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Date : 20160823


Dossier : T-1405-16

Référence : 2016 CF 954

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

DR V.I. FABRIKANT

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU

CANADA, SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

AYLEN P.

[1]               Le 11 août 2016, le demandeur a déposé une requête en vertu de l’article 369 des Règles des Cours fédérales en vue d’obtenir une ordonnance d’exemption des frais de dépôt pour déposer une demande de contrôle judiciaire proposée.

[2]               Au soutien de sa requête, le demandeur s’appuie sur un avis de requête, l’affidavit du Dr Valery I. Fabrikant assermenté le 4 juillet 2016, et ses observations écrites.

[3]               La requête semble avoir été présentée à titre ex parte, comme aucune preuve de signification au défendeur n’a été déposée auprès de la Cour et aucun document n’a été reçu du défendeur.

[4]               Le demandeur a été déclaré plaideur quérulent en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur les Cours fédérales et doit obtenir l’autorisation de la Cour aux termes du paragraphe 40(3) pour intenter toute procédure devant notre Cour. Ainsi, le demandeur a présenté une requête additionnelle, qui n’est pas jugée suivant les présentes, en vue d’obtenir une autorisation en vertu du paragraphe 40(3) de la Loi sur les Cours fédérales pour introduire la demande de contrôle judiciaire proposée (requête en autorisation).

[5]               Même si le demandeur a formulé l’allègement demandé dans cette requête comme une ordonnance d’exemption des frais de dépôt de la demande de contrôle judiciaire proposée, la Cour mentionne que le demandeur n’a pas payé les 30 $ de frais de dépôt de la requête en autorisation tel que requis par le Tarif A, 2(1)(b). En l’absence de paiement des frais de dépôt de la requête en autorisation, cette dernière ne peut être tranchée. En conséquence, la Cour a considéré la présente requête comme une demande visant à obtenir l’exemption des frais de dépôt de la requête en autorisation.

[6]               La demande de contrôle judiciaire proposée est liée à une décision du sous-commissaire du Service correctionnel du Canada relative au grief du demandeur alléguant que les détenus de l’Établissement Archambault sont incapables d’acheter des raisins frais.

[7]               L’article 55 des Règles des Cours fédérales dispose que c’est uniquement dans « des circonstances spéciales » que la Cour peut exempter une partie ou une personne de son application. Pour déterminer s’il existe des circonstances spéciales qui justifient la dispense d’une exigence dans les Règles de payer les frais de dépôt, la Cour exige que la partie démontre son indigence avec suffisamment de détails et démontre que l’obligation de payer des frais de dépôt empêcherait cette partie d’engager une action ayant raisonnablement les chances de succès devant la Cour (voir Spatling c. Canada (Solliciteur général), 2003 ACF 443 [Spatling]). La Cour a reconnu que l’obligation de démontrer une action ayant raisonnablement les chances de succès ne doit pas être un critère strict de manière à ériger une barrière artificielle contre l’égalité d’accès à la Cour (voir : Spatling, au paragraphe 11 et Pearson v Canada (2000), 195 F.T.R. 31, au paragraphe 13 (1re inst.) [Pearson]).

[8]               La décision d’exonérer des frais de dépôt est une décision discrétionnaire qui tient compte des faits de chaque affaire. Le fait qu’un autre juge pourrait choisir d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder au demandeur une exemption des frais de dépôt en se basant sur un dossier éventuellement semblable dans d’autres procédures intentées par le demandeur n’oblige pas la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire en l’espèce (voir : Fabrikant c. Canada, 2015 CAF 53, au paragraphe 12).

[9]               Il convient de noter que la conduite des parties qui demandent une exemption en vertu de l’article 55 sera nécessairement examinée (voir Pearson, au paragraphe 5).

[10]           Selon les éléments de preuve produits par le demandeur, la Cour n’est pas convaincue que le demandeur a fourni des éléments de preuve suffisamment détaillés et crédibles de son indigence. Cela constitue un motif suffisant pour rejeter la requête du demandeur.

[11]           La preuve du demandeur démontre qu’il reçoit un montant de 26,19 $ toutes les deux semaines, après les déductions, montant qu’il est autorisé à dépenser et qu’il choisit de dépenser sur les appels téléphoniques, plutôt que sur le financement de la requête en autorisation. Le demandeur n’a pas déposé de documents financiers à l’appui de son allégation d’indigence, documents qu’il affirme exister dans son affidavit. Bien que le demandeur affirme que de tels documents pourraient être à la disposition de la Cour, la réalité est qu’ils n’ont pas été mis à la disposition de la Cour lors de l’examen de cette requête. Le demandeur a le fardeau de la preuve concernant la présente requête et il n’appartient pas à la Cour d’informer le demandeur de la preuve supplémentaire qu’il devrait produire et d’attendre ensuite qu’elle soit produite avant de se prononcer sur la requête. Par ailleurs, aucun élément de preuve n’a été présenté à la Cour démontrant que le demandeur a essayé sans succès d’obtenir les fonds nécessaires pour payer les frais de dépôt de 30 $ auprès de sa famille, de ses amis et des autres détenus. La simple affirmation du demandeur selon laquelle il serait « inapproprié » de demander de l’argent à sa famille est insuffisante.

