Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20161214


Dossier : IMM-79-16

Référence : 2016 CF 1374

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2016

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

GOWRIMUHUNTHAN SHANMUGARASA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Aperçu

[1]               Le demandeur est un Tamoul originaire du Sri Lanka. Il est arrivé au Canada, après être passé par les États‑Unis, le 18 août 2014, et il a demandé l’asile le 20 août 2014. Une audience de la Section de la protection des réfugiés fut fixée au 25 mars 2015. Toutefois, à la demande du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre], la tenue de l’audience a été reportée en attendant l’issue d’une enquête visant à établir si le demandeur était interdit de territoire pour des raisons de sécurité en application de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], parce qu’il est membre d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle est, a été ou sera l’auteur d’un acte visé à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR, à savoir se livrer au terrorisme. Le ministre a prétendu que le demandeur faisait partie de l’Alliance nationale tamoule [Tamil National Alliance – la TNA], qui sert de façade aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET].

[2]               Au terme d’une audience qui a eu lieu le 16 juillet 2015, la Section de l’immigration [la SI] a statué, le 15 décembre 2015, que le demandeur était interdit de territoire « suivant les dispositions des alinéas 34(1)f) et c) de la Loi ». En raison de cette conclusion, la SI a pris une mesure d’expulsion contre le demandeur.

[3]               La SI a appuyé sa conclusion sur trois éléments. Premièrement, la SI a conclu qu’il y a des motifs raisonnables de croire que les TLET sont une organisation qui se livre, ou s’est livrée, à des activités terroristes. Deuxièmement, la SI a conclu qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi, notamment le manifeste électoral de la TNA de 2004 et le Political Handbook of the World : 2005-2006 [manuel politique du monde : 2005‑2006], CQ Press, qui démontraient que la TNA servait de façade aux TLET. Troisièmement, la SI a conclu qu’il y avait, selon des éléments de preuve crédibles et dignes de foi, des motifs raisonnables de croire que le demandeur faisait partie de la TNA.

[4]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la SI.

II.                La question en litige et la norme de contrôle applicable

[5]               Bien qu’elle soit formulée de manière différente par les parties, la demande soulève la question de savoir si la SI a commis une erreur en concluant que le demandeur est interdit de territoire au Canada en application des alinéas 34(1)f) et 34(1)c) de la LIPR.

[6]               La question de l’interdiction de territoire pour des raisons de sécurité est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable, car elle comporte des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit (Kanagendren c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CAF 86, au paragraphe 11 [Kanagendren]; Mirmahaleh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1085, au paragraphe 15; Moussa c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 545, au paragraphe 24).

[7]               Lorsque la Cour examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, elle doit s’attarder à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 [Khosa]; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[8]               En outre, la norme de preuve des « motifs raisonnables de croire » mentionnée à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR exige d’avantage qu’un simple soupçon, mais reste moins stricte que la norme de prépondérance des probabilités applicable en matière civile (Kanapathy c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 459, au paragraphe 32 [Kanapathy]).

III.             Analyse

[9]               Le demandeur prétend que les conclusions de la SI selon lesquelles la TNA sert de façade aux TLET et qu’il fait partie de la TNA sont erronées, car la SI n’a pas tenu compte de la preuve contraire. Il ne conteste pas la conclusion de la SI selon laquelle les TLET sont une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée au terrorisme. Il prétend également que la SI a commis une erreur en se servant de « définitions générales » pour interpréter le mot « membre » qui figure à l’article 34 de la LIPR. Enfin, le demandeur prétend que la SI a conclu à tort qu’il était interdit de territoire en application de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR parce qu’il se serait livré à du terrorisme.

A.                La conclusion de la SI selon laquelle la TNA servait de façade aux TLET

[10]           La SI a conclu que des éléments de preuve crédibles et dignes de foi établissaient l’existence d’un lien suffisamment étroit entre la TNA et les TLET pour qu’elle soit justifiée de conclure que la TNA servait de façade aux TLET, notamment lors des élections parlementaires de 2004. À l’appui de sa conclusion, la SI a renvoyé à un extrait du manifeste électoral de la TNA de 2004 et elle a résumé ainsi le message politique de cette dernière :

1)            La TNA accepte le leadership des TLET;

2)            Les TLET sont les seuls représentants authentiques du peuple tamoul;

3)            Les Tamouls, y compris la TNA, doivent offrir leur soutien plein et entier aux idéaux qui sont au cœur de la lutte menée par les Tigres;

4)            Les Tamouls doivent collaborer avec les TLET et se placer sous leur leadership, pour la protection et l’autonomie du peuple tamoul;

5)            Il est inévitable que la terre tamoule voie le jour.

[11]           La SI a également renvoyé au Political Handbook of the World : 2005-2006 qui indique que c’est lors de l’élection d’avril 2004 que la TNA, qui a remporté 22 sièges, a explicitement servi de façade aux TLET.

[12]           Le demandeur allègue que la SI a examiné hors contexte le manifeste électoral de la TNA de 2004 et qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve indiquant que la TNA ne sert pas de façade aux TLET. Il prétend notamment que la SI n’a pas tenu compte du manifeste électoral de la TNA de 2001 qui ne fait pas référence aux TLET, et qui ne fait qu’encourager le gouvernement et les TLET à négocier, étant donné que les TLET contrôlaient tout le nord et que la paix n’était pas possible sans négociations et sans participation à celles-ci. Le demandeur invoque également l’article de 2015 qui contient une entrevue avec un dirigeant de la TNA qui nie que la TNA sert de façade aux TLET.

[13]           Il est bien établi en droit que la décision et les motifs d’un tribunal doivent être appréciés en fonction de l’ensemble du dossier. Un tribunal est présumé avoir pris en compte l’ensemble de la preuve et n’est pas tenu de faire mention de chaque élément constitutif de la preuve (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 15-16; Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (CAF), au paragraphe 1). Il n’appartient pas à la Cour de soupeser de nouveau les éléments de preuve soumis à la SI et de tirer une conclusion différente (Khosa, au paragraphe 61).

[14]           Il ressort clairement de l’examen du dossier que la SI a examiné l’ensemble des éléments de preuve avant de tirer sa conclusion et que sa conclusion selon laquelle la TNA servait de façade aux TLET, notamment le cas lors des élections parlementaires de 2004, était raisonnable.

[15]           La SI a explicitement indiqué qu’elle avait passé en revue « la documentation produite par les parties, et plus particulièrement les extraits expressément mentionnés par les conseils » avant de tirer sa conclusion. Le dossier de la SI contient de nombreux éléments de preuve objectifs et indépendants démontrant non seulement qu’il existait une relation entre les TLET et la TNA lors des élections parlementaires de 2004, mais également que Les TLET exerçaient, tant avant qu’après les élections parlementaires de 2004, de l’influence sur les membres de la TNA. En fait, le demandeur reconnaît dans ses observations écrites que le ministre a soumis des articles qui mentionnaient expressément que la TNA servait de façade aux TLET.

[16]           Même si, comme le prétend le demandeur, la relation entre la TNA et les TLET a pu changer au cours des ans, étant donné qu’une organisation ne doit qu’à un certain moment s’être livrée à des actes de terrorisme et que la preuve démontre clairement que la TNA et les TLET entretenaient des liens, même si ce n’est qu’en 2004, la conclusion de la SI selon laquelle la TNA servait de façade aux TLET était raisonnable, car elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 47).

[17]           Bien que chaque cas doive être tranché selon les faits qui lui sont propres et selon son bien-fondé, je souligne que la Cour d’appel fédérale a conclu dans l’arrêt Kanagendren qu’il était raisonnable pour la SI de conclure que quiconque était membre de la TNA était également membre des TLET (Kanagendren, au paragraphe 29). Comme en l’espèce, la preuve sur laquelle la SI s’est fiée dans l’arrêt Kanagendren comprenait également le Political Handbook of the World : 2005-2006 et le manifeste électoral de la TNA de 2004 (Kanagendren, aux paragraphes 10 et 11).

B.                 La conclusion de la SI selon laquelle le demandeur était membre de la TNA

[18]           La SI a conclu que le demandeur était membre de la TNA étant donné le nombre d’années pendant lequel il a été lié avec la TNA et le rôle actif qu’il y a joué au cours de ces années. La SI a souligné que pendant 10 ans, à savoir de 2001 à 2011, le demandeur avait été très actif au plan politique au sein de la TNA. La SI a conclu que bien que le demandeur ne fût peut‑être pas membre en règle de la TNA, il était représentant de cette organisation et s’exprimait au nom d’un parti qui entretenait des liens étroits avec les TLET, notamment lors des élections parlementaires de 2001 et de 2004. La SI a également conclu qu’aucun élément de preuve permettant de conclure que le demandeur lui-même avait commis des actes de terrorisme, qu’il était membre des TLET ou qu’il avait été impliqué dans les actes de terrorisme commis par cette organisation.

[19]           Le demandeur soutient qu’il n’était pas membre de la TNA, car il n’avait pas rempli les formulaires requis ni acquitté les frais exigés par la TNA pour devenir membre. Il allègue qu’il avait tout simplement été désigné par la TNA pour surveiller le déroulement des élections.

[20]           La Cour d’appel fédérale a confirmé que le mot « membre », employé à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR devait être interprété d’une manière libérale (Poshteh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 85, aux paragraphes 29 et 32).

[21]           Selon la Cour et la Cour d’appel fédérale, l’appartenance peut comprendre l’appartenance officielle et non officielle (Kanapathy, au paragraphe 33). La Cour a déclaré ce qui suit dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Singh, (1998), 151 FTR 101 (CFPI), au paragraphe 52 :

[52]      [...] Il va sans dire que les organisations terroristes ne donnent pas de cartes de membres. Il n’existe aucun critère formel pour avoir qualité de membre et les membres ne sont donc pas facilement identifiables.

[22]           Afin d’établir s’il y a appartenance, la SI doit examiner des critères comme la nature des activités de l’intéressé au sein de l’organisation, la durée de sa participation et le degré de l’engagement de l’intéressé à l’égard des buts et objectifs de l’organisation. Dans le cas où certains facteurs donnent à penser que l’intéressé était effectivement un membre de l’organisation et où d’autres facteurs donnent à penser le contraire, ces facteurs doivent être examinés et soupesés par la SI (B074 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1146, au paragraphe 29).

[23]           Je suis convaincue que la SI a conclu de façon raisonnable que le demandeur était membre de la TNA. La SI a tenu compte d’un certain nombre de facteurs, notamment des facteurs suivants : 1) la TNA a été créée le 18 octobre 2001 par quatre partis politiques tamouls, notamment le Front uni de libération tamoule [Tamil United Liberation Front -  le TULF]; 2) avant l’élection parlementaire de 2001, le demandeur a été sollicité par le parti TULF et en est devenu représentant; 3) le demandeur a été désigné candidat de la TNA pour les élections parlementaires nationales de 2001, 2004 et 2010; 4) en 2006, le chef de la TNA a personnellement désigné le demandeur candidat à l’élection du président du Conseil urbain de Trincomalee et celui-ci a été élu, et 5) pendant sa campagne, le demandeur a pris part à diverses rencontres publiques et réunions du parti et il a pris la parole lors de certaines d’entre elles.

[24]           Le dossier indique également que, dans son exposé circonstancié du formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA], le demandeur a d’abord mentionné qu’il était membre de la TNA, puis il a rayé le mot « membre » et l’a remplacé par le mot « candidat ». La question de l’appartenance revient un peu plus loin dans le même paragraphe, et le demandeur a écrit qu’il avait été accusé à tort d’appuyer les TLET [traduction] « car [il] était membre de la TNA ». Il a ensuite rayé le mot « car » pour que l’on puisse lire qu’il avait été accusé d’appuyer les TLET [traduction] « et qu’ car [il] était membre de la TNA ».

[25]           En outre, au cours de son témoignage devant la SI, le demandeur a explicitement déclaré, à la page 19 de la transcription, qu’il était représentant du TULF et membre de la TNA, puis il a changé sa réponse et a déclaré qu’il n’était pas membre. Après avoir admis qu’il était lié au parti, il a expliqué qu’il avait apporté des corrections à son exposé circonstancié du formulaire FDA afin de confirmer qu’il n’était [traduction] « pas vraiment membre de ce parti » et il a expliqué qu’il avait d’abord déclaré qu’il était membre, parce que c’était ainsi que les gens le désignaient.

[26]           Compte tenu des facteurs pris en compte par la SI et de la preuve au dossier, j’estime que la conclusion de la SI selon laquelle le demandeur était membre de la TNA est raisonnable, car elle appartient aux issues possibles.

C.                 Membre au sens de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR

[27]           Le demandeur prétend, en s’appuyant sur les récentes décisions rendues par la Cour suprême du Canada dans B010 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 58 [B010] et R c Appulonappa, 2015 CSC 59 [Appulonappa], que la SI a utilisé des définitions trop larges lorsqu’elle a interprété l’alinéa 34(1)f) de la LIPR. Sachant que le demandeur n’avait jamais commis d’actes de terrorisme, la SI aurait dû interpréter le mot « membre » de façon restrictive, de manière à ce qu’il ne soit pas considéré comme étant membre d’une organisation terroriste. Selon le demandeur, l’interprétation large faite par la SI de l’appartenance et de l’association entre la TNA et les TLET a pour conséquence inattendue de l’inclure dans une catégorie de personnes interdites de territoire au Canada et équivaut à conclure qu’il a participé à des actes de terrorisme. S’appuyant sur l’arrêt Ezokola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 40, au paragraphe 84 [Ezokola], dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que pour refuser l’asile à un demandeur, celui-ci doit avoir « volontairement contribué de manière significative et consciente aux crimes ou au dessein criminel d’une organisation », le demandeur prétend qu’il n’aurait pas dû être déclaré interdit de territoire, car la SI a explicitement reconnu qu’il n’avait participé à aucun des actes de terrorisme commis par les TLET.

[28]           Les arrêts Appulonappa et B010 ne traitent pas de la question de l’appartenance à une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre à des actes de terrorisme. Dans l’arrêt Appulonappa, la Cour suprême du Canada a examiné l’article 117 de la LIPR, qui prévoit que commet une infraction quiconque « organise » l’entrée au Canada d’une personne en contravention à la LIPR « ou incite, aide ou encourage » une telle personne à entrer au Canada. La Cour a conclu que cette disposition avait une portée excessive parce qu’elle avait pour conséquence inattendue de criminaliser le fait d’aider un proche parent à entrer au Canada ainsi que le fait de fournir de l’aide humanitaire à des demandeurs d’asile. Dans le même ordre d’idées, dans l’arrêt B010, qui portait sur l’interdiction de territoire pour passage criminel organisé de clandestins au sens de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, la Cour suprême du Canada a conclu que la disposition s’applique uniquement aux personnes qui agissent pour faire entrer illégalement des demandeurs d’asile afin d’en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel dans le cadre de la criminalité organisée. Dans les deux cas, les dispositions visent des situations où une personne, de manière proactive, organise certaines activités précises ou incite, aide ou encourage d’autres personnes à s’y livrer.

[29]           Pour ce qui est de l’application de l’arrêt Ezokola, je souligne que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Kanagendren, a répondu par la négative à la question certifiée à savoir si l’arrêt Ezokola modifiait le critère juridique actuel servant à évaluer l’appartenance à une organisation terroriste sous le régime de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR(Kanagendren, aux paragraphes 28 et 38).

D.                Application de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR

[30]           La décision et la mesure d’expulsion prononcées par la SI indiquent toutes les deux que le demandeur est interdit de territoire en application des alinéas 34(1)f) et c) de la LIPR. L’alinéa 34(1)c) prévoit qu’une personne est interdite de territoire s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle s’est livrée, se livre ou se livrera au terrorisme.

[31]           Le ministre n’a pas sollicité la prise d’une mesure d’expulsion au titre de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR et la SI a explicitement conclu qu’on ne lui a présenté aucun élément de preuve permettant de conclure que le demandeur avait commis des actes de terrorisme.

[32]           Le demandeur prétend que la SI a commis une erreur en renvoyant à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR.

[33]           Le ministre prétend que l’erreur qu’a pu faire la SI en renvoyant à l’alinéa 34(1)c) de la LIPR est sans conséquence, car le demandeur est toujours visé par une mesure d’expulsion à titre de personne interdite de territoire en application de l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

[34]           Puisque j’ai jugé que la conclusion de la SI concernant l’interdiction de territoire du demandeur en application de l’alinéa 34(1)f) est raisonnable, et compte tenu de l’absence de litige relativement au fait que le demandeur soit interdit de territoire en application de l’alinéa 34(1)c) de la LIPR, dans la mesure où la SI a commis une erreur en renvoyant à l’alinéa 34(1)c), celle-ci n’est pas déterminante.

IV.             Conclusion

[35]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

V.                Question certifiée

[36]           Le demandeur propose que la question suivante soit certifiée pour examen par la Cour d’appel fédérale au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR :

À la lumière des décisions rendues par la Cour suprême dans les arrêts Appulonappa et B010, les notions d’interdiction de territoire et d’appartenance à une organisation terroriste au sens de l’alinéa 34(1)f) sont-elles modifiées dans un contexte où l’on cherche à éviter l’application d’une définition large de l’appartenance et que de façon inattendue des personnes soient visées par la LIPR? [sic]

[37]           Le ministre s’oppose à la demande de certification d’une question du demandeur et prétend que la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Kanagendren a réglé la question de la portée du mot « membre » qui figure à l’alinéa 34(1)f) de la LIPR.

[38]           Pour être certifiée, une question doit être déterminante quant à l’issue de l’appel, transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 9; Varela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 145, aux paragraphes 28 et 29; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, au paragraphe 11).

[39]           Comme il a déjà été souligné, la question de l’appartenance à une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre à du terrorisme est bien établie en droit. La décision rendue dans l’arrêt Kanagendren tranche vraiment la question. En outre, il convient également de mentionner que la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation de pourvoi à l’égard de la décision rendue dans l’arrêt Kanagendren huit jours avant de rendre ses décisions dans les arrêts Appulonappa et B010.

[40]           Pour ces motifs, je refuse de certifier la question proposée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.             La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.             Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-79-16

INTITULÉ :

GOWRIMUHUNTHAN SHANMUGARASA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 8 JUIN 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 14 DÉCEMBRE 2016

COMPARUTIONS :

Dan M. Bohbot

POUR LE DEMANDEUR

Daniel Latulippe

POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dan M. Bohbot

Avocat

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.