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Date : 20170612


Dossier : IMM-4377-16

Référence : 2017 CF 570

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2017

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

PINKALBEN KULDEEP PATEL

KULDEEP AMRUTHBHAI PATEL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   INTRODUCTION

[1]               Les demandeurs sont un couple marié et sont tous deux citoyens de l’Inde. Ils contestent la décision d’un agent des visas qui a refusé d’accueillir la demande de permis d’études au Canada présentée par Mme Pinkalben Kuldeep Patel en vertu du paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement). La demande de visa de résident temporaire de M. Kuldeep Amruthbhai Patel a été refusée au motif que la demande de son épouse avait été refusée. Les demandeurs ne contestent pas la décision prise à l’égard de la demande de M. Patel.

[2]               Le 29 juillet 2016, Mme Patel a été admise en tant qu’étudiante à plein temps d’un programme de maîtrise en administration des affaires (MBA) de deux ans au New York Institute of Technology de Vancouver (Colombie-Britannique). Mme Patel a versé un dépôt de 2 686 dollars canadiens pour les frais de scolarité et elle était censée commencer ses études à l’automne 2016. Il a été soutenu que son mari lui « rendrait visite » pendant qu’elle suivrait ses cours.

[3]               Le 31 juillet 2016, Mme Patel a présenté une demande de permis d’études au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration. Le 20 août 2016, sa demande de permis d’études a été rejetée par un agent des visas pour non-respect des exigences du Règlement. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision qui a été présenté en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[4]               À la fin de l’audience, j’ai informé les avocats que la demande serait rejetée. Voici mes motifs à l’appui de cette décision.

II.                QUESTION EN LITIGE

[5]               La seule question à trancher dans la présente demande consiste à déterminer si l’agent des visas a commis une erreur de droit en ne fournissant pas de motifs intelligibles.

III.             DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[6]               Les dispositions pertinentes de la LIPR sont rédigées comme suit :

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Obligation à l’entrée au Canada

Obligation on entry

20 (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver:

20 (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

[…]

[…]

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

Résident temporaire

Temporary resident

22 (1) Devient résident temporaire l’étranger dont l’agent constate qu’il a demandé ce statut, s’est déchargé des obligations prévues à l’alinéa 20(1)b), n’est pas interdit de territoire et ne fait pas l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1).

22 (1) A foreign national becomes a temporary resident if an officer is satisfied that the foreign national has applied for that status, has met the obligations set out in paragraph 20(1)(b), is not inadmissible and is not the subject of a declaration made under subsection 22.1(1).

[7]               Les dispositions pertinentes du Règlement sont rédigées comme suit :

Permis d’études

Study permits

216 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216 (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

a) l’étranger a demandé un permis d’études conformément à la présente partie;

(a) applied for it in accordance with this Part;

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

c) il remplit les exigences prévues à la présente partie;

(c) meets the requirements of this Part;

d) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3);

(d) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act; and

e) il a été admis à un programme d’études par un établissement d’enseignement désigné.

(e) has been accepted to undertake a program of study at a designated learning institution.

Ressources financières

Financial resources

220 À l’exception des personnes visées aux sous-alinéas 215(1)d) ou e), l’agent ne délivre pas de permis d’études à l’étranger à moins que celui-ci ne dispose, sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada, de ressources financières suffisantes pour :

220 An officer shall not issue a study permit to a foreign national, other than one described in paragraph 215(1)(d) or (e), unless they have sufficient and available financial resources, without working in Canada, to

a) acquitter les frais de scolarité des cours qu’il a l’intention de suivre;

(a) pay the tuition fees for the course or program of studies that they intend to pursue;

b) subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille qui l’accompagnent durant ses études;

(b) maintain themself and any family members who are accompanying them during their proposed period of study; and

c) acquitter les frais de transport pour lui-même et les membres de sa famille visés à l’alinéa b) pour venir au Canada et en repartir.

(c) pay the costs of transporting themself and the family members referred to in paragraph (b) to and from Canada.

IV.             ANALYSE

[8]               Les parties font valoir, et je suis d’accord, que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. Lorsqu’il existe une jurisprudence qui a déterminé la norme de contrôle applicable à une question particulière devant la Cour, la cour de révision peut adopter cette norme : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9, au paragraphe 57 [Dunsmuir].

[9]               La décision demande l’application de la norme de la décision raisonnable, car elle fait intervenir une question d’interprétation législative et une question de fait et de droit, intéressant l’interprétation par l’agent de sa loi habilitante et du règlement s’y rapportant : Singh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CC 526, [2012] ACF no 548, au paragraphe 15; Chow c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 861, [2015] ACF no 893, au paragraphe 8, citant Dunsmuir, précité, au paragraphe 124.

[10]           Les demandeurs prétendent que la prise en compte insuffisante, par l’agent, des éléments de preuve rend la décision inintelligible. Ils soutiennent que l’agent n’a pas évalué les éléments de preuve importants tels que les facteurs de la demande qui ont conduit à la conclusion que les motifs qui avaient amenés Mme Patel à poursuivre des études n’étaient pas logiques, et pourquoi Mme Patel était réputée avoir de faibles liens avec l’Inde.

