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Date : 20170509


Dossier : IMM-2135-16

Référence : 2017 CF 469

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

KAJAN MURUGATHAS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    Aperçu

[1]               M. Kajan Murugathas a présenté une demande d’asile au Canada invoquant sa crainte d’être persécuté par le Parti démocratique populaire de l’Eelam (PDPE). Il dit avoir été la cible du PDPE après que son cousin se soit joint aux Tigres libérateurs de l’Eelam tamoul (TLET).

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande de M. Murugathas principalement pour des raisons de crédibilité. M. Murugathas soutient que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner qu’un tribunal différemment constitué réexamine sa demande.

[3]               Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Commission. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[4]               La seule question à trancher est de savoir si la décision de la Commission était déraisonnable.

II.                 Contexte

[5]               La demande d’asile de M. Murugathas était fondée sur les allégations suivantes :

[6]               M. Murugathas affirme que lorsqu’il travaillait à Sri Lanka en tant que vendeur d’assurance de porte-à-porte, et plus tard en tant que chauffeur de taxi, il a été arrêté et accusé d’être un partisan des TLET. Il dit qu’il a été détenu et battu et que son véhicule a été endommagé. Il fait valoir que des pressions ont été exercées sur lui pour qu’il fasse partie du PDPE, et lorsqu’il a refusé, il a de nouveau été accusé d’être un partisan des TLET.

[7]               Il affirme également que la police militaire l’a arrêté et torturé. Les policiers lui ont dit qu’ils pensaient qu’il était un sympathisant des TLET et qu’ils savaient que son cousin était membre des TLET. Ils ont relâché M. Murugathas quelques semaines après que son père ait versé un pot-de-vin. Son père s’est plaint à la police, mais il n’a pas été pris au sérieux.

[8]               Après que les militaires ont commencé à visiter ses voisins et ses amis pour mener des vérifications à son sujet, M. Murugathas est allé à Suthumalai et ensuite à Colombo. Après avoir quitté le Sri Lanka, il est arrivé aux États-Unis et il a présenté une demande d’asile, mais il n’a pas mentionné son cousin dans la demande. Il s’est par la suite désisté de sa demande américaine et s’est rendu au Canada.

III.               Décision de la Commission

[9]               La Commission a relevé de nombreux problèmes de crédibilité avec la version des événements de M. Murugathas. Par exemple :

                    Il allègue avoir reçu son passeport en donnant sa photo à un agent, et que son père s’est occupé des autres documents; toutefois, les passeports ne peuvent être délivrés qu’en personne.

                    Son nom légal a été utilisé sur le passeport, mais il lui aurait été très difficile de quitter le Sri Lanka sous son propre nom puisque la sécurité est très rigoureuse. Il est peu probable qu’il aurait évité d’être interrogé.

                    Son témoignage était incohérent à propos de ce qu’il avait fait avec le passeport qu’il avait utilisé pour entrer aux États-Unis.

                    Il dit qu’il avait omis de mentionner son cousin dans sa demande américaine, car on ne lui avait pas posé de question; toutefois, en réponse aux questions posées par les agents américains, au lieu de faire référence à son cousin, il a dit [traduction] « Je ne sais vraiment pas [pourquoi ils m’ont arrêté] [...] mais je sais qu’ils m’ont arrêté parce que je suis Tamoul ». Par contre, le fondement de sa demande canadienne serait que les gestes de son cousin étaient la raison principale de sa crainte de persécution.

                    Il allègue avoir été harcelé par l’armée alors qu’il faisait du porte-à-porte pour HNB Assurance. Il a initialement affirmé avoir été menacé par deux hommes, mais plus tard il a dit qu’il y en avait un.

                    Pour montrer l’emploi auprès de HNB, il a produit une carte d’identité avec une date de délivrance du 30-12-3011. Il affirme que la carte avait été délivrée plusieurs mois après le début de son emploi à cet endroit, car il était en attente des résultats de l’examen qu’il avait passé en septembre 2011. Toutefois, il est peu probable que la carte d’identité aurait été émise le dernier jour de décembre et avec une année de délivrance incorrecte.

