moment où les dispositions relatives aux jugements sommaires des Règles de procédures civiles de l’Ontario, R.R.O. 1990, Règl. 194, étaient essentiellement les mêmes que celles énoncées à l’article 215 des Règles des Cours fédérales, et fournit donc des indications utiles. Aux paragraphes 17 et 18, le juge Borins a observé :

[17] À l’étape du jugement sommaire, la cour désire voir les preuves que les parties ont à présenter au juge du procès, ou au jury, si un procès est tenu. Bien qu’il incombe à la partie requérante d’établir l’absence d’une véritable question litigieuse, comme l’exige le paragraphe 20.04(1), la partie intimée doit se décharger d’un fardeau de la preuve qui ne repose peut-être pas sur les allégations ou les dénégations de sa plaidoirie, mais doit présenter, au moyen d’affidavits ou d’autres éléments de preuve, des faits précis montrant qu’il existe une véritable question litigieuse. Le juge de la requête peut à bon droit tenir pour acquis que le dossier renferme toute la preuve que les parties produiront s’il y a un procès. Voir Rogers Cable T.V. Ltd. c. 373041 Ontario Ltd. (1994), 1994 CanLII 7367 (ON SC), 22 O.R. (3d) 25 (Div. gén.), et les affaires qui y sont citées.

[18] La jurisprudence et l’expérience de notre Cour semblent indiquer que les juges des requêtes ont souvent de la difficulté à procéder au processus analytique consistant à rechercher si l’affaire montre qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse en ce qui concerne un fait important devant être résolu par un juge ou un jury lors d’un procès. À cet égard, il est utile de souligner que le différend doit porter sur un fait important, et qu’il doit être véritable : Irving Ungerman Ltd. c. Galanis (1991), 1991 CanLII 7275 (ON CA), 4 O.R. (3d) 545 (C.A.); Rogers Cable T.V. Ltd. précité; Royal Bank of Canada c. Feldman (1995), 1995 CanLII 7060 (ON SC), 23 O.R (3d) 798 (Div. gén.), appel annulé (1995), 1995 CanLII 8962 (ON CA), 27 O.R. (3d) 322 (C.A.); Blackburn c. Lapkin (1996), 1996 CanLII 7973 (ON SC), 28 O.R. (3d) 292 (Div. gén.).

[Non souligné dans l’original]

2)  Existe-t-il une véritable question litigieuse quant à savoir si le demandeur peut établir une violation du droit d’auteur à l’égard des prestations?

[58]  J’examine cette question en premier lieu puisque les éléments de preuve et les éléments reconnus par l’avocat de M. Davydiuk à l’audience commandent que la requête en jugement sommaire des défenderesses soit accueillie en ce qui concerne les allégations de violation du droit d’auteur de M. Davydiuk à l’égard des prestations.

[59]  Comme il a été indiqué précédemment, l’avocat de M. Davydiuk a reconnu à l’audience que, d’après les éléments de preuve qui sont maintenant disponibles, aucune des adresses URL énumérées à l’annexe « A » ne représente des vidéos ou des images fixes qui violent son droit d’auteur à l’égard des prestations. Je conclus donc qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse quant à savoir si le demandeur peut établir une violation du droit à l’égard des prestations. Par conséquent, je rendrai une ordonnance rejetant la demande à l’égard des prestations.

3)  Existe-t-il une véritable question litigieuse quant à savoir si le demandeur peut établir une violation du droit d’auteur à l’égard des œuvres?

[60]  Se fondant sur la décision Waldman v Thomson Reuters Corporation, 2012 ONSC 1138 (autorisation d’appel refusée, 2012 ONSC 3436), Internet Archive soutient que, pour que son action pour violation du droit d’auteur soit accueillie, M. Davydiuk doit établir : a) que le droit d’auteur subsiste sur une œuvre précise; b) qu’il est titulaire du droit d’auteur sur cette œuvre; c) qu’Internet Archive a utilisé l’œuvre, utilisation réservée au titulaire du droit d’auteur; et d) qu’Internet Archive n’avait pas obtenu son consentement.

[61]  Dans son mémoire des faits et du droit, Internet Archive soutient que trois raisons justifient l’absence de véritable question litigieuse quant aux œuvres. Premièrement, en l’absence de copies des œuvres originales, dans la présente action, M. Davydiuk ne peut pas s’acquitter de son fardeau d’établir que la protection du droit d’auteur s’applique aux œuvres. Deuxièmement, en n’étant pas en mesure de présenter à la Cour une œuvre originale protégée par le droit d’auteur, M. Davydiuk ne peut pas produire les éléments de preuve nécessaires à la réalisation de l’analyse comparative pour établir qu’Internet Archive a reproduit la totalité ou une partie importante des œuvres. Internet Archive fait remarquer que le paragraphe 3(1) de la Loi définit le droit d’auteur comme comportant « le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante [...] » (je souligne). Troisièmement, Internet Archive soutient que les photographies et les images fixes (qui sont les reproductions dont on allègue la violation) ne peuvent équivaloir à une reproduction d’une « partie importante » des vidéos sur lesquelles M. Davydiuk revendique la protection du droit d’auteur.

[62]  Dans sa plaidoirie, reconnaissant que la Cour n’avait pas encore déterminé si elle autoriserait la modification à la déclaration demandée, Internet Archive a expliqué pourquoi il n’y aurait toujours pas de véritable question litigieuse si la modification était autorisée. Cette argumentation reposait sur la question de savoir si les photographies et les images fixes, qui, selon M. Davydiuk, sont reproduites sur les sites Web d’Internet Archive, constituent une violation du droit d’auteur que revendique M. Davydiuk sur les photographies et les images créées pendant la production des vidéos. Soulignant de nouveau que les pages Web faisant l’objet d’une prétendue violation ont été supprimées de l’index du service Wayback Machine à la demande de M. Davydiuk, Internet Archive soutient que M. Davydiuk ne s’est pas acquitté de son fardeau de présenter des éléments de preuve selon lesquels Internet Archive viole le droit d’auteur qu’il revendique sur les photographies et les images.

[63]  J’examinerai en premier lieu les arguments selon lesquels M. Davydiuk, en l’absence des copies des œuvres originales, ne peut s’acquitter, dans la présente action, de son fardeau d’établir que la protection du droit d’auteur s’applique, ou encore d’effectuer l’analyse comparative montrant qu’Internet Archive a reproduit la totalité ou une partie importante des œuvres. Internet Archive renvoie à l’élément de preuve obtenu lors de l’interrogatoire préalable de M. Davydiuk selon lequel ce dernier avait effectivement des copies VHS des deux vidéos, mais qu’il s’est débarrassé de ces copies en 2003. Dans son témoignage, il a déclaré qu’il ne connaissait aucun endroit où il était possible d’obtenir les copies des vidéos. Toutefois, M. Davydiuk a depuis produit une copie de la vidéo MARK SOLO, composée de six vidéoclips, qui, dit-il, ont été téléchargés à partir du serveur d’Intercan. Il semble maintenir qu’aucune copie de la vidéo MARK & XANDER DUO n’est disponible.

[64]  Internet Archive fait donc valoir cet argument principalement à l’égard de la prétendue violation de son droit sur la vidéo MARK & XANDER DUO. Elle soutient qu’en l’absence d’une copie de cette vidéo à présenter à la Cour au procès, M. Davydiuk ne sera pas en mesure d’établir que cette œuvre est le produit de l’exercice du talent et du jugement, et qu’elle satisfait donc au critère d’originalité nécessaire à la protection du droit d’auteur. La Cour ne peut pas non plus effectuer l’analyse comparative qui est nécessaire pour établir la totalité ou une partie importante de la reproduction.

