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Date : 20170328


Dossier : IMM-3638-16

Référence : 2017 CF 325

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 mars 2017

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

MONA OSMAN MOHSIN AHMED

(AUSSI CONNUE SOUS LE NOM DE MONA OSMAN MUHSIN AHMED)

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés datée du 28 juillet 2016 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés a conclu que la demanderesse n’était pas une réfugiée au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), ni une personne à protéger aux termes de l’article 97 de la LIPR.

[2]  Comme on l’explique plus en détail ci-dessous, la présente demande est rejetée, car la demanderesse n’a pas prouvé que la Section de la protection des réfugiés a commis des erreurs susceptibles de révision, dans son évaluation de son identité et de sa crédibilité, pour corroborer la conclusion selon laquelle la décision de la Section de la protection des réfugiés était déraisonnable.

II.  Résumé des faits

[3]  La demanderesse, Mona Osman Mohsin Ahmed, est née, selon elle, à Marka, en Somalie, le 1er septembre 1989. Elle a déménagé en Arabie saoudite avec sa famille en 1991, où ils ont vécu jusqu’en novembre 2012. À cette époque, Mme Ahmed et sa famille ont été expulsées de l’Arabie saoudite vers la Somalie parce que son père était devenu trop malade pour continuer de travailler pour son employeur et parrain.

[4]  Mme Ahmed a dit que son père est décédé le 21 novembre 2012 à Marka. Après cela, elle soutient que des membres d’Al-Shabaab se sont rendus à Marka et ont menacé son cousin, Ali Sherif, qui a dit à Mme Ahmed qu’elle et sa sœur seraient forcées d’épouser des combattants d’Al-Shabaab et seraient tuées si elles ne se conformaient pas à leur demande. Mme Ahmed et sa sœur ont fui la Somalie avec l’aide de son cousin. Elles se sont rendues aux États-Unis, où elles ont présenté une demande d’asile qui leur a été refusée.

[5]  Mme Ahmed a rencontré son mari actuel, Ahmad Abbany, en ligne, et le couple s’est marié au cours d’une cérémonie religieuse à Brooklyn, dans l’État de New York, le 19 mai 2015, ainsi que lors d’une cérémonie civile le 11 mars 2016 à Détroit, au Michigan. M. Abbany est un citoyen canadien et, le 17 mars 2016, Mme Ahmed s’est rendue au Canada avec lui et a présenté une demande d’asile.

[6]  Mme Ahmed a comparu devant la Section de la protection des réfugiés le 19 mai 2016 et le 23 juin 2016 afin de livrer un témoignage verbal, avec l’aide d’un interprète, et a présenté des éléments de preuve documentaire pour appuyer son allégation de persécution en Somalie. Le 28 juillet 2016, la Section de la protection des réfugiés a rendu la décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire, refusant la demande d’asile de Mme Ahmed sur les questions déterminantes d’identité et de crédibilité.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[7]  Les observations écrites de Mme Ahmed n’exprimaient pas en toutes lettres les questions sur lesquelles la Cour devait se pencher, mais ses observations indiquent qu’elle s’oppose à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle elle n’avait pas établi son identité personnelle et nationale, et sa conclusion qui en résulte selon laquelle cela nuisait à sa crédibilité.

[8]  L’évaluation de la preuve d’identité est une question de fait, susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable (voir Toure c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1189, au paragraphe 29).

IV.  Discussion

[9]  La Section de la protection des réfugiés reconnaît que le gouvernement somalien n’a pas délivré de documents d’identité depuis le déclenchement de la guerre en 1991, et que de vastes régions de la Somalie n’ont pas accès à des documents officiels du gouvernement comme des passeports, des certificats de naissance ou des cartes d’identité nationale. Cependant, la Section de la protection des réfugiés a affirmé que, même si l’absence d’identification émise par le gouvernement somalien n’est pas en soi un motif pour tirer une inférence ou une conclusion défavorable quant à l’identité, un demandeur doit s’appuyer sur d’autres documents fiables ou un témoignage crédible pour établir son identité. Dans ce contexte, la Section de la protection des réfugiés a examiné les éléments de preuve présentés par Mme Ahmed pour appuyer son identité.

