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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130125

Dossier : IMM-3859-11

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2013  

En présence de madame la juge Hansen

 

ENTRE :

 

 

JANILEE REYES

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         ORDONNANCE

 

            VU la demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Section d’appel de l’immigration) (la SAI), datée du 22 juillet 2010;

            ET APRÈS avoir lu le dossier certifié du tribunal et les documents déposés par les parties;

            ET APRÈS avoir entendu les observations des avocats des parties;

            ET VU que les parties conviennent que l’intitulé de l’affaire devrait être modifié et que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration devrait être substitué au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en tant que défendeur;

            ET APRÈS avoir tenu compte de ce qui suit pour arriver à ma décision :

            La première question est de savoir si un résident permanent, qui fait une fausse déclaration dans le contexte d’une demande de parrainage à l’égard d’un membre de la famille est interdit de territoire en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, c 27 (la Loi). La demanderesse soutient que cette disposition ne s’applique qu’à la fausse déclaration faite par un résident permanent, dans le contexte de sa propre demande d’admission au Canada, et qu’elle ne s’applique pas à la fausse déclaration faite par un résident permanent dans une demande de parrainage à l’égard d’un membre de la catégorie du regroupement familial.

 

Malgré qu’aucune des parties ne traite de la question de la norme de contrôle applicable dans leurs observations écrites, la demanderesse prétend que, puisque la première question en litige concerne l’interprétation des lois, la norme de contrôle serait la décision correcte. Dans des observations soumises après l’audience, la demanderesse invoque à l’appui de cette thèse la décision Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512. Cependant, la Cour remarque que cette décision est antérieure à l’arrêt Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, [2011] 1 RCS 160, dans lequel la Cour suprême du Canada a conclu que l’interprétation, par un tribunal administratif, de sa loi constitutive est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. Dans la décision Tian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1148, au paragraphe 21, M. le juge James Russell a appliqué l’arrêt Smith, précité, et a conclu que l’interprétation par la SAI de l’alinéa 67(1)c) de la Loi est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. Son raisonnement s’applique aussi à l’interprétation par la SAI de l’alinéa 40(1)a) de la Loi. En ce qui concerne les autres questions soulevées par la demanderesse, il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité.

 

La demanderesse ne relève pas, dans ses observations, d’erreurs susceptibles de contrôle dans la décision en cause. Comme elle l’a plutôt reconnu devant la SAI ainsi qu’au cours de la présente instance, elle se fonde sur l’analyse contenue dans la décision Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile c Niaz, 2008 CanLII 46296, décision rendue par la Section de l’immigration (la SI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, la SI avait conclu que l’alinéa 40(1)a) ne s’applique qu’aux fausses déclarations formulées par des résidents permanents au sujet de leur propre demande d’admission au Canada, sauf si les circonstances particulières visées par l’alinéa 40(1)b) s’appliquent.

 

Dans Niaz, précitée, la SI avait fait remarquer que, sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration, un résident permanent était interdit de territoire pour fausse déclaration que si la fausse déclaration en question était liée à sa propre demande d’admission au Canada. La SI avait conclu que, bien que le paragraphe 40(1) de la Loi ne soit pas formulé de la même manière identique que son prédécesseur, les modifications étaient insuffisantes pour renverser le principe bien établi selon lequel les résidents permanents ne peuvent, dans le contexte de demandes de parrainage, être expulsés du Canada en raison d’une présentation erronée sur un fait. La SI avait aussi relevé les conséquences indésirables qui pourraient découler s’il était possible que des résidents permanents soient expulsés pour avoir fait de fausses déclarations dans le contexte de demandes de parrainage.

 

Cette décision avait par la suite été annulée par le membre de la SAI dont la décision est en cause dans la présente instance. Dans la décision en cause, en ce qui concerne la question de l’interprétation de l’alinéa 40(1)a), le commissaire a essentiellement incorporé le raisonnement qu’il avait antérieurement formulé dans la décision Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Niaz, 2009 CanLII 72218. Sa conclusion, selon laquelle l’alinéa 40(1)a) s’appliquait à la demanderesse, est fondée sur une conclusion clé, à savoir que :

 

[. . .] le paragraphe 40(1) de la Loi fait référence à l’interdiction de territoire pour fausses déclarations, peu importe que celles-ci aient été faites par un résident permanent ou un étranger, ou en son nom, eu égard à sa propre demande de statut au Canada, à moins que la circonstance spéciale décrite à l’alinéa 40(1)b) ne s’applique.

 

Le libellé de la disposition est clair et non ambigu. La disposition traite des fausses déclarations faites par les résidents permanents et par les étrangers. Elle prévoit que le fait de formuler de fausses déclarations emporte interdiction de territoire, et ce, autant pour les résidents permanents que pour les étrangers. De plus, la disposition ne fait d’aucune façon une distinction entre les résidents permanents et les étrangers, en ce qui concerne la nature de l’affaire au sujet de laquelle il y a eu fausse déclaration. En fait, la disposition est formulée de manière large : la fausse déclaration doit être faite quant à un « objet pertinent » qui « risque d’entraîner une erreur dans l’application » de la Loi. L’interprétation de la demanderesse aurait pour effet de remplacer l’expression « quant à un objet pertinent » par « dans le contexte d’une demande de résidence permanente ». Cette interprétation restrictive et étroite ne concorde pas avec le libellé très large adopté par le législateur ni avec son intention claire en ce sens.

