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Date : 20160919


Dossier : IMM-5687-15

Référence : 2016 CF 1060

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2016

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

CHIME NAMGYAL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

[1]               Chime Namgyal allègue craindre la persécution en Chine en raison de son origine ethnique tibétaine. La Section de la protection des réfugiés a rejeté sa demande au motif que Mme Namgyal n’est pas une citoyenne de la Chine. La Commission a de plus constaté que Mme Namgyal a droit à la citoyenneté en Inde en raison qu’elle est née en Inde. La décision de la Section de protection des réfugiés a par la suite été confirmée par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

[2]               Mme Namgyal présente maintenant une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par la SAR. Mme Namgyal soutient que le critère appliqué par la SAR pour tirer la conclusion qu’il était en son pouvoir d’obtenir que sa citoyenneté indienne soit reconnue par le gouvernement indien n’est pas compatible avec le critère prescrit par la Cour d’appel fédérale dans Tretsetsang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 175, [2016] A.C.F. no 615 (Tretsetsang FCA). En conséquence, Mme Namgyal soutient que la décision de la SAR était déraisonnable.

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec Mme Namgyal que la SAR a commis une erreur comme elle l’allègue, et que sa décision n’était pas raisonnable. Par conséquent, sa demande de contrôle judiciaire doit être accueillie.

I.                   Contexte

[4]               Mme Namgyal est née en Chine le 10 décembre 1973. Ses parents tibétains avaient fui la Chine en raison de leur crainte d’être persécutés parce qu’ils étaient disciples de sa Sainteté le Dalaï Lama. La demande d’asile de Mme Namgyal reposait sur ses propres croyances religieuses en tant que disciple du Dalaï Lama et en raison de son opposition à l’occupation du Tibet par la Chine. Mme Namgyal craint d’être expulsée vers la Chine si elle retournait en Inde, et affirme qu’elle n’a pas le droit à la citoyenneté ou à la résidence permanente en Inde.

[5]               L’alinéa 3(1)a) du Indian Citizenship (Amendment) Act, 2003 stipule que toute personne née en Inde entre le 26 janvier 1950 et le 1er juillet 1987 est un citoyen de l’Inde par la naissance. Conformément à cette disposition, Mme Namgyal devrait donc avoir accès à la citoyenneté indienne de plein droit.

[6]               Malgré ce changement législatif, le gouvernement indien fait obstacle à la reconnaissance de la citoyenneté des personnes dans la position de Mme Namgyal, et les personnes d’origine ethnique tibétaine rencontrent des difficultés importantes pour obtenir la reconnaissance de leur citoyenneté indienne. Plusieurs personnes ont cependant réussi à faire reconnaître leur citoyenneté indienne par les tribunaux indiens.

[7]               En 2009, la Haute Cour de Delhi a conclu qu’une personne d’origine ethnique tibétaine née en Inde en 1986 possédait la citoyenneté indienne de naissance et avait ainsi droit à un passeport indien. La Cour a de plus établi qu’un citoyen indien de naissance n’est pas tenu de demander la citoyenneté : Namgyal Dolkar v. Government of India, Ministry of External Affairs, [2010] INDLHC 6118, CW 12179/2009 (22 décembre 2010).

[8]               Dans une seconde décision de la Haute Cour indienne, de l’État du Karnataka, la Cour a une fois de plus conclu qu’un tibétain d’origine indienne avait droit à la citoyenneté indienne de plein droit : Tenzin Rinpoché v. Union of India, Ministry of External Affairs, [2013] INKAHC, WP 15437/2013 (7 août 2013).

[9]               Enfin, dans Phuntsok Topden v. Union of India, [2014] INDLHC, WP 1890/2013 (16 décembre 2014), le gouvernement indien a finalement concédé que le demandeur dans cette affaire avait droit à la citoyenneté du fait qu’il soit né en Inde au cours de la période en question.

