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Date : 20170111


Dossier : IMM-2516-16

Référence : 2017 CF 40

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2017

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

CLIVE WILLIAM NEETHLING

LAVINA GERTRUDE NEETHLING

BRADLEY BRONNIE BOTHA

ASHLEIGH MAGARET NEETHLING ET

KYE BRONNIE BOTHA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR), par laquelle elle a confirmé une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) selon laquelle les demandeurs n’étaient ni des réfugiés ni des personnes à protéger. La présente demande a été présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

[2]  Clive Neethling (le demandeur principal), son épouse, Lavina Gertrude Neethling (ensemble les grands-parents), leur fille Ashleigh Neethling, son conjoint de fait, Bradley Bronnie Botha (ensemble les parents), et leur fils mineur, Kye Bronnie Botha, ont demandé l’asile en vertu de l’article 96 et des alinéas 97(1)a) et b) de la LIPR.

[3]  Les quatre demandeurs adultes ont la double citoyenneté du Zimbabwe et de l’Afrique du Sud. Le demandeur mineur est citoyen de l’Afrique du Sud.

[4]  Les demandeurs se sont identifiés comme des personnes d’origine ethnique mixte, ou de couleur (métissées). La preuve relative à leur couleur de peau est qu’ils semblent blancs. Fait important, aucun des demandeurs n’a la peau noire.

[5]  Le demandeur principal est déménagé en Afrique du Sud durant une période de bouleversements politiques au Zimbabwe en 2002. Sa conjointe et leur fille l’ont rejoint plus tard au Zimbabwe.

[6]  Une fois installés, les grands-parents vivaient à Musina dans la province du Limpopo, en Afrique du Sud, et les parents vivaient avec leur fils à Johannesburg. Les demandeurs adultes ont tous réclamé le statut de réfugié parce qu’ils craignaient d’être harcelés, ou possiblement tués par des Sud-Africains noirs, et de subir de la discrimination de la part de Sud-Africains « blancs ».

[7]  Entre 2002 et 2015, les grands-parents et les parents ont vécu en Afrique du Sud sans problème. Toutefois, le « spaza » des grands-parents (une petite boutique) a été incendié en avril 2015 et un de leurs animaux domestiques a été tué. Plus tard au cours du même mois, et à deux reprises, des Sud-Africains noirs se sont introduits par effraction dans leur domicile, et ont volé leur téléphone cellulaire et leur ordinateur portable. Ils ont rapporté ces incidents à la police.

[8]  Le 22 avril 2015, des Sud-Africains noirs se sont présentés à la barrière de la maison des parents et ont crié [traduction] « retournez chez-vous ». Les parents n’ont pas communiqué avec les autorités parce qu’ils croyaient que la police n’allait pas aider les étrangers durant cette période.

I.  Décision de la SPR

[9]  Les demandeurs se représentaient eux-mêmes devant la SPR.

[10]  La SPR a conclu qu’ils étaient des témoins crédibles. Les allégations selon lesquelles leurs maisons et le « spaza » ont été attaqués, en partie en raison de leur origine ethnique, ont été acceptées.

[11]  Toutefois, la SPR a estimé que les attaques étaient également attribuables à leur richesse, puisque les demandeurs appartiennent à la classe moyenne, et qu’ils sont des citoyens blancs d’Afrique du Sud occupant un emploi rémunéré et habitant des quartiers de la classe moyenne.

[12]  La SPR a conclu que la crainte subjective des demandeurs de retourner en Afrique du Sud n’était pas objectivement fondée. La SPR a reconnu que la xénophobie existe en Afrique du Sud, mais a affirmé qu’elle tend à se manifester dans les régions pauvres contre des étrangers noirs ou des personnes vulnérables. Cela ne cadre pas avec le profil des demandeurs. Par conséquent, la SPR a conclu qu’il n’existait pas plus qu’une simple possibilité que les demandeurs soient persécutés s’ils retournaient en Afrique du Sud.

II.  Décision de la SAR

[13]  Les demandeurs ont retenu les services d’un avocat pour l’appel devant la SAR.

[14]  La SAR ne partageait pas la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs avaient été attaqués en raison de leur origine ethnique. Elle a conclu qu’ils avaient été attaqués parce qu’ils étaient perçus comme des étrangers. La SAR a également souligné que l’attaque du spaza des grands-parents était inhabituelle compte tenu des documents, qui montraient que les cibles habituelles étaient des ressortissants étrangers exploitant des spazas dans les cantons et les agglomérations informelles.

