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Date : 20170215


Dossier : IMM-3241-16

Référence : 2017 CF 191

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 février 2017

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

NAVDEEP SINGH DHALIWAL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration en date du 8 juillet 2016 (la décision) confirmant la conclusion d’un agent des visas selon laquelle le demandeur n’avait pas qualité de répondant pour parrainer ses parents et son frère afin de leur permettre d’obtenir des visas de résidence permanente, car il n’avait pas le revenu vital minimum (RVM) précisé dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (RIPR). La Section d’appel de l’immigration a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire (CH) pour justifier une mesure spéciale. La présente demande de contrôle judiciaire est présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

I.  RÉSUMÉ DES FAITS

[2]  Le demandeur est né en Inde et est maintenant un citoyen canadien âgé de 35 ans. Il est marié et il a un jeune fils.

[3]  Les parents du demandeur sont âgés de 63 et de 60 ans. Son frère est âgé de 28 ans. Ils vivent tous trois en Inde. On les désignera comme la famille. En 2008, ils ont présenté une demande de visas de résidence permanente avec le demandeur en qualité de répondant (la demande). Pour avoir qualité de répondant à l’époque, le RIPR exigeait que le RVM du demandeur au cours de l’année antérieure à la demande soit égal ou supérieur au seuil de faible revenu (SFR) pour une famille de cinq.

[4]  Le demandeur a reçu une lettre datée du 23 octobre 2012 dans laquelle on indiquait qu’il ne satisfaisait pas aux exigences relatives au RVM. La lettre indiquait que la demande serait transmise à un agent des visas pour décision définitive.

[5]  Des modifications au RIPR entrées en vigueur le 1er janvier 2014 ont entraîné la hausse du RVM à 30 % au-dessus du SFR pour chacune des trois années d’imposition consécutives précédant la demande de parrainage (les modifications au RVM).

[6]  Le demandeur et la famille ont reçu des lettres datées du 24 février 2014 (les lettres de refus) qui confirmaient que la demande avait été rejetée, car le revenu du demandeur était inférieur à 44 686 $, ce qui correspondait au SFR pour une famille de cinq en 2008.

A.  La décision de la Section d’appel de l’immigration

[7]  Le RVM du demandeur au moment de son appel à la Section d’appel de l’immigration en 2016 s’élevait au SFR plus 30  pour une famille de six, car le fils du demandeur était né. Les exigences étaient les suivantes : 73 773 $ pour 2015, 73 072 $ pour 2014 et 71 991 $ pour 2013.

[8]  Le demandeur a fourni un avis de cotisation montrant un revenu total de 76 337 $ pour 2015 ainsi qu’un avis de nouvelle cotisation indiquant 75 708 $ pour 2014. Il a également fourni un avis de nouvelle cotisation datée du 12 mai 2014 (la nouvelle cotisation) qui révisait son revenu total pour 2013, en hausse de 27 %, de 57 125 $ à 72 500 $.

[9]  La Section d’appel de l’immigration s’est appuyée sur la décision du juge Rennie (maintenant de la Cour d’appel fédérale) dans Motala c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 123 [Motala] et a refusé d’accepter la nouvelle cotisation telle quelle. La Section d’appel de l’immigration était préoccupée à propos de la fiabilité de la nouvelle cotisation, car le demandeur était un travailleur autonome et que la nouvelle cotisation était fondée sur son revenu autodéclaré. En outre, la nouvelle cotisation portait une date postérieure à l’avis d’appel devant la Section d’appel de l’immigration et postérieure à la mise en œuvre des modifications au RVM.

[10]  Puisque le demandeur n’a pas été en mesure d’indiquer la raison qui sous-tendait l’augmentation dans son revenu en 2013 et puisque son comptable n’a pas été appelé à témoigner, la Section d’appel de l’immigration a rejeté l’explication du demandeur selon laquelle son comptable ne l’avait informé que récemment d’une erreur dans son revenu déclaré pour 2013. La Section d’appel de l’immigration a conclu qu’il était peu plausible que le demandeur ne soit pas en mesure d’expliquer la raison qui sous-tendait cette augmentation importante. Le tribunal n’était pas convaincu que le revenu du demandeur pour 2013 s’élevait à 72 500 $ au lieu de 57 125 $, comme dans la cotisation initiale.