[10]           Par ailleurs, en février 2014, le ministre indien de la Justice a déclaré à un groupe de Tibétains nés en Inde que le gouvernement indien leur avait donné tant le droit de vote que le droit à la citoyenneté, et qu’ils pouvaient désormais s’inscrire en tant que citoyens de l’Inde. Cela dit, le Bureau du Tibet à New York (qui représente le Dalaï Lama et l’Administration centrale tibétaine en Amérique du Nord) a déclaré n’avoir été mis au fait d’aucun cas où un individu a vu sa citoyenneté indienne reconnue par le gouvernement de l’Inde du seul fait de sa naissance dans ce pays pendant la période en question.

II.                La décision de la Section de la protection des réfugiés

[11]           La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile de Mme Namgyal parce qu’elle était une citoyenne de l’Inde, et non pas de la Chine, et qu’elle n’aurait pas une crainte justifiée de persécution si elle était renvoyée dans son pays de nationalité.

[12]           Malgré les difficultés évoquées plus haut dans ces motifs, la SPR a conclu que l’obtention de la citoyenneté indienne était une question qui dépendait de la volonté de Mme Namgyal, satisfaisant ainsi au critère énoncé dans Williams c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CAF 126, [2005] 3 RCF 429. Dans l’affaire Williams, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une personne n’a pas le droit d’obtenir l’asile au Canada si elle peut, par de simples formalités, acquérir la citoyenneté dans un pays sûr ou si elle a la faculté de l’obtenir : aux paragraphes 19 à 23. Dans l’arrêt Williams, la Cour a ajouté que lorsque la citoyenneté d’un autre pays sûr peut être réclamée, le demandeur est censé entreprendre des démarches pour l’obtenir : au paragraphe 27.

[13]           En concluant que Mme Namgyal avait la possibilité de réclamer sa citoyenneté indienne si elle le désirait, la SPR a adopté le raisonnement formulé dans Tretsetsang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 455, [2015] 4 RCF 521. Dans cette affaire, le juge Mosley a conclu que si le demandeur avait demandé des documents relatifs à la citoyenneté tels qu’un passeport et qu’ils lui ont été refusés, il pouvait intenter un recours judiciaire similaire à ceux décrits ci-dessus. Dans l’arrêt Williams, la Cour d’appel a conclu que lorsque la citoyenneté d’un autre pays sûr peut être réclamée, le demandeur est censé entreprendre des démarches pour l’obtenir : Williams, au paragraphe 27. Selon le juge Mosley, le même principe semblerait s’appliquer à l’exercice de droits conférés par la loi au demandeur, en tant que citoyen, en dépit des efforts d’obstruction déployés par les fonctionnaires : paragraphe 30.

[14]           M. Tretsetsang n’avait de toute évidence jamais tenté d’obtenir ou d’exercer les droits relatifs à la citoyenneté indienne. Il pose simplement comme hypothèse qu’il ne sera pas en mesure de le faire, malgré la législation et la jurisprudence en sa faveur. À mon avis, il ne peut demander l’asile au Canada sans faire quelque effort que ce soit pour se réclamer de la nationalité indienne, à laquelle il a droit dans ce pays.

[15]           En revanche, dans l’affaire devant notre Cour, Mme Namgyal a fait des démarches pour faire reconnaître sa citoyenneté. Elle a sollicité les conseils d’un avocat en Inde qui lui a affirmé que les réfugiés tibétains en Inde n’avaient pas droit à la citoyenneté indienne en vertu de la loi indienne. Mme Namgyal a déposé à la Commission des copies de deux opinions écrites de l’avocat. La première lettre explique que les réfugiés tibétains en Inde n’ont pas droit à la citoyenneté indienne et, de plus, qu’aucune disposition de la loi indienne ne prévoit la double citoyenneté. Dans sa seconde lettre, l’avocat affirme que Mme Namgyal ne dispose pas des documents nécessaires pour accéder à la citoyenneté indienne.

[16]           La Section de la protection des réfugiés a choisi de ne donner aucun poids aux opinions juridiques déposées par Mme Namgyal, en partie, parce qu’il n’y avait aucune preuve que l’auteur était un expert en droit indien de la citoyenneté, et en partie parce que la Commission avait des préoccupations relatives au moment de production des lettres. Bien que les motifs de la SPR ne soient pas tout à fait clairs sur ce point, il semble qu’elle puisse avoir eu quelques préoccupations en ce qui concerne l’authenticité des documents.

