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Date : 20161216


Dossier : T-1986-15

Référence : 2016 CF 1382

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2016

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

MONTASSER SAAD

demandeur

et

LA DIRECTION DES RECOURS DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire concernant les mesures prises contre M. Saad par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) au pont Rainbow le 12 juillet 2015. M. Saad soutient qu’il n’a pas eu l’occasion de faire une déclaration honnête. Il fait valoir que les agents de l’ASFC qu’il a rencontrés étaient agressifs et ont refusé de lui donner l’occasion de s’expliquer. Les événements qui sont survenus ont entraîné la saisie de son véhicule et une pénalité de 355,59 $ imposée contre lui pour son omission de déclarer une couverture de piscine. Il indique que tout découlait d’un malentendu.

[2]  Je crois M. Saad lorsqu’il dit que tout découle d’un malentendu. Un facteur dont il faut tenir compte est le fait que la langue maternelle de M. Saad n’est ni le français ni l’anglais. Toutefois, la question de savoir si M. Saad a contrevenu à la Loi sur les douanes, LRC (1985), c 1 (2e suppl.) ne peut être examinée dans la présente demande. La seule question à trancher est celle de savoir si la pénalité imposée contre lui relève du pouvoir discrétionnaire conféré à l’ASFC et si cette pénalité est raisonnable. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’elle l’était et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Événements survenus à la frontière le 12 juillet 2015

[3]  Lors de leur anniversaire de mariage le 12 juillet 2015, M. Saad et son épouse se sont rendus aux États-Unis pour récupérer une couverture de piscine qu’ils avaient commandée en ligne auprès de Walmart. Ils ne sont restés aux États-Unis que pendant quelques heures. Ils sont revenus au Canada par le pont Rainbow. Ils ont informé le premier agent de l’ASFC qu’ils ont rencontré qu’ils n’avaient été aux États-Unis que pendant quelques heures. Ensuite, ce qui a été ou ce qui n’a pas été déclaré ou dit par M. Saad à cet agent est contesté. M. Saad soutient qu’il a immédiatement informé le premier agent qu’il s’était rendu aux États-Unis pour voir ce côté de Niagara Falls et pour récupérer une commande. L’agent nie que M. Saad a déclaré des marchandises. Il a vérifié le coffre du véhicule de M. Saad, a vu une grosse boîte et a renvoyé M. Saad et son épouse aux fins d’un examen secondaire.

[4]  Lors de l’examen secondaire, les agents de l’ASFC (les agents secondaires) ont trouvé dans le coffre une boîte contenant la couverture de piscine. M. Saad soutient que les agents secondaires lui ont demandé s’il avait acheté la couverture de piscine ce jour-là. Il déclare qu’il a essayé d’expliquer qu’il l’avait achetée antérieurement en ligne. Cependant, selon M. Saad, les agents secondaires ont insisté pour dire qu’il mentait et ils ont menacé de saisir son véhicule et la couverture de piscine.

[5]  À un moment donné, une facture indiquant le montant de 422,63 dollars américains pour la couverture de piscine a été fournie. Selon M. Saad, il a produit la facture volontairement. Selon l’ASFC, elle a été découverte après une fouille du portefeuille de M. Saad. M. Saad fait valoir qu’il a essayé d’expliquer la situation, mais que les agents secondaires étaient agressifs et lui ont dit de ne pas parler. M. Saad déclare qu’à un moment donné, il a demandé aux agents secondaires s’il pouvait aller chercher ses médicaments dans son auto, en raison de son état de santé grave, mais sa demande a été refusée.

[6]  Les agents secondaires ont saisi la couverture de piscine et le véhicule de M. Saad au motif que la couverture de piscine avait été importée illégalement en raison de son omission de la déclarer, contrairement à l’article 12 de la Loi sur les douanes. La restitution du véhicule et de la couverture de piscine a été offerte à M. Saad dès le paiement d’une pénalité de 355,59 $ qui correspondait à 40 % de la valeur de la couverture de piscine, plus un montant supplémentaire correspondant à 50 % de cette valeur. M. Saad a payé la pénalité et son véhicule et la couverture de piscine lui ont été restitués.

[7]  Pendant ce processus, les agents secondaires ont également saisi et révoqué la carte NEXUS de M. Saad au motif qu’il avait violé les modalités du programme NEXUS. La carte NEXUS de son épouse avait également été saisie, mais elle lui a apparemment été restituée depuis.

