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Date : 20170112


DOSSIER : IMM-5691-15

Référence : 2017 CF 42

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 janvier 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

LEN VAN HEEST

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Len Van Heest a comparu devant la Cour à maintes reprises en vue de contester son renvoi du Canada vers les Pays-Bas, un pays qu’il a quitté lorsqu’il était un jeune enfant, il y a près de 60 ans. M. Van Heest n’a jamais obtenu la citoyenneté canadienne; il fait l’objet d’une mesure de renvoi en raison de son casier judiciaire (conformément à l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR); voir l’annexe).

[2]  Dans la présente demande, M. Van Heest conteste une décision rendue par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (Agence), par laquelle il a refusé de reporter le renvoi du Canada de M. Van Heest prévu en décembre 2015. L’agent de l’Agence a conclu qu’étant donné la capacité limitée de l’Agence à prendre des dispositions pour un citoyen canadien dans un pays étranger, des dispositions suffisantes avaient été prises concernant le renvoi de M. Van Heest. Ces dispositions comprenaient la communication à M. Van Heest de renseignements dont il aurait probablement besoin aux Pays-Bas : coordonnées des services de santé mentale, de logement social et des autres membres de la famille. L’agent était également convaincu que M. Van Heest serait admissible aux soins médicaux et aux médicaments aux Pays-Bas, le cas échéant, après s’être inscrit aux services sociaux. En somme, l’agent a conclu que M. Van Heest pourrait prendre soin de lui-même aux Pays-Bas avec l’aide des divers services à sa disposition.

[3]  M. Van Heest soutient que la décision de l’agent était déraisonnable, parce qu’elle supposait un niveau de compétence de la part de M. Van Heest qui n’était pas étayé par la preuve. En outre, M. Van Heest fait valoir que l’agent l’a traité de manière inéquitable, parce qu’il n’a pas tenu compte de l’incidence que son renvoi du Canada aurait sur sa santé mentale. M. Van Heest me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent réexamine la question de son renvoi.

[4]  Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de l’agent. L’agent disposait d’un pouvoir discrétionnaire limité pour reporter le renvoi de M. Van Heest. Il a tenu compte des éléments de preuve pertinents avant de conclure qu’un report n’était pas justifié dans les circonstances. Sa conclusion n’était ni déraisonnable ni inéquitable. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire de M. Van Heest.

[5]  Deux questions sont soulevées :

  1. La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

  2. L’agent a-t-il traité M. Van Heest de manière inéquitable?

II.  La décision de l’agent

[6]  L’agent a cité plusieurs motifs pour rejeter la demande de report de son renvoi présentée par M. Van Heest :

  • L’Agence a transmis à M. Van Heest des renseignements sur les services sociaux et le logement offerts aux Pays-Bas. M. Van Heest a examiné les documents, mais n’a pas utilisé les renseignements fournis pour préparer son arrivée aux Pays-Bas.

  • L’Agence a communiqué avec l’oncle de M. Van Heest aux Pays-Bas, et a tenté à maintes reprises d’entrer en contact avec son cousin. Même s’il n’est pas clair que ces proches seraient prêts à lui fournir une aide, M. Van Heest avait au moins leurs coordonnées.

  • L’Agence a fait des recherches concernant les ressources médicales aux Pays-Bas, et a jugé que M. Van Heest y aurait accès une fois inscrit aux services sociaux. Toutefois, l’agent n’était pas convaincu que M. Van Heest aurait réellement besoin d’une aide médicale aux Pays-Bas. Il a souligné que M. Van Heest ne prenait plus ses médicaments et ne se présentait plus à ses rendez-vous chez son médecin. Par ailleurs, il ne vivait plus avec sa mère et vivait de manière indépendante dans une auberge.

  • M. Van Heest semblait avoir des ressources financières suffisantes pour se nourrir et se payer un logement aux Pays-Bas.