III.             La décision de la Section d’appel des réfugiés

[17]           Appliquant la norme de contrôle déterminée par notre Cour dans Huruglica c. Canada  Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 799, 461 FTR 241, confirmé par 2016 CAF 93, 396 DLR (4th) 527, la SAR a déterminé que la décision de la SPR devait être confirmée.

[18]           En examinant de nouveau la preuve comme elle était tenue de le faire, la SAR en est venue à une conclusion différente de la SPR en ce qui concerne l’importance des avis juridiques obtenus par Mme Namgyal. La SAR a choisi de donner peu de poids aux opinions, et non de ne leur donner aucune importance que ce soit. Les motifs de la SAR ne sont pas aussi clairs qu’ils pourraient l’être, mais le fait qu’elle ait choisi de ne donner que peu de poids ou un certain poids, aux documents suggère qu’elle n’était pas préoccupée par leur authenticité. La SAR a affirmé qu’elle leur donnait peu de poids parce que rien n’empêchait Mme Namgyal [traduction] « de renoncer à son statut d’étrangère en [wInde] ». La SAR n’a pas abordé l’affirmation formulée dans l’opinion de l’avocat selon laquelle Mme Namgyal n’avait pas les documents nécessaires pour accéder à la citoyenneté indienne.

[19]           Puisque Mme Namgyal n’avait jamais demandé un passeport indien ou [traduction] « fait d’autres démarches pour se prévaloir des droits associés à sa citoyenneté indienne », la SAR a affirmé qu’il était impossible de savoir si les autorités indiennes auraient refusé sa demande. Ainsi, la SAR a conclu qu’[traduction] « elle n’a pas tenté de voir s’il ne dépendait que d’elle pour obtenir les droits associés à la citoyenneté indienne ».

[20]           La SAR a fait observer que notre Cour avait rendu des décisions contradictoires quant à la question de savoir si la citoyenneté indienne relève du contrôle des personnes dans la même situation que Mme Namgyal. La SAR a néanmoins adopté le raisonnement du juge Mosley dans Tretsetsang, et a confirmé qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que Mme Namgyal ait pris des mesures supplémentaires pour obtenir la reconnaissance de sa citoyenneté indienne, plutôt que de simplement se fier aux opinions juridiques « non vérifiées » qu’elle avait obtenues.

[21]           En arrivant à cette conclusion, la SAR a examiné la preuve dont nous avons déjà discuté en ce qui concerne les décisions des tribunaux indiens portant sur les droits relatifs à la citoyenneté des Tibétains nés en Inde, et sur l’octroi du droit de vote à ces mêmes personnes. La SAR a conclu que Mme Namgyal était une citoyenne de l’Inde de naissance et qu’en raison de [traduction] « sa décision de ne pas exercer son droit à la citoyenneté indienne, elle ne peut demander l’asile au Canada ». L’appel de Mme Namgyal à la SAR a donc été rejeté.

IV.             La décision de la Cour d’appel fédérale dans Tretsetsang

[22]           Après que la SAR eut rendu sa décision dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans Tretsetsang. Dans une décision partagée, la Cour a confirmé le jugement du juge Mosley.

[23]           Dans sa décision dissidente, le juge Rennie a estimé que s’il est nécessaire pour une personne de porter sa cause devant les tribunaux pour que l’État étranger reconnaisse son droit à la citoyenneté, on peut alors présumer que la citoyenneté est hors de son contrôle. Le juge Rennie a souligné que plusieurs facteurs l’ont amené à tirer cette conclusion. D’abord, le fait que le demandeur doive porter sa cause devant les tribunaux contre l’État étranger prouve que cet État ne reconnaît pas ses droits à la citoyenneté et qu’au contraire il s’y oppose. Ensuite, rien ne garantit qu’un demandeur obtiendra gain de cause. Enfin, un demandeur peut ne pas avoir les ressources nécessaires pour intenter de telles procédures : Tretsetsang FCA, précité, au paragraphe 34.