A.  Le certificat de naissance

[10]  Le document d’identité principal présenté par Mme Ahmed est un document portant le titre « Birth Certificate », qui prétend être une traduction anglaise d’un document en somali qui a également été présenté. Les deux documents sont datés de 1989. Lors de l’audience, Mme Ahmed a décrit le certificat de naissance comme étant un original, mais la Section de la protection des réfugiés a conclu qu’il s’agissait d’une photocopie. La Section de la protection des réfugiés a aussi tenu compte du témoignage de Mme Ahmed selon lequel elle a obtenu ce document avec l’aide de voisins en Arabie saoudite, qui étaient aussi originaires de Marka et avaient toujours des liens en Somalie. Elle a témoigné en disant qu’ils lui avaient envoyé ce document par courriel et qu’elle ne savait pas quelles mesures ils avaient prises pour l’obtenir. La Section de la protection des réfugiés n’a pas cru l’explication de Mme Ahmed et a jugé peu probable que ses voisins saoudiens aient été en mesure d’obtenir le certificat de naissance de Mme Ahmed auprès des autorités somaliennes, étant donné son absence du pays. De plus, Mme Ahmed n’a pas conservé le courriel qui lui avait été envoyé avec le certificat de naissance, ce qui, selon la Section de la protection des réfugiés, posait de graves préoccupations quant à la fiabilité, à l’authenticité et à la véracité du document.

[11]  La Section de la protection des réfugiés a également constaté des anomalies dans le document lui-même, que la demanderesse n’a pas su expliquer. Il a été émis à Mogadiscio par le maire du gouvernement local, et non par le gouvernement local de Marka. La Section de la protection des réfugiés a également conclu que, puisque Mme Ahmed avait témoigné en disant être née à domicile avec l’aide d’une sage-femme, il était peu probable que sa naissance ait été enregistrée auprès d’un bureau gouvernemental local, et donc versé aux archives publiques. Pour tous ces motifs, la Section de la protection des réfugiés n’a accordé aucun poids au certificat de naissance.

[12]  Mme Ahmed soutient que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur dans son évaluation du certificat de naissance. Elle a fait observer que la Section de la protection des réfugiés avait accordé trop d’importance à sa description du document comme étant un original, alors qu’il n’était pas clair dans son témoignage qu’elle avait compris l’utilisation de ce terme. J’ai examiné la partie de la transcription de l’audience à laquelle renvoie Mme Ahmed, et je ne trouve aucune erreur commise par la Section de la protection des réfugiés dans le traitement de cet aspect de sa preuve. La Section de la protection des réfugiés a décrit avec exactitude la caractérisation du document comme un original par Mme Ahmed et a ensuite examiné sa preuve quant à la façon dont elle l’a obtenu. Je n’interprète pas les préoccupations de la Section de la protection des réfugiés quant à la provenance du document comme étant issues de la description inexacte de Mme Ahmed qu’il s’agissait d’un original, mais plutôt comme étant fondées sur l’absence d’explication crédible quant à la manière dont il a été obtenu.

[13]  Mme Ahmed conteste le fait que la Section de la protection des réfugiés a indiqué que les communications par courriel n’étaient pas sécurisées. Même si la Section de la protection des réfugiés a fait cette déclaration, sans aucune preuve particulière à l’appui, je ne considère pas cela comme important pour son analyse de la façon dont Mme Ahmed a obtenu le certificat de naissance, qui s’appuyait principalement sur le défaut de celle-ci de fournir une copie du courriel qui lui aurait été envoyé par ses voisins saoudiens avec le certificat de naissance en pièce jointe.

[14]  Mme Ahmed soutient également qu’il est trompeur de se référer au document comme un « certificat de naissance », même si la traduction anglaise porte ce nom, car le document se lit comme une attestation de sa naissance fondée sur le fait que l’auteur a vu un document familial applicable. Elle fait observer que la Section de la protection des réfugiés ne fait référence à aucun élément de preuve qui contredit l’existence d’un dossier familial comme moyen de confirmer la date et le lieu de naissance d’une personne ou toute preuve concernant les certificats de naissance émis en 1989. Le défendeur soutient que ces arguments ne sont pas fondés, puisque le champ du document apparemment réservé à l’inscription du numéro du document familial est laissé en blanc.