[11]  La Section d’appel de l’immigration a également observé que le chiffre moins élevé pour 2013 concordait avec le revenu déclaré pour la période de 2009 à 2012 dans la demande. La Section d’appel de l’immigration a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur n’avait pas corrigé le problème soulevé dans les lettres de refus. Autrement dit, son revenu pour 2013 était surestimé et il ne satisfaisait toujours pas à l’exigence relative au RVM pour cette année. Par conséquent, il était donc tenu de respecter le seuil aux fins d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire fondée sur les difficultés, établi dans Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1970), 41 AIA 338 [Chirwa]. Le passage pertinent figure au paragraphe 13. Il est ainsi libellé :

« des faits établis par la preuve, de nature à inciter tout homme raisonnable d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne — dans la mesure où ses malheurs “justifient l’octroi d’un redressement spécial” aux fins des dispositions de la Loi sur l’immigration. [...] »

[12]  Pour ce qui est des motifs d’ordre humanitaire, la Section d’appel de l’immigration a observé que le demandeur est bien établi au Canada. Il est également près de sa famille et on attend de lui, pour des raisons culturelles, qu’il prenne soin de ses parents âgés.

[13]  La Section d’appel de l’immigration a examiné la situation de la famille et a conclu qu’il n’y avait [traduction] « aucun élément de preuve indiquant un préjudice indu » dans l’éventualité où la demande serait rejetée. Outre le demandeur, le seul lien de la famille avec le Canada est la sœur du père, qui vit à Vancouver. La Section d’appel de l’immigration a observé que la famille a toujours résidé en Inde. La Section d’appel de l’immigration a observé que la divergence des niveaux de revenu et de développement économique ne constitue habituellement pas un [traduction] « préjudice indu aux fins de l’octroi de mesures discrétionnaires dans de telles affaires. »

[14]  La Section d’appel de l’immigration a rejeté l’explication du père selon laquelle il n’était pas venu en visite au Canada parce qu’il devait prendre soin de son fils d’âge adulte en Inde. La Section d’appel de l’immigration a conclu que le père [traduction] « n’est pas du tout intéressé à rendre visite [...] [au demandeur] [...] au Canada. » La Section d’appel de l’immigration a observé que les parents avaient réussi à obtenir des visas de visiteur au Canada et qu’ils seraient probablement admissibles à un [traduction] « super visa » d’une durée plus longue.

[15]  La Section d’appel de l’immigration a également observé que, même s’ils étaient probablement disponibles, aucun membre de la famille n’avait été appelé à témoigner à propos des difficultés auxquelles ils seraient confrontés si la demande devait être rejetée.

[16]  Finalement, la Section d’appel de l’immigration a conclu qu’elle [traduction] « doutait que [le fils du demandeur né au Canada] ait eu beaucoup d’interaction ou ait tissé des liens émotionnels importants avec ses grands-parents en Inde. » La Section d’appel de l’immigration a dit ceci :

[traduction] Aucun élément de preuve n’indique que l’enfant subira un préjudice ou sera exposé à des difficultés excessives si l’on n’accorde pas aux demandeurs la résidence permanente au Canada. Même si les demandeurs peuvent aider à prendre soin de l’enfant s’ils sont présents, il s’agit davantage d’une question de commodité, qui n’est pas habituellement considérée comme une difficulté excessive.

[17]  La Section d’appel de l’immigration était convaincue que la décision de l’agent des visas était valide en droit et a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à présenter des éléments de preuve [traduction] « clairs et convaincants » pour satisfaire au seuil établi dans Chirwa. En tenant compte de l’intérêt supérieur de l’enfant (ISE), la Section d’appel de l’immigration a conclu que les motifs d’ordre humanitaires existants ne justifiaient pas une mesure spéciale.

