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Date : 20170111


Dossiers : Voir ci-après

Référence : 2017 CF 30

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2017

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

T-485-14

T-486-14

T-487-14

T-488-14

T-513-14

T-516-14

T-517-14

T-518-14

T-523-14

T-529-14

T-530-14

T-531-14

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T-539-14

T-540-14

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T-1053-14

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T-1055-14

T-1056-14

T-1058-14

T-1059-14

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T-1063-14

T-1064-14

T-1065-14

T-1066-14

T-1067-14

T-1070-14

T-1076-14

T-1087-14

T-1088-14

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T-1165-14

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T-1193-14

T-1196-14

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T-1236-14

T-1238-14

T-1239-14

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T-1242-14

T-1245-14

T-1246-14

T-1247-14

T-1248-14

T-1250-14

T-1251-14

T-1274-14

T-1275-14

T-1283-14

T-1284-14

T-1291-14

T-1365-14

T-1370-14

T-1373-14

T-1377-14

T-1379-14

T-1380-14

T-1381-14

T-1395-14

T-1398-14

T-1405-14

T-1467-14

T-1468-14

T-1469-14

T-1470-14

T-1471-14

T-1485-14

T-1490-14

T-1492-14

T-1524-14

T-1548-14

T-1563-14

T-1593-14

T-1612-14

T-1752-14

T-2272-14

T-2403-14

T-2539-14

T-2623-14

T-251-15

T-800-15

T-978-15

T-998-15

T-1023-15

T-1136-15

T-1490-15

T-1528-15

T-1531-15

T-234-16

T-1111-16

T-1112-16

T-1239-16

[BLANC]

[BLANC]

ENTRE :

 

Affaire portant sur de nombreuses demandes déposées en vue d’obtenir une déclaration en vertu du paragraphe 52(1) de la Charte canadienne des droits et libertés

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Dans la présente affaire, la décision porte sur 316 actions intentées par des demandeurs non représentés et un demandeur, dans huit (8) provinces et territoires différents, lesquelles sont toutes liées au règlement sur la marihuana alors en vigueur que la Cour a finalement déclaré inconstitutionnel au motif qu’il contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 [la Charte], dans Allard c Canada, 2016 CF 236, [2016] 3 RCF 303 [Allard].

[2]               La procédure en cause porte sur une requête écrite fondée l’article 369 des Règles des Cours Fédérales (les Règles) visant à obtenir une ordonnance radiant les actions et la demande sans autorisation de les modifier.

[3]               Les motifs invoqués dans la requête peuvent être ainsi résumés :

a)                  Depuis février 2014, 316 parties non représentées ont intenté pratiquement les mêmes actions devant la Cour fédérale visant à obtenir une déclaration et des dommages-intérêts pour atteintes à des droits constitutionnels suite à l’adoption Règlement sur la marihuana à des fins médicales, DORS/2013-119 [le RMFM];

b)                  Les actions identiques reposent sur des « trousses » téléchargées à partir du site Web du demandeur John C. Turmel [la trousse Turmel] qui contenait une déclaration pro forma qui devait être utilisée et dans laquelle devaient être inscrits des renseignements particuliers propres à chaque demandeur, tels que leur nom, adresse et montant réclamé.

c)                  Les actions fondées sur la trousse Turmel ont fait l’objet d’une procédure de gestion conjointe d’instances avec deux autres actions visant à obtenir une réparation similaire, à savoir Bradley Hunt et al c Sa Majesté la Reine du chef du Canada (T-1548-14) [l’action Hunt] et Derek Francisco c Procureur général du Canada (T-697-14) [la demande Francisco].

II.                Contexte

A.                Historique

[4]               Depuis février 2014, plus de 300 parties non représentées ont déposé des actions pratiquement identiques auprès de la Cour fédérale en Alberta, en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, en Ontario, au Québec, et en Saskatchewan. Ces actions se fondent sur la trousse Turmel téléchargée à partir du site Web du demandeur John Turmel. Les actions visent à obtenir un jugement déclarant inconstitutionnels le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, DORS/2001-227 [le RAMFM] (abrogé le 31 mars 2014), et le règlement qui l’a remplacé, le RMFM (déclaré inconstitutionnel le 24 février 2016). Le RMFM a été remplacé en août 2016 par le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales, DORS/2016-230 [le RACFM].