[15]  Je ne considère pas cette composante du document comme permettant de conclure que l’évaluation du document par la Section de la protection des réfugiés est déraisonnable. Dans sa décision, la Section de la protection des réfugiés a noté que les éléments de preuve documentaire indiquaient qu’un dossier familial serait créé par l’administration municipale dans le cadre du processus visant à obtenir un certificat de naissance. Cependant, le fait que le document, ou du moins son modèle, renvoie à un dossier familial ne vient pas atténuer les préoccupations de la Section de la protection des réfugiés à l’égard du document, y compris le fait qu’il est censé avoir été délivré par l’administration de la mauvaise municipalité. Mme Ahmed a soutenu, lors de l’audition de la présente demande, que la délivrance de ces certificats peut avoir été centralisée. Cependant, elle ne renvoie à aucune preuve à cet égard. L’élément de preuve documentaire mentionné par la Section de la protection des réfugiés indique qu’avant 1991, les certificats de naissance étaient obtenus auprès de l’administration municipale.

[16]  Mme Ahmed soutient également que la Section de la protection des réfugiés a omis d’analyser le fait que le certificat de naissance était également signé par le directeur général des affaires consulaires pour la Somalie, attestant que le document était une copie conforme à l’original. Elle soutient que cela représente une vérification par le ministère des Affaires étrangères que le document qui lui a été présenté était un original après examen des dossiers familiaux. Le défendeur note que l’attestation ne figure que sur la traduction anglaise, et non sur la version en somali du document, que rien n’atteste de l’exactitude de la traduction anglaise, et que la signature du directeur général des affaires consulaires soulève donc plus de questions qu’elle n’en résout. Je ne considère pas que cet argument par Mme Ahmed soulève une erreur susceptible de révision. Dans l’hypothèse la plus optimiste, le document présenté à la Section de la protection des réfugiés était une photocopie d’une copie certifiée d’un document original, et c’est la provenance du document original qui avait soulevé les préoccupations de la Section de la protection des réfugiés.

B.  Documents d’asile des États-Unis

[17]  La Section de la protection des réfugiés a examiné les documents produits dans le cadre de la demande d’asile de Mme Ahmed aux États-Unis, et a jugé qu’ils avaient peu de valeur probante, puisqu’il n’y avait pas d’indication que les autorités de l’immigration américaines avaient pris des mesures quelconques pour vérifier son identité. Mme Ahmed soutient qu’il s’agit d’une erreur, notant que les documents du dossier certifié du tribunal comprennent un décret d’un juge de l’immigration en date du 30 janvier 2015 indiquant que Mme Ahmed ne pouvait pas être renvoyée en Somalie. Mme Ahmed renvoie également à ce qui semble être une pièce jointe à un avis d’appel déposé pour son compte dans le cadre de la procédure américaine, qui renvoie au juge de l’immigration qui lui accordait l’interdiction de renvoi fondée sur une preuve incontestée que Mme Ahmed avait été soumise à la mutilation génitale féminine. Elle soutient que, puisque la mutilation génitale féminine est pratiquée en Somalie, le renvoi à cet élément de preuve dans la procédure américaine soutient sa prétention quant à son identité.

[18]  Je ne trouve rien de déraisonnable dans le traitement des documents d’asile des États-Unis par la Section de la protection des réfugiés. Mme Ahmed n’a renvoyé à aucun élément de preuve devant la Section de la protection des réfugiés indiquant des mesures prises par les autorités américaines pour vérifier son identité, soit avant de prononcer l’ordonnance mentionnée ou autrement. Elle n’a pas non plus renvoyé à des éléments de preuve relativement à la pratique de mutilation génitale féminine qui appuierait la conclusion selon laquelle la Section de la protection des réfugiés a agi déraisonnablement en omettant de tenir compte de la mention qu’elle aurait été victime de mutilation génitale féminine comme preuve de son identité nationale.

C.  Permis de mariage

[19]  La Section de la protection des réfugiés a considéré le permis de mariage de Mme Ahmed, mais ne lui a accordé aucune valeur probante pour établir son identité personnelle et nationale, puisqu’il ne faisait que confirmer le fait qu’elle avait épousé M. Abbany dans l’État du Michigan. Elle soutient que cette conclusion était déraisonnable, car le permis de mariage contenait le nom de sa mère qui correspondait au nom qui figurait sur son certificat de naissance. Cet argument équivaut à demander à la Cour de réévaluer la preuve devant la Section de la protection des réfugiés, ce qui n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Je ne trouve aucune erreur dans le traitement du permis de mariage par la Section de la protection des réfugiés.