[12]           Dans ses observations écrites à l’appui de sa demande d’exemption des frais de dépôt, le demandeur affirme ce qui suit :

Il est important de noter que par le passé, tous les frais de justice étaient dispensés sans avoir à déposer une requête en autorisation dans les cas A-10-13, A-26-13 et A-274-13. S’il était possible et justifié d’exempter tous les frais de justice dans ces cas, il est certainement possible de le faire dans le cas présent. Le demandeur était initialement en mesure d’emprunter de l’argent afin de payer les frais de dépôt pour exactement la même affaire en 2011. Le demandeur ne peut plus emprunter de l’argent et il serait injuste d’exiger que le demandeur paye deux fois pour la même affaire qui aurait dû être tranchée sur le fond, plutôt que d’être rejetée pour des motifs de forme en 2012.

[13]           Même si le demandeur semble affirmer que la demande de contrôle judiciaire proposée est liée à « exactement la même affaire » qu’il a entamée en 2011, cela est tout simplement impossible. La décision en question dans la demande de contrôle judiciaire proposée est liée à un grief déposé auprès du Service correctionnel du Canada en 2014, qui a été tranché par le Service correctionnel du Canada en 2016. Les autres procédures sont antérieures à la décision en question dans la demande de contrôle judiciaire proposée. En outre, un examen des actes de procédure dans ces procédures antérieures révèle qu’elles n’avaient rien à voir avec l’incapacité du demandeur à acheter des raisins frais pendant sa détention.

[14]           En gardant à l’esprit qu’un examen de la raisonnabilité ou du bien-fondé de la demande sous-jacente ne devrait pas constituer un obstacle artificiel empêchant le demandeur d’accéder à la Cour, j’ai des préoccupations quant au bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire proposée, basées sur mon examen des éléments très limités déposés par le demandeur à l’appui de sa demande. Comme il a été indiqué plus haut, la décision en question est une décision du sous-commissaire du Service correctionnel du Canada datée du 30 juin 2016. Cependant, la requête en autorisation n’a été déposée auprès de la Cour que le 11 août 2016, ce qui semble à première vue être plus de 30 jours après que la décision a été initialement communiquée par le Service correctionnel du Canada au demandeur. En conséquence, à première vue, il semblerait que le demandeur ait dépassé le délai imparti pour introduire la demande proposée si l’autorisation était accordée.

[15]           En outre, même si le demandeur a simplement affirmé que la demande proposée [traduction] « est très importante pour moi », aucune explication n’a été donnée à la Cour pour préciser pourquoi tel est le cas. Il semblerait que la décision du Service correctionnel du Canada de refuser aux détenus l’accès aux raisins frais a le même impact sur tous les détenus et sur les documents déposés par le demandeur, le demandeur n’a déposé aucune observation concernant l’importance de la décision pour lui personnellement et son impact sur lui si cette question n’était pas définitivement tranchée par les tribunaux.

[16]           En déterminant si je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire pour accorder l’exemption en vertu de l’article 55, je dois aussi tenir compte du fait que le demandeur a été déclaré plaideur quérulent. Sa conduite antérieure devant notre Cour est par conséquent un facteur pertinent qui milite contre l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire.

[17]           Je souligne également que même si le demandeur a affirmé qu’un avis de demande proposé a été inclus dans ses documents à l’appui de la requête, aucun avis de demande de contrôle judiciaire proposée n’a été fourni à la Cour.

[18]           La Cour n’est donc pas convaincue de l’existence des circonstances spéciales suffisantes pour justifier une exemption des frais de dépôt de 30 $ pour le dépôt de la requête en autorisation.


ORDONNANCE

LA COUR 

1.       rejette la requête du demandeur.

« Mandy Aylen »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1405-16

INTITULÉ :

DR V.I. FABRIKANT c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

Ordonnance et motifs :

AYLEN P.

DATE DES MOTIFS :

Le 23 août 2016

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Dr Valery Fabrikant

Établissement Archambault

St-Anne des Plaines (Québec)

 

LE DEMANDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

Me Morgan

Ministère de la Justice

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dr Valery Fabrikant

LE DEMANDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le DÉFENDEUR

 

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