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Date : 20170131


Dossier : T-2053-16

Référence : 2017 CF 124

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 31 janvier 2017

En présence du protonotaire Roger R. Lafrenière

ENTRE :

TERRY STEINKEY

ET ROBERT STEINKEY

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE ELIZABETH

MARY ELIZABETH WINDSOR

LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LE GOUVERNEMENT DU CANADA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LA PROVINCE DE L’ALBERTA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

VU LA REQUÊTE en date du 9 janvier 2017 déposée par écrit par le procureur général du Canada (Canada), en application de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, pour :

  • a) une ordonnance radiant la déclaration des demandeurs, sans autorisation de la modifier, conformément aux alinéas 221(1)a) et f) des Règles des Cours fédérales;

  • b) subsidiairement, une ordonnance rejetant l’action en raison de son caractère théorique;

  • c) subsidiairement encore, une ordonnance prorogeant le délai pour la production d’une défense, à 30 jours suivant le prononcé de la décision touchant la présente requête conformément à l’article 8 des Règles des Cours fédérales;

  • d) une autre ordonnance :

  • (i) modifiant l’intitulé de manière à remplacer « Le gouvernement du Canada par l’intermédiaire du procureur général du Canada » par « Sa Majesté la Reine », conformément à l’alinéa 76a) des Règles des Cours fédérales;

  • (ii) modifiant l’intitulé de manière à supprimer « Sa Majesté la Reine Elizabeth », « Mary Elizabeth Windsor » et « Le gouverneur général du Canada »;

  • e) l’adjudication de dépens devant être payés par les demandeurs au procureur général du Canada, conformément au paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales;

  • f) toute autre réparation que la Cour estime juste.

ET VU LA REQUÊTE en date du 20 décembre 2016 déposée par écrit par les défendeurs, la province de l’Alberta et le procureur général de l’Alberta (les défendeurs de l’Alberta), en application de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, en vue de la délivrance d’une ordonnance :

  • a) radiant la déclaration à l’encontre des défendeurs de l’Alberta, en application de l’article 221 des Règles des Cours fédérales, sans autorisation de la modifier;

  • b) s’il y a lieu, prorogeant le délai accordé aux défendeurs de l’Alberta pour la production d’une défense, à 30 jours suivant le prononcé de la décision visant la présente demande, conformément au paragraphe 8(1) des Règles des Cours fédérales;

  • c) le versement de 500 $ à titre de dépens afférents à la présente demande, payables sur-le-champ.

ET APRÈS lecture des dossiers de requête déposés pour le compte du défendeur du Canada et des défendeurs de l’Alberta, ainsi que des observations écrites déposées par les demandeurs en réponse.

[1]  Le 29 novembre 2016, les demandeurs ont intenté l’action sous-jacente contre
 Sa Majesté la Reine Elizabeth, Mary Elizabeth Windsor, le gouverneur général du Canada, le gouvernement du Canada par l’intermédiaire du procureur général du Canada (le Canada), ainsi que la province de l’Alberta par l’intermédiaire du procureur général de l’Alberta (les défendeurs de l’Alberta).

[2]  Les allégations formulées dans la déclaration se résument comme suit : Les défendeurs soutiennent qu’ils ont été accusés d’infractions à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la Loi sur la taxe d’accise le 5 avril 2012, des chefs d’accusation pour lesquels ils ont plaidé coupables sur l’avis [traduction] « erroné, incomplet ou inexact » de leur avocat. Les demandeurs sollicitent une injonction afin que « la Couronne fédérale s’abstienne de donner suite à des procédures en se basant sur des renseignements » présentés à la Cour provinciale de l’Alberta, au motif que les demandeurs ont envoyé par la poste deux « cautionnements privés » au procureur général de l’Alberta, dans lesquels les demandeurs se sont engagés à verser à l’Alberta « une certaine somme d’argent » en contrepartie d’une garantie que les deux demandeurs soient libérés de « tous intérêts, réclamations, chefs d’accusation, accusations, taxes, peines d’emprisonnement, restitution, services à la collectivité, remboursement, obligation de rembourser, amendes, cautionnements en garantie d’exécution, engagement de ne pas troubler l’ordre public, probation, amendes, droits, surtaxes, frais judiciaires, débours, mesures de rechange, sentences ou dossier criminel ». Les demandeurs sollicitent également une injonction visant à obliger le procureur général du Canada à « mettre en application les indemnités et les considérations d’équité en s’acquittant des tâches prévues » dans lesdits cautionnements.

[3]  Ils allèguent que le procureur général a accepté la délivrance des cautionnements et, qu’en les acceptant sans avis ni contestation, le procureur général a été désigné à titre de fiduciaire chargé de [traduction] « remplir certaines fonctions » prévues dans les cautionnements. Aux paragraphes 18 et 19 de leur déclaration, les demandeurs soutiennent ce qui suit : « [c]ontrairement aux stipulations formulées, les procureurs agissant au nom du procureur général ont poursuivi les instances » à l’encontre des demandeurs, et le procureur de la Couronne a obtenu qu’un mandat soit décerné sur le siège le 21 novembre 2016 en vue de l’arrestation des demandeurs. Dans les derniers paragraphes, les demandeurs soutiennent que procéder à la détermination d’une peine sans leur consentement équivaut à un abus de confiance et à [traduction« un asservissement involontaire réduisant [les demandeurs] à un bien, et cela confère une responsabilité illimitée au procureur de la Couronne et au procureur général de l’Alberta ».

