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Date : 20170207


DOSSIER : IMM-2542-16

Référence : 2017 CF 137

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

À Ottawa (Ontario), le 7 février 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

OLUBUSAYO EBENEZER ILESANMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’immigration (l’agent), datée du 24 mai 2016, rejetant la demande de résidence permanente du demandeur, rendue en application du Programme fédéral des travailleurs qualifiés, car le demandeur n’a pas réussi à satisfaire aux exigences financières de l’alinéa 76(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement sur l’IPR).

[2]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

Résumé des faits

[3]  Le demandeur est citoyen du Nigéria. Il a présenté une demande de résidence permanente dans le cadre du Programme fédéral des travailleurs qualifiés aux environs du mois de novembre 2014. Le 6 août 2015, le demandeur a reçu une lettre relative à l’équité procédurale l’informant que, après évaluation de sa demande de résidence permanente, il a été jugé qu’il ne satisfaisait pas aux critères d’immigration au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés en raison du fait qu’il ne satisfaisait pas aux exigences financières nécessaires pour une famille de deux (14 853 $), comme l’exige la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) et le Règlement sur l’IPR. Le demandeur a eu droit à une période de 30 jours pour présenter d’autres renseignements. Le demandeur a pris connaissance de cette lettre après l’échéance du délai de 30 jours requis, mais on lui a accordé une prorogation de délai pour lui permettre de répondre. Le demandeur a présenté des renseignements supplémentaires le 14 octobre 2015, cependant, sa demande a été rejetée le 24 mai 2016. La Cour est saisie du contrôle de cette décision.

La décision faisant l’objet du contrôle

[4]  L’agent a déclaré que le demandeur n’était pas admissible en application du fait qu’il ne satisfaisait pas aux exigences financières pour une famille de deux personnes visées à l’alinéa 76(1)b) du Règlement sur l’IPR, qui ont été indiquées dans la décision.

[5]  D’après les renseignements et les documents présentés dans le cadre de la demande initiale du demandeur et en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, l’agent n’était pas convaincu que les fonds présentés étaient disponibles aux fins de l’établissement au Canada. Étant donné que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences visées au paragraphe 11(1) de la LIPR, sa demande a été rejetée.

[6]  Par suite d’une demande présentée en application de l’article 15 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, les notes consignées au Système mondial de gestion des cas (notes du SMGC) ont été fournies. Ces notes font partie des motifs de la décision (De Hoedt Daniel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1391, au paragraphe 51; Afridi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 193, au paragraphe 20; Muthui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 105, au paragraphe 3 [Muthui]). Les inscriptions pertinentes sont les suivants : [traduction]

Le 24 mai 2016

[...] Le DP a initialement fourni des relevés bancaires de la FirstBank pour la période d’avril 2014 à octobre 2014; soldes globaux peu élevés. Le relevé présentait un solde d’ouverture de 360 000 nairas et comprenait un dépôt important inexpliqué le dernier jour de 1,5 M de nairas; fermeture à 2 M de nairas. La source de l’important dépôt à la fin du relevé n’est pas claire et n’est pas conforme à l’historique bancaire général. Une LEP a été envoyée et une réponse a été reçue. Le DP a fourni le même relevé de la FirstBank qui commençait en juillet 2015. On a constaté que le dépôt de fonds important effectué le 22 octobre 2014 ne figurait plus dans le relevé; solde d’ouverture de moins de 2 000 nairas (environ 13 $). Fonds globaux peu élevés, une fois de plus avec deux dépôts importants le dernier jour s’élevant à un total de 2,5 M de nairas, solde de fermeture de 2,5 M de nairas (2 octobre 2015). Le DP a déclaré que les fonds proviennent d’un revenu (qui est versé en espèces), d’une commission gagnée et d’épargnes personnelles. On ignore pourquoi les dépôts sont toujours effectués le dernier jour avant l’impression du relevé : on ignore où est passé le dépôt effectué dans le relevé envoyé précédemment. Le DP gagne 1,9 M par année conformément à la lettre d’emploi, avec des primes non divulguées. Les dépôts ne semblent pas compatibles avec les revenus. L’épouse a également fourni des relevés bancaires – fonds limités dans l’ensemble. D’après les renseignements et documents fournis, je ne suis pas convaincu que les fonds présentés sont disponibles aux fins de l’établissement au Canada. Je ne suis pas convaincu que le DP dispose des fonds suffisants pour satisfaire à l’exigence de la catégorie TQ1. La présente demande est donc rejetée.