II.  QUESTIONS EN LITIGE

  1. La nouvelle cotisation – La Section d’appel de l’immigration a-t-elle commis une erreur en refusant d’accepter l’avis de nouvelle cotisation de 2013 du demandeur comme preuve de revenu, concluant ainsi qu’il n’avait pas satisfait au RVM pour 2013 et, par conséquent, en l’obligeant à respecter le critère établi dans Chirwa concernant l’octroi de mesures discrétionnaires plutôt que la norme plus laxiste établie dans Jugpall c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration Canada) [1999] DSAI no 600 [Jugpall]?

  2. L’ISE – La Section d’appel de l’immigration a-t-elle commis une erreur en exigeant du demandeur qu’il démontre un préjudice ou une difficulté excessive pour son fils né au Canada?

III.  NORME DE CONTRÔLE

[18]  Il n’est pas controversé entre les parties que la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

IV.  Analyse et conclusions

B.  Première question en litige (la nouvelle cotisation)

[19]  Lorsqu’un agent des visas examine une demande de parrainage et décide si le demandeur satisfait au RVM, le RIPR dispose actuellement que le revenu du répondant à cette fin correspond au revenu qui est indiqué dans les avis de cotisation pour les trois années d’imposition consécutives précédant le dépôt de la demande de parrainage. Les passages applicables de l’article 134 du RIPR (le Règlement) sont les suivants :

(1.1) Sous réserve du paragraphe (3) et pour l’application de la division 133(1)j)(i)(B), le revenu total du répondant est calculé selon les règles suivantes :

a) le calcul du revenu du répondant se fait sur la base des avis de cotisation qui lui ont été délivrés par le ministre du Revenu national à l’égard de chacune des trois années d’imposition consécutives précédant la date de dépôt de la demande de parrainage, ou de tout document équivalent délivré par celui-ci;

b) son revenu équivaut alors à la somme indiquée sur les documents visés à l’alinéa a), exclusion faite de ce qui suit...

(1.1) Subject to subsection (3), for the purpose of clause 133(1)(j)(i)(B), the sponsor’s total income shall be calculated in accordance with the following rules:

(a) the sponsor’s income shall be calculated on the basis of the income earned as reported in the notices of assessment, or an equivalent document, issued by the Minister of National Revenue in respect of each of the three consecutive taxation years immediately preceding the date of filing of the sponsorship application;

(b) the sponsor’s income is the income earned as reported in the documents referred to in paragraph (a), not including...

[Je souligne.]

[Emphasis added.]

[20]  Les parties s’entendent pour dire qu’un agent des visas est lié par le Règlement et doit accepter un avis de cotisation comme preuve de revenu au moment du dépôt d’une demande de parrainage. Cependant, elles sont en désaccord quant à savoir si le Règlement lie la Section d’appel de l’immigration dans le cadre d’un appel du rejet d’une demande de parrainage.

[21]  Le demandeur affirme que, même si le Règlement ne mentionne que les trois années d’imposition avant le dépôt d’une demande de parrainage, il devrait être interprété comme s’appliquant également à un appel devant la Section d’appel de l’immigration. Il affirme que les appels constituent essentiellement des demandes de parrainage de novo et que, en l’espèce, parce qu’elle a examiné les années d’imposition 2013, 2014 et 2015, la Section d’appel de l’immigration examinait effectivement la demande du demandeur comme si elle avait été présentée en 2016. Le demandeur affirme que si les exigences relatives au RVM sont respectées par le revenu déclaré dans les avis de cotisation, l’intention du législateur telle qu’elle est exprimée dans le RIPR signifie que la Section d’appel de l’immigration n’a aucun pouvoir discrétionnaire sous le régime de l’alinéa 67(1)c) de la LIPR pour remettre en question l’authenticité de ce revenu.

[22]  Le demandeur affirme que cela signifie que la Section d’appel de l’immigration était tenue d’accepter le revenu indiqué par l’Agence du revenu du Canada (l’Agence) dans la nouvelle cotisation. Cela étant, la thèse du demandeur est que la norme plus laxiste énoncée dans Jugpall aurait dû être appliquée dans le cadre de l’examen CH, car le demandeur avait corrigé le problème qui avait donné lieu aux lettres de refus, en ce sens qu’il avait satisfait aux exigences relatives au RVM pour 2015, 2014 et 2013.

