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Date : 20160704


Dossier : IMM-2793-16

Référence : 2016 CF 746

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

JOZSEF CSOKA

JOZSEFNE CSOKA

LAURA CSOKA

VIVIEN CSOKA

JOZSEF CSOKA JR

KEVIN CSOKA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE ZINN

[1]               Les demandeurs ont présenté d’urgence une requête en sursis de la mesure de renvoi du Canada à leur encontre. La requête a été entendue le samedi 2 juillet 2016, et à la suite des observations des parties, une ordonnance a été rendue sursoyant au renvoi des demandeurs, alors prévu pour le 3 juillet 2016. À ce moment, les parties ont été informées que les présents motifs suivraient.

[2]               Les demandeurs forment une famille d’origine rome provenant de la Hongrie : Jozsef, sa femme Joszefne, leurs filles Laura et Vivian, et leurs fils Jozsef Junior [Junior] et Kevin. Les enfants sont nés en 1996, 1998, 2002, et 2009, respectivement.

[3]               Les demandeurs font l’objet d’une mesure d’expulsion, après être entrés au Canada tout récemment sans avoir préalablement obtenu une autorisation de retour.

[4]               Les membres de la famille sont d’abord entrés au Canada le 4 février 2015, et ils ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Il n’est pas contesté que les demandeurs ont retiré leur demande le 2 juillet 2015. Le 19 août 2015, les demandeurs ont informé les autorités de l’immigration qu’ils souhaitaient quitter le Canada et ils ont demandé qu’on leur achète les billets d’avion. Ils ont quitté le Canada le 11 septembre 2015.

[5]               En outre, il n’est pas contesté qu’à peu près huit mois plus tard, le 18 mai 2016, les demandeurs sont revenus au Canada sans autorisation. Leur retour sans autorisation signifie qu’ils étaient réputés inadmissibles au dépôt d’une demande d’asile et, vu les circonstances, ils ne sont pas admissibles à une demande d’examen des risques avant renvoi, avant 36 mois. Peu après leur arrivée, soit le 30 mai 2016, les demandeurs ont déposé une demande de résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire [demande pour considération d’ordre humanitaire]. Le 20 juin 2016, les demandeurs ont demandé un report de leur renvoi jusqu’à ce que la demande pour considération d’ordre humanitaire puisse être examinée, en alléguant que [traduction] « le fondement de la demande était énoncé dans la demande pour considération d’ordre humanitaire jointe », et ce, pour la famille.

[6]               Au moment où la présente requête a été déposée, aucune décision n’avait encore été rendue à l’égard de la demande de report; cependant, avant l’audition de la requête, l’agent d’exécution a rejeté la demande de report de la mesure de renvoi. C’est cette décision qui sous-tend la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

[7]               Pour obtenir un sursis à la mesure de renvoi, les demandeurs doivent satisfaire au critère à trois volets établi dans les arrêts Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110 et RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, et appliqué par la Cour d’appel fédérale aux sursis de l’exécution de la mesure d’expulsion dans l’arrêt Toth c. Canada (Citoyenneté et Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF), à savoir qu’il existe une question sérieuse à trancher, que le demandeur subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé dans son pays d’origine et que la prépondérance des inconvénients milite en sa faveur.

[8]               Parce que la décision qui sous-tend la demande de sursis de l’exécution de la mesure de renvoi est une décision rendue par un agent d’exécution refusant de reporter le renvoi, le critère servant à établir l’existence d’une question sérieuse à juger est plus rigoureux, c’est-à-dire qu’il doit s’agir d’une question litigieuse qui ne soit pas simplement [traduction] « ni futile ni vexatoire ». Les demandeurs doivent convaincre la Cour qu’ils sont susceptibles d’avoir gain de cause à l’égard des questions en litige établies dans la demande sous-jacente : Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 RCF 682 [Wang] et Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, au paragraphe 67.

[9]               Les demandeurs prétendent que la décision de l’agent d’exécution rejetant la demande de report de la mesure de renvoi est déraisonnable dans la mesure où ils ont fait valoir qu’elle soulève la question de savoir si l’agent avait véritablement tenu compte des éléments de preuve qu’ils ont avancés dans la demande de report. Tel qu’il est indiqué ci-dessus, la demande de report a été présentée sur la foi de la demande pour considération d’ordre humanitaire qui a été soumise à l’agent.