[8]  M. Saad a demandé la révision de ces mesures en application de la Loi sur les douanes. Le 27 juillet 2015, un avis des motifs d’exécution a été fourni à M. Saad par un agent principal des appels. Au cours des mois suivants, M. Saad a communiqué plusieurs fois avec l’agent principal des appels au sujet de l’arbitrage de son dossier. Le 27 octobre 2015, l’agent principal des appels a fourni une recommandation au délégué du ministre.

III.  DÉCISION DU MINISTRE

[9]  Le 29 octobre 2015, la décision du ministre a confirmé la violation de la Loi sur les douanes et a confirmé la pénalité de 355,59 $.

[10]  Le ministre a retenu la version des événements fournie par les agents de l’ASFC. Notamment, le ministre a accepté le fait que M. Saad avait indiqué d’abord qu’il n’avait rien à déclarer et qu’après la découverte de la couverture de piscine, il a soutenu qu’elle provenait du Canada. Le ministre a indiqué que la facture de l’achat de la couverture a été trouvée pendant l’examen secondaire. La couverture de piscine a été saisie parce qu’elle n’avait pas été déclarée. Le véhicule de M. et Mme Saad a également été saisi.

[11]  Dans sa décision, le ministre a reconnu que M. Saad avait une version différente des événements qui sont survenus.

[12]  En ce qui concerne la question liée à la violation de la Loi sur les douanes, le ministre a indiqué que [traduction] « l’absence d’une intention de contourner les exigences de déclaration ou de tromper les agents de l’ASFC n’est pas pertinente pour décider s’il y a eu un manquement à l’obligation de déclarer ». Le ministre a également précisé qu’il incombe à l’importateur (M. Saad) de déclarer toutes les marchandises achetées, reçues ou acquises.

[13]  Le ministre a conclu que M. Saad avait suffisamment eu la possibilité de déclarer la couverture de piscine et qu’il avait omis de le faire. La conclusion quant à la violation de la Loi sur les douanes a été confirmée.

[14]  Pour ce qui est de la pénalité, le ministre a conclu qu’elle était conforme aux lignes directrices de l’ASFC.

[15]  Enfin, le ministre a décrit les recours dont M. Saad pouvait se prévaloir pour interjeter appel de la décision. Afin d’interjeter appel de la conclusion aux termes de l’article 131, selon laquelle il a contrevenu à la Loi sur les douanes, M. Saad doit introduire une action devant la Cour fédérale, tandis qu’un appel de la décision relative à la pénalité en application de l’article 133 peut être interjeté par voie de demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.

[16]  L’option choisie par M. Saad a été de déposer une demande de contrôle judiciaire aux termes de l’article 133 de la Loi sur les douanes.

IV.  Questions en litige

[17]  M. Saad soulève plusieurs questions, que je résume comme suit :

  1. La Cour peut-elle examiner la conclusion selon laquelle M. Saad a violé la Loi sur les douanes?

  2. La pénalité imposée à M. Saad était-elle raisonnable?

V.  Discussion

A.  La Cour peut-elle examiner la conclusion selon laquelle M. Saad a violé la Loi sur les douanes?

[18]  Dans ses observations, M. Saad a expliqué qu’il était une personne honnête et que les événements qui sont survenus le 15 juillet 2015 découlent d’un malentendu. Il indique que chaque fois qu’il a essayé de donner une explication aux agents de l’ASFC, il a été interrompu et informé qu’il avait commis une infraction. Le désir de se disculper a motivé M. Saad pour entreprendre les divers appels administratifs dont il disposait et déposer la présente demande de contrôle judiciaire.

[19]  Toutefois, malheureusement pour M. Saad, il avait choisi le mauvais recours. Tel que cela a été indiqué ci-dessus, M. Saad disposait de deux recours pour répondre à la décision du ministre. Le premier recours dont il disposait était d’introduire une action contre le ministre concernant la conclusion selon laquelle il avait violé la Loi sur les douanes. Il n’a pas choisi ce recours. L’autre recours consistait à déposer une demande de contrôle judiciaire de la pénalité imposée. C’est l’option qu’il a choisie. Par conséquent, la seule question que la Cour doit trancher dans la présente demande de contrôle judiciaire concerne la pénalité qui lui a été imposée par l’ASFC.

[20]  Encore une fois, la violation de la Loi sur les douanes ne peut être contestée que par voie d’action (Pounall c Canada (Agence des services frontaliers), 2013 CF 1260, au paragraphe 15).

[21]  Puisque la violation de la Loi sur les douanes ne peut être examinée dans la présente demande, je ne traiterai d’aucun des arguments invoqués par M. Saad quant à savoir s’il y a eu une véritable violation.