[...]

Le 15 octobre 2015

En réponse à la LEP concernant les fonds, le DP a présenté le même relevé de la FirstBank de juillet 2015 et pour les mois suivants. Le solde d’ouverture est de 1 900 nairas et le solde de fermeture est de 2,5 M nairas après deux dépôts à la fin du relevé, pour un total de 2,5 M de nairas. Aucune trace de l’argent qui a été déposé à la fin du relevé bancaire initial reçu et aucune indication de la provenance des 2,5 M de nairas. Un autre compte comprenant des dépôts de salaire comprend un total de 175 000 nairas seulement. Enregistré dans un document électronique.

Questions en litige et norme de contrôle

[7]  À mon avis, la présente demande soulève deux questions. La première question vise à décider si l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale. La seconde question à trancher est de déterminer si la décision de l’agent est raisonnable.

[8]  La question visant à trancher si un agent des visas a commis une erreur en omettant de faire part de ses préoccupations à l’attention d’un demandeur et en lui offrant l’occasion d’y répondre est celle de l’équité procédurale qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Muthui, au paragraphe 12; Ramezanpour c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 751, au paragraphe 15).

[9]  L’évaluation, par un agent, d’une demande de résidence permanente en application du Programme fédéral des travailleurs qualifiés, y compris son appréciation des éléments de preuve soumis à l’appui de cette demande fait l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Roberts c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 518, au paragraphe 15; Bazaid c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 17, au paragraphe 36; Khowaja c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 823, au paragraphe 7; Muthui, au paragraphe 10). Il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard de l’évaluation menée par un agent à cet égard (Wijayansinghe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 811, au paragraphe 25 (Pathirannahelage)).

L’agent a-t-il manqué à son obligation d’équité procédurale?

Position du demandeur

[10]  Le demandeur fait valoir que l’agent a fondé sa conclusion définitive d’inadmissibilité financière sur un doute quant à l’existence des fonds, mais qu’il n’a pas affirmé catégoriquement que les fonds n’existaient pas. L’agent a commis une erreur en omettant de demander des précisions auprès du demandeur. Le demandeur reconnaît que la jurisprudence confirme qu’il incombe au demandeur de présenter à l’agent tous les documents nécessaires aux fins d’une décision favorable et qu’un agent n’a aucune obligation de demander des précisions ou des renseignements supplémentaires. Cependant, le demandeur fait valoir que cette règle générale est quelque peu qualifiée (Olorunshola c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1056, au paragraphe 30; Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, au paragraphe 22; Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24; Huyen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] CFPI 904 (CF 1re inst.), aux paragraphes 2 et 5; Kojouri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1389, aux paragraphes 18 et 19; Salman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 877, aux paragraphes 12 à 18), et que, en l’espèce, l’agent était assujetti à l’obligation positive de poser d’autres questions pour obtenir des précisions relativement à ses préoccupations, y compris la tenue d’une entrevue à cette fin.

[11]  Le demandeur fait valoir que, pour appuyer sa demande, il a fourni une lettre de son directeur général, qui confirme de quelle façon sa société verse les salaires à ses employés. Il a également présenté un affidavit assermenté pour appuyer l’allégation selon laquelle il possède les fonds. Le point principal du demandeur est que le défaut de l’agent de poser d’autres questions sur ces circonstances constitue un manquement à l’équité procédurale et soulève une erreur susceptible de contrôle.