III.  Première question – La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[7]  M. Van Heest soutient que la décision de l’agent était déraisonnable parce qu’elle ne tenait pas compte de son incapacité. M. Van Heest fait valoir en outre que l’agent n’a pas reconnu les difficultés qu’il éprouverait à obtenir une aide médicale et des services sociaux aux Pays-Bas. Il invoque également la décision que j’ai rendue en 2015, dans laquelle j’ai accordé un sursis à son renvoi du Canada en attendant qu’il soit statué sur sa demande de contrôle judiciaire d’une décision défavorable concernant les motifs d’ordre humanitaire qui lui permettraient de rester au Canada. À l’époque, j’ai jugé qu’il existait une question sérieuse quant à savoir si l’agent qui avait effectué l’examen des motifs d’ordre humanitaire avait tenu compte de la capacité limitée de M. Van Heest à accéder aux ressources dont il aurait besoin aux Pays-Bas, et que M. Van Heest serait susceptible de subir un préjudice irréparable s’il était renvoyé. M. Van Heest soutient que l’agent aurait dû tirer la même conclusion.

[8]  À mon avis, la décision de l’agent n’était pas déraisonnable compte tenu des éléments de preuve dont il disposait.

[9]  Le pouvoir discrétionnaire de l’agent de reporter un renvoi se limite à des circonstances spéciales ou impérieuses. Les éléments de preuve dont disposait l’agent, décrits ci-dessus, n’étayaient pas l’existence de ces circonstances dans le cas de M. Van Heest.

[10]  Les éléments de preuve dont je disposais en 2015 indiquaient que M. Van Heest dépendait de fournisseurs de soins de santé qui l’aidaient à se conformer aux modalités de sa probation. Sans leur aide, il semblait improbable que M. Van Heest soit en mesure de trouver son chemin à travers la bureaucratie des services sociaux des Pays-Bas.

[11]  Toutefois, les éléments de preuve dont disposait l’agent indiquaient que M. Van Heest ne dépendait plus de son réseau de soutien canadien. Il vivait de manière indépendante, ne consommait plus de médicaments et avait beaucoup moins recours aux soins médicaux. Il avait des ressources financières modestes qui lui permettraient d’obtenir un logement dès son arrivée.

[12]  Par conséquent, je ne peux pas conclure que la décision de l’agent était déraisonnable. Contrairement aux arguments de M. Van Heest, l’agent a tenu compte des éléments de preuve liés à la maladie mentale de M. Van Heest.

IV.  Deuxième question : L’agent a-t-il traité M. Van Heest de manière inéquitable?

[13]  M. Van Heest soutient que l’agent avait une obligation légale de tenir compte des conséquences d’un renvoi sur sa santé mentale. Selon lui, l’agent a simplement omis de tenir compte de cet aspect des circonstances propres à M. Van Heest.

[14]  Je ne suis pas d’accord. Même si l’agent avait une obligation de tenir compte des éléments de preuve pertinents à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire limité de reporter le renvoi, il incombait à M. Van Heest de le convaincre qu’un report était justifié dans les circonstances. Toutefois, il ne semble pas que M. Van Heest ait fourni à l’agent des éléments de preuve ou des arguments significatifs sur ce point. La seule référence au dossier concernant les répercussions qu’aurait un renvoi sur M. Van Heest se trouve dans une lettre d’un travailleur social qui a déclaré que l’état mental de M. Van Heest pourrait être touché par son renvoi vers un pays étranger. Je suis d’avis que cette allusion vague ne suffisait pas pour obliger l’agent à analyser l’incidence d’un renvoi sur l’état mental de M. Van Heest. L’agent n’a pas traité M. Van Heest de manière inéquitable parce qu’il n’a pas effectué cette analyse.

[15]  En conséquence, l’argument de M. Van Heest selon lequel la décision de l’agent de ne pas reporter son renvoi portait atteinte à ses droits constitutionnels et pourrait choquer la conscience des Canadiens n’est pas étayé par les éléments de preuve dont disposait l’agent.

V.  Conclusion et décision

[16]  L’agent a tenu compte des éléments de preuve pertinents et a conclu de manière raisonnable qu’un report du renvoi de M. Van Heest n’était pas justifié. Par ailleurs, l’agent a traité M. Van Heest de manière équitable lorsqu’il a apprécié les éléments de preuve et examiné les observations dont il disposait. Je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a soumis de question pour certification, et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5691-15

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour d’août 2019

Lionbridge


Annexe

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

Grande criminalité

Serious criminality

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5691-15

 

INTITULÉ :

LEN VAN HEEST c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 juin 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 12 janvier 2017

 

COMPARUTIONS :

Peter Golden

 

Pour le demandeur

 

Helen Park

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Golden & Golden Law

Victoria (Colombie-Britannique)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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