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Date : 20170323


Dossier : IMM-1960-16

Référence : 2017 CF 306

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 23 mars 2017

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

GIZACHEW TEGEGN ABEGAZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Gizachew Tegegn Abegaz (le demandeur) a saisi la Cour d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rejetant l’appel qu’il a interjeté d’une décision défavorable rendue par la Section de la protection des réfugiés, laquelle a rejeté sa demande d’asile à titre de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger, en application de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2]  Le demandeur est un citoyen de l’Éthiopie. Il a présenté une demande d’asile au Canada en raison de son origine ethnique amharique, de ses opinions politiques et de sa désertion du service militaire. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande au motif que le demandeur n’était pas crédible et qu’il avait omis de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa crainte subjective. La Section de la protection des réfugiés a également conclu que le demandeur s’était réclamé de nouveau de la protection de l’Éthiopie, où il est retourné en 2014.

[3]  L’appel que le demandeur a interjeté devant la Section d’appel des réfugiés a également été rejeté au motif qu’il n’était pas crédible et que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas commis d’erreur dans son processus judiciaire ni dans ses conclusions.

[4]  Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur affirme que son droit à l’équité procédurale a été violé, étant donné que la traduction des éléments de preuve qu’il a présentés à la Section de la protection des réfugiés comportait de graves erreurs et que l’avocat qui l’a représenté devant la Section d’appel des réfugiés n’a pas été en mesure de relever les erreurs de traduction parce qu’il ne parlait pas l’amharique, la langue du demandeur.

[5]  Le demandeur soutient également que sa crainte subjective de retourner en Éthiopie n’est apparue que lorsqu’il a reçu un appel téléphonique en avril 2015. Dans ces circonstances, les conclusions de la Section de la protection des réfugiés sur le fait qu’il se soit réclamé de nouveau de la protection de son pays et sur le retard dans la présentation de sa demande d’asile ne s’appliquent pas.

[6]  Enfin, le demandeur soutient que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il y avait absence de crainte subjective, alors que des éléments de preuve objectifs démontraient l’existence de persécution à l’égard des personnes avec son profil, soit un déserteur du service militaire.

[7]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) prétend que les arguments concernant le manquement à l’équité procédurale sont liés à la décision de la Section de la protection des réfugiés, et non à celle de la Section d’appel des réfugiés, soit la décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[8]  Le défendeur soutient, à titre subsidiaire, que les services d’interprétation étaient appropriés et que le demandeur a renoncé à s’opposer à la qualité de l’interprétation lorsqu’il n’a pas soulevé la question devant la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés. En tout état de cause, le défendeur prétend que les services d’interprétation étaient suffisants pour permettre au demandeur de comprendre les procédures et de présenter sa cause.

[9]  Le défendeur soutient également que la Section d’appel des réfugiés n’a pas fait fi de l’importance de l’appel téléphonique et que sa conclusion concernant le fait que le demandeur se soit réclamé de nouveau de la protection de son pays était raisonnable.

[10]  Enfin, le défendeur soutient que l’absence d’éléments de preuve concernant la crainte subjective était un motif suffisant pour rejeter la demande du demandeur.

[11]  Le manquement à l’équité procédurale allégué est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir la décision rendue dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339. Les conclusions de la Section d’appel des réfugiés concernant le fait que le demandeur se soit réclamé à nouveau de la protection de son pays et l’absence de crainte subjective sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir les décisions dans les décisions Canada (Citoyenneté et Immigration) c Nilam, 2015 CF 1154, et Arslan v Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (2011), 16 Imm. L.R. (4th) 271 (FC).

[12]  Selon la décision dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47, le caractère raisonnable tient principalement à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité de la décision, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables.

[13]  Je souscris aux observations du défendeur sur la question de la mauvaise qualité de l’interprétation alléguée.

[14]  Ce problème, le cas échéant, aurait dû être soulevé à la première occasion qui s’est présentée, soit devant la Section de la protection des réfugiés. Je cite la décision dans l’arrêt Mohammadian c MCI (2001), 271 NR 91 (CAF). Le problème n’a pas été soulevé devant la Section de la protection des réfugiés ni devant la Section d’appel des réfugiés.

[15]  L’aspect le plus important est que l’interprétation permette à une personne qui demande l’asile lors d’une audition devant la Section de la protection des réfugiés de comprendre ce qui se passe. Dans la décision Dhaliwal c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 157, au paragraphe 67, la Cour a examiné la question de la qualité de l’interprétation et elle a conclu que l’élément essentiel était la « compréhension linguistique entre les parties ».

[16]  Après avoir examiné les observations des parties, je ne suis pas convaincue qu’il y ait eu manquement à l’équité procédurale en raison de la manière dont l’interprète a accompli son mandat. Il n’est pas nécessaire que je me penche sur la question de la renonciation.

[17]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur s’était réclamé de nouveau de la protection de son pays lors de son retour en Éthiopie en 2014. Il est retourné en Éthiopie entre deux emplois en mer en 2014 et en 2015. Le dossier n’est pas clair sur la question de savoir s’il a visité l’Éthiopie au cours de son emploi ou seulement entre ses deux contrats de travail.

[18]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas commis d’erreur en utilisant l’expression [traduction] « se réclamer de nouveau de la protection ». Plus précisément, elle a conclu que la Section de la protection des réfugiés a utilisé cette expression pour désigner le retour volontaire du demandeur en Éthiopie, dans le contexte des conclusions de crédibilité. Le demandeur a soutenu devant la Section d’appel des réfugiés que cette expression n’est pertinente que lors de procédures de constat de perte d’asile. La Section d’appel des réfugiés a noté que l’expression est utilisée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans un sens général et elle n’est pas limitée à des situations où une personne a déjà été reconnue comme une réfugiée.

[19]  Je ne vois aucune erreur commise par la Section d’appel des réfugiés dans son examen de la question de la réclamation de la protection de l’État. Je ne suis pas d’accord avec le demandeur que cette expression n’est pertinente que lors de procédures de constat de perte d’asile; voir la décision dans la décision Kostrzewa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1449, au paragraphe 26.

[20]  Enfin, concernant la question de la crainte subjective, la Section d’appel des réfugiés a souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les éléments de preuve du demandeur voulant qu’il ait été ciblé par le gouvernement étaient trop vagues et le demandeur n’a pas réussi à démontrer cet élément essentiel de sa demande.

[21]  Après avoir examiné le dossier certifié du tribunal et m’être penchée sur les observations orales et écrites présentées par les parties, je ne suis pas convaincue que la Commission ait commis une erreur susceptible de révision et je conclus que la décision satisfait à la norme de la décision raisonnable susmentionnée.

[22]  En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[23]  Le demandeur a proposé la question à certifier suivante :

Dans une affaire où la question de la mauvaise qualité des services d’interprétation n’est pas soulevée devant la Section d’appel des réfugiés, est-il interdit au demandeur de la soulever à l’occasion d’une demande de contrôle judiciaire?

[24]  Le défendeur soutient que la jurisprudence a déjà répondu à cette question.

[25]  Je souscris à l’argument du défendeur et aucune question ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire et refuse de certifier la question proposée par le demandeur.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1960-16

 

INTITULÉ :

GIZACHEW TEGEGN ABEGAZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 NOVEMBRE 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 MARS 2017

 

COMPARUTIONS :

Teklemichael Sahlemariam

POUR LE DEMANDEUR

 

Leanne Briscoe

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Teklemichael Sahlemariam

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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