[65]  M. Davydiuk répond qu’aucune jurisprudence n’appuie les affirmations d’Internet Archive selon lesquelles une partie qui affirme que le droit d’auteur rattaché à une œuvre subsiste et que ce droit a été violé est incapable d’avoir gain de cause à l’égard de cette affirmation sans produire l’œuvre originale. Il cite la décision de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest dans l’arrêt Carte v Dennis, 1901 CarswellNWT 13, qui portait sur une réclamation pour violation du droit d’auteur sur un opéra-comique, dans lequel le demandeur n’avait pas produit une copie originale de l’opéra, mais s’appuyait sur les témoignages de témoins qui pouvaient attester de la similitude entre l’œuvre originale et l’œuvre faisant l’objet d’une prétendue violation. La Cour a à son tour invoqué la décision Lucas v Williams (1892), 2Q. B. 113, portant sur une action en violation du droit d’auteur à l’égard d’un tableau pour lequel la photo originale n’avait pas été produite en preuve, et a conclu au paragraphe 38 qu’il n’est pas nécessaire dans tous les cas de produire l’original de l’œuvre sur laquelle le droit d’auteur est revendiqué.

[66]  Internet Archive soutient que cette cause a été tranchée à une époque et dans un contexte très différents. Elle n’a toutefois cité aucune jurisprudence particulièrement pertinente à l’appui de ses arguments contraires. Je ne vois aucun fondement juridique ou logique me permettant de conclure que la production d’une copie de l’œuvre originale constitue un préalable absolu pour parvenir à établir, soit l’existence d’un droit d’auteur sur l’œuvre, soit qu’une reproduction de l’œuvre représente une reproduction de parties importantes suffisante pour constituer une violation.

[67]  Je parviens à la même conclusion en ce qui concerne l’observation d’Internet Archive selon laquelle, sans la production des images numériques originales des 50 photographies de MARK SOLO, ou en l’absence du témoignage du photographe, il n’est pas possible d’évaluer le talent et le jugement employés au cours de la création de ces photographies, et donc d’évaluer leur originalité et leur capacité d’être protégés par le droit d’auteur. Je reconnais qu’une partie qui répond à une requête en jugement sommaire a le fardeau de présenter, par voie d’affidavit, ou au moyen d’autres éléments de preuve, des faits précis établissant l’existence d’une véritable question litigieuse. Cependant, M. Davydiuk a déclaré dans son affidavit que la vidéo MARK SOLO a été filmée avec une caméra vidéo dans les bureaux d’Intercan et que, pendant le tournage, un certain M. Duncan a manié un appareil photo qui a servi à créer une série de photographies pour accompagner ladite vidéo en cours de tournage. Internet Archive peut faire valoir au procès que le rôle du photographe ne représente pas un exercice de talent et de jugement suffisant pour conférer la protection du droit d’auteur aux photographies qui en découlent. Je conclus toutefois que le témoignage de M. Davydiuk sur les circonstances dans lesquelles les photographies ont été prises, suffit à le décharger de son fardeau d’établir que sa revendication de la protection du droit d’auteur représente une véritable question litigieuse.

[68]  J’en viens aussi à cette conclusion en ce qui concerne l’observation d’Internet Archive selon laquelle l’extraction des 17 captures d’écran de la vidéo MARK & XANDER DUO représente un exercice purement mécanique qui ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur selon les principes énoncés dans l’arrêt CCH. Dans sa preuve par affidavit, M. Davydiuk a expliqué les circonstances dans lesquelles la vidéo a été créée et que les images ont été créées dans le but d’inciter les clients à acheter la vidéo sur VHS ou DVD, puisque la technologie de l’époque était telle que de nombreuses personnes n’avaient pas de connexion Internet à haute vitesse et pouvaient avoir accès à des photographies en ligne, mais non à des vidéos en continu. Il soutient que la décision concernant les captures d’écran précises, extraites de la vidéo, représente un exercice de talent et de jugement en faveur de la protection du droit d’auteur. Je conclus que ces arguments sont à ce point convaincants que les défenderesses n’ont pas réussi à me convaincre de l’absence d’une véritable question litigieuse entourant la revendication de la protection du droit d’auteur sur ces images.