Position du défendeur

[12]  Le défendeur fait valoir qu’il incombait au demandeur d’établir que les exigences de la loi avaient été satisfaites en ce qui concerne la disponibilité des fonds. Ces exigences sont accessibles au public et le demandeur a reçu une lettre relative à l’équité procédurale en ce qui a trait aux préoccupations de l’agent, à laquelle le demandeur a répondu. L’agent n’était pas tenu de donner au demandeur une autre occasion de répondre aux préoccupations de l’agent à propos de la preuve documentaire déficiente et il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale à cet égard (Muthui, au paragraphe 52).

[13]  La jurisprudence concernant l’obligation en matière d’équité procédurale due dans des circonstances telles que celles-ci a été établie par le juge Gascon dans Pathirannahelage :

[28]  Je reconnais que l’obligation d’équité procédurale comprend l’obligation d’informer adéquatement le demandeur des éléments de preuve retenus contre ce dernier ainsi que celle de lui donner l’occasion de connaître les réserves exprimées par l’agent des visas et d’y répondre, ce qui implique nécessairement que le demandeur doit avoir eu une réelle possibilité de présenter les divers types de preuves intéressant son cas et d’obtenir qu’ils soient évalués pleinement et équitablement (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 28). Dans le cadre d’une demande de visa, l’obligation d’agir équitablement ne requiert cependant pas que l’agent des visas informe le demandeur des préoccupations découlant directement des exigences législatives ou règlementaires et qu’il donne au demandeur l’occasion de le convaincre d’en faire abstraction (Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), [1996] ACF no 453, au paragraphe 7, 34 Imm LR (2d) (CFPI)).

[29]  La Cour a précisé, au fil de l’évolution de la jurisprudence, que l’obligation d’équité procédurale s’applique aux préoccupations touchant la crédibilité ainsi que la véracité et l’authenticité des documents plutôt qu’au caractère suffisant de la preuve. L’agent des visas n’est pas tenu de fournir au demandeur l’occasion de dissiper ses préoccupations lorsque les documents présentés à l’appui de la demande sont incomplets, obscurs ou insuffisants de sorte qu’ils ne permettent pas de convaincre l’agent que le demandeur se conforme à toutes les exigences qui découlent du Règlement (Hamza c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), 2013 CF 264 (CF), aux paragraphes 24 et 25 [Hamza]; Gharialia, aux paragraphes 16 et 17; Sharma, au paragraphe 8; Veryamani c Canada (Ministre de la Citoyenneté de l’Immigration), 2010 CF 1268 (CF), aux paragraphes 34 à 36 [Veryamani]).

[30]  Il incombait donc à Mme Pathirannahelage d’établir, au moyen d’éléments de preuve suffisants à l’appui de sa demande, qu’elle répondait aux exigences du Règlement (Hamza, au paragraphe 22; Uddin, au paragraphe 38). En outre, comme je l’ai déjà souligné, l’obligation d’équité procédurale imposée à un agent des visas se trouve à l’extrémité inférieure du spectre (Hamza, au paragraphe 23).

[Non souligné dans l’original.]

(Voir aussi Rezvani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 951, aux paragraphes 19 et 20).

[14]  En l’espèce, après avoir procédé à une évaluation des observations du demandeur présentées en même temps que sa demande de résidence permanente, l’agent éprouvait des préoccupations quant à savoir si le demandeur satisfaisait aux exigences financières énoncées dans le Règlement sur l’IPR. L’agent a donc envoyé une lettre relative à l’équité procédurale au demandeur, qui lui a donné la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires. La lettre indiquait que le demandeur doit montrer qu’il avait suffisamment d’argent pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille après son arrivée au Canada, que l’argent ne peut pas être emprunté auprès d’une autre personne, qu’il doit être en mesure d’utiliser cet argent pour payer les frais de subsistance de sa famille et, de manière importante, que [traduction] « [s]i vous avez effectué des dépôts importants dans vos comptes ou si vous avez des placements à échéance déterminée, vous devez fournir la preuve de la provenance des fonds ». Dans la lettre, on demandait également au demandeur de fournir les relevés bancaires de l’institution où son salaire est déposé et donnait au demandeur une période de 30 jours à compter de la date de la lettre pour présenter ces renseignements.