[5]               Outre le jugement déclaratoire, les actions visaient à obtenir une ordonnance en vue de radier le terme « marihuana » de l’annexe II de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 [la LRCDAS]. Subsidiairement, les actions visaient à obtenir des exemptions permanentes de la LRCDAS pour usage personnel par les demandeurs de marihuana à des fins médicales ou, subsidiairement encore, des dommages-intérêts pour la perte par les demandeurs de plants et de sites de production de marihuana au moment où le régime de production à des fins personnelles, consacré par le RAMFM, a été remplacé par le régime de producteurs commerciaux autorisés du RMFM.

[6]               Comme il a déjà été mentionné, toutes les actions fondées sur la trousse Turmel font l’objet d’une gestion conjointe d’instances avec l’action Hunt et la demande Francisco.

[7]               Le demandeur non représenté dans l’action Hunt sollicite un jugement déclarant qu’une exemption de la LRCDAS, viable sur le plan constitutionnel, doit exister afin de permettre à toute personne de produire et de posséder du cannabis et d’autoriser celle-ci à le consommer à des fins personnelles, sous quelque forme que ce soit. Hunt demandait également un jugement déclarant que plusieurs dispositions du RAMFM, du RMFM et de la LRCDAS sont invalides et que des dispositions du Règlement sur les stupéfiants, CRC, c 1041 [le RS] et de la Loi sur la Règlementation des médicaments et des pharmacies de l’Ontario, LRO 1990, c H.4 [la LRMP] sont invalides dans la mesure où elles exigent qu’une personne, pour consommer de la marihuana, soit autorisée par un médecin.

Hunt a également sollicité des exemptions provisoires à l'application de la LRCDAS, certaines autres réparations qui sont plutôt difficiles à comprendre, et un milliard de dollars à titre de « dépens majorés ».

[8]               Dans la demande Francisco, le demandeur sollicite également le contrôle judiciaire d’une décision du ministre de la Santé qui a refusé d’accorder une exemption à l’application de l’article 4 (possession) et de l’article 7 (production) de la LRCDAS. Il sollicite en outre des déclarations autorisant l’usage du cannabis à des fins médicales, sous quelque forme que ce soit, par des personnes autorisées par un médecin, et radiant les restrictions d’« éviter de consommer de la marihuana » et la limite de possession de 150 grammes prévue par le RMFM, ainsi qu’une exemption constitutionnelle personnelle à l’application de la LRCDAS pour son propre usage de marihuana à des fins médicales.

[9]               Outre ces 300 actions et plus, la Cour a été saisie, à peu près au même moment, de l’affaire Allard, qui portait sur une contestation constitutionnelle exhaustive du régime établi par le RMFM concernant la marihuana à des fins médicales alors en vigueur au Canada.

La réparation sollicitée dans l’affaire Allard était similaire, voire identique, aux déclarations demandées dans les actions en cause.

[10]           Avant l’audience de l’affaire Allard, le juge Manson a accordé une injonction qui avait pour conséquence de préserver le teneur du RAMFM à l’égard de la très grande majorité des personnes munies des autorisations prévues dans ce règlement, jusqu’à ce que la Cour se prononce sur la constitutionnalité du RMFM.

[11]           Étant donné l’audience en cours dans l’affaire Allard, le juge en chef a suspendu, au moyen d’une directive, les actions fondées sur la trousse Turmel Kit en attendant l’issue de la requête en injonction provisoire.

À la suite de la décision du juge Manson quant à l’injonction, j’ai moi-même, à titre de juge chargé de la gestion de l’instance de l’ensemble des actions et de la demande fondées sur la trousse Turmel, prolonger la suspension pour en raison du recoupement important entre les questions soulevées dans l’affaire Allard et les actions fondées sur la trousse Turmel, et ce, après avoir reconnu que la réparation demandée, sans être toujours identique à celle dans l’affaire Allard, était très similaire.

[12]           La Cour a fait observer que la plupart, sinon la totalité, de ces 300 actions et plus ne contenaient pas le type de détail nécessaire pour plaider comme il se doit les actions respectives. Les demandeurs non représentés et le demandeur se sont vu accorder 10 jours pour modifier les actes de procédure afin de corriger cette absence de détail, mais aucun n’a profité de cette possibilité.