[23]  Le demandeur fait aussi valoir que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur lorsqu’elle s’est appuyée sur Motala. Il affirme que la décision dans Motala était erronée, car le juge Rennie s’est fondé sur la décision de la Cour fédérale dans Chahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 953 [Chahal], alors qu’il ne s’agissait pas, effectivement, d’un précédent.

[24]  Lorsque les décisions Chahal et Motala ont été tranchées en septembre 2007 et février 2012, respectivement, le calcul du revenu d’un demandeur aux fins du RVM n’était pas fondé sur les avis de cotisation. L’article 134 du Règlement était alors partiellement libellé comme suit :

134 (1) Sous réserve du paragraphe (3) et pour l’application de la division 133(1)j)(i)(A), le revenu total du répondant est calculé selon les règles suivantes:

134 (1) Subject to subsection (3), for the purpose of clause 133(1)(j)(i)(A), the sponsor’s total income shall be calculated in accordance with the following rules:

a) le calcul du revenu se fait sur la base du dernier avis de cotisation qui lui a été délivré par le ministre du Revenu national avant la date de dépôt de la demande de parrainage, à l’égard de l’année d’imposition la plus récente, ou tout document équivalent délivré par celui-ci;

(a) the sponsor’s income shall be calculated on the basis of the last notice of assessment, or an equivalent document, issued by the Minister of National Revenue in respect of the most recent taxation year preceding the date of filing of the sponsorship application;

b) si le répondant produit un document visé à l’alinéa a), son revenu équivaut à la différence entre la somme indiquée sur ce document et les sommes visées aux sous-alinéas c)(i) à (v);

(b) if the sponsor produces a document referred to in paragraph (a), the sponsor’s income is the income earned as reported in that document less the amounts referred to in subparagraphs (c)(i) to (v);

c) si le répondant ne produit pas de document visé à l’alinéa a) ou si son revenu calculé conformément à l’alinéa b) est inférieur à son revenu vital minimum, son revenu correspond à l’ensemble de ses revenus canadiens gagnés au cours des douze mois précédant la date du dépôt de la demande de parrainage, exclusion faite de ce qui suit:

(c) if the sponsor does not produce a document referred to in paragraph (a), or if the sponsor’s income as calculated under paragraph (b) is less than their minimum necessary income, the sponsor’s Canadian income for the 12-month period preceding the date of filing of the sponsorship application is the income earned by the sponsor not including

(i) ...

(i) ...

(ii) ...

(ii) ...

(iii) ...

(iii) ...

(iv) ...

(iv) ...

(v) ...

(v) ...

(vi) ...

(vi) ...

d) ...

(d) ...

[25]  La décision Chahal était un contrôle judiciaire du rejet d’une demande de parrainage par un agent des visas. Cette affaire ne concernait pas la Section d’appel de l’immigration. Comme nous l’avons déjà mentionné, à l’époque où la décision Chahal a été tranchée, l’alinéa 134(1)c) du Règlement indiquait que le revenu pouvait être calculé par un agent des visas en fonction de documents financiers fiables si, comme c’était le cas dans Chahal, l’avis de cotisation ne divulguait pas un revenu qui respectait le RVM. Dans Chahal, l’auteur de la demande de parrainage a fourni ses avis de cotisation, mais a également affirmé qu’il avait fourni un état des résultats des activités d’une entreprise [l’état] pour montrer d’où il tirait son revenu. L’état aurait montré qu’il avait tiré tous ses gains au cours des six derniers mois de l’année.

[26]  Dans Chahal, une question en litige consistait à savoir si l’état avait effectivement été fourni. En outre, le demandeur n’avait pas indiqué à l’agent des visas qu’il avait dû effectuer un calcul proportionnel pour établir son revenu sur six mois plutôt que sur douze. L’agent s’est donc fondé uniquement sur le revenu indiqué dans les avis de cotisation et a supposé que ce revenu était gagné de façon uniforme et tous les mois. Cependant, lorsque le calcul était effectué selon cette base, le revenu du demandeur ne satisfaisait pas au RVM. La question devenait alors de savoir si les autres documents du demandeur auraient dû être pris en compte.