[10]           La demande pour considération d’ordre humanitaire comporte un affidavit de Jozsef qui décrit le traitement auquel la famille a fait face en Hongrie, et qui l’a menée à demander l’asile au Canada en février 2015. Ledit affidavit contient également l’explication des demandeurs relative au retrait de leur demande et à leur retour en Hongrie. Plus précisément, Jozsef déclare que lorsque la famille était en Hongrie, sa mère vivait avec eux, mais elle n’a pas été en mesure de partir avec eux en raison de graves problèmes de santé qui l’empêchaient de prendre l’avion. De la [traduction] « parenté éloignée » l’a hébergée et lui a prodigué des soins de base. Cependant, en juin 2015, il a reçu un appel de sa parenté l’informant que sa mère souffrait d’un [traduction] « problème de santé mentale et que son état de santé avait empiré ». La parenté a affirmé [traduction] « qu’elle ne pouvait plus continuer à lui prodiguer des soins ou à l’héberger ». Par conséquent, sa mère était devenue une sans-abri, et la police l’avait [traduction] « arrêtée et incarcérée à quelques reprises ». Il déclare que sa mère a été battue alors qu’elle était en prison et qu’elle a été menacée d’être placée en établissement psychiatrique d’où [traduction] « elle ne pourrait plus jamais sortir ». Il affirme : [traduction] « Nous, les Roms, savons ce qui se passe dans les établissements psychiatriques. Les membres du personnel torturent et agressent sexuellement les patients, en plus de leur enlever leurs biens. » Par conséquent, il déclare : [traduction] « Je n’avais personne pour prendre soin de ma mère, alors j’ai retiré ma demande. » Lors du retour de la famille en Hongrie, sa mère est revenue vivre avec eux.

[11]           Il atteste qu’ils n’avaient pas d’endroit où demeurer parce qu’ils avaient été expulsés de leur logis avant de venir au Canada en février 2015; cependant, un ami leur a loué son hangar, pour qu’ils ne soient pas sans domicile. Le maire avait donné instruction aux services sociaux et d’aide à l’enfance de placer les enfants de familles expulsées qui étaient sans abri dans des institutions de l’État. Voilà pourquoi il était important pour les demandeurs d’avoir un endroit où se loger.

[12]           Les paragraphes suivants résument certains des incidents précis que les demandeurs disent avoir vécus après leur retour, lesquels les ont incités à revenir au Canada en mai 2016.

[13]           Ils ont reçu des menaces de mort de la part de la patrouille paramilitaire de Mór, qui [traduction] « les a encerclés, agrippés et secoués » et qui leur a dit qu’il [traduction] « ne leur était pas permis de se réinstaller, sinon elle les dénoncerait au maire ».

[14]           Junior a fréquenté l’école, mais il était victime de [traduction] « harcèlement chaque jour » et [traduction] « d’attaques de la part des élèves blancs hongrois ». Jozsef atteste que : [traduction] « son fils a été battu à de nombreuses reprises, tout comme d’autres enfants d’origine rome, et ce, devant les professeurs et le directeur qui ne sont jamais intervenus ou ne les ont jamais protégés. Nous ne voulions pas qu’il aille [à l’école], mais autrement les services d’aide à l’enfance l’auraient pris. »

[15]           Les filles de Jozsef, Laura et Vivian, étaient suivies par une voiture noire presque tous les jours. Il affirme [traduction] « qu’il existe une organisation criminelle comptant des membres de la police, qui ciblent les filles d’origine rome âgées de 15 à 20 ans, à des fins de prostitution ». En janvier 2016, ses filles ont été approchées par deux véhicules noirs, dont des hommes ont bondi pour [traduction] « gifler ses filles et les asperger de poivre de Cayenne ». Jozsef a été contacté et il [traduction] « a attaqué les ravisseurs et libéré ses filles ». Les ravisseurs se sont enfuis, mais Jozsef a noté les numéros des plaques d’immatriculation des véhicules et il a immédiatement communiqué avec la police. Il allègue que [traduction] « la police a refusé de prendre sa déposition ». Plus tard, il s’est rendu au poste de police avec un [traduction] « voisin blanc », mais il dit que [traduction] « le sergent en service a refusé de prendre leur déposition. [L’agent de police] a dit que mes filles n’étaient bonnes que pour le sexe, que c’est la seule activité à laquelle les femmes d’origine rome peuvent se livrer, et qu’il n’y avait donc rien de mal à ce que quelqu’un veuille les prendre. Au moins, elles gagneraient beaucoup d’argent. »