[24]           La majorité était d’accord avec le juge Rennie que le critère pour déterminer si un demandeur a un « pays de nationalité » est le critère du contrôle exposé dans l’arrêt Williams. La majorité a ensuite établi qu’il incombe au demandeur d’établir l’existence de l’empêchement allégué se traduisant par le fait que le demandeur n’ait pas le pouvoir de contrôler si l’Inde va reconnaître sa nationalité indienne. La majorité a en outre conclu qu’un obstacle mineur ne suffit pas pour porter l’affaire hors du contrôle de l’individu; au contraire, l’empêchement doit être important : Tretsetsang, précité, au paragraphe 67.

[25]           La majorité a adopté, comme dans la décision Williams, que l’absence de volonté d’un demandeur d’asile à accomplir les démarches nécessaires pour obtenir la protection de l’État entraîne le rejet de la demande d’asile. La majorité a aussi convenu que, puisque la citoyenneté a été accordée à M. Tretsetsang par le Indian Citizenship Act, 1955, il était loisible à la Commission de tirer des conclusions raisonnables de son omission de prendre des mesures raisonnables pour faire reconnaître sa citoyenneté, et que son omission de le faire constitue une preuve pertinente et importante concernant la question du contrôle : Tretsetsang, précité, au paragraphe 69.

[26]           Par une décision majoritaire, la Cour a en outre conclu que si un demandeur d’asile ne prend aucune mesure pour confirmer si le pays concerné le reconnaîtra comme un citoyen de ce pays, cette inaction, en l’absence d’une explication raisonnable, sera fatale à sa demande d’asile : Tretsetsang, précité, au paragraphe 70.

[27]           Par conséquent, le demandeur qui allègue l’existence d’un obstacle à l’exercice de son droit à la citoyenneté dans un pays donné doit établir, selon la prépondérance des probabilités :

a)                  qu’il existe un obstacle important qui pourrait raisonnablement être considéré comme pouvant l’empêcher de se prévaloir de son droit à la protection de l’État que lui confère la citoyenneté dans le pays dont il a la nationalité;

b)                  qu’il a fait des efforts raisonnables pour surmonter ces obstacles, mais que ces efforts ont été vains et qu’il n’a pu obtenir la protection de l’État.

Tretsetsang, précité, au paragraphe 72.

[28]           La Cour a conclu en maintenant que ce qui constitue des « efforts raisonnables » pour surmonter un obstacle important dans une situation donnée ne peut être déterminé au cas par cas. Un demandeur d’asile n’est pas obligé de faire des efforts pour surmonter un obstacle, s’il peut démontrer qu’il ne serait pas raisonnable d’exiger de lui de le faire : Tretsetsang, précité, au paragraphe 73.

[29]           M. Tretsetsang n’avait entrepris aucune démarche pour déterminer si l’Inde reconnaîtrait son droit à la citoyenneté en vertu du Indian Citizenship Act, 1955 sans qu’il ait à s’adresser aux tribunaux, et il n’avait fourni aucune explication motivant son refus de le faire. Par conséquent, la majorité a conclu qu’il n’avait pas établi qu’il y eut quelque obstacle que ce soit, et encore moins un empêchement important, à sa capacité de se prévaloir de son droit à la protection de l’État inhérent à la citoyenneté indienne. Par conséquent, l’appel de M. Tretsetsang a été rejeté.

V.                Analyse

[30]           La question soulevée en l’espèce porte sur une question mixte de fait et de droit. Ainsi, la norme de contrôle applicable à l’égard de la conclusion de la SAR est celle du caractère raisonnable : Tretsetsang, précité, au paragraphe 61. La question à trancher est donc si la décision de la SAR, dans cette affaire, était raisonnable compte tenu de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Tretsetsang.

[31]           La SAR a conclu que, conformément à la législation indienne sur la citoyenneté, Mme Namgyal était une citoyenne de ce pays en raison de sa naissance en Inde au cours de la période pertinente. La SAR n’a toutefois pas expressément déterminé si Mme Namgyal ferait face à un obstacle important en essayant de faire reconnaître sa citoyenneté indienne par le gouvernement indien. C’est problématique, en particulier à la lumière de la preuve émanant du Bureau du Tibet à New York dont disposait la Commission. On se souviendra que le Bureau n’est pas au courant d’un seul cas où une personne dans la situation de Mme Namgyal a pu faire reconnaître sa citoyenneté indienne par le gouvernement de l’Inde du seul fait d’être né en Inde pendant la période pertinente.

[32]           Si la SAR était d’avis que, compte tenu des décisions des tribunaux indiens, le gouvernement indien avait abandonné son opposition historique à la reconnaissance de la citoyenneté indienne des réfugiés tibétains nés en Inde, et reconnaissait la citoyenneté indienne de Mme Namgyal sans qu’elle ait à porter l’affaire devant les tribunaux, alors elle devait le mentionner. Ensuite, elle devrait également expliquer comment elle est arrivée à cette conclusion à la lumière de la preuve fournie par le Bureau du Tibet à New York.

[33]           Si, en revanche, la SAR était d’avis que Mme Namgyal pourrait faire reconnaître sa citoyenneté indienne par les tribunaux, elle devait expliquer pourquoi cela ne constituait pas un « obstacle important » empêchant Mme Namgyal d’exercer ses droits de citoyenneté en Inde.

[34]           Le deuxième volet du critère établi dans Tretsetsang exigeait que la SAR examine si Mme Namgyal avait fait des efforts raisonnables pour surmonter les obstacles à la reconnaissance de sa citoyenneté.

[35]           Mme Namgyal a un niveau de scolarité équivalant à une troisième année. Elle souhaitait être reconnue comme citoyenne de l’Inde par le gouvernement indien, et elle a demandé l’assistance d’un avocat à ce sujet. Mme Namgyal a ensuite reçu des opinions juridiques écrites l’informant qu’elle n’avait pas droit à la citoyenneté indienne en vertu de la loi indienne.

[36]           Il ne s’agit pas de savoir si les opinions juridiques étaient correctes, ou si elles ont été fournies par un avocat ayant une expertise en droit indien de la citoyenneté. La question à trancher par la SAR était s’il était raisonnable que Mme Namgyal se fie aux opinions juridiques qu’elle a reçues, ou si on avait raisonnablement dû s’attendre à ce qu’elle fasse quoi que ce soit d’autre pour faire reconnaître sa citoyenneté indienne.

[37]           S’appuyant sur la décision de notre Cour dans Tretsetsang, la SAR a conclu que puisque Mme Namgyal n’avait jamais fait de demande de passeport indien ou fait d’autres démarches pour se prévaloir des droits associés à sa citoyenneté indienne, il était impossible de savoir si les autorités indiennes auraient refusé sa demande. Ainsi, la SAR a conclu qu’elle n’a pas tenté de voir s’il ne dépendait que d’elle pour obtenir les droits associés à la citoyenneté indienne. Sa demande d’asile donc a été rejetée.

[38]           Toutefois, la SAR n’a pas effectué l’analyse au cas par cas prescrite par la Cour d’appel fédérale dans Tretsetsang. Autrement dit, la SAR n’a jamais expressément examiné s’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une personne dans la situation de Mme Namgyal, revêtant ses attributs particuliers (y compris son faible niveau d’instruction), fasse des démarches supplémentaires pour tenter de faire reconnaître sa citoyenneté indienne, une fois qu’elle eut obtenu un avis l’informant qu’elle n’avait pas droit à la citoyenneté indienne en vertu du droit indien sur la citoyenneté.

[39]           La SAR ne peut être blâmée d’avoir omis de se poser cette question, car elle ne pouvait s’appuyer sur la décision Tretsetsang lorsqu’elle a pris sa décision. Toutefois, l’effet de son omission de le faire est qu’elle n’a pas examiné si les démarches entreprises par cette personne en particulier, possédant son faible niveau d’instruction, étaient raisonnables et suffisantes dans toutes les circonstances.

VI.             Conclusion

[40]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Je suis d’accord avec les parties qu’à la lumière de l’analyse au cas par cas prescrite dans Tretsetsang, l’affaire ne soulève aucune question qui se prêterait à la certification.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour une nouvelle décision conforme aux présents motifs.

« Anne L. Mactavish »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5687-15

 

INTITULÉ :

CHIME NAMGYAL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 août 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt

 

Pour la demanderesse

 

Eleanor Elstub

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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