[11]           Les demandeurs soutiennent en outre que le décideur n’a pas fourni de motifs suffisants pour expliquer pourquoi et en quoi les éléments de preuve fournis étaient insuffisants pour convaincre l’agent que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de son séjour : Hussein c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 88, [2015] ACF no 56, au paragraphe 25 [Hussein].

[12]           En tant que ressortissante étrangère cherchant à entrer temporairement au Canada, il incombait à Mme Patel d’établir le bien-fondé de son cas selon la prépondérance des probabilités et de démontrer qu’elle quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Mme Patel a le fardeau de fournir tous les renseignements pertinents pour convaincre l’agent qu’elle satisfait aux exigences de la LIPR et par le Règlement : Solopova c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690, [2016] ACF no 662, au paragraphe 22 [Solopova]; voir également Kwasi Obeng c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 754, [2008] ACF no 957, au paragraphe 20.

[13]           Les motifs de l’agent des visas sont brefs; toutefois, comme la Cour l’a précédemment fait remarquer, « l’arrêt Newfoundland Nurses permet aux cours de contrôle de relier les points sur la page quand les lignes, et la direction qu’elles prennent, peuvent être facilement discernées » : Komolafe c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 431, [2013] ACF no 449, au paragraphe 11. Je conclus qu’il y a suffisamment de « points sur la page » à relier dans la présente affaire. Je note également que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. TerreNeuveetLabrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] ACS  no 62, au paragraphe 14.

[14]           Mme Patel n’avait pas occupé d’emploi depuis l’obtention de son baccalauréat en administration des affaires en 2014. En outre, elle n’a pas présenté de preuve de revenus, en dehors des revenus modestes des membres de sa famille, qui lui auraient permis de payer les frais de scolarité et les frais de subsistance pendant la durée du programme. Par conséquent, il était loisible à l’agent des visas de conclure qu’elle n’était pas suffisamment installée sur le plan économique en Inde et qu’elle ne pourrait pas subvenir à ses propres besoins sans qu’il lui soit nécessaire d’exercer un emploi au Canada conformément à l’article 220 du Règlement.

[15]           Je conclus en outre qu’il était loisible à l’agent de conclure que Mme Patel n’avait pas prouvé son établissement dans le domaine choisi. Dans sa déclaration d’intention, elle a déclaré qu’elle avait l’intention de retourner dans l’industrie, en plein essor, des services informatiques en Inde après avoir terminé le programme de maîtrise en administration des affaires et qu’elle s’attendait à bâtir une carrière solide dans les cinq ans suivant l’obtention de son diplôme. Cependant, Mme Patel n’a fourni aucune preuve d’expérience de travail pertinente étant donné qu’elle est au chômage depuis qu’elle a obtenu son baccalauréat en administration des affaires en 2014.

[16]           Il n’est pas pertinent que les demandeurs invoquent la décision de notre Cour dans Hussein, précité. Cette affaire se distingue des faits et des circonstances de l’espèce. Dans Hussein, il était question d’un appel interjeté en vertu de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, ch. C-29. Le juge de la citoyenneté en l’espèce a décidé d’appliquer un critère qui prévoit le comptage strict des jours de présence effective au Canada. Toutefois, le juge de la citoyenneté n’a pas compté les jours comme l’exige le critère : Hussein, précité, au paragraphe 16.

[17]           Le juge de la citoyenneté a également omis de traiter d’un élément de preuve crucial présenté par la demanderesse : Hussein, précité, au paragraphe 19. Enfin, la demanderesse a fourni de nombreux documents à l’appui, mais le juge n’a pas expliqué pourquoi cette preuve n’était pas satisfaisante : Hussein, précité, au paragraphe 20. Je note qu’il n’y a pas de circonstances semblables en l’espèce, car les raisons invoquées montrent que l’agent a été sensible à la preuve documentaire au dossier.

[18]           Comme dans Solopova, les arguments de Mme Patel dans le présent contrôle judiciaire visent à avancer « d’autres explications pour contrer les conclusions de l’agent et contestent le poids que l’agent a accordé aux facteurs et éléments de preuve » : Solopova, précité, au paragraphe 22.

V.                CONCLUSION

[19]            Je conclus que les demandeurs n’ont pas démontré que la conclusion de l’agent des visas ne faisait pas partie des issues raisonnables. La décision de l’agent appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[20]           Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification.


JUGEMENT dans le dossier IMM-4377-16

LA COUR rejette la présente demande. Aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4377-16

INTITULÉ :

PINKALBEN KULDEEP PATEL

KULDEEP AMRUTHBHAI PATEL

c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 mai 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

Le 12 juin 2017

COMPARUTIONS :

Rui Chen

Pour la demanderesse

Suzanne M. Bruce

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rui Chen

Avocats

Orange LLP

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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