D.  Certificat de décès

[20]  Mme Ahmed a également présenté une version traduite du certificat de décès de son père, mais la Section de la protection des réfugiés a jugé qu’elle n’avait aucune valeur probante pour établir l’identité personnelle et nationale de Mme Ahmed. Elle soutient qu’il s’agit d’une erreur, car le certificat de décès porte le nom de la personne dont elle affirme qu’il s’agit de son père et indique que celui-ci est décédé à Marka, le même endroit où elle est née. Mme Ahmed soutient également qu’il est peu probable qu’elle aurait ce document en sa possession si le défunt n’était pas un proche de sa famille. Là encore, ces arguments équivalent à demander que la Cour réévalue la preuve. Je ne vois aucune erreur dans la façon dont la Section de la protection des réfugiés a traité ces éléments de preuve.

E.  Date de naissance des parents

[21]  La Section de la protection des réfugiés a considéré que l’incapacité de Mme Ahmed à déterminer la date de naissance de ses parents, malgré le fait qu’elle a indiqué une date de naissance pour sa mère dans son formulaire Fondement de la demande d’asile, était un facteur qui minait sa crédibilité. Elle prétend que, dans sa conclusion, la Section de la protection des réfugiés avait omis de reconnaître que son inclusion dans le formulaire Fondement de la demande d’asile d’une date de naissance précise pour sa mère (1966-01-01) découlait du fait que la version électronique du formulaire indiquait les champs du mois et du jour par défaut « 01-01 » lorsque seule l’année de naissance est indiquée.

[22]  Le défendeur reconnaît que le formulaire électronique Fondement de la demande d’asile fonctionne ainsi lorsque le formulaire est enregistré, mais il soutient que ce fait n’est pas important dans la décision de la Section de la protection des réfugiés.

[23]  La transcription de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés indique que l’avocate de Mme Ahmed a soutenu que les entrées « 01-01 » auraient pu être des valeurs par défaut, et elle a témoigné en disant que l’inclusion de cette date était une erreur. La Section de la protection des réfugiés l’a questionnée sur le fait qu’elle avait signé le formulaire Fondement de la demande d’asile. Dans sa décision, la Section de la protection des réfugiés note de nouveau que Mme Ahmed a affirmé que l’inclusion du 1er janvier 1966 aurait pu être une erreur, mais elle a également confirmé que tous les renseignements du formulaire Fondement de la demande d’asile qu’elle a signé lui avaient été traduits. La Section de la protection des réfugiés n’a pas par conséquent accepté cette explication. La Section de la protection des réfugiés était tenue de considérer l’explication de Mme Ahmed, ce qu’elle a fait, mais son refus d’accepter l’explication ne peut pas être caractérisé comme une erreur susceptible de révision. Mme Ahmed soutient également que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en indiquant que sa mère était née le 1er janvier, alors qu’il n’y avait qu’un renvoi numérique « 01-01 ». Je ne trouve aucun fondement dans cet argument, car « 01-01 » veut clairement dire le 1er janvier.

[24]  Je note aussi de la composante suivante de la décision de la Section de la protection des réfugiés que sa conclusion défavorable quant à la crédibilité, en ce qui concerne les dates de naissance des parents de Mme Ahmed, est fondée de manière importante sur le fait qu’elle ne pouvait pas donner ces dates et ne pouvait donner que des estimations. Elle soutient que cette conclusion est déraisonnable, parce que les cultures ne mettent pas toutes l’accent sur la célébration des anniversaires. Cependant, elle ne renvoie à aucune preuve pour étayer une telle conclusion concernant la culture somalienne. Là encore, rien ne permet à la Cour d’intervenir sur cet aspect de l’analyse de la Section de la protection des réfugiés.

F.  Langue et culture

[25]  La Section de la protection des réfugiés a considéré la capacité de Mme Ahmed à parler le somali, mais a conclu que ce fait en soi ne prouvait pas qu’elle avait réellement vécu en Somalie ou qu’elle était une citoyenne de ce pays. La Section de la protection des réfugiés a également conclu que, même si son témoignage sur la généalogie de son clan et sa lignée, et sur sa culture, son histoire, ses coutumes et ses traditions étaient généralement conformes à la documentation objective du pays, ses connaissances étaient limitées et superficielles.