[27]  En plus de l’état (qui, selon la Cour, n’avait jamais été produit), le demandeur dans Chahal a fourni un état des résultats non corroboré pour une période de six mois qui indiquait un montant qui ne semblait pas raisonnable et qui n’était pas expliqué. L’état des résultats a donc été mis de côté et le revenu a été calculé en fonction des avis de cotisation uniquement.

[28]  Par conséquent, dans Chahal, la question n’était pas de savoir si l’agent pouvait examiner des documents autres que les avis de cotisation. Il était évident en application du RIPR à l’époque qu’ils pouvaient être examinés dans les circonstances de cette affaire. La question en litige consistait à décider si l’agent avait examiné ces autres documents de manière adéquate.

[29]  La Cour a rendu le jugement suivant :

Si un répondant propose une méthode de calcul différente et cherche à présenter des pièces justificatives autres que les avis de cotisation délivrés par l’Agence, il lui incombe d’établir que ces documents sont fiables et d’expliquer comment ils devraient être appliqués dans le calcul.

[30]  Pour ces motifs, Chahal ne soutient pas la proposition voulant que la Section d’appel de l’immigration puisse rejeter un avis de cotisation ou passer outre à un avis de cotisation et, par conséquent, ne sert pas de précédent pour Motala.

[31]  La décision Motala était un contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration. Dans Motala, aucun document secondaire n’a été fourni comme preuve de revenu. La Section d’appel de l’immigration n’examinait que les avis de cotisation en application de l’alinéa 134(1)a) du RIPR et se demandait, comme dans l’espèce, si le revenu autodéclaré était surestimé. La Section d’appel de l’immigration a déduit le revenu qu’elle a jugé non authentique et, en conséquence, le demandeur ne respectait pas le RVM. Le demandeur a indiqué que la Section d’appel de l’immigration n’avait pas compétence pour « passer outre » à l’avis de cotisation et était tenue par le Règlement de l’accepter comme preuve de revenu sous le régime de l’alinéa 134(1)a).

[32]  Dans Motala, au paragraphe 22, la Cour a conclu que du fait de son pouvoir discrétionnaire, la Section d’appel de l’immigration avait le pouvoir de « mettre en doute l’exactitude et la véracité de certains documents financiers soumis à l’appui des demandes de parrainage, et de leur accorder une force probante relative et proportionnelle. »

[33]  Puisque la question dans Motala consistait à décider si la Section d’appel de l’immigration avait le droit de rejeter le revenu autodéclaré indiqué dans un avis de cotisation, la mention par la Cour de « certains documents financiers » doit être interprétée de façon à englober les avis de cotisation.

[34]  Par conséquent, même si je suis d’accord avec le demandeur quand il dit que Chahal ne constituait pas un précédent applicable à Motala, je suis néanmoins convaincue que Motala a été décidée à bon droit.

[35]  Je dis cela parce que la compétence de la Section d’appel de l’immigration est établie à l’alinéa 67(1)c) de la LIPR. Il est ainsi libellé :

67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé:

67 (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

[36]  Dans Jugpall, la Section d’appel de l’immigration a dit au paragraphe 34 : « La Section d’appel doit exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi de manière à respecter l’intégrité de celle-ci et à traiter les appelants de manière équitable. »

[37]  En l’espèce, je conclus qu’en application du Règlement actuel, un agent des visas doit accepter le revenu indiqué dans les avis de cotisation à l’étape de la demande. Cependant, je suis d’accord avec le défendeur quand il dit que le Règlement ne s’applique pas à la Section d’appel de l’immigration. Le Règlement oblige uniquement l’utilisation des avis de cotisation au moment du dépôt de la demande et, même si l’appel constitue une audition de novo de la demande, l’appel n’a pas lieu au moment du dépôt de la demande. La politique de la Section d’appel de l’immigration qui consiste à utiliser des avis de cotisation sur une période de trois ans pour décider si le revenu respecte l’intégrité de la Loi et du Règlement, mais, selon moi, cette décision stratégique ne crée pas une nouvelle date de dépôt et ne diminue pas le vaste pouvoir discrétionnaire d’examiner toutes les circonstances accordées à la Section d’appel de l’immigration à l’article 67 de la LIPR. Il était loisible au législateur de limiter le pouvoir discrétionnaire de la Section d’appel de l’immigration en indiquant que les avis de cotisation « sont » le revenu en appel. Cependant, ce libellé ne figure pas dans le Règlement.