[69]  En ce qui concerne l’argument selon lequel les photographies et les images fixes ne peuvent équivaloir à une reproduction de parties importantes des vidéos, Internet Archive soutient qu’en droit, les photographies et les images qui représentent des œuvres artistiques ne peuvent constituer une reproduction et donc une violation du droit d’auteur sur les vidéos qui sont des œuvres cinématographiques et dramatiques. Internet Archive souligne également l’élément de preuve indiquant que la vidéo MARK SOLO est d’une durée d’environ 8 minutes et 45 secondes et que la vidéo MARK & XANDER DUO durait environ 1 heure et 14 minutes. Elle fait donc valoir que les 50 photographies et les 17 images provenant de la capture d’écran constituent un échantillonnage à ce point faible du contenu présenté dans les vidéos qu’elles ne constituent pas des reproductions de parties importantes des vidéos.

[70]  À l’appui de cette dernière position, Internet Archive se réfère à la décision de la Commission du droit d’auteur du Canada, répertoriée sous l’intitulé Gestion collective du droit d’exécution et de communication (Re), [2009] D.C.D.A. No 4, qui a examiné des allégations selon lesquelles divers services de radio par satellite se livraient à des reproductions non autorisées de chansons protégées par le droit d’auteur. La reproduction alléguée comprenait l’utilisation, sur les appareils satellites, d’une « mémoire tampon » qui, en tout temps, détenait une copie de 4 à 10 secondes de la chanson diffusée par le service. La Commission du droit d’auteur a conclu que ces 4 à 10 secondes ne constituaient pas des reproductions de parties « importantes » des chansons protégées par le droit d’auteur. Cette décision a été portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, qui a confirmé le caractère raisonnable de la conclusion tirée par la Commission (voir l’arrêt Sirius Canada Inc. c CMRRA/SODRAC Inc., 2010 CAF 348, aux paragraphes 50 à 52).

[71]  En revanche, M. Davydiuk renvoie à la décision de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, dans Century 21 Canada Ltd. Partnership v Rogers Communications Inc., 2011 BCSC 1196, dans laquelle, au paragraphe 184, il est fait référence au principe selon lequel la question de savoir si une partie importante d’une œuvre a été reproduite dépend bien plus de la qualité que de la quantité de ce qui a été copié. Dans cette affaire, la Cour a aussi fait référence, au paragraphe 194, à la décision Hawkes & Son (London) Ltd. v Paramount Film Service Ltd., [1934] Ch. 593 (C.A.), qui portait sur l’examen d’un film qui avait reproduit 20 secondes de la marche de 4 minutes intitulée « Colonel Bogie March ». La Cour d’appel d’Angleterre a conclu, dans la partie reproduite, on pouvait clairement reconnaître la « Colonel Bogie March » et que la reproduction constituait [traduction] « une partie importante, cruciale et essentielle », indiquant que les questions dépassant la quantité doivent être prises en considération.

[72]  Par conséquent, M. Davydiuk soutient que l’analyse appropriée doit comprendre la question de savoir si une partie cruciale et essentielle de l’œuvre protégée par le droit d’auteur a été reproduite, qu’il s’agit d’un exercice qualitatif plutôt que quantitatif, et que des photographies et des images fixes précises peuvent donc constituer des reproductions de parties importantes d’une œuvre cinématographique.