[16]           En janvier 2016, Jozsef s’est rendu dans un centre commercial avec son fils pour acheter des vêtements. Alors qu’ils partaient, sa femme, son fils et lui ont été attaqués physiquement. Ils se sont rendus à l’hôpital, où l’on a refusé de les soigner parce qu’ils étaient des Roms et il dit [traduction] « qu’[il] a payé pour le traitement ». Il a tenté de rapporter l’attaque à la police et il déclare que [traduction] « le sergent en service a confirmé que le moniteur avait vu l’attaque. Ils auraient pu envoyer une patrouille de police pour nous venir en aide. Il a refusé de prendre notre déposition. Il a dit que l’on nous avait avertis à de nombreuses reprises de quitter le pays, que nous n’avions plus notre place ici, alors pourquoi n’écoutions-nous pas et ne partions pas. Il a dit que si nous restions ici plus longtemps, il appellerait les services de l’aide à l’enfance pour qu’ils prennent mon fils, et que nous serions emprisonnés pour conduite désordonnée en public. Il nous a dit de ne plus faire de dépositions à la police, sinon nous serions emprisonnés. »

[17]           De plus, il atteste que : [traduction] « [l]e maire avait déclaré, lors d’une conférence de presse, que tous les Roms revenant du Canada, plus précisément ceux avec des enfants, devaient être punis, attaqués et forcés de quitter la Hongrie. Les enfants devaient être placés dans des instituts de soins de l’État parce qu’ils avaient quitté la Hongrie, puis étaient revenus en Hongrie; et parce qu’ils avaient probablement reçu de l’assistance sociale alors qu’ils étaient demandeurs d’asile, ils n’avaient pas droit à de l’assistance en Hongrie. Nous étions des cibles de choix parce que nous étions revenus du Canada. »

[18]           Le 21 mars 2016, Jozsef et Junior ont manifesté avec un groupe formé d’autres Roms lors de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Sur le chemin du retour, ils ont été victimes d’une attaque : Junior a été frappé à la tête et giflé, Jozsef a été roué de coups, et l’un des agents de police ou des commandos de Mór est sauté sur la jambe de ce dernier, laquelle s’est fracturée. Plusieurs journaux ont rapporté la manifestation et publié des photos de son fils tenant sa pancarte. Peu après, son fils a été attaqué à l’école, et on l’a qualifié de [traduction] « héros des Roms », de [traduction] « Robin des Bois des Roms » et d’autres surnoms. Il atteste que [traduction] « plus de 10 enfants l’ont battu dans la cour devant de nombreux enseignants, le directeur et les directeurs adjoints. Il avait le nez qui saignait et il était couvert d’ecchymoses. Ils ont dit qu’il était bizarre, qu’il avait des idées tordues et que les Roms étaient inférieurs aux personnes de race blanche. Les Roms n’étaient pas humains. Il a été conduit au bureau du directeur pour interrogatoire. Le directeur a refusé de faire venir un médecin ou une ambulance pour qu’il reçoive des soins. Il a été forcé de rester à genoux dans un coin pendant plus de deux heures. Le directeur a dit que son comportement et sa présence à la vigile pour la paix étaient inacceptables, et qu’il devait être renvoyé de l’école. Le directeur a également dit qu’il ferait rapport aux services d’aide à l’enfance et recommanderait qu’ils placent mon fils dans un établissement correctionnel pour mineurs, puisque sa participation à des manifestations le rendait dangereux. »

[19]           Le 10 mai 2016, les demandeurs ont dû quitter le hangar de leur ami parce que ce dernier a été expulsé de sa maison. Ils se sont donc retrouvés sans abri de nouveau.

[20]           Jozsef déclare que le conseil de la minorité rom [traduction] « a trouvé une petite maison de retraite publique pour sa mère ». Sa famille et lui se sont cachés dans une usine désaffectée. Il dit qu’ils [traduction] « se sont enfuis de la Hongrie pour sauver la vie des enfants et les protéger contre d’autres attaques paramilitaires et de la police ».

[21]           L’agent mentionne à juste titre que la demande de report est fondée sur les épreuves et les dangers auxquels les demandeurs feraient face à leur retour, de même que sur l’intérêt supérieur des enfants.

[22]           En outre, l’agent note justement [traduction] « qu’il ne relève pas de sa compétence de procéder à une évaluation des risques accessoire », puis il dit que [traduction] « son pouvoir discrétionnaire se limite à évaluer si l’exécution du renvoi à l’heure où l’on se parle exposerait Mme Ferdinand [sic] à une menace à sa vie, à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain » [Non souligné dans l’original]. Il s’agit sans doute d’une erreur puisque cela laisse entendre que l’agent a en fait procédé à une évaluation des risques. Il s’agit d’un critère beaucoup plus rigoureux que celui énoncé par le juge Pelletier dans l’affaire Wang, qui dit qu’au moment d’examiner une demande de report, l’agent d’exécution doit déterminer si « le défaut de différer ferait que la vie du demandeur serait menacée, ou qu’il serait exposé à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain, alors qu’un report pourrait faire que la mesure de [renvoi] devienne de nul effet. [Non souligné dans l’original] ». Comme je l’ai dit dans l’affaire Etienne c. Canada (Sécurité Publique et Protection Civile), 2015 CF 415, au paragraphe 53 : « L’agent d’exécution devait porter son attention sur les éléments de preuve produits, les analyser et en prendre compte, et, si ces éléments de preuve montraient que la famille Etienne pouvait être exposée au risque dans les îles Turks et Caicos, alors il devait reporter l’exécution de la mesure de renvoi afin que le risque puisse être examiné. » [Non souligné dans l’original.]

[23]           Les demandeurs m’ont convaincu qu’il est possible que la demande sous-jacente soit accueillie, puisque l’agent d’exécution, plutôt que d’évaluer si les éléments de preuve montraient que les demandeurs pouvaient être exposés au risque, a en fait procédé à l’évaluation des risques, pour laquelle il n’est pas qualifié et n’a pas compétence.

[24]           En outre, on peut soutenir que l’agent, en l’espèce, a tiré des conclusions relatives à la crédibilité en accordant peu ou pas de poids à l’affidavit de M. Csoka. Dans l’affaire Atawnah c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 774, au paragraphe 93, la juge Mactavish a prévenu l’agent de se garder de formuler des conclusions relatives à la crédibilité :

« Je reconnais avec les demanderesses que les agents d’exécution devraient se limiter à évaluer la suffisance des preuves qui leur ont été présentées et éviter de mettre en doute la crédibilité d’un demandeur, de façon voilée ou non, sur le fondement d’observations écrites. La Cour suprême a jugé que, eu égard aux importants intérêts en jeu dans les demandes d’asile fondées sur l’existence de risques, lorsque se pose une question importante de crédibilité, “la justice fondamentale exige que cette question soit tranchée par voie d’audition” : Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [...] [1985] 1 RCS 177 au paragraphe 59, [1985] ACS no 11. »

[25]           Le ministre prétend que l’agent, en l’espèce, n’a pas formulé de conclusions relatives à la crédibilité, il a simplement mentionné que l’affidavit [traduction] « n’était pas étayé par une preuve corroborante objective ». Il est vrai que l’agent fait cette observation; cependant, cela aussi est grandement inquiétant.