[15]  La SAR a conclu ce qui suit :

[traduction] La SAR a examiné toute la preuve au dossier concernant les attaques xénophobes en Afrique du Sud. Elle souligne que ces attaques étaient épisodiques. Elles ont eu lieu en 2008 puis de nouveau en 2015. La SAR souligne en outre que l’appelant principal et son épouse ont vécu en Afrique du Sud à partir de 2002 et qu’ils n’ont apparemment pas connu de difficultés sérieuses en raison de leur origine ethnique ou de leur statut d’immigrant avant 2015. Ils ont été en mesure de trouver de bons emplois, de construire une maison et d’obtenir la citoyenneté sud-africaine. Ils ont témoigné qu’il existait des préjugés raciaux et de la discrimination, et qu’ils voulaient quitter l’Afrique, mais aucun élément de preuve n’a été fourni montrant qu’ils avaient été persécutés.

L’appelant, Bradley Bronnie Botha, a témoigné que son expérience avait été similaire. Lui et son épouse ont vécu en Afrique du Sud pendant plus de 10 ans. Ils ont continuellement occupé un emploi durant toute cette période, et n’ont connu aucun problème jusqu’à l’incident de 2015, lorsque des personnes sont entrées chez eux par effraction. Ils ont indiqué que l’attaque était attribuable au fait qu’ils étaient des immigrants du Zimbabwe, et que l’incident était associé aux attaques xénophobes généralisées contre les étrangers.

L’appelant a témoigné qu’ils avaient été forcés de se cacher dans le jardin quand leur maison a été attaquée, puis qu’ils s’étaient ensuite installés à l’hôtel pour quelques jours avant de retourner chez eux. Aucun élément de preuve n’a été divulgué montrant qu’ils avaient vécu d’autres problèmes après cet incident.

La SAR estime que la preuve est mixte quant à la réponse des forces policières et des forces de sécurité concernant les incidents xénophobes. Un élément de preuve documentaire sur le pays indique que l’immigration accrue depuis le Zimbabwe, le Mozambique et la Somalie a entraîné de la violence xénophobe chez la police et les justiciers. Ce document indique en outre que les attaques sporadiques se sont poursuivies en 2013.

[16]  En bout de ligne, la SAR s’est dite d’accord avec la conclusion de la SPR.

III.  Les questions en litige

  1. Était-il raisonnable de rejeter les nouveaux éléments de preuve?
  2. La preuve documentaire a-t-elle été appréciée de manière raisonnable?

A.  Était-il raisonnable de rejeter les nouveaux éléments de preuve?

[17]  La SAR a refusé d’accepter un affidavit et deux lettres qui confirmaient divers aspects du témoignage des demandeurs devant la SPR. La SAR a conclu que ces documents auraient pu être soumis à la SPR. À mon avis, il s’agissait d’une conclusion raisonnable.

B.  La preuve documentaire a-t-elle été appréciée de manière raisonnable?

[18]  La SAR s’est appuyée sur des documents, notamment sur le rapport du Département d’État américain de 2014 (le rapport DOS), pour établir le profil des personnes susceptibles d’être attaquées en Afrique du Sud. Sa conclusion était que les attaques xénophobes étaient commises par des Sud-Africains noirs contre les gérants de petites boutiques dans les régions pauvres, qu’ils soient noirs ou membres de minorités ethniques de pays étrangers. Puisque les demandeurs ne correspondaient pas à ce profil, leurs demandes d’asile ont été rejetées.

[19]  Toutefois, les demandeurs affirment que le rapport DOS précédait les incidents d’avril 2015. Les demandeurs ont témoigné qu’ils avaient été pris pour cible et que la preuve déposée avait été acceptée. Par conséquent, puisque les demandeurs ont été pris pour cible et n’étaient pas noirs, ils affirment qu’il était déraisonnable de rejeter leurs demandes d’asile en se fondant sur le profil établi dans le rapport DOS.

[20]  Cet argument n’est pas convaincant. La question est de savoir s’il existe plus qu’une simple possibilité qu’ils soient persécutés. À mon avis, le rapport DOS montrait que les incidents vécus par les demandeurs en avril 2015, étaient inhabituels. Dans ces circonstances, la décision était raisonnable.

[21]  Pour tous ces motifs, la demande sera rejetée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire.

« Sandra J. Simpson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


INTITULÉ :

CLIVE WILLIAM NEETHLING, ASHLEIGH MAGARET NEETHLING, BRADLEY BRONNIE BOTHA, KYE BRONNIE BOTHA, LAVINA GERTRUDE NEETHLING c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 DÉCEMBRE 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

LE 11 JANVIER 2017

COMPARUTIONS :

Dumoluhle Siziba

Pour les demandeurs

Christopher Crighton

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dumoluhle Siziba

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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