[73]  Internet Archive reconnaît que l’analyse n’est pas un exercice purement mathématique, et je reconnais que la jurisprudence appuie la thèse selon laquelle une évaluation qualitative doit faire partie de l’analyse qui compare l’œuvre protégée par le droit d’auteur à l’œuvre visée par l’allégation de violation. En outre, cette analyse est forcément un exercice contextuel qui dépend fortement des faits propres à chaque cause, et je considère que l’on ne peut conclure en droit, dans la présente requête en jugement sommaire, que les photographies et les images fixes ne sont pas susceptibles de porter atteinte au droit d’auteur sur une œuvre cinématographique. La nécessité d’une telle analyse empêche également de conclure en l’absence d’une véritable question litigieuse d’après la comparaison quantitative de la quantité de contenu représenté dans les photographies et les images et la durée des vidéos. Je conclus que la question de savoir si les photographies et les images hébergées sur les sites Web d’Internet Archive violent le droit d’auteur allégué de M. Davydiuk sur les vidéos représente une véritable question litigieuse en l’espèce.

[74]  En dernier lieu, j’ai examiné l’argument selon lequel M. Davydiuk ne s’est pas acquitté de son fardeau de présenter des éléments de preuve dans la présente requête voulant qu’Internet Archive viole le droit d’auteur qu’il revendique sur les photographies et les images. En réponse à cet argument, M. Davydiuk soutient que, malgré la position adoptée par Internet Archive selon laquelle il est possible que les renseignements provenant des pages faisant l’objet de la plainte ne soient plus disponibles, il peut poursuivre son action sur la foi des captures d’écran de telles pages Web, qui font partie de son affidavit de documents en l’espèce. Le corps de son affidavit de documents a été déposé à l’appui de la présente requête dans lequel on y dresse la liste de plusieurs pages Web, par adresse URL, qui semblent être liées à des domaines hébergés par Internet Archive, même si des copies de ces documents n’ont pas été produites.

[75]  Dans sa réponse à la requête en jugement sommaire, M. Davydiuk se fonde également sur les paragraphes de son affidavit où il déclare que vers le mois de mars 2009, il a utilisé plusieurs outils de suivi d’images numériques pour déterminer si les œuvres pornographiques dans lesquelles il s’était produit étaient hébergées sur d’autres sites Web que ceux d’Intercan. Il déclare qu’il a alors déterminé que ces œuvres étaient hébergées sur le site Web d’Internet Archive et que cette dernière avait acquis les pages Web d’Intercan et les avait recréées afin de les utiliser sur ses propres sites Web, faisant ainsi en sorte que ces œuvres font partie de sa collection d’archives Web.

[76]  M. Davydiuk aurait pu disposer de meilleurs éléments de preuve pour répondre à l’argument d’Internet Archive s’il avait déposé des copies des pages Web qui, dit-il, a entraîné la violation du droit d’auteur, plutôt que de s’en remettre à la liste de pages figurant dans son affidavit de documents. Cependant, son avocat a souligné à l’audience qu’il croyait comprendre que les défenderesses faisaient valoir, dans la présente requête, que les photographies et les images ne peuvent constituer une reproduction d’une partie importante des vidéos. J’estime qu’il s’agit d’une façon juste de décrire l’argument pertinent soulevé dans les documents joints à la requête d’Internet Archive. En soutenant que les allégations de M. Davydiuk ne soulèvent pas de véritable question litigieuse, les documents écrits d’Internet Archive ne faisaient pas valoir la thèse selon laquelle M. Davydiuk ne possédait pas suffisamment d’éléments de preuve des pages Web faisant l’objet d’une prétendue violation. Je ne suis donc pas prêt à conclure que M. Davydiuk avait le fardeau de présenter ces documents à titre d’éléments de preuve dans son dossier de requête afin d’échapper à une conclusion d’absence de véritable question litigieuse.

[77]  Je conclus que les défenderesses ne se sont pas acquittées du fardeau qui leur incombait de démontrer l’absence de véritable question litigieuse quant à savoir si le demandeur peut établir la violation des œuvres. Cette partie de la requête en jugement sommaire doit donc être rejetée.