[15]  Comme on peut le voir dans les notes du SMGC, le demandeur avait fourni des relevés bancaires pour la période du 14 avril à octobre 2014 avec des soldes globalement peu élevés. Il y avait également un dépôt inexpliqué de 1,5 M de nairas effectué le dernier jour de la période du relevé, ce montant était également incompatible avec l’historique bancaire général du demandeur. En réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, le demandeur a présenté le même relevé bancaire, mais dont la période commençait en juillet 2015 et se terminait le 2 octobre 2015. Les fonds provenant du dépôt important inexpliqué ne se trouvaient plus dans le compte. Il avait un solde d’ouverture de 2 000 nairas (environ 13 $) et deux dépôts importants avaient été effectués le dernier jour de ce relevé, s’élevant à 1,5 M et à 1 M de nairas, donnant lieu à un solde de fermeture de 2,5 M de nairas. L’agent a souligné l’observation du demandeur, dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, selon laquelle le solde correspondait à une combinaison de son revenu, lequel était, selon lui, versé en espèces, de commissions gagnées et d’épargnes personnelles. L’agent a déclaré que la raison pour laquelle les dépôts importants avaient été effectués le dernier jour avant l’impression du relevé n’était toujours pas claire, tout comme ce qui était arrivé au dépôt important précédent. En outre, la lettre d’emploi du demandeur indiquait qu’il gagnait 1,9 M de nairas annuellement, avec des primes non divulguées, et que les dépôts en question ne semblaient pas compatibles avec son revenu déclaré. L’agent n’était pas convaincu que les fonds présentés étaient disponibles aux fins de l’établissement au Canada.

[16]  Dans une affaire dont les faits étaient semblables, Odunsi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 208 (Odunsi), le juge Manson a conclu qu’aucun manquement à l’équité procédurale n’avait découlé du fait que l’on avait remis une lettre relative à l’équité procédurale au demandeur, mais que celui-ci n’avait pas expliqué la provenance d’un dépôt important dans son relevé bancaire :

[3]  En évaluant l’admissibilité du demandeur en fonction des exigences financières, l’agent a remarqué que le solde du relevé bancaire présenté en guise d’élément de preuve était très peu élevé et qu’un dépôt important effectué en juin 2014 figurait à la fin du relevé. La provenance de ce dépôt n’était pas indiquée.

[4]  Une lettre d’équité procédurale datée du 28 avril 2015 a été envoyée au demandeur afin de lui demander de prouver qu’il disposait de suffisamment de fonds pour immigrer au Canada. La lettre indiquait que le demandeur ne pouvait pas emprunter l’argent dont il avait besoin auprès d’une autre personne et qu’il devait fournir des relevés bancaires et des certificats de dépôt à terme à jour. Il y était explicitement énoncé que le demandeur doit fournir des éléments de preuve de la provenance des fonds lorsqu’il fait des dépôts importants dans ses comptes ou de gros placements à durée déterminée. La lettre indiquait clairement que le demandeur avait 30 jours pour fournir les renseignements supplémentaires exigés, sinon l’agent rendrait sa décision en se fondant sur les renseignements déjà fournis.

[...]

[15]  Le demandeur soutient qu’il n’a pas eu l’occasion d’expliquer la provenance de l’important dépôt ni la façon dont il a obtenu cet argent avant que l’agent rejette sa demande, ce qui constitue un manquement à l’équité procédurale. Il soutient que l’agent aurait dû l’informer de ses préoccupations quant à la provenance des fonds et qu’il aurait dû lui donner l’occasion de s’expliquer. Le demandeur affirme qu’il croyait qu’il devait seulement prouver qu’il disposait de suffisamment de fonds transférables libres de dettes ou d’autres obligations financières.