[38]  Comme le fait valoir le défendeur et comme le souligne le juge Rennie dans Motala, l’intégrité de la Loi exige également que la Section d’appel de l’immigration examine si le revenu autodéclaré tiré d’un travail autonome est déclaré de manière précise. Il s’agit d’une préoccupation, car les demandes de parrainage ne devraient pas être approuvées lorsqu’un demandeur n’est pas en mesure d’en assumer le coût.

[39]  À mon avis, d’après les faits de l’espèce, Motala est un précédent qui s’applique et la Section d’appel de l’immigration avait le droit de s’appuyer sur celui-ci et de « passer outre » à la nouvelle cotisation.

C.  La deuxième question en litige (l’ISE)

[40]  Cette question a été soulevée comme nouvel argument dans l’exposé additionnel des arguments du demandeur, qui a été produit après avoir reçu l’autorisation. Étant donné que cette question n’est pas fondée sur des faits qui n’étaient pas connus à l’étape de l’autorisation et puisqu’elle n’est pas liée à la question à l’égard de laquelle l’autorisation a été accordée, le demandeur affirme qu’elle ne devrait pas être prise en compte. Cet argument est fondé sur deux des facteurs énumérés par la juge Dawson (maintenant de la Cour d’appel fédérale) dans Al Mansuri c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 22, au paragraphe 12.

[41]  La juge Dawson a également indiqué que le retard, le préjudice et la force du nouvel argument devraient être pris en compte. À mon avis, on ne saurait affirmer que l’ajout de la question relative à l’ISE entraîne un retard ou un préjudice. Je me penche donc sur la force de l’argument proposé.

[42]  La Section d’appel de l’immigration a dit ce qui suit à propos du fils du demandeur :

L’appelant a effectivement un fils né au Canada qui est un tout-petit. Il est peu probable qu’il ait eu beaucoup d’interaction ou ait tissé des liens émotionnels importants avec ses grands-parents en Inde. Il ne s’agit pas d’une situation différente par rapport à la grand-mère maternelle de cet enfant, qui réside en Californie. Aucun élément de preuve n’indique que l’enfant subira un préjudice ou sera exposé à des difficultés excessives si l’on n’accorde pas aux demandeurs la résidence permanente au Canada. Même si les demandeurs peuvent aider à prendre soin de l’enfant s’ils sont présents, il s’agit davantage d’une question de commodité, qui n’est pas habituellement considérée comme une difficulté excessive.

[43]  À mon avis, l’utilisation du terme [traduction] « difficultés » à lui seul n’a pas pour effet de vicier une analyse qui portait raisonnablement sur la question appropriée, à savoir s’il existait une dépendance quelconque entre le fils du demandeur et ses grands-parents. Après avoir entendu les observations du demandeur, je conclus que l’argument à l’encontre de l’analyse de l’ISE est faible et je suis d’accord avec le défendeur quand il dit que cette question ne devrait pas être examinée.

[44]  Par conséquent, je n’examinerai pas davantage l’ISE.

V.  Conclusion

[45]  Pour tous ces motifs, la demande est rejetée.

VI.  Question à certifier

[46]  Le demandeur me demande de certifier la question qui a été certifiée dans Motala. Elle est ainsi libellée :

La Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié doit-elle, dans le cadre de l’audition d’un appel visant le refus d’une demande de parrainage de parents par un agent des visas, tenir pour probant le revenu déclaré dans l’avis de cotisation du demandeur, pour l’application de l’article 134 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227?

[47]  Le défendeur s’oppose à la certification de cette question au motif que Motala a été suivie dans de nombreuses affaires et que la question ne répond donc plus au critère applicable à la certification.

[48]  Je suis convaincue que la question n’est pas une question grave de portée générale. Par conséquent, la certification de la question est refusée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-3241-16

 

INTITULÉ :

NAVDEEP SINGH DHALIWAL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 février 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

Le 15 février 2017

COMPARUTIONS :

Daniel Kingwell

Pour le demandeur

David Cranton

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamann, Sandaluk & Kingwell LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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