B.  La pénalité imposée à M. Saad était-elle raisonnable?

[22]  La plupart des observations de M. Saad contredisent la version des événements retenue par le ministre. M. Saad soutient qu’on ne lui a pas demandé s’il avait des marchandises à déclarer. La version est contredite par les rapports des agents de l’ASFC.

[23]  Toutefois, ce différend factuel est en grande partie dénué de pertinence en raison de l’application de l’article 12 de la Loi sur les douanes qui impose à M. Saad une obligation positive de déclaration. Cette obligation de déclaration existe, peu importe si on lui a demandé ou non s’il avait des marchandises à déclarer. L’article 12 exige que toutes les marchandises importées soient déclarées à l’ASFC au moment de l’entrée (Prue c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 1234, inf. pour d’autres motifs dans 2012 CAF 108).

[24]  En ce qui concerne M. Saad, cela signifie qu’une erreur honnête ou un malentendu ne constitue pas un moyen de défense. Le fait que M. Saad n’avait pas l’intention de violer la Loi sur les douanes est dénué de pertinence quant à la question de savoir si une saisie et une pénalité sont ou non valides.

[25]  Tel que l’a indiqué la Cour dans Trites c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 1365, au paragraphe 18 :

[18]  La Loi sur les douanes dépend, pour sa bonne application, des déclarations volontaires des importateurs, et la non-déclaration emporte une responsabilité stricte : Prue c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 1234. L’absence d’intention est donc sans rapport avec la question de savoir si la saisie et la pénalité sont ou non valides. Il y a violation dès lors qu’il y a non-déclaration.

[26]  En ce qui concerne le montant de la pénalité, puisqu’il relève du pouvoir discrétionnaire de l’ASFC, la Cour ne peut décider que s’il est raisonnable (United Parcel Service Canada Ltd. c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 204, aux paragraphes 43 et 45, et Thomas c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2011 CF 734, au paragraphe 26).

[27]  Par ailleurs, la Cour ne modifiera pas la décision si le pouvoir discrétionnaire a été validement exercé et si la décision appartient aux issues possibles (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[28]  L’article 117 de la Loi sur les douanes autorise un agent à offrir à un voyageur un montant à payer pour la restitution des marchandises et des moyens de transport saisis. Ce montant peut être égal au total de la valeur en douane des marchandises et des droits éventuellement perçus sur elles. Selon le Manuel d’exécution, le calcul des modalités de la restitution dépend de deux facteurs : 1) le groupe auquel appartiennent les marchandises et 2) le niveau de l’infraction. Le Manuel d’exécution énonce que le niveau 2 [TRADUCTION] « s’applique aux infractions où les circonstances révèlent une tentative active par l’importateur en vue de se soustraire à la Loi sur les douanes ». Plus particulièrement, sous la rubrique [traduction] « Non-déclaration et renseignements inexacts », le Manuel d’exécution énonce que le niveau 2 s’applique lorsque les circonstances sont les mêmes que pour le niveau 1, mais que [traduction] « des renseignements inexacts sont fournis concernant les marchandises après leur découverte ».

[29]  En l’espèce, la pénalité a été imposée au niveau 2 parce que, selon l’ASFC, M. Saad n’a pas seulement tenté activement de se soustraire à la loi, mais il a également fourni des renseignements inexacts concernant la couverture de piscine après sa découverte. En outre, l’ASFC soutient que le montant imposé pour la restitution de la couverture de piscine et du véhicule (40 % de la valeur de la couverture de piscine plus un montant supplémentaire correspondant à 50 % de cette valeur) est raisonnable parce qu’il correspond à la fourchette autorisée par la Loi sur les douanes.

[30]  M. Saad n’a présenté aucun fait important pertinent à la décision relative à la pénalité qui a été mal compris par le ministre. Je souligne également qu’il ne s’agissait pas de la pénalité maximale qui aurait pu être imposée à M. Saad en application de la Loi sur les douanes.

[31]  Vu les dispositions de la Loi sur les douanes et les lignes directrices applicables, la pénalité imposée est justifiable et correspond aux limites du pouvoir discrétionnaire conféré à l’ASFC par les paragraphes 117(1) et 133(4) de la Loi sur les douanes et elle est donc raisonnable.

[32]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je refuse d’adjuger des dépens.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour de septembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1986-15

INTITULÉ :

MONTASSER SAAD c DIRECTION DES RECOURS – AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Kitchener (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 octobre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

Le 16 décembre 2016

COMPARUTIONS :

Montasser Saad

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Derek Edwards

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Kitchener (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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