[16]  Je suis d’avis que l’agent a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances. La lettre d’équité procédurale, que le demandeur ne nie pas avoir reçue et à laquelle il a répondu, décrivait les préoccupations de l’agent à l’égard de la provenance de l’important dépôt et avertissait le demandeur que ce dépôt pourrait avoir une incidence sur la décision relative à sa capacité à répondre aux exigences financières en vertu de la Loi et du Règlement. La lettre offrait au demandeur la possibilité de répondre en expliquant la provenance des fonds et en fournissant des preuves que les fonds étaient transférables et libres de dettes, c’est-à-dire qu’ils lui appartenaient et qu’ils n’avaient pas été empruntés comme le craignait l’agent. Le demandeur a bel et bien répondu à la lettre d’équité procédurale, et son argument selon lequel il y a eu manquement à l’équité procédurale dans les circonstances est sans fondement.

[17]  À mon avis, il n’y a eu également aucun manquement à l’équité procédurale en l’espèce. Le demandeur a eu la possibilité de répondre aux préoccupations de l’agent, ce qu’il a fait. L’agent a reconnu le contenu de ses observations et la lettre de son employeur. La question en litige consistait à trancher si sa preuve, y compris sa réponse, suffisait à convaincre l’agent que le demandeur était en mesure de satisfaire aux exigences financières énoncées dans le Règlement sur l’IPR, aucune question relative à la crédibilité ou à l’authenticité de ses documents n’a été soulevée. En conséquence, l’agent n’avait aucune autre obligation dans les circonstances.

La décision de l’agent était-elle raisonnable?

Position du demandeur

[18]  Le demandeur soutient que l’argument de l’agent voulant que le demandeur ne dispose pas des fonds d’établissement pour une famille de deux est spéculatif et ne tient pas compte de la preuve dont il est saisi à bon droit. Plus précisément, le demandeur a divulgué une lettre d’emploi qui confirme son emploi et son salaire ainsi que le relevé bancaire de son épouse indiquant un solde de 175 115,31 nairas. Le demandeur soutient que l’agent n’a fait aucune mention de la lettre d’emploi et qu’il n’a pas tenu compte des traitements accumulés ainsi que des efforts passés du demandeur en vue d’augmenter son revenu en contribuant à l’entreprise de commerce de Coca-Cola de sa mère.

Position du défendeur

[19]  Le défendeur soutient que la décision de l’agent est raisonnable. En application de l’alinéa 76(1)b) du Règlement sur l’IPR, le demandeur était non seulement tenu de disposer d’un certain montant de revenu au moment de sa demande, mais aussi d’établir que ces fonds étaient transférables et disponibles, et qu’ils n’étaient pas grevés de dettes ou d’autres obligations. Les motifs de l’agent sont convaincants et, d’après les renseignements et documents présentés, l’agent n’était pas convaincu que les fonds présentés dans les relevés bancaires étaient disponibles aux fins d’établissement au Canada ou que le demandeur disposait des fonds suffisants, comme l’exige la loi pour la catégorie des travailleurs qualifiés. Il était loisible à l’agent de tirer la conclusion que le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences prévues par la loi (Muthui, au paragraphe 52).

[20]  Il incombait au demandeur d’expliquer dans sa réponse à la lettre relative à l’équité procédurale ce qui était arrivé au dépôt important daté d’octobre 2014, étant donné qu’on lui avait demandé de prouver qu’il disposait des fonds requis par la loi et que le dépôt important ne figurait plus dans son compte. Il a cependant omis de le faire. Le demandeur n’a également démontré aucune erreur dans les conclusions de l’agent en ce qui a trait aux dépôts importants inexpliqués, l’incompatibilité des dépôts avec le revenu du demandeur, les fonds limités de son épouse ou la possession des fonds exigés par la loi par le demandeur. En outre, contrairement aux arguments du demandeur, l’agent a expressément mentionné la lettre d’emploi du demandeur, en soulignant que [traduction] « [l]e DP gagne 1,9 M par année, conformément à la lettre d’emploi, avec des primes non divulguées. Les dépôts ne semblent pas compatibles avec les revenus ». Il n’y avait rien de déraisonnable non plus à ce qu’un agent soit préoccupé par la provenance inexpliquée d’un dépôt inhabituel important dans le compte d’un demandeur (Odunsi, au paragraphe 27).