[13]           Le 11 juin 2015, la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Smith, 2015 CSC 34, [2015] 2 RCS 602 [Smith], a conclu que la restriction liée à la « marihuana séchée » était contraire à l’article 7 de la Charte et a déclaré l’article 4 (possession) et l’article 5 (trafic) de la LRCDAS inopérants dans la mesure où ils interdisent à une personne munie d’une autorisation médicale de posséder des dérivés du cannabis à des fins médicales.

L’arrêt Smith a examiné certaines des questions soulevées par les demandeurs non représentés et le demandeur.

[14]           Le 24 février 2016, la Cour a conclu, dans la décision Allard, que le RMFM portait atteinte aux droits garantis aux demandeurs par l’article 7 de la Charte et que cette atteinte n’était pas justifiée au regard de l’article premier. La Cour a déclaré que le RMFM n’avait aucune force exécutoire, mais elle a suspendu la déclaration pour une période de six mois afin de donner le temps au gouvernement de mettre en œuvre un nouveau régime de réglementation. Le fait qu’un nouveau régime serait mis en œuvre a éliminé la nécessité de suspendre les dispositions de la LRCDAS. L’injonction du juge Manson a été maintenue pendant une période de six mois.

Le défendeur a affirmé que 162 demandeurs non représentés et le demandeur satisfaisaient au critère établi par la décision Allard et avaient droit à ses avantages.

[15]           Le 24 août 2016 (six mois après la décision Allard), le gouvernement a adopté le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales, afin de remplacer le RMFM, déclaré inconstitutionnel.

III.             Analyse

A.                Requête fondée sur l’article 369

[16]           Le délai d’appel dans la décision Allard étant écoulé sans qu’un appel n’ait été interjeté, la Cour, ayant reçu un avis de l’intention du défendeur/de l’intimé de présenter une demande pour faire radier les actions/demandes, a indiqué qu’une telle requête devait être déposée d’ici le 26 avril 2016.

[17]           Entre‑temps, le 8 avril 2016, John Turmel a déposé sa propre requête en jugement sommaire. Ce faisant, M. Turmel a reconnu que ses demandes de jugements déclaratoires relativement au RAMFM et au RMFM étaient devenues théoriques à la suite de la décision Allard.  Il semble aussi avoir abandonné son action en dommages‑intérêts.

[18]           Dans sa requête, M. Turmel (dans le dossier no T‑488‑14) a cherché à contester la requête générale. M. Hunt a déposé un acte de procédure distinct, visant à maintenir son action. Tandis que ni M. Turmel ni les demandeurs non représentés et le demandeur n’ont spécifiquement soulevé d’objection au titre du paragraphe 369(2) des Règles quant au fait que la décision soit rendue sur dossier, la Cour comprend que M. Turmel souhaite que l’affaire soit entendue et qu’il est censé parler au nom des demandeurs non représentés et du demandeur, malgré que l’article 119 des Règles interdise à un non‑avocat de représenter d’autres personnes.

[19]           Il s’agit d’un dossier pouvant être tranché au titre de l’article 369 des règles. En effet, les questions suivantes peuvent toutes faire l’objet d’une décision rendue sur dossier : le caractère théorique, le redressement non prévu par la loi, l’absence de causes d’action raisonnables, les procédures frivoles et vexatoires, ainsi que l’abus de procédure et les questions accessoires. Comme il a été signalé, le dossier est peu étoffé et constitue en grande partie une déclaration type pouvant servir de modèle.

[20]           L’affaire peut être tranchée rapidement, efficacement et, ce qui est le plus important, de façon équitable, sur le fondement de documents écrits. Le temps, les dépenses et la logistique requis pour le traitement de chaque action/demande en personne, dans chaque endroit où une demande a été déposée, sont déraisonnables, fastidieux et n’ajoutent au processus aucune équité substantielle.

[21]           Par conséquent, la Cour conclut que cette affaire doit être tranchée sur dossier.

B.                 Le caractère théorique

[22]           Dans l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342, 57 DLR (4th) 231, la Cour a énoncé un critère à deux volets afin de déterminer s’il y a lieu de rejeter une affaire en raison de son caractère théorique.

Premièrement, la cour détermine d’abord si une décision n’aura aucun effet pratique et, le cas échéant, il la déclare théorique. Deuxièmement, la cour doit établir si, malgré son caractère théorique, il existe de bonnes raisons d’instruire et de trancher le dossier.