 

La demanderesse soulève aussi d’autres erreurs commises par le commissaire. Elle soutient que le commissaire a agi de manière déraisonnable en concluant, malgré l’authenticité de sa relation avec M. Reyes, que la fausse déclaration en cause [traduction] « risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi ». Elle déclare que son époux et elle [traduction] « entretenaient une relation sérieuse [en 2008 et qu’ils] avaient l’intention de se marier et de vivre ensemble ». De plus, après l’annulation de leur premier mariage par les tribunaux philippins, ils ont célébré de nouveau leur union en 2010. La Cour rejette cet argument. Les résidents permanents peuvent parrainer leur époux pour immigrer au Canada à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Cependant, il n’est pas contesté qu’au moment de la demande de parrainage et de l’engagement, la demanderesse et M. Reyes n’étaient pas mariés selon la définition du terme « mariage » prévue à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Par conséquent, si M. Reyes s’était vu accorder la résidence permanente, en dépit du fait qu’il n’était pas marié avec la demanderesse, cela aurait constitué une erreur.

 

La demanderesse soutient aussi que le commissaire a omis de dûment tenir compte des considérations d’ordre humanitaire, plus particulièrement de la mesure dans laquelle elle éprouve des remords. La demanderesse soutient qu’elle a constamment exprimé des remords tout au long de son témoignage, en réitérant que M. Reyes et elle étaient les seuls responsables de leur propre manque d’attention quant au contenu de l’affidavit concernant leur cohabitation. La Cour a examiné la transcription, et, bien qu’il y ait une expression de remords à une occasion dans les passages cités, les déclarations de la demanderesse traduisent une crainte et constituent une explication quant à savoir pourquoi le couple avait signé l’affidavit de cohabitation. Compte tenu des incohérences et des contradictions au dossier, le rejet de l’explication par le commissaire ainsi que son examen du degré de remords étaient raisonnables.

 

En dernier lieu, la demanderesse prétend que le commissaire n’a pas suffisamment tenu compte de l’importance des liens avec les membres de sa famille qui résident au Canada, des coûts liés aux voyages transpacifiques et de la mesure dans laquelle elle s’est intégrée dans la société canadienne. Un examen des motifs du commissaire révèle qu’il a tenu compte des liens familiaux de la demanderesse au Canada, de son degré d’établissement et des bouleversements que son renvoi lui causerait ainsi qu’à sa famille, et que ces considérations jouaient en faveur de la demanderesse. Cependant, le commissaire a conclu qu’elles ne l’emportaient pas sur la gravité de sa fausse déclaration et sur la nécessité de préserver l’intégrité du système d’immigration. Il est bien établi que la Cour ne se livre pas à une nouvelle appréciation de la preuve dans le contexte d’un contrôle judiciaire. C’est effectivement ce que la demanderesse demande à la Cour de faire à l’égard de l’examen des considérations d’ordre humanitaire fait par le commissaire.

 

La Cour conclut, pour les motifs exposés ci-dessus, que la décision visée par le contrôle judiciaire était raisonnable. La demanderesse soumet la question ci‑dessous en tant que question grave de portée générale à des fins de certification :  

 

[traduction]

Un résident permanent qui fait une fausse déclaration dans le contexte d’une demande visant à parrainer un membre de la famille est‑il interdit de territoire par application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi?

 

La demanderesse souligne, à l’appui de la certification, qu’il existe des opinions divergentes concernant l’interprétation de l’alinéa 40(1)a). Plus particulièrement, un autre commissaire de la SAI a examiné la question dans la décision Davantes c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), [2009] DSAI no 576, et a souscrit au raisonnement de la SI dans la décision Niaz, précitée. Cependant, la Cour relève que la déclaration tirée de Davantes, précitée, qui est invoquée avait été faite dans le contexte d’un examen d’un acte de naissance falsifié qui avait été soumis par l’épouse parrainée par l’appelant (ou par le frère de celle‑là) et non pas par l’appelant même. De plus, il n’y a pas d’indication, dans les motifs, que la question de l’interprétation ait été soulevée ou ait fait l’objet d’observations. Par conséquent, on ne peut affirmer qu’il existe des opinions divergentes, au sein de la SAI, quant à cette question.

 

Essentiellement, la question à trancher en ce qui à trait à l’interprétation de l’alinéa 40(1)a) est de savoir si cette disposition devrait être interprétée de manière restrictive ou de manière plus large. Puisque la jurisprudence de la Cour reconnaît l’applicabilité de l’interprétation large, et vu l’absence d’appui, jurisprudentiel ou autre, en faveur de l’interprétation restrictive, la question proposée ne soulève pas une question grave. 

 

            LA COUR ORDONNE :

1.         L’intitulé de la cause est modifié. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est substitué au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile en tant que défendeur.

2.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

3.         Aucune question grave d’importance générale n’est certifiée.

 

 

« Dolores M. Hansen »

Juge

 

 

 

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