Analyse

[21]  À mon avis, la décision de l’agent était raisonnable. Je suis d’accord avec le défendeur que l’agent a examiné l’ensemble des éléments de preuve et a tiré une conclusion raisonnable en se fondant sur ceux-ci. Les arguments du demandeur équivalent seulement à un désaccord avec la décision.

[22]  Les motifs de l’agent démontrent qu’il a examiné l’ensemble des éléments de preuve qui ont été présentés en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale pour rendre sa décision. À cet égard, le demandeur a fourni à l’agent des relevés de son compte d’épargne de la FirstBank, des relevés du compte de son épouse, un affidavit ainsi qu’une lettre de son employeur. Dans les notes du SMGC, l’agent mentionne et examine expressément l’ensemble de ces éléments de preuve.

[23]  En outre, comme il est décrit ci-dessus, l’agent a expliqué comment cette preuve l’a mené à tirer sa conclusion que le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences de la LIPR et du Règlement sur l’IPR. Plus particulièrement, il est manifeste que l’agent était préoccupé par le dépôt important inexpliqué à la fin de la période couverte par le relevé bancaire d’avril 2014 fourni dans la demande originale, qu’il a jugé incompatible avec l’historique bancaire général du demandeur. De plus, le fait que le relevé bancaire de juillet 2015 fourni en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale indiquait que le dépôt important de fonds dans le premier relevé ne figurait plus dans le compte. De plus, le compte contenait également deux dépôts importants à la fin de la période du relevé de juillet 2015, pour un total de 2,5 M nairas. En réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, le demandeur n’a expliqué ni la provenance du dépôt important initial ni ce qui lui était arrivé. De plus, comme l’a fait remarquer l’agent, le demandeur a déclaré que son solde actuel était une combinaison de son revenu, des commissions gagnées et d’épargnes personnelles. Même s’il a également déclaré qu’il ne s’agissait pas de fonds empruntés, je soulignerais qu’il s’agissait de l’étendue totale des renseignements pertinents présentés. L’agent a signalé que dans les deux relevés, les dépôts importants avaient été effectués le dernier jour du relevé, ce qui n’a pas été expliqué. Aussi, compte tenu du revenu du demandeur de 1,9 M de nairas par année, comme il est indiqué dans la lettre de son employeur, les dépôts importants ne semblaient pas compatibles avec son revenu. La conclusion de l’agent selon laquelle, d’après les renseignements qui ont été présentés, il n’était pas convaincu que les fonds présentés étaient disponibles aux fins de l’établissement au Canada, était entièrement raisonnable.

[24]  En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel l’agent a omis d’examiner la preuve du demandeur selon laquelle il verse des contributions à l’entreprise de commerce de Coca-Cola de sa mère, cette information ne figurait pas dans le dossier porté à la connaissance de l’agent. En revanche, il semble que l’explication du demandeur figure dans son affidavit à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. La preuve dont l’agent n’est pas saisi n’est pas recevable en contrôle judiciaire, sauf dans des circonstances très limitées qui ne s’appliquent pas en l’espèce. En conséquence, on ne lui accorde aucun poids (Odunsi, au paragraphe 18; Association des universités et des collèges du Canada c Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CAF 22, aux paragraphes 19 et 20).

[25]  La décision de l’agent appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, la Cour n’interviendra pas et la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y aura pas d’adjudication des dépens.

  3. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier et aucune question ne se pose en l’espèce.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2542-16

 

INTITULÉ :

OLUBUSAYO EBENEZER ILESANMI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 janvier 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 février 2017

 

COMPARUTIONS :

O. Jean Adeyemo

 

Pour le demandeur

 

Asha Gafar

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

O. Jean Adeyemo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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