[23]           Dans de tels dossiers, les demandes de jugement déclaratoire sont théoriques. Le RAMFM a été abrogé depuis longtemps. Le RMFM a été déclaré invalide, il a depuis été abrogé et remplacé par le RACFM.

[24]           Le litige ou l’atteinte aux droits prévus au RAMFM ainsi qu’au RMFM a pris fin avec l’adoption du RACFM. Tout jugement déclaratoire n’aurait aucun effet pratique sur les demandeurs non représentés et le demandeur (la question des dommages‑intérêts est traitée séparément, plus loin).

C.                 Le pouvoir discrétionnaire

[25]           Il y a plusieurs bonnes raisons pour lesquelles la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire de continuer de traiter ces affaires :

a)                  il n’y a aucune question à trancher : le substrat du litige a complètement disparu avec l’adoption du RACFM;

b)                  l’économie des ressources judiciaires milite contre l’utilisation des ressources judiciaires, pour traiter des demandes théoriques;

c)                  le rôle de la cour est de statuer sur un dossier, et non de faire des déclarations générales sur des questions juridiques.

[26]           Aucune partie autre que M. Turmel ne semble intéressée à débattre les questions en cause. Même M. Turmel semble reconnaître que les questions sont théoriques et que rien ne peut faire l’objet d’une déclaration utile.

[27]           Il n’y a aucun règlement à contester et, par conséquent, rien ne peut faire l’objet d’une déclaration utile. Le RAMFM a été remplacé par deux régimes réglementaires différents. Le RMFM a été invalidé, le délai d’appel est expiré et la question de la validité du RMFM est chose jugée. Enfin, le RMFM a été entièrement remplacé par le RACFM.

[28]           En ce qui concerne l’économie des ressources judiciaire, le traitement de plus de 300 dossiers semblables partout au pays, sans dossier principal ou une certaine coordination, constitue une tâche ardue. Avant de préparer la logistique, la Cour doit être en mesure de conclure qu’un résultat utile sur le plan juridique peut être atteint. Cependant, en l’espèce, aucune question ne peut être résolue utilement pour ce qui est des instances actuelles ou futures. Tout problème lié au nouveau régime devrait être traité directement dans le cadre d’actions intentées au titre du RACFM ou à l’encontre du RACFM.

[29]           Tout jugement déclaratoire que la Cour pourrait prononcer constituerait une déclaration générale au sujet d’anciennes lois, et non une décision ayant un effet sur les droits actuels des demandeurs. Le point culminant était la décision Allard.

[30]           Par conséquent, les instances en cause sont théoriques et il n’y a aucune bonne raison d’autoriser la poursuite des actions/demandes. La présente requête peut être accueillie pour ces mêmes motifs; cependant, par souci d’exhaustivité, la Cour traitera d’autres motifs soulevés par le défendeur/l’intimé.

D.                Les autres motifs

[31]           En ce qui concerne les demandes visant à faire annuler certaines dispositions de la LRCDAS, dans l’affaire Allard, la Cour a refusé d’annuler les dispositions en question parce qu’un nouveau régime constituait une meilleure solution que la perturbation potentielle causée par l’annulation de dispositions législatives. La question a été suffisamment examinée dans l’affaire Allard pour constituer une chose jugée. Bien qu’un autre juge de la Cour puisse en théorie prendre une décision différente, la courtoisie judiciaire favorise l’uniformité des résultats. Il n’y a aucune bonne raison de réexaminer cette question.

[32]           Tandis que les demandeurs sollicitent des dommages‑intérêts, en fournissant une quantité insuffisante de détails à l’appui de ces demandes, celles‑ci étant en grande partie fondées sur la perte de marihuana non utilisée ou la perte de sites de production.

[33]           Comme l’a conclu la Cour dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Communauté urbaine de Montréal, 2004 CSC 30, [2004] 1 RCS 789, sans geste fautif, mauvaise foi ou abus de pouvoir en ce qui concerne les questions de respect du droit public, les tribunaux n’accorderont pas de dommages‑intérêts pour préjudice subi en raison d’une disposition législative qui, par la suite, a été déclarée inconstitutionnelle.

[34]           Les arguments en cause contiennent des détails insuffisants, voir aucun, sur la mauvaise foi ou l’abus de procédure.