                    Il affirme avoir été torturé au moyen de brûlures de cigarettes deux ou trois fois en quelques jours en 2013. Il affirme qu’une cigarette allumée avait été appuyée contre ses épaules, ses joues, et ses mains, mais qu’on lui avait permis de reculer. Il dit que les plaies avaient cloqué, mais qu’après avoir appliqué un onguent sur celles-ci, elles avaient guéri sans cicatrice. Cependant, d’autres personnes en situations semblables ont été laissées avec des cicatrices. Il n’a pas produit de preuve médicale.

[10]           En raison des nombreuses incohérences et ambiguïtés, la Commission a jugé que M. Murugathas manquait de crédibilité. Particulièrement, elle a conclu que M. Murugathas n’avait pas de cousin dans les TLET.

[11]           La Commission a également conclu que l’explication de M. Murugathas concernant l’abandon de sa demande d’asile aux États-Unis démontrait une absence de crainte subjective de persécution. Par ailleurs, la Commission n’a pas cru que les motivations qu’il avait alléguées pour venir au Canada – soit son désir d’être réuni avec sa tante et ses préoccupations concernant la langue – expliquaient suffisamment sa conduite étant donné qu’il avait aussi de la famille aux États-Unis.

[12]           Enfin, la Commission n’a pas accepté que le profil sous-jacent de M. Murugathas, en tant qu’un jeune Tamoul du nord du Sri Lanka, était suffisant pour donner lieu à un risque raisonnable de persécution sans aucune preuve de liens familiaux avec les TLET.

IV.              La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

[13]           M. Murugathas soutient que la Commission a tiré des conclusions erronées quant à sa crédibilité en ne tenant pas compte de la preuve dans son ensemble. De plus, il prétend que la plupart des conclusions portaient sur son déplacement et non sur ses risques au Sri Lanka.

[14]           Je ne suis pas de cet avis. Le dossier démontre que la Commission a tenu compte de l’intégralité de la preuve, notamment du témoignage de M. Murugathas à propos de ses arrangements de voyage. La Commission avait le droit d’apprécier ce témoignage en évaluant la crédibilité générale de M. Murugathas. La preuve ne me permet pas de conclure que les conclusions de la Commission étaient déraisonnables.

[15]           M. Murugathas affirme également que la Commission a erré en concluant que sa décision de quitter les États-Unis et d’aller au Canada démontrait un manque de crainte subjective de persécution.

[16]           La Commission avait le droit d’examiner l’importance du fait que M. Murugathas n’avait pas poursuivi sa demande américaine, d’autant plus qu’il avait déjà passé l’entrevue préliminaire visant à déterminer la crédibilité de la crainte. Même si M. Murugathas peut avoir eu des raisons de préférer vivre au Canada, la conclusion de la Commission selon laquelle sa conduite démontrait un manque de crainte subjective de retourner au Sri Lanka n’était pas déraisonnable.

[17]           Enfin, M. Murugathas affirme que la Commission n’a pas évalué l’incidence cumulative de tous les aspects de son profil, notamment la perception selon laquelle il appuie les TLET ou il y est associé.

[18]           La preuve documentaire dont dispose la Commission, notamment les principes directeurs relatifs à l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile du Haut Commissariat des Nations Unies montrent que les personnes ayant des liens aux TLET s’exposent davantage à des risques lorsqu’ils retournent au Sri Lanka. Toutefois, dès lors que la Commission a conclu que la prétention de M. Murugathas qu’il avait un cousin dans les TLET n’était pas crédible, et sans autre élément de preuve le liant aux TLET, il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de conclure qu’il n’avait pas un profil de risque le rendant susceptible de persécution à son retour au Sri Lanka.

V.                 Conclusion

[19]           Les conclusions de la Commission n’étaient pas déraisonnables compte tenu de la preuve dont elle disposait. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a soumis de question pour certification, et aucune question ne sera énoncée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2135-16

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question de portée générale n’est à certifier.

« James W. O’Reilly »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2135-16

 

INTITULÉ :

KAJAN MURUGATHAS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 JANVIER 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DU JUGEMENT :

LE 9 MAI 2017

 

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

POUR LE DEMANDEUR

 

Suran Bhattacharyya

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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