V.  Dépens

[78]  Lors de l’audition des présentes requêtes, les parties ont convenu que des dépens de 5 000 $ seraient appropriés et adjugés à la partie qui aurait gain de cause dans la requête en modification de la déclaration. Elles ont aussi convenu que des dépens de 10 000 $ seraient appropriés et adjugés à la partie qui aurait gain de cause dans la requête en jugement sommaire. Internet Archive a également adopté la position selon laquelle si les parties obtiennent partiellement gain de cause sur l’une ou l’autre des deux requêtes, aucuns dépens ne devraient être adjugés pour la requête en question. M. Davydiuk n’a pas adopté cette position, mais il a demandé à la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’adjuger des dépens appropriés dans l’éventualité où chacune des parties obtenait partiellement gain de cause.

[79]  Dans une certaine mesure, chacune des parties a obtenu partiellement gain de cause sur chaque requête. En effet, M. Davydiuk a obtenu l’autorisation de modifier la déclaration seulement en ce qui concerne les photographies et les images créées pendant la production des œuvres (et non les prestations), et la requête en jugement sommaire a été accueillie en ce qui concerne la violation du droit d’auteur à l’égard des prestations, mais a été rejetée en ce qui concerne la violation du droit d’auteur à l’égard des œuvres. Internet Archive a eu gain de cause dans les deux requêtes en ce qui concerne les prestations, et ce, après que M. Davydiuk a reconnu à l’audience que les éléments de preuve n’étayaient pas sa position, reconnaissance qui était justifiée, compte tenu des éléments de preuve au dossier. Toutefois, en substance, c’est le demandeur qui a eu gain de cause dans les deux requêtes, et j’estime que la plupart des observations écrites et orales présentées dans le cadre des présentes requêtes ont trait aux œuvres plutôt qu’aux prestations. Par conséquent, les dépens devraient être adjugés à M. Davydiuk dans les deux requêtes, mais ces dépens devraient être réduits par rapport aux sommes sur lesquelles les parties s’étaient entendues dans l’éventualité où une partie obtenait entièrement gain de cause.

[80]  J’adjuge donc des dépens de 2 500 $ en faveur de M. Davydiuk pour la requête de modification et de 5 000 $ pour la requête en jugement sommaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. Le demandeur est autorisé à modifier sa déclaration de sorte que le sous-alinéa 1a)(i) soit rédigé ainsi :

  1. Le demandeur réclame ce qui suit :

  • a) a) Une déclaration selon laquelle le demandeur est titulaire du droit d’auteur sur chacun des éléments suivants :

  • i) (i) une œuvre originale (de la nature d’une œuvre cinématographique) intitulée MARK & XANDER DUO créée en 2003 et une œuvre originale (de la nature d’une œuvre cinématographique) intitulée MARK SOLO créée en 2002 ainsi que la totalité des photographies, des images et des enregistrements audiovisuels créés pendant la production de ces œuvres (collectivement, les « œuvres »);

  1. Des dépens de 2 500 $ sont adjugés au demandeur pour la requête en modification de sa déclaration.

  2. La requête du demandeur est rejetée en ce qui concerne les prestations (telles qu’elles sont définies dans la déclaration). La requête en jugement sommaire des défenderesses est par ailleurs rejetée.

  3. Des dépens de 5 000 $ sont adjugés au demandeur pour la requête en jugement sommaire des défenderesses.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 1er jour de juin 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-428-13

INTITULÉ :

DANIEL DAVYDIUK c INTERNET ARCHIVE CANADA ET INTERNET ARCHIVE

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER NOVEMBRE 2016

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

LE 30 NOVEMBRE 2016

COMPARUTIONS :

John Philpott

Alex Alton

POUR LE DEMANDEUR

Ren Bucholz

POUR LES DÉFENDERESSES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brauti Thorning Zibarras LLP

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Paliare Roland Rosenberg Rothstein LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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