[35]           Pour ce qui est de l’action Hunt (dossier T-1548-14), le demandeur sollicite un jugement déclaratoire portant que les dispositions du RS et de la LRMP sont invalides parce qu’elles exigent qu’un médecin doive approuver l’utilisation de la marihuana.

[36]           Il est bien établi en droit, aussi récemment que dans l’affaire Smith, que l’exigence relative à une autorisation médicale est valide sur le plan constitutionnel.

[37]           En outre, l’acte de procédure ne contient pas d’allégations concernant la restriction de l’accès à la marijuana en raison de l’obligation d’obtenir une autorisation médicale. Dans le même ordre d’idées, l’acte de procédure de Hunt ne démontre pas l’existence d’un lien entre la LRMP de la province et un ensemble de règles de droit fédérales. Par conséquent, la Cour n’a pas compétence sur cet aspect de l’action de Hunt.

[38]           Je n’ai pas besoin d’entrer dans les détails quant au fait que les actions ne révèlent aucune cause d’action raisonnable. J’ai mentionné précédemment que ni les utilisateurs de la trousse Turmel ni M. Hunt n’ont formulé des allégations contenant des détails au sujet de leur situation personnelle et de la violation de leurs droits. En l’espèce, les actes de procédures sont très différents de ceux de l’affaire Allard.

[39]           La Cour, dans sa décision relative au sursis, a renvoyé au [traduction] « manque de détails », aux généralités à caractère vague et au caractère exagéré de la trousse Turmel, ainsi qu’au manque de renseignements sur les situations personnelles. Rien n’a changé depuis, et aucune partie n’a profité de l’occasion offerte par la Cour pour modifier les actes de procédure et pour fournir des détails supplémentaires. Il serait inéquitable de permettre que des modifications soient apportées à ce stade-ci.

[40]           Dans la même veine, je ne peux pas non plus retenir l’argument relatif au caractère « frivole, vexatoire et constituant un abus de procédure » énoncé dans les actes de procédure. Un acte de procédure est frivole et vexatoire s’il contient des déclarations ou des arguments qui sont non pertinents ou incompréhensibles, ou qui visent à embellir une histoire, au même titre que s’il contient une demande de réparation que la Cour ne peut manifestement pas accorder (Simon c Canada, 2011 CAF 6, 197 ACWS (3d) 485).

[41]           Comme il a été mentionné ci-dessus, les actes de procédure manquent de précisions au point où il est difficile d’y répondre ou de réguler l’instance. Les commentaires formulés dans la trousse Turmel sont exagérés, insultants et de nature argumentative.

[42]           Les actes de procédure de Hunt sont affaiblis par la pertinence douteuse des allégations qu’ils contiennent et de la jurisprudence à laquelle ils renvoient. Il est difficile de comprendre le sens d’une acte de procédure visant l’obtention d’une mesure comme l’habeas corpus au titre de l’article 15 ou contenant un renvoi à la [traduction] « loi suprême ». La réclamation d’un milliard de dollars à titre de dommages-intérêts majorés n’améliore en rien le problème de manque de sérieux des actes de procédure. L’action est frivole et vexatoire.  

[43]           Comme il a été mentionné précédemment, les demandeurs tentent de remettre en litige des questions déjà tranchées, ce qui constitue un abus de procédure.

IV.             Conclusion

[44]           Pour les motifs susmentionnés, la requête est accueillie. La Cour rendra une ordonnance :

a)                  radiant la totalité des demandes et actions énumérées, sans possibilité de les modifier;

b)                  n’accordant aucuns dépens, puisqu’aucuns n’ont été demandés. (Dans les circonstances, il est permis de douter que la Cour aurait accordé des dépens.)


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.                  La requête du défendeur est accueillie; les actions et la demande énumérées ci‑dessus sont radiées, sans autorisation de les modifier;

2.                  Aucuns dépens n’ont été demandés, de sorte qu’aucuns dépens ne sont accordés.

« Michael L. Phelan »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

Divers

 

INTITULÉ :

Dans l’affaire intéressant de nombreux documents déposés en vue d’obtenir un jugement déclaratoire fondé sur le paragraphe 52(1) de la Charte canadienne des droits et libertés

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT ET EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

le 11 janvier 2017

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

John Turmel

 

POUR LE DEMANDEUR

(T-488-14)

 

Jon Bricker

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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