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Date : 20161017


Dossier : IMM-1534-16

Référence : 2016 CF 1155

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 octobre 2016

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

SHU-CHING CHUNG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               L’audience concernant la demande de contrôle judiciaire était prévue le 17 octobre 2016. Elle n’a cependant pas eu lieu en raison de préoccupations soulevées par le comportement de la personne qui était censée agir au nom de la demanderesse.

I.                   Contexte

[2]               Le 18 mars 2016, la demanderesse a déposé une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’un rapport produit par un agent d’immigration, conformément au paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse indique que celle-ci se représente elle-même.

[3]               En vertu d’une ordonnance datée du 21 juillet 2016, la demande d’autorisation de la présente affaire a été accueillie, et la date de l’audience de la demande de la demanderesse a été fixée au 17 octobre 2016.

[4]               Le 26 septembre 2016, la demanderesse a déposé une requête demandant à la Cour l’autorisation d’être représentée par un [traduction] « représentant ou interprète non-juriste » dont elle n’a pas donné l’identité. D’après l’affidavit déposé par Benjamin Min-Yih Chiang à l’appui de la requête de la demanderesse, cette personne dont le nom n’a pas été révélé [traduction] « n’est pas un avocat, mais parle couramment l’anglais et fournit notamment de l’aide en matière d’interprétation ».

[5]               En vertu d’une ordonnance datée du 7 octobre 2016, le protonotaire Lafrenière a rejeté la requête de la demanderesse. D’après les documents produits à l’appui de la requête par la demanderesse, il avait compris que celle-ci demandait la permission d’être représentée par M. Chiang. Il a cependant mentionné qu’aucun renseignement n’avait été fourni au sujet du lien entre la demanderesse et M. Chiang, ni à l’égard de l’expérience ou des compétences de ce dernier pour agir au nom de la demanderesse. Le protonotaire Lafrenière était également préoccupé par le fait que la demanderesse avait attendu à la dernière minute pour demander un représentant. La requête a été rejetée sans préjudice au droit de la demanderesse de demander au juge de l’audience la permission d’obtenir de l’aide.

[6]               Le 13 octobre 2016, un document intitulé « Avis de nomination d’un avocat » a été signifié à l’avocat du défendeur, puis a été déposé à la Cour le lendemain. Le document indiquait que [traduction] « La demanderesse, Mme Shu-Ching Chung, qui agissait jusqu’ici en son propre nom, a nommé Vivian Chiang à titre d’avocat inscrit au dossier ». Ce document a été signé par Mme Chiang.

[7]               Le 14 octobre 2016, l’avocat du défendeur a écrit à la Cour pour contester le format du document. Toutefois, la plus grande source de préoccupation constitue la déclaration de l’avocat selon laquelle [traduction] « aucune V. Chiang n’est inscrite à titre d’avocate en exercice au Barreau de la Colombie-Britannique ».

[8]               Plus tard, le 14 octobre 2016, Mme Chiang a écrit à la Cour pour préciser que [traduction] « le site Web du Barreau de la Colombie-Britannique comportait une section appelée ‘Lawyer Lookup’ (trouver un avocat), et qu’en y effectuant une simple recherche, M. Nash pourrait facilement constater qu’elle était inscrite comme avocate dans le répertoire du barreau ». Mme Chiang a également fait référence à la correspondance qu’elle avait reçue de la part de l’Association du Barreau canadien comme preuve qu’elle exerçait bien la profession d’avocate.

[9]               Mme Chiang s’est présentée sans toge à l’audience du 17 octobre 2016, disposée à agir au nom de la demanderesse. Toutefois, l’avocat du défendeur a fourni à la Cour une copie sur papier des résultats obtenus à la suite d’une recherche dans la section « Lawyer Lookup » (trouver un avocat) de la base de données des avocats du Barreau de la Colombie-Britannique. La recherche a révélé que le statut de Mme Chiang auprès du Barreau de la Colombie-Britannique correspondait à celui d’« ancien membre ».

[10]           En réponse aux questions de la Cour concernant son statut, Mme Chiang a fait référence aux procédures disciplinaires qu’a engagées le barreau à son égard et qui sont toujours en cours. Elle a également déclaré qu’elle avait effectué une recherche sur le site Web du barreau afin de vérifier son statut, et qu’elle avait vu son nom dans la base de données. J’en déduis donc que Mme Chiang a insinué qu’elle croyait toujours être membre du Barreau de la Colombie-Britannique.

