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Date : 20160927


Dossier : T-1584-15

Référence : 2016 CF 1084

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2016

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

ABDULLA AHMAD HASSOUNA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS :

[1]               Le ministre sollicite, conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales, une ordonnance de radiation de l’affidavit de l’expert du demandeur, Andrew Robert Vineberg, assermenté le 2 juin 2016, ou, subsidiairement, une ordonnance radiant un certain nombre de paragraphes de l’affidavit.

[2]               Cette demande constitue l’une des causes types de contestation de la constitutionnalité de la révocation ou de la proposition de révocation de la citoyenneté pour motifs de fraude ou de fausse déclaration en vertu de la Loi sur la citoyenneté, L.C. 1985, ch. C-29, telle que modifiée par la Loi renforçant la citoyenneté canadienne, L.C., 2014, ch. 22.

[3]               Le ministre soutient que l’affidavit en question doit être radié dans son intégralité, car M. Vineberg, l’expert proposé, n’a pas une [traduction] « expertise actuelle et particulière de la révocation de la citoyenneté reliée à l’objet de l’instance » et « son affidavit contient des opinions qui ne sont pas pertinentes aux questions juridiques communes et qui sont sans fondement factuel ».

[4]               Le demandeur soutient que cette requête est prématurée [traduction] « parce que la Cour ne connaît pas encore l’objet de l’affidavit [puisque le mémoire des arguments du demandeur n’a pas encore été déposé] pour établir sa pertinence, et pour déterminer si le déclarant a l’expertise nécessaire ».

[5]               Le demandeur répond à la requête en informant la Cour que [traduction« M. Vineberg est reconnu pour son expertise sur la structure et les activités de la Direction générale du règlement des cas (« DGRC ») de Citoyenneté et Immigration Canada, maintenant Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC »). Il est attesté qu’il est reconnu [TRADUCTION] « non pas comme un expert du processus de révocation de la citoyenneté en particulier, mais comme un expert sur le fonctionnement de la DGRC et d’IRCC et de la liberté des décideurs à l’égard de toute influence et, une personne raisonnable estimerait qu’il agit de manière indépendante et impartiale ». On allègue que [TRADUCTION] « M. Vineberg est manifestement qualifié, ayant assumé le poste de directeur général/directeur d’IRCC, pendant 14 ans, soit de 1994 à 2008 ».

[6]               Comme le reconnaît le ministre, la question de savoir si un affidavit doit être radié en partie ou dans sa totalité est une question qu’il vaut généralement mieux laisser trancher par le juge saisi de la demande sur le fond. Néanmoins, une décision peut être prise par un juge des requêtes lorsque la totalité ou une partie d’un affidavit est « de toute évidence dénuée de pertinence » : GlaxoSmithKline Inc c. Apotex Inc, 2003 CF 920, au paragraphe 4; ou « lorsque l’existence d’un préjudice est démontrée et que la preuve est de toute évidence dénuée de pertinence » : Canadian Tire Corp. c. P.S. Partsource Inc, 2001 CAF 8.

[7]               Dans ce cas-ci, le ministre fait valoir que, en tant que juge chargé de la gestion de l’instance, je suis en mesure de prendre une décision sur la pertinence de l’affidavit à la lumière des questions qu’il faudra aborder lors de la prochaine audience sur les causes types.

[8]               Après avoir examiné les exposés des deux parties et lu la déclaration et la transcription du contre-interrogatoire de M. Vineberg, j’ai déterminé qu’il n’est pas approprié de radier l’affidavit dans son intégralité. La preuve apportée par M. Vineberg quant [traduction] « au fonctionnement de la DGRC et d’IRCC et sur la mesure dans laquelle les décideurs sont libres de toute influence » peut être pertinente aux questions communes. Ses connaissances et son « expertise » dans ce domaine peuvent dater un peu, mais cela touche à la valeur probante et non à l’admissibilité. Je n’arrive cependant pas à cerner pourquoi il aurait quelque expertise que ce soit pour exprimer une opinion sur les circonstances où une personne raisonnable pourrait estimer que les fonctionnