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Date : 20161209


Dossier : T-1408-16

Référence : 2016 CF 1365

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2016

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

DONALD SAYAZIE

demandeur

et

LA PREMIÈRE NATION DÉNÉE DE BLACK LAKE, REPRÉSENTÉE PAR COREEN SAYAZIE, EN SA QUALITÉ DE CHEF, ET TREVOR BONELYE, DELBERT BOUVIER, GEORGE CATHOLIC, DARLENE FERN, JOSEPH RENIE, JOHN TOUTSAINT ET PAULINE TOUTSAINT, EN LEUR QUALITÉ DE CONSEILLERS

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur, Donald Sayazie, sollicite le contrôle judiciaire de la décision ou de l’omission de la chef et du conseil de la Première Nation dénée de Black Lake [PNBL] de constituer un comité d’appel avant le début des élections générales de 2016, comme l’exige la Black Lake Denesuline First Nation Election Act (la Loi électorale), et il remet également en question le fait que la chef et le conseil aient été autorisés à exercer leurs fonctions, puisque les résultats des élections n’ont pas été attestés par un comité d’appel.

I.                   Aperçu

[2]               Le demandeur, M. Sayazie, s’est porté candidat aux élections de 2016. Il n’a pas recueilli suffisamment de suffrages. Il affirme que lui-même et deux membres de la bande ont interjeté appel des résultats des élections et que leurs pourvois en appel n’ont pas été jugés. Il soutient que les résultats des élections n’ont pas été attestés par un comité d’appel, comme l’exige la Loi électorale et que, par conséquent, la chef et le conseil ne peuvent pas légalement occuper leurs postes respectifs. Il fait également valoir que la chef et le conseil ont contrevenu à la Loi électorale en profitant d’un poste dont ils ne sont pas titulaires, ce qui constitue une manœuvre frauduleuse.

[3]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le demandeur n’a pas fait la preuve d’un acte ou d’une omission déraisonnable quelconque de la part des défendeurs, ni d’un acte illégal ou d’une manœuvre frauduleuse quelconque.

[4]               Les défendeurs, la chef et le conseil actuels, ne sont pas responsables de l’omission de la part de l’ancien chef et du conseil de se conformer rigoureusement à la Loi électorale et de confirmer par une résolution du conseil de  bande (RCB) la constitution d’un comité d’appel composé de sept membres. De plus, l’appel du demandeur a été déposé après l’expiration du délai imparti et il n’était par ailleurs pas conforme à la Loi électorale. Il n’était pas nécessaire qu’un comité d’appel statue sur les pourvois en appel qui n’étaient pas conformes aux exigences de la Loi. De plus, un comité d’appel n’est pas tenu d’attester les résultats d’une élection en l’absence d’un appel valable.

II.                Les observations du demandeur

[5]               Au départ, le demandeur désirait obtenir le contrôle judiciaire de la décision ou de l’omission de la part du chef et du conseil de constituer un comité d’appel avant le début des élections générales de 2016, comme l’exige la Loi électorale, ainsi qu’une injonction provisoire interdisant à la chef et au conseil actuels d’agir en qualité de chef et de conseil jusqu’à ce que sa demande soit jugée, en plus d’autres mesures de redressement.

[6]               En vertu d’une ordonnance de la juge Mactavish datée du 4 octobre 2016 et par suite de la conférence de gestion de l’instance qui a eu lieu le 30 septembre 2016, il a été décidé de fixer une date pour l’instruction accélérée de la présente demande de contrôle judiciaire, au lieu de trancher en premier sur la requête du demandeur en injonction provisoire.

[7]               Le dossier de la demande et le mémoire écrit contenant l’argumentation du demandeur reproduisent en grande partie le mémoire qui a été déposé à l’appui de la requête en injonction provisoire. La Cour s’est penchée uniquement sur les questions connexes à la demande sous-jacente de contrôle judiciaire.

[8]               Le demandeur affirme qu’il a présenté sa candidature au poste de chef. Il a déposé un avis d’appel à la suite des élections.

[9]               Le demandeur cite la Loi électorale, qui prévoit que sept membres d’un comité d’appel doivent être choisis par les membres de la bande au cours d’une assemblée extraordinaire de celle-ci. Il affirme qu’il n’y a eu aucune RCB constituant un comité d’appel et qu’il n’existait donc aucun comité d’appel au sens de la Loi. Le demandeur fait valoir que la chef et le conseil ne pouvaient pas légalement occuper leurs postes, étant donné qu’il n’y avait pas eu de comité d’appel pour statuer sur son pourvoi en appel ainsi que sur les autres pourvois et pour attester les résultats des élections.

[10]           Le demandeur allègue que même si des membres avaient été choisis pour constituer le comité d’appel, ils ne formaient pas un comité d’appel en règle et ils n’ont pris aucune décision au sujet de son pourvoi en appel et des autres. Il ajoute qu’il n’a pas été avisé du résultat de son appel.

[11]           Le demandeur soutient en outre que la tradition veut que le président des élections coordonne l’assermentation du chef et du conseil. Il prétend que le président des élections n’a pas pu le faire en raison des appels en instance. Il soutient également que la transmission des résultats des élections par la présidente des élections adjointe a été faite à l’encontre de la volonté du président des élections.

[12]           Il fait valoir que la chef et le conseil se sont autoproclamés élus et ont illégalement employé leurs noms dans des postes de confiance ou des situations d’autorité, ce qui constitue une « manœuvre frauduleuse » au sens de la Loi électorale.

[13]           Le demandeur reconnaît qu’il incombait au chef et au conseil précédents de convoquer une assemblée pour constituer un comité d’appel et pour adopter une RCB afin d’en confirmer la constitution. Il semble également convenir du fait que la chef et le conseil actuels n’ont pas le pouvoir de « réparer » l’omission du chef et du conseil précédents. Quoi qu’il en soit, il fait valoir que la chef et le conseil actuels devraient remédier à la situation, étant donné qu’ils ont hérité de la décision ou de l’omission. Il allègue qu’un redressement s’impose, parce que la chef et le conseil actuels n’ont pas le pouvoir d’adopter une RCB de quelque nature que ce soit.

[14]           Le demandeur propose à la Cour de rendre une ordonnance constituant d’urgence un comité spécial de sélection des membres du comité d’appel, lequel serait composé du chef et du conseil précédents. Ce comité produirait ensuite des observations à la Cour en vue de la constitution d’un comité d’appel. L’ordonnance devrait également prévoir que le président des élections serait tenu de déclencher des élections partielles une fois que le comité d’appel aura été constitué. S’il y avait appel des résultats des élections partielles, le comité d’appel trancherait en appel et attesterait les résultats des élections ou prendrait les mesures qui s’imposent, conformément à la Loi électorale.

III.             Les observations des défendeurs

[15]           Les défendeurs prennent acte de l’ordonnance de la juge Mactavish et font remarquer que le demandeur a déposé de nouveau les mêmes documents et a fait valoir les mêmes arguments que dans sa demande de redressement provisoire, en dépit de l’entente conclue en vue d’accélérer la demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, les défendeurs ont été forcés d’anticiper des arguments qui pouvaient être pertinents dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire et ils ont dû y répondre.

[16]           Les défendeurs font remarquer qu’une assemblée extraordinaire de la bande a eu lieu le 24 mai 2016 dans le but de désigner un président des élections ainsi que les membres d’un comité d’appel. Six membres ont été choisis en vue de la constitution d’un comité d’appel, mais deux d’entre eux ont subséquemment refusé de faire partie du comité. Les défendeurs admettent qu’aucune RCB n’a été produite concernant un comité d’appel.

[17]           Les défendeurs soutiennent que le demandeur n’a pas désigné les bons défendeurs dans sa demande. C’est au chef et au conseil précédents qu’il incombait de convoquer une assemblée de la bande en vue de choisir le président des élections ainsi que les membres du comité d’appel et d’adopter une RCB afin de confirmer ces sélections. La chef et le conseil actuels ne peuvent rien faire pour remédier à cette omission. Les défendeurs contestent l’argument du demandeur selon lequel la chef et le conseil actuels ont hérité de la décision ou de l’omission et doivent y remédier.

[18]           Les défendeurs font valoir qu’en leur qualité de chef et de membres du conseil, ils n’ont pas adopté d’arrêté déraisonnable ou illégal et ils n’ont pris aucune mesure ni omis de faire un acte quelconque; ils concluent donc que la Cour n’a pas compétence pour se saisir de la présente demande de contrôle judiciaire.

[19]           Subsidiairement, les défendeurs allèguent que si la demande de contrôle judiciaire a été déposée après l’expiration du délai de 30 jours imparti par la Loi sur les Cours fédérales, la Cour devrait refuser de l’étudier. Le demandeur a été avisé des résultats des élections le 24 juin 2016, mais il n’a présenté sa demande que le 16 août 2016.

[20]           Les défendeurs admettent que la Loi électorale n’a pas été rigoureusement respectée, en ce sens qu’il n’y a eu aucune RCB confirmant la constitution d’un comité d’appel et que le comité d’appel n’était pas composé des sept membres nécessaires. Toutefois, six membres ont été choisis et quatre demeurent en poste. Les défendeurs soutiennent qu’il s’agit d’un comité d’appel valablement constitué en dépit des irrégularités, et que celui-ci est la manifestation d’une volonté de la bande qu’il faut respecter.

[21]           Les défendeurs ajoutent que certaines des dispositions de la Loi électorale sont impératives, tandis que d’autres sont simplement indicatives. Si l’inobservation d’une disposition n’entraîne aucune conséquence, la disposition est indicative (Aspsassin v Canada (Department of Indian Affairs and Northern Development), [1988] 3 FC 20 (C.F. 1re inst.).

[22]           Les défendeurs font valoir que les dispositions de la Loi électorale qui régissent la constitution d’un comité d’appel sont indicatives, et non impératives, étant donné que l’omission de constituer un comité d’appel n’entraîne aucune conséquence. Par conséquent, l’omission de se conformer à la lettre de la loi n’est pas fatale en ce qui concerne les résultats des élections. Un comité d’appel composé de quatre membres a été constitué, en conformité sur le fond avec la Loi électorale, et il aurait pu se prononcer sur tout pourvoi en appel qui lui aurait été soumis de façon appropriée dans les délais impartis.

[23]           Les défendeurs soutiennent que les dispositions de la Loi électorale qui régissent le dépôt des appels sont de nature différente et sont impératives. Les pourvois en appel doivent être présentés dans le délai imparti et doivent être décidés par le comité d’appel, aussi dans le délai imparti. Le chef et les conseillers peuvent ensuite s’acquitter de leurs fonctions ou, subsidiairement selon les résultats de l’appel, déclencher des élections partielles en temps opportun. Permettre que des pourvois en appel soient présentés après l’expiration du délai imparti pendant la durée du mandat du chef et du conseil provoquerait le chaos et des perturbations et saperait le modèle de gouvernance.

[24]           Les défendeurs font remarquer que les trois pourvois en appel ont été déposés après l’expiration du délai imparti. Il n’existait aucun pourvoi en appel valable à transmettre à un comité d’appel. De plus, les quatre membres du comité d’appel n’avaient aucune obligation de se prononcer sur les appels déposés tardivement. Par conséquent, il n’était pas nécessaire que le président des élections atteste les résultats des élections. Les défendeurs ajoutent que les résultats des élections tenues le 24 juin 2016 étaient décisifs.

[25]           Les défendeurs font valoir que l’allégation du demandeur, selon laquelle il n’a obtenu aucune information et n’a pas été avisé du résultat de son appel, n’est pas crédible. Les défendeurs attirent l’attention de la Cour sur des lettres de leur ancien avocat et de leur avocat actuel dans lesquelles le demandeur a été avisé que son appel était hors délai. Les défendeurs font également ressortir le témoignage de Terri-Lynne Beavereye, qui a déclaré avoir avisé le président des élections, M. Robillard, le 18 juillet 2016 du fait que les trois pourvois en appel avaient été déposés après l’expiration du délai imparti.

[26]           Les défendeurs soutiennent également qu’aucun des pourvois en appel, même s’ils avaient été déposés en temps opportun, n’aurait eu d’incidence sur les résultats des élections. L’appel du demandeur était fondé sur le fait que sa petite-fille avait voté deux fois. Peu importe l’identité du candidat pour lequel sa petite-fille a voté et la possibilité qu’elle ait voté une ou deux fois, il n’y aurait eu aucune répercussion sur les résultats des élections, compte tenu du nombre décisif de suffrages recueillis par Mme Sayazie à titre de candidate au poste de chef. Les défendeurs allèguent qu’un appel aurait été rejeté si la preuve produite n’avait pas révélé d’infraction à la Loi; donc, étant donné qu’une infraction n’aurait eu aucune influence sur les résultats, ceux-ci seraient demeurés inchangés (article 12.8).

[27]           Les défendeurs font également valoir que rien n’exigeait l’attestation des résultats des élections dans ces circonstances. La chef et le conseil ont prêté le serment d’entrée en fonction devant un commissaire. La Loi n’exige pas que le président des élections supervise l’assermentation. La chef et le conseil se sont acquittés de leurs fonctions en leur qualité de représentants élus, ce qui ne constitue pas une manœuvre frauduleuse.

[28]           Les défendeurs ajoutent que le redressement proposé par le demandeur pour pallier le manque de conformité rigoureuse à la Loi électorale causé par l’omission apparente de la part du chef et du conseil précédents de constituer un comité d’appel composé de sept membres et d’adopter une RCB le confirmant est extrême, même si les arguments du demandeur avaient un fondement quelconque; selon eux, il n’existe aucun motif d’annuler les résultats des élections.

IV.             Les questions en litige

[29]           Dans ses observations, le demandeur ne soulève aucune question claire qui devrait être tranchée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. À mon avis, les questions qu’aborde le demandeur peuvent être résumées comme suit : une décision aurait-elle dû être rendue sur l’appel du demandeur? L’absence d’un comité d’appel dûment constitué pour le faire a-t-elle entraîné l’omission d’attester les résultats des élections? La chef et le conseil actuels ont-ils légalement pris leurs fonctions?

[30]           Les défendeurs soulèvent des questions supplémentaires, notamment : le demandeur a-t-il nommé les mauvais défendeurs? Un comité d’appel était-il en place, même s’il n’était pas rigoureusement conforme à la Loi électorale? L’appel du demandeur a-t-il été déposé hors délai, de sorte que le comité d’appel n’était pas tenu d’étudier son pourvoi? La demande de contrôle judiciaire du demandeur a-t-elle été déposée hors délai, étant donné que l’omission alléguée en ce qui concerne le comité d’appel s’est produite avant que les élections aient eu lieu, le 24 juin 2016, et que le demandeur en aurait été au courant?

V.                La norme de contrôle

[31]           Le conseil d’une bande est un « office fédéral », au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, de sorte que la Cour a compétence pour réviser toute ordonnance prononcée ou toute mesure prise.

[32]           La demande soulève des questions mixtes de droit et de fait qui sont susceptibles d’être révisées selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c.Nouveau-runswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

VI.             La preuve

[33]           La Loi électorale encadre le déroulement des élections à compter de la sélection des membres du personnel électoral jusqu’à l’expiration de tout délai d’appel. Elle établit notamment les critères que doivent remplir les candidats, le rôle et les responsabilités des membres du personnel électoral, la constitution et la composition d’un comité d’appel et la procédure d’appel. Les dispositions applicables de la Loi électorale figurent à l’annexe A.

L’affidavit de M. Donald Sayazie

[34]           Le demandeur, M. Sayazie, affirme sous serment qu’il s’est porté candidat aux élections du 24 juin 2016. Il déclare qu’il a déposé son pourvoi en appel par écrit entre les mains du président des élections et qu’un commissaire aux serments a été témoin de sa signature.

[35]           Il affirme que la chef et le conseil ont pris leurs fonctions sans avoir prêté le serment d’entrée en fonction en bonne et due forme et sans l’attestation d’un comité d’appel, ce qui équivaut à une manœuvre frauduleuse. Il déclare que le président des élections l’a avisé du fait que la chef et le conseil avaient retenu les services d’un commissaire aux serments afin qu’il puisse leur faire prêter le serment d’entrée en fonction ce qui, à ses yeux, est contraire à l’esprit de la Black Lake Denesuline First Nations Act. Il affirme également que le président des élections l’a informé du fait qu’un comité d’appel devait attester les résultats des élections et que lui-même n’avait pas été en mesure de le faire, parce qu’il n’y avait pas de comité d’appel.

[36]           En contre-interrogatoire, les réponses de M. Sayazie étaient vagues et incohérentes à certains égards. Il a admis avoir déposé son pourvoi en appel le 18 juillet 2016. Il a affirmé qu’il n’avait pas lu la Loi électorale, et il a laissé entendre qu’il n’était pas au courant du délai de 14 jours ni de la signification de l’expression « jours civils ». Toutefois, il a convenu que ce délai était prévu par la Loi. Il a également cité plusieurs autres dispositions à l’appui de ses propres arguments, ce qui donne à penser qu’il avait lu la Loi électorale.

[37]           Il a déclaré qu’il était présent à l’assemblée de la bande le 24 mai 2016, mais qu’il était parti tôt. Toutefois, il a également affirmé qu’il était dans l’assistance quand M. Robillard a été élu président des élections ce qui, selon le procès-verbal, se serait produit à minuit. Il a déclaré qu’il n’était pas présent lorsqu’un comité d’appel a été constitué, et il a fait remarquer que le procès-verbal n’en faisait pas mention.

[38]           Il a répondu à plusieurs questions au sujet du fondement de son appel. Les réponses qu’il a données n’étaient pas claires sur la question de savoir s’il était préoccupé par le fait que sa petite-fille ait voté deux fois ou par le fait qu’il ait été erroné de lui laisser entendre qu’elle ne pouvait pas voter deux fois, parce qu’elle avait déjà voté lors du scrutin par anticipation, et de lui dire ensuite qu’elle pouvait retourner au bureau de scrutin pour voter.

[39]           Il a affirmé qu’il n’avait jamais reçu de renseignements du comité d’appel à propos de son appel. Toutefois, il a admis que son avocate avait reçu de la correspondance mentionnant que son appel était hors délai et que ce renseignement lui avait été transmis.

[40]           Lorsqu’on lui a mentionné les dispositions applicables de la Loi électorale, il a convenu qu’aucune disposition n’exigeait que le chef et les conseillers prêtent serment devant le président des élections.

L’affidavit de Mme Coreen Sayazie

[41]           Mme Sayazie affirme qu’elle est la chef dûment élue par suite des élections de la bande qui se sont déroulées le 24 juin 2016. Mme Sayazie a joint, à titre d’élément de preuve, le rapport des membres du personnel électoral signé par la présidente des élections adjointe, Janelle Boneleye, qui a été présenté au ministère des Affaires autochtones et du Nord et a été accepté par celui-ci. Il y est indiqué que Coreen Sayazie a obtenu 274 suffrages, comparativement à 220 pour Anne Gordon Toutsaint et à 185 pour Donald Sayazie.

[42]           Mme Sayazie affirme qu’elle n’était pas présente à l’assemblée tenue par la bande le 24 mai 2016. Elle indique que Tricia Cook a dressé le procès-verbal de l’assemblée qui était joint à son affidavit.

[43]           Mme Sayazie croit et confirme que Tricia Cooke l’a avisée qu’un comité d’appel composé de six membres avait été constitué lors de cette assemblée, même si le procès-verbal n’en fait pas mention. À la suite de l’assemblée, deux membres ont refusé de faire partie du comité d’appel parce que leur épouse respective était candidate. Mme Sayazie indique que M. Robillard, le président des élections, devait avoir été conscient que six membres avaient été choisis et que deux d’entre eux avaient démissionné, étant donné qu’il avait fait parvenir une note de service aux quatre membres restants le 13 juillet 2016.

[44]           Mme Sayazie précise que la Loi électorale n’exige pas que le président des élections fasse prêter le serment d’entrée en fonction au chef et aux conseillers. Mme Sayazie explique que le président des élections était habituellement présent, mais que M. Robillard avait refusé d’y assister. La chef et les conseillers ont prêté serment devant un commissaire aux serments en présence de la présidente des élections adjointe.

[45]           Mme Sayazie fait observer que M. Sayazie était au courant depuis le 25 juillet 2016 du fait que son pourvoi en appel avait été déposé hors délai. Mme Sayazie a joint une série de lettres à son affidavit. Une lettre qui a été envoyée le 22 juillet 2016 à M. Robillard, le président des élections, par Me Partyka, l’ancien avocat du demandeur, indique que l’absence d’un comité d’appel avait empêché les personnes désireuses d’en appeler des résultats de faire valoir leurs droits; il laisse entendre que les élections seraient donc nulles.

[46]           Me Pandilla, avocat de la PNBL, a répondu le 25 juillet 2016 en énumérant les dispositions applicables de la Loi et en signalant qu’aucun pourvoi en appel n’avait été déposé dans le délai imparti de 14 jours, lequel expirait le 8 juillet 2016.

[47]           La lettre de l’avocate actuelle du demandeur, datée du 11 août 2016, mentionne notamment les préoccupations suscitées chez le président des élections par le fait que trois pourvois en appel n’avaient pas été décidés en raison de l’absence d’un comité d’appel.

[48]           La lettre datée du 12 août 2016 de Me Pandilla, l’avocat des défendeurs, retrace la chronologie des événements, renvoie aux dispositions de la Loi électorale et répond à la correspondance précédente; elle fait ressortir le fait que l’ancien avocat du demandeur, Me Partyka, a été avisé qu’aucun des pourvois en appel n’avait été déposé dans le délai imparti et que M. Robillard n’avait pas le pouvoir de déclencher des élections partielles.

[49]           Mme Sayazie a joint à son affidavit une copie de deux avis d’appel. L’avis d’appel du demandeur date du 13 juillet 2016 et a été fait sous serment le 18 juillet 2016. L’avis d’appel du demandeur indique qu’une erreur ou une violation de la Loi électorale susceptible d’entacher les résultats avait été commise. Il relate que Robin Sayazie, sa petite-fille, s’était présentée au bureau de scrutin où on lui a indiqué qu’elle ne pouvait pas voter, parce qu’elle l’avait fait lors du scrutin par anticipation. Par la suite, la présidente des élections adjointe a communiqué avec elle et lui a dit qu’elle pouvait voter, ce qu’elle a fait. M. Sayazie affirme ce qui suit : [traduction] « J’ai besoin de dépouiller à nouveau les résultats des élections du 24 juin 2016 aux postes de chef et de conseillers ».

[50]           Dans son avis d’appel qui est daté du 4 juillet 2016 et qui a été fait sous serment le 13 juillet 2016, M. Alphonse soutient que le président des élections a omis d’inscrire son nom dans la liste des candidats en raison du fait qu’il n’avait pas présenté la vérification de son casier judiciaire; il mentionne également le fait que la petite-fille de M. Sayazie est retournée voter après qu’on lui eut dit qu’elle avait déjà voté au scrutin par anticipation.

[51]           Dans sa note de service aux quatre membres du comité d’appel, qui est datée du 13 juillet 2014, M. Robillard a indiqué qu’il avait reçu la vérification du casier judiciaire de M. Alphonse le jour des élections et qu’il demandait une décision du comité d’appel sur le pourvoi en appel de M. Alphonse au plus tard le 24 juillet 2016.

[52]           Mme Sayazie a également joint à son affidavit le procès-verbal de l’assemblée du 24 mai 2006. Le procès-verbal est très sibyllin, mais il semble rendre compte d’une discussion au sujet d’affaires qui ne concernaient pas les élections. L’assemblée a débuté à 16 h 51 et s’est terminée à minuit. Rien n’est indiqué entre 20 h 11 et 23 h 26 dans le procès-verbal. À 23 h 33, il est indiqué que l’assemblée devait élire un président des élections. Plusieurs noms ont été pris en note. Il appert que M. Robillard ait obtenu 27 suffrages et qu’il ait été choisi comme président des élections.

[53]           En contre-interrogatoire, Mme Sayazie a confirmé qu’elle n’avait pas fait partie du conseil précédent et qu’elle ne pouvait pas témoigner de ce que celui-ci avait ou n’avait pas fait en ce qui concerne la constitution d’un comité d’appel. Elle a indiqué qu’elle avait été mise au courant du fait qu’un comité d’appel avait été constitué, que l’identité de ses membres avait été annoncée par M. Robillard au cours de l’assemblée de mise en candidature tenue le 10 juin 2016 et que deux membres avaient subséquemment refusé de faire partie du comité d’appel, mais qu’elle ne savait si une RCB avait été adoptée à cette fin.

[54]           Mme Sayazie n’a pas pu répondre à la question de savoir pourquoi le procès-verbal de l’assemblée du 24 mai 2016 ne faisait pas mention de l’élection des membres d’un comité d’appel, et elle a répété qu’elle n’était pas responsable de ce procès-verbal et qu’elle ne faisait pas partie du conseil à l’époque. Elle a affirmé qu’à son avis, la note de service de M. Robillard datée du 13 juillet 2016 et destinée aux quatre membres du comité d’appel indiquait que M. Robillard croyait qu’un comité d’appel existait.

[55]            Elle a également confirmé qu’elle-même et les autres conseillers ont prêté le serment d’entrée en fonction devant un commissaire. En réponse à des questions portant sur le refus de la part du président des élections d’assister à leur assermentation, Mme Sayazie a répondu qu’on lui avait dit que M. Robillard avait refusé, parce qu’il voulait être rémunéré pour le faire, et non pas parce qu’il attendait l’avis du comité d’appel.

L’affidavit de Terri Lynn Beavereye

[56]           Mme Beavereye confirme qu’elle est une directrice commerciale pour le compte de la bande et qu’elle a été nommée membre du comité d’appel le 24 mai 2016.

[57]           Elle affirme que le 18 juillet 2016, le président des élections, M. Robillard, s’est présenté à son bureau et lui a indiqué qu’il avait reçu trois pourvois en appel relativement aux élections. M. Robillard lui a indiqué qu’il n’avait reçu aucun de ces pourvois le 8 juillet 2016 ou avant cette date. Elle ajoute qu’elle a dit à M. Robillard que le comité d’appel ne pouvait être saisi d’aucun des pourvois en appel, parce que ceux-ci avaient été déposés hors délai.

[58]           En contre-interrogatoire, Mme Beavereye a affirmé qu’elle n’avait pas assisté à l’assemblée du 24 mai 2016, et elle a admis que le procès-verbal était muet en ce qui concerne la constitution d’un comité d’appel. Elle a également affirmé que deux assemblées différentes de la bande ont eu lieu le 24 mai 2016, mais qu’elle ne savait pas s’il existait un autre procès-verbal.

[59]           Elle a déclaré que M. Robillard a annoncé l’identité des six membres du comité d’appel au cours de l’assemblée de mise en candidature tenue le 10 juin 2016.

[60]           Mme Beavereye a ajouté que M. Robillard, lorsqu’il s’est présenté à son bureau le 18 juillet 2016, l’a avisée qu’il transmettrait une copie des trois pourvois en appel aux autres membres du comité d’appel. Mme Beavereye a affirmé qu’elle a parlé à deux autres membres du comité d’appel qui avaient reçu des copies des pourvois en appel, mais que le groupe ne s’était jamais réuni pour prendre une décision.

L’affidavit de Mary Rose Bouvier

[61]           Mme Bouvier confirme qu’elle est une ancienne conseillère de la bande. Elle indique qu’elle n’a signé aucune RCB concernant un comité d’appel et qu’elle croit qu’aucun comité d’appel n’a été constitué lors de l’assemblée de la bande qui a eu lieu le 24 mai 2016.

[62]           En contre-interrogatoire, Mme Bouvier a répondu qu’elle avait assisté à l’assemblée du 24 mai 2016, mais qu’elle avait quitté à 23 h, avant que le président des élections ou que les membres d’un comité d’appel aient été désignés. Elle a fait observer que l’identité des membres du comité d’appel avait suscité des discussions parmi les membres de la collectivité.

[63]           Elle a confirmé qu’elle n’était pas au courant d’une quelconque exigence qui aurait obligé le président des élections à présider la cérémonie d’assermentation de la chef et des conseillers.

Résumé de la preuve

[64]           Outre les dispositions applicables de la Loi électorale, la preuve sur laquelle je me suis fondée pour statuer sur la présente demande est résumée ci-dessous :

  • Les membres du comité d’appel ont été choisis au cours de l’assemblée du 24 mai 2016, mais de manière non conforme à la Loi qui exige sept membres;
  • Il n’y a eu aucune RCB confirmant la constitution d’un comité d’appel;
  • Le procès-verbal de l’assemblée du 24 mai 2016 ne fait pas mention de la constitution d’un comité d’appel. Le procès-verbal est très sibyllin et ne contient aucun renseignement pertinent en raison de sa concision et de pages manquantes;
  • Il se peut qu’une deuxième assemblée ait eu lieu le 24 mai 2016, mais aucun procès-verbal de celle-ci n’a été produit;
  • Le président des élections, M. Robillard, a annoncé l’identité de six membres du comité d’appel lors de l’assemblée de mise en candidature tenue le 10 juin 2016; deux des membres ont subséquemment refusé de faire partie du comité d’appel;
  • Le 13 juillet 2016, M. Robillard a envoyé une note de service aux quatre membres du comité d’appel et il a fait parvenir des copies des pourvois en appel qu’il avait reçus à certains des membres du comité d’appel le 18 juillet 2016;
  • Les trois pourvois en appel ont tous été déposés hors délai, étant donné que chacun d’entre eux a été fait sous serment ou a été signifié bien après le 8 juillet 2016;
  • Le demandeur admet qu’il a déposé son appel après l’expiration du délai de 14 jours, mais il allègue également ne pas avoir lu cette partie de la Loi électorale; il n’a pas joint de copie de son pourvoi en appel à son propre affidavit, mais celui-ci indiquait à sa face-même qu’il avait été fait sous serment le 18 juillet 2016;
  • Pour justifier son pourvoi en appel, le demandeur invoque le fait que sa petite-fille a pu voter deux fois, et il soutient qu’il a demandé un nouveau dépouillement des résultats des élections. Cependant, que sa petite-fille ait voté ou non deux fois n’aurait eu aucune répercussion sur les résultats des élections;
  • La preuve ne contient pas d’affidavit de la petite-fille du demandeur, Robin Sayazie, pour confirmer ce qui s’est produit au moment où elle a voté, et la preuve ne contient pas de copie du pourvoi en appel de celle-ci;
  • Même si plusieurs déposants ont parlé de ce que le président des élections, M. Robillard, avait fait ou dit, il n’y a pas d’affidavit de M. Robillard;
  • La note de service que le président des élections, M. Robillard, a envoyée le 13 juillet 2016 donne à penser qu’il reconnaissait le comité d’appel constitué de quatre membres; cela contredit l’allégation du demandeur selon laquelle M. Robillard était préoccupé par l’incapacité d’attester les résultats des élections et avait l’intention de déclencher des élections partielles;
  • Le demandeur a été mis au courant, le 25 juillet 2016 ou vers cette date, du fait que son pourvoi en appel avait été déposé après l’expiration du délai prescrit; il a admis que son avocate l’avait avisé qu’une lettre avait été envoyée pour lui indiquer que son pourvoi était hors délai;
  • Les résultats des élections ont été décisifs en faveur de Mme Sayazie au poste de chef;
  • Il n’existe aucune preuve d’une exigence ou d’une pratique quelconque qui aurait obligé le président des élections à présider la prestation de serment de la chef et des conseillers; la Loi électorale ne contient aucune disposition de cette nature;
  • La chef et les conseillers ont prêté le serment d’entrée en fonction devant un commissaire aux serments, en présence de la présidente des élections adjointe.

VII.          Le demandeur n’a pas fait la preuve d’un acte ou d’une omission illégal ou déraisonnable de la part des défendeurs

[65]           Le demandeur a fait valoir que l’incertitude règne dans la collectivité en raison des résultats des élections qui sont illégaux et qu’une ordonnance judiciaire rapide est nécessaire pour rétablir la certitude. À mon avis, c’est le demandeur qui a semé cette incertitude dans son milieu par ses propres actes entourant le dépôt à la Cour de la présente demande sans fondement. Les résultats des élections étaient définitifs. Le prétendu appel du demandeur, s’il avait été déposé dans le délai imparti, n’aurait rien changé à l’issue des élections, étant donné qu’il aurait entraîné une différence d’au plus un suffrage. De plus, la façon dont le demandeur décrit l’irrégularité alléguée est loin d’être claire. Il n’existe aucune preuve directe de la part de Robin Sayazie ni du président des élections, M. Robillard.

[66]           Le demandeur invoque l’avertissement formulé par le juge Rothstein dans la décision Long Lake First Nation v Canada (Minister of Indian and Northern Affairs), [1995] ACF no 1020, au paragraphe 31 :
[traduction]

Les membres du Conseil et les membres de la Bande ne peuvent créer leurs propres règles de droit. Autrement, l’anarchie régnerait. Le peuple donne aux membres du Conseil le pouvoir de prendre des décisions en son nom et les membres du Conseil doivent s’acquitter de leurs responsabilités en tenant compte du peuple qui l’a élu pour protéger et représenter ses intérêts. La règle fondamentale veut que les conseils de Bande fonctionnent en conformité avec la primauté du droit.

[67]           Le demandeur allègue que le chef et le conseil précédents ont manqué de diligence dans l’exercice de leur devoir de supervision en omettant de constituer un comité d’appel et en permettant que les défendeurs soient élus en violation de la Loi, ce qui est irresponsable et contraire à la primauté du droit. Le demandeur ajoute que les défendeurs occupent illégalement leur poste.

[68]           À mon avis, il s’agit d’une grossière exagération. L’élection des défendeurs ne viole pas la Loi et n’est pas illégale. Même si l’omission est imputable au chef et au conseil précédents, la preuve donne à penser qu’ils avaient manifestement l’intention de constituer un comité d’appel, même si seulement six personnes ont été désignées, plutôt que sept, et même si deux de ces personnes ont refusé et si aucune RCB n’a été adoptée. Le chef et le conseil précédents ne sont pas défendeurs dans la présente instance; les allégations contre eux sont donc inutiles. La chef et le conseil actuels, qui ont été nommés à titre de défendeurs, ne sont pas à blâmer pour l’omission de leurs prédécesseurs.

[69]           Le demandeur n’a pas prouvé que la chef et le conseil actuels ont agi ou ont omis d’agir d’une manière illégale ou déraisonnable qui justifierait une intervention de la Cour.

[70]           La position adoptée par le demandeur est très incohérente. D’une part, il soutient que la chef et le conseil actuels ont illégalement pris leurs postes et qu’ils n’ont aucun pouvoir. D’autre part, il allègue que la chef et le conseil actuels devraient remédier à la lacune qui existe dans la Loi électorale.

[71]           Le demandeur cherche également à invoquer certaines dispositions de la Loi, mais pas d’autres. Il ne réussit pas à avoir une vision d’ensemble de la situation globale. Même s’il n’avait existé aucun comité d’appel dûment constitué, son pourvoi en appel, à l’instar des deux autres pourvois, n’a pas été déposé dans le délai imparti. L’absence d’un comité d’appel composé de sept membres et confirmé par une RCB n’a aucune incidence sur le pourvoi en appel du demandeur, étant donné que celui-ci a été déposé hors délai.

[72]           Le demandeur a allégué qu’il n’avait pas été informé des résultats de son appel, ce qui est contredit par la preuve claire qui se trouve au dossier. Dans sa plaidoirie, son avocate a laissé entendre que, même s’il avait été avisé que son appel était hors délai, il s’agissait seulement de l’avis de son avocate et non d’une décision statuant sur son appel. Toutefois, il est clair que le demandeur a été mis au courant du fait que son pourvoi en appel avait été déposé après l’expiration du délai prescrit par la Loi électorale. Un comité d’appel n’était pas tenu de se prononcer sur cet appel, étant donné que le pourvoi avait été déposé après l’expiration du délai imparti de 14 jours.

[73]           De plus, rien n’obligeait le comité d’appel à attester les résultats de ces élections. L’article 11.4 de la Loi électorale prévoit ce qui suit : [traduction] « Il incombe au comité d’appel d’attester les résultats d’une élection ou d’une élection partielle au conseil de la Première Nation en cas d’appel à la suite de celle-ci». En l’absence d’un appel valable, il n’existait aucune obligation de cette nature.

[74]           Comme les défendeurs, je suis d’avis que les dispositions de la Loi électorale qui régissent le dépôt et le jugement des pourvois en appel (article 12) sont impératives. Les pourvois en appel doivent être dûment présentés dans les quatorze jours, et une décision préliminaire doit être rendue dans les sept jours. Lorsqu’il tient une audience, le comité d’appel doit se prononcer dans les sept jours qui suivent. Ces délais sont nécessaires pour permettre au chef et au conseil de tourner la page après une décision sur un pourvoi valable en appel sans s’exposer au risque que des appels soient déposés ultérieurement, lesquels nuiraient à leur capacité de diriger.

[75]           La Loi électorale ne prévoit aucune conséquence en cas de dérogation à l’exigence portant sur la constitution d’un comité d’appel. Cette situation donne à penser que les dispositions portant sur le comité d’appel ne sont pas impératives. Même si le comité d’appel joue un rôle important, la Loi ne contient aucune disposition concernant le remplacement de membres du comité d’appel ou autorisant que celui-ci soit composé d’un nombre moindre de membres pour s’acquitter des obligations du comité d’appel.

[76]           La Loi électorale ne contient aucune exigence, et aucune preuve n’a été produite au sujet d’une pratique quelconque voulant que le président des élections soit tenu de superviser la prestation de serment du chef et du conseil. Comme le prévoit la Loi, la chef et le conseil ont prêté serment en présence de la présidente des élections adjointe. Les résultats des élections ont été transmis au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (qui est devenu depuis le ministère des Affaires autochtones et du Nord Canada).

[77]           La chef et les membres du conseil ont légalement pris leurs postes et ont le pouvoir de diriger. Le demandeur devrait l’accepter.

[78]           En ce qui concerne les observations des défendeurs selon lesquelles la demande de contrôle judiciaire a été déposée après l’expiration du délai de 30 jours prescrit par les Règles des Cours fédérales, le moment où le compte à rebours a commencé n’est pas clair, compte tenu de l’imprécision de la preuve invoquée pour déterminer le moment où le demandeur a su qu’aucun comité d’appel composé de sept membres n’avait été confirmé par une RCB. La Cour s’est donc penchée sur toutes les questions qui avaient été soulevées par les deux parties.

[79]           Je reconnais que le comité d’appel peut être invité à étudier d’autres questions qui pourraient se présenter pendant le mandat de la chef et du conseil. L’absence d’un comité d’appel composé de sept membres et confirmé par une RCB pourrait être problématique à l’avenir pour la bande dans son ensemble, et non pour le demandeur en particulier. Il ne s’agit pas d’une question qui doit être tranchée dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. Comme je l’ai fait remarquer à l’audience, la Cour est réticente à façonner des mesures de redressement pour résoudre les problèmes d’une collectivité qui a la capacité de les solutionner elle-même d’une manière qui serait probablement plus acceptable aux yeux de tous ses membres.

[80]           Toutefois, étant donné que les parties semblent se trouver dans une impasse, la Cour leur fera certaines suggestions. Ces suggestions n’ont pas pour objet d’usurper le rôle de la bande dans la gestion de ses élections et dans son gouvernement, mais plutôt d’éviter la nécessité pour elle d’avoir à se présenter à nouveau devant la Cour. Il faudrait prévenir et régler les lacunes de la Loi électorale qui donnent la possibilité aux membres de semer la controverse ou qui suscitent des litiges.

[81]           La bande devrait d’abord décider si les quatre personnes choisies comme membres du comité d’appel peuvent être reconnues à titre de comité d’appel pour la durée du mandat de la chef et du conseil actuels. Dans l’affirmative, ces membres pourraient siéger en formations de trois (pour faire en sorte qu’il n’y ait pas égalité des voix) pour se pencher sur les questions qui découlent de l’article 11.3, autres que les pourvois en appel des résultats des élections étant donné que le délai imparti pour se pourvoir en appel était expiré depuis longtemps.

[82]           Dans l’optique d’une approche à plus long terme, la bande devrait envisager de modifier la Loi électorale afin qu’elle prévoie le remplacement des membres du comité d’appel qui ont été ou qui auraient dû être désignés avant les élections par le chef et le conseil précédents en cas de maladie, de décès, d’inhabilité ou de démission. La Loi électorale prévoit le remplacement du président des élections aux articles 3.2 et 11.3, et ces dispositions pourraient servir de modèle qui pourrait être adapté pour le remplacement des membres du comité d’appel. Subsidiairement ou en outre, la Loi électorale pourrait permettre aux membres restants d’agir à titre de comité d’appel si des membres démissionnaient ou étaient déclarés inhabiles, dans la mesure où le nombre de membres n’est pas inférieur à un seuil précis. Une autre solution qui pourrait être envisagée consisterait à exiger que le président des élections ou le président des élections adjoint convoque une assemblée extraordinaire de mise en candidature pour procéder au choix des membres remplaçants par un scrutin parmi les membres de la bande, dont les résultats seraient ensuite présentés au chef et au conseil et qui seraient ultimement confirmés par une RCB.

VIII.       Les dépens

[83]           Les défendeurs ont droit à leurs dépens. Les défendeurs ont été appelés à défendre les résultats décisifs des élections et à anticiper les arguments du demandeur au sujet de sa demande de contrôle judiciaire, parce que le demandeur a déposé et a invoqué à deux reprises les arguments qui avaient été préparés dans le but de demander une injonction provisoire et qui ne portaient pas sur le bien-fondé de la demande sous-jacente.

[84]           Les défendeurs ont présenté une version préliminaire de leur mémoire de dépens que j’ai examinée et qui, je n’en doute pas, énumère les coûts qu’ils ont dû engager. Toutefois, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire et j’octroie aux défendeurs, au titre des dépens, une somme forfaitaire moins élevée de 6 500 $, y compris les débours et les intérêts.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

Les défendeurs ont droit à des dépens de l’ordre de 6 500 $.

« Catherine M. Kane »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1408-16

 

INTITULÉ :

DONALD SAYAZIE c. LA PREMIÈRE NATION DÉNÉE DE BLACK LAKE, REPRÉSENTÉE PAR COREEN SAYAZIE, EN SA QUALITÉ DE CHEF, ET TREVOR BONELYE, DELBERT BOUVIER, GEORGE CATHOLIC, DARLENE FERN, JOSEPH RENIE, JOHN TOUTSAINT ET PAULINE TOUTSAINT, EN LEUR QUALITÉ DE CONSEILLERS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Saskatoon (Saskatchewan)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 10 novembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 décembre 2016

 

COMPARUTIONS :

LORETTA PETE LAMBERT

 

Pour le demandeur

 

ANIL PANDILA

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Semaganis Worme Legal

Avocats

Saskatoon (Saskatchewan)

 

Pour le demandeur

 

Pandila and Co.

Avocats

Prince Albert (Saskatchewan)

 

Pour les défendeurs

 

 


ANNEXE A

The Black Lake Denesuline First Nation Election Act

Les passages pertinents sont reproduits ci-dessous :

L’article 2 énonce des définitions, y compris :
[traduction]

[...]

2.3       Résolution du conseil de bande ou RCB. Expression en bonne et due forme de la volonté du chef et du conseil exposée dans la forme prescrite et exécutée par un quorum du conseil.

[...]

2.7       Président des élections. Personne habilitée à diriger et à superviser des élections ou des élections partielles et chargée de le faire conformément aux dispositions de la présente loi.

2.8       Manœuvre frauduleuse. Tout acte fait par un représentant élu, qu’il s’agisse du chef ou d’un conseiller, qui emploie illégalement et à mauvais escient son nom ou sa situation d’autorité ou de confiance afin d’obtenir un bénéfice ou une faveur pour lui-même ou pour une autre personne, en violation de ses obligations officielles ou fiduciaires ou des droits d’autres personnes; comprend tout acte ou omission qui est reconnu comme une manœuvre frauduleuse en vertu de la loi ou de la coutume.

[...]

2.10     Président des élections adjoint. Personne qui est nommée par le président des élections pour l’aider à superviser des élections ou des élections partielles.

[...]

3          Les élections sont déclenchées de la manière suivante :

3.1       Avant le déclenchement d’une élection, une assemblée extraordinaire de la bande doit être convoquée pour choisir un président des élections et les membres du comité d’appel.

3.2       Le président des élections devra occuper son poste pendant une période équivalente à la durée du mandat du chef et du conseil et sera responsable de toutes les élections partielles qui pourraient être déclenchées pendant ledit mandat. Le mandat du président des élections peut être renouvelé. Si le président des élections est incapable ou refuse de superviser une élection partielle, une assemblée extraordinaire de la bande sera convoquée pour désigner un remplaçant. Si, outre le chef et le conseil, moins de cinq (5) membres adultes de la bande assistent à l’assemblée extraordinaire convoquée dans le but de désigner un président des élections, le chef et le conseil peuvent nommer le président des élections.

3.3       Le comité d’appel exercera ses fonctions pendant une période équivalente à la durée du mandat du chef et du conseil et il sera responsable de toutes les élections partielles qui pourraient être déclenchées pendant ledit mandat. Nul membre actif du comité d’appel ne peut participer à des élections générales ou à des élections partielles, que ce soit à titre de candidat, d’auteur d’une proposition de candidature, d’appuyeur ou d’électeur.

[...]

4.1       Sous réserve de l’article 3 de la présente loi, le président des élections et les membres du comité d’appel seront officiellement nommés par le chef et le conseil au moyen d’une résolution du conseil de la bande (RCB) qui doit :

a) contenir leurs noms au complet;

b) fixer la date, l’heure et le lieu de toute assemblée de mise en candidature ou de toute journée de scrutin ou de scrutin par anticipation;

c) décrire le type d’élection qui sera tenu, qu’il s’agisse d’élections générales ou d’élections partielles; et

d) décrire les pouvoirs accordés ou décernés au président des élections et au comité d’appel qui correspondent à ceux qui sont prévus par la Loi électorale et ses modifications.

(Les articles 4.1 à 4.10) décrivent la procédure de mise en candidature et les obligations du président des élections.

L’article 5 énonce les responsabilités supplémentaires du président des élections à l’égard du déroulement des mises en candidature et du vote.

L’article 6 régit la conduite des assemblées de mise en candidature.

Les articles 7 à 10 régissent la conduite des élections et des élections partielles ainsi que le dépouillement du scrutin.

11.       Un comité d’appel sera constitué au moment du déclenchement d’une élection.

11.1     Le comité d’appel sera composé de sept (7) personnes, dont au plus six (6) remplissent les mêmes conditions d’éligibilité que les candidats et au moins une (1) est un entrepreneur, un directeur de banque ou un professionnel qui n’est pas membre de la bande, qui est exempt de parti pris et qui est impartial. Ladite personne peut être originaire d’une Première Nation ou non.

11.2     Nul membre du comité d’appel ne peut participer à une élection ou à une élection partielle, que ce soit à titre de candidat, d’auteur d’une proposition de candidature, d’appuyeur ou d’électeur.

11.3     Le comité d’appel devra superviser et administrer tous les appels relatifs à une élection ou à une élection partielle, conformément à la Loi électorale. Le comité d’appel pourra être convoqué de nouveau pour se pencher sur toute question disciplinaire qui est soulevée pendant le mandat d’un représentant élu ou pour désigner un président des élections, si la personne qui occupe ce poste est incapable ou refuse d’agir en cette qualité jusqu’aux prochaines élections générales.

11.4     Il incombera au comité d’appel d’attester les résultats d’une élection ou d’une élection partielle au conseil de la Première Nation en cas d’appel à la suite de celle-ci.

12.       La procédure d’appel sera la suivante :

12.1     Tout candidat à une élection ou à une élection partielle qui a donné ou remis son suffrage à l’occasion de celle-ci pourrait, dans les quatorze (14) jours civils qui suivent le scrutin, se pourvoir en appel de l’élection s’il a des motifs raisonnables et probables de croire :

a) un avis d’appel par écrit appuyé par un affidavit dûment fait sous serment, est transmis au président des élections par courrier recommandé ou par messager et donne les grandes lignes des motifs d’appel.

b) qu’un candidat à l’élection était inéligible en vertu de la présente loi; et/ou

c) qu’il y a eu une manœuvre frauduleuse en contravention à la Loi électorale.

12.2     L’appel des résultats d’une élection ou d’une élection partielle peut être interjeté de la manière suivante :

a) un avis d’appel par écrit appuyé par un affidavit dûment fait sous serment, sera transmis au président des élections par courrier recommandé ou par messager et donnera les grandes lignes des motifs d’appel.

b) l’avis d’appel devra être reçu au plus tard quatorze (14) jours civils après l’élection.

c) dans les plus brefs délais possible, le président des élections transmettra une copie de l’avis d’appel à chaque membre du comité d’appel.

12.3     Le comité d’appel se prononcera dans les sept (7) jours qui suivent la réception d’une plainte en accordant ou en refusant d’accorder l’instruction de l’appel, compte tenu du caractère suffisant de la preuve exposée dans la plainte.

Les articles 12.4 à 12.10 régissent les audiences et les décisions sur appel.

12.8     Dans les sept (7) jours qui suivent l’instruction de l’appel, le comité d’appel rendra l’une ou l’autre des décisions suivantes :

a) il rejettera l’appel pour le motif que la preuve produite ne démontre pas que la Loi a été violée et il en avisera la bande et le plaignant;

b) il accueillera l’appel tout en permettant que les résultats de l’élection restent inchangés, pour le motif qu’il ne peut raisonnablement déterminer que l’infraction a influé sur le résultat de l’élection;

c) il accueillera l’appel et déclenchera de nouvelles élections dans les vingt-et-un (21) jours qui suivront la décision sur l’appel portant sur la totalité ou une partie des postes qui étaient contestés, en donnant des directives claires aux membres du personnel électoral afin qu’ils remédient au motif de l’appel initial [une erreur ou une omission]; aucune mise en candidature nouvelle ou supplémentaire n’est permise, en sus de la liste des candidats qui s’étaient présentés à l’élection ou à l’élection partielle qui fait l’objet de l’appel, mais nul candidat n’est tenu de se présenter de nouveau à la nouvelle élection; les candidats au poste de chef ne peuvent pas se présenter au poste de conseiller, et vice-versa.

13.1     Chaque chef et conseiller nouvellement élu doit prêter le serment d’entrée en fonction, dont une copie est jointe en annexe, avant d’entrer en fonction ou d’exercer un pouvoir ou une discrétion rattaché à celui-ci.

[...]

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

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