[11]           Mme Chiang a reconnu qu’elle n’avait toutefois pas cliqué sur le lien sous son nom dans la base de données du barreau. Si elle l’avait fait, elle aurait constaté que son statut correspondait à celui d’« ancien membre ». Plus important encore, Mme Chiang a indiqué à la Cour qu’elle n’avait pas payé les frais de renouvellement de son inscription auprès du barreau lorsque le paiement était arrivé à échéance, en janvier 2016, et qu’elle n’était membre d’aucun autre barreau canadien.

[12]           Mme Chiang a expliqué que même si son nom ne figurait pas dans les documents à l’appui de la requête déposée par la demanderesse le 26 septembre 2016, ladite requête visait à lui permettre de représenter la demanderesse à titre de non-juriste. Comme il a été mentionné précédemment, les documents à l’appui de la requête indiquent que la demanderesse demandait l’autorisation d’être représentée par un [traduction] « représentant ou interprète non-juriste » [non souligné dans l’original], ce qui laisse entendre que Mme Chiang savait qu’elle n’est pas une avocate en règle à ce moment-là.

[13]           Lorsque la requête de la demanderesse a été rejetée, Mme Chiang a alors signalé et déposé l’« Avis de nomination d’un avocat ».

[14]           Lors de l’audience, j’ai exprimé des préoccupations quant au fait que Mme Chiang avait signalé et déposé un document indiquant qu’elle était censée agir comme avocate pour la demanderesse et qu’elle s’était présentée devant la Cour en étant disposée à agir comme telle, alors qu’elle n’était membre en règle d’aucun barreau canadien à ce moment-là. En réponse, Mme Chiang a indiqué qu’elle tentait simplement d’aider la demanderesse.

[15]           Aux termes de l’article 119 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, une personne physique peut agir seule ou se faire représenter par un avocat. Or, puisque Mme Chiang n’était pas une avocate en exercice au moment de l’audience, elle n’avait le droit de représenter personne devant notre Cour.

[16]           Cela dit, comme l’a mentionné le protonotaire Lafrenière dans sa décision rendue le 7 octobre 2016, la Cour a le pouvoir discrétionnaire inhérent de permettre à une personne autre qu’un avocat de représenter un plaideur. Toutefois, ce pouvoir discrétionnaire doit être exercé « avec prudence et parcimonie ».

[17]           Je ne suis pas disposée à exercer mon pouvoir discrétionnaire pour permettre à Mme Chiang de représenter la demanderesse en l’espèce, car je ne suis pas convaincue qu’elle est une représentante convenable pour la demanderesse, compte tenu du comportement dont elle a fait preuve dans la présente affaire. Mme Chiang a admis qu’elle avait déposé devant cette Cour un document dans lequel elle s’était présentée comme avocate inscrite au dossier, et elle s’est présentée devant la Cour fédérale à titre d’avocat de la demanderesse, alors qu’elle savait qu’elle n’avait pas payé les frais nécessaires pour être membre du barreau en 2016.

[18]           Je trouve particulièrement troublant que Mme Chiang n’ait pas semblé comprendre la gravité de cette situation lorsqu’elle a été interrogée à ce sujet.

II.                Conclusion

[19]           Par conséquent, l’audience concernant la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est reportée à une date ultérieure qui sera fixée par le Bureau de l’administrateur judiciaire. Cette date sera péremptoire pour la demanderesse.

[20]           La demanderesse peut se présenter à l’audience en personne, avec ou sans l’aide d’un interprète. Elle devrait toutefois savoir qu’il lui incombe d’obtenir les services d’un interprète qualifié pour l’audience. Elle peut également être représentée par un avocat dans la présente affaire, à condition que ce dernier soit un membre en règle du barreau canadien au moment de l’audience. La demanderesse ne peut cependant pas être représentée par un non-juriste en l’espèce.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      L’audience concernant la présente demande de contrôle judiciaire est reportée à une date fixée par le Bureau de l’administrateur judiciaire qui sera péremptoire pour la demanderesse.

2.      La demanderesse peut se représenter elle-même ou être représentée par un avocat dans la présente instance, à condition que ce dernier soit un membre en règle du barreau canadien. Elle ne peut cependant pas être représentée par un non-juriste.

« Anne L. Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1534-16

INTITULÉ :

SHU-CHING CHUNG c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 octobre 2016

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :

LE 17 OCTOBRE 2016

COMPARUTIONS :

Vivian Chiang

Pour la demanderesse

Brett Nash

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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