[26]           L’agent écrit : [traduction] « Je note que l’avocat a fourni une preuve médicale selon laquelle M. Csoka et sa famille ont souffert de blessures résultant de coups et qu’ils ont donc demandé des soins médicaux; un élément de preuve corroborant insuffisant, comme un rapport de police, a été soumis pour indiquer les circonstances dans lesquelles les blessures se sont produites, et par qui elles ont été infligées » [Non souligné dans l’original.]. Les demandeurs invoquent l’ignorance de l’agent du témoignage par affidavit voulant que la police ait refusé d’accepter toutes leurs dépositions, malgré des tentatives répétées. Il s’agit là, selon eux, d’un exemple à l’appui de l’observation indiquant que l’agent a omis d’examiner ou de comprendre la preuve qui lui a été soumise. Il ne fait aucun doute que la déclaration de l’agent porte vraiment à croire que le traitement de la preuve était déraisonnable.

[27]           Un autre exemple de la sorte se trouve dans la manière dont l’agent a traité la mère de Jozsef. L’agent écrit : [traduction] « L’avocat prétend que M. Csoka et sa famille ont retiré leur demande, afin d’obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention, parce que la mère de M. Csoka était gravement malade et que personne ne pouvait prendre soin d’elle. Je note que la preuve présentée était insuffisante pour corroborer que la mère de M. Csoka était gravement malade et qu’elle était seule en Hongrie, pendant que la famille se trouvait au Canada. En outre, la demande de report ne fait pas mention de l’état de santé actuel de la mère de M. Csoka, et de comment et pourquoi la famille a pu la laisser en Hongrie, alors qu’auparavant ils se sont sentis obligés de retirer leur demande pour obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention et de retourner en Hongrie. »

[28]           Tout comme les demandeurs, je conviens que les documents déposés à l’appui de la demande ne se concentrent pas sur l’état de santé de la mère, mais sur le fait qu’elle est devenue une sans-abri quand la parenté n’a pu continuer de prendre soin d’elle. De plus, les demandeurs déclarent expressément qu’elle a été placée dans un établissement de soins avant leur retour au Canada.

[29]           Je suis convaincu que les demandeurs ont établi le bien-fondé d’une question sérieuse selon le seuil supérieur en faisant valoir que la décision de l’agent est incohérente et déraisonnable. L’agent mentionne [traduction] « qu’il conclut qu’un article de journal montrant que M. Csoka et son fils ont participé à un rassemblement pour l’élimination de la discrimination raciale établit de manière suffisante qu’ils seront la cible de groupes haineux ou de la police, pour avoir agi ainsi » [Non souligné dans l’original.]. Pourtant, en fonction d’un examen de rapports et de documents sur le pays, l’agent soutient : [traduction] « qu’il ne peut pas conclure qu’ils ont établi que la famille court un risque personnalisé à son retour en Hongrie » [Non souligné dans l’original.]. Cela semble contredire la conclusion précédente selon laquelle au moins deux membres de la famille sont exposés personnellement à une menace.

[30]           Enfin, je suis d’accord avec les commentaires des demandeurs selon lesquels le traitement, par l’agent, de la preuve relative aux enfants, notamment le défaut même de mentionner le risque que les filles soient forcées de se prostituer et l’envoi des enfants en orphelinat comme conséquence du sans-abrisme de la famille appuie leurs prétentions voulant que l’agent ait omis de tenir compte de la preuve qui lui a été présentée et soulève par conséquent une question défendable quant à la norme supérieure.

[31]           Le dossier, y compris l’affidavit déposé, est suffisant pour me convaincre qu’il est très probable que les demandeurs subiront un préjudice irréparable si les risques déterminés dans la demande pour considération d’ordre humanitaire ne sont pas évalués pleinement et attentivement avant de les retourner en Hongrie.

[32]           Compte tenu des circonstances énoncées, la prépondérance des inconvénients est favorable aux demandeurs.

[33]           Pour ces motifs, l’ordonnance d’expulsion a fait l’objet d’un sursis, en attendant le règlement définitif de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

« Russel W. Zinn »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 4 juillet 2016


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2793-16

 

INTITULÉ :

JOZSEF CSOKA ET AL. c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

REQUÊTE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 2 JUILLET 2016, À OTTAWA (ONTARIO) ET À TORONTO (ONTARIO).

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 juillet 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Jeffrey L. Goldman

 

Pour les demandeurs

 

Nimanthika Kaneira

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jeffrey L. Goldman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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