[26]  Mme Ahmed note qu’elle parle un certain dialecte somalien et soutient que la Section de la protection des réfugiés n’a offert aucune explication pour justifier son apprentissage de ce dialecte sauf qu’il lui avait été enseigné par ses parents. En ce qui concerne ses déclarations sur son clan et sa culture, elle soutient que la Section de la protection des réfugiés n’a pas conclu qu’elle avait tort, mais simplement que ses connaissances étaient limitées. Ces arguments mettent en doute l’appréciation de la preuve par la Section de la protection des réfugiés, à l’égard de laquelle il ne revient pas à la Cour d’intervenir.

[27]  Mme Ahmed soutient également que la Section de la protection des réfugiés a omis de tenir compte du fait que son apparence est conforme au groupe ethnique en Somalie dont elle se déclare membre. Je ne peux pas conclure que l’omission d’observer l’apparence physique et de tirer des conclusions sur l’ethnicité en fonction de ces observations constitue une erreur susceptible de révision dans l’examen de l’identité nationale d’un demandeur.

G.  Documents de l’Arabie saoudite

[28]  Enfin, la Section de la protection des réfugiés a noté que, malgré l’argument selon lequel elle aurait vécu en Arabie saoudite pendant 20 à 21 ans, Mme Ahmed n’avait aucun document en sa possession pour établir ce fait, ni aucun élément de preuve pour démontrer qu’elle et sa famille avaient été expulsées en Somalie en 2012. Elle soutient que cela constitue une erreur, car son père avait les documents d’expulsion, et que ce n’était pas sa responsabilité de les obtenir.

[29]  Je ne trouve rien de déraisonnable dans l’analyse de cet aspect de la preuve par la Section de la protection des réfugiés. Mme Ahmed a soutenu que les citoyens de la Somalie font face à un défi particulier pour établir leur identité en raison de l’absence de document d’identification émis par le gouvernement depuis le déclenchement de la guerre en 1991. Elle soutient qu’il revient donc à la Section de la protection des réfugiés de faire preuve de souplesse et d’examiner l’effet cumulatif de la preuve présentée à l’appui de l’identification des demandeurs somaliens. Cependant, les motifs de la Section de la protection des réfugiés renvoient expressément à ce défi, et sa considération du fait que Mme Ahmed avait passé plus de 20 ans en Arabie saoudite démontre la volonté de la Section de la protection des réfugiés de tenir compte d’autres sources de preuve de l’identité. Je lis la décision de la Section de la protection des réfugiés comme étant influencée de manière importante par le fait que Mme Ahmed n’a pas su produire non seulement une preuve de l’expulsion récente de sa famille en Somalie, mais aussi toute documentation qui indiquerait qu’elle a vécu et étudié en Arabie saoudite au cours des 20 dernières années.

[30]  Mme Ahmed soutient que, considérés dans l’ensemble, les éléments de preuve qu’elle a pu fournir à la Section de la protection des réfugiés étaient suffisants pour que le tribunal rende une décision favorable quant à son identité. Cependant, la question que la Cour doit considérer dans le cadre du contrôle judiciaire n’est pas de savoir si la preuve avait pu être suffisante pour que la Section de la protection des réfugiés tire une conclusion favorable, mais plutôt s’il était déraisonnable pour la Section de la protection des réfugiés d’en arriver à la conclusion qu’elle a tirée. Ayant tenu compte de tous les arguments de Mme Ahmed et de la totalité des éléments de preuve disponibles, je considère que la décision de la Section de la protection des réfugiés appartient aux issues possibles acceptables, et qu’elle est donc raisonnable.

[31]  La présente demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3638-16

INTITULÉ :

MONA OSMAN MOHSIN AHMED (AUSSI CONNUE SOUS LE NOM DE MONA OSMAN MUHSIN AHMED) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er mars 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

Le 28 mars 2017

COMPARUTIONS :

MaryJane Campigotto

Pour la demanderesse

Amy King

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MaryJane Campigotto

Avocate

Campigotto Law Firm

Windsor (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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