[4]  Les défendeurs du Canada et de l’Alberta ont demandé la radiation de la déclaration en application du paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales. Le Canada fait valoir que l’acte de procédure ne révèle pas une cause d’action raisonnable et qu’il est évident et manifeste que la Cour n’a pas compétence pour accorder la mesure de redressement demandée. Les défendeurs de l’Alberta ajoutent que l’acte de procédure, en plus de ne révéler aucune cause d’action raisonnable, constitue un recours abusif et une contestation indirecte abusive d’une ordonnance valide rendue par un tribunal de l’Alberta compétent. Ils font aussi valoir que notre Cour n’a pas compétence pour instruire les questions soulevées et qu’elle n’a pas compétence sur le tribunal provincial.

[5]  Je ne vois aucune raison de gaspiller le précieux temps des tribunaux pour rédiger des motifs détaillés, étant donné que je souscris entièrement aux observations écrites déposées par les auteurs de la requête. Et même si les demandeurs prétendent le contraire, il ne fait aucun doute qu’ils appartiennent à cette catégorie d’individus désignés dans Meads v. Meads, 2012 ABQB 571 (CanLII), 2012 ABQB 571 (Meads), comme des [traduction] « plaideurs de l’argument commercial pseudojuridique organisé », qui ont recours à une méthode maintenant bien connue consistant en des diatribes illogiques, présomptueuses et pseudojuridiques. L’acte de procédure dont j’ai été saisi est un exemple classique illustrant une partie quérulente cherchant à imposer unilatéralement à la Couronne une entente et des obligations fiduciaires fondées sur des arguments insensés, comme l’a déclaré le juge Rooke dans Meads au paragraphe 447 :

[traduction]

[447]  Les plaideurs de l’argument commercial pseudojuridique organisé tentent souvent d’imposer unilatéralement des obligations à d’autres plaideurs, à des agents de la paix, à des représentants de l’État ou à la cour et son personnel. Ces obligations imposées prennent de multiples formes. Mais aucune, bien sûr, ne crée d’obligation juridique contraignante. En ce sens, elles ne sont guère plus que de la « pensée magique ».

[6]  Il est clair et évident que les documents qui appuient l’imposition unilatérale d’une obligation envers une autre partie n’ont aucune portée juridique : Papadopoulos v Borg, 2009 ABCA 201 (CanLII), au paragraphe 4. Il s’ensuit que la déclaration ne révèle pas une cause d’action valable.

[7]   Par souci d’exhaustivité, j’aimerais également mentionner brièvement que la déclaration contre Sa Majesté la Reine Elizabeth, Mary Elizabeth Windsor et le gouverneur général du Canada doit être radiée puisqu’elle ne contient aucune allégation les visant personnellement. De même, l’acte de procédure contre les défendeurs de l’Alberta doit lui aussi être radié, car la Cour fédérale n’a pas compétence à l’égard des tribunaux provinciaux. Plus important encore, la déclaration doit être radiée au motif qu’elle constitue une contestation indirecte abusive d’une procédure pénale introduite devant un autre tribunal. La Cour fédérale ne peut entraver le pouvoir de poursuite discrétionnaire ni suspendre des procédurales pénales.

[8]  Enfin, je note que la déclaration a été signée par un avocat, Glenn P. Bogue, et que M. Bogue a également présenté les observations écrites s’opposant aux requêtes dont j’ai été saisi. Dans Meads, le juge Rooke indique, aux paragraphes 643 à 645, qu’un avocat, en sa qualité de fonctionnaire judiciaire, a des obligations non seulement envers le client, mais également envers l’ensemble du système judiciaire. Il est notamment le devoir de l’avocat de ne pas faciliter les procédures fondées sur des arguments commerciaux pseudojuridiques organisés et de ne pas y participer.

[9]  Je suis très préoccupé de voir que M. Bogue a accepté une provision pour rédiger et déposer des actes de procédure qui contribuent ultimement à l’instruction d’une procédure vexatoire. J’ordonne donc que la présente ordonnance et les motifs y afférents, de même qu’une copie de la déclaration et des documents liés à la requête des parties, soient envoyés au Barreau du Haut-Canada pour examen, afin de déterminer si des sanctions doivent être prises contre M. Bogue.

[10]  Les défendeurs de l’Alberta réclament des dépens afférents à leur requête d’un montant de 500 $, payable immédiatement. Cette demande est éminemment raisonnable. Le même montant est accordé au Canada, en l’absence d’autre montant réclamé.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE :

  1. La déclaration soit radiée sans autorisation de la modifier.

  2. Les dépens afférents à la requête, fixés par les présentes à un montant de 500 $ en faveur du procureur général du Canada et à un montant de 500 $ en faveur du procureur général de l’Alberta, soient payables immédiatement par les demandeurs.

« Roger R. Lafrenière »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2053-16

INTITULÉ :

TERRY STEINKEY ET ROBERT STEINKEY c. SA MAJESTÉ LA REINE ELIZABETH,

MARY ELIZABETH WINDSOR,

LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LE GOUVERNEMENT DU CANADA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LA PROVINCE DE L’ALBERTA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

REQUÊTES ÉCRITES EXAMINÉES À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE PROTONOTAIRE LAFRENIÈRE

DATE DES MOTIFS :

Le 31 janvier 2017

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Glenn Bogue

Pour les demandeurs

David Stam

Adam Pasichnyk

Pour les défendeurs

SA MAJESTÉ LA REINE ELIZABETH

MARY ELIZABETH WINDSOR

LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LE GOUVERNEMENT DU CANADA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

Doreen Mueller

POUR LES DÉFENDEURS,

LA PROVINCE DE L’ALBERTA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Glenn Bogue

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

Pour les défendeurs

SA MAJESTÉ LA REINE ELIZABETH

MARY ELIZABETH WINDSOR

LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL DU CANADA

LE GOUVERNEMENT DU CANADA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

Doreen Mueller

Pour les défendeurs

LA PROVINCE DE L’ALBERTA PAR L’INTERMÉDIAIRE

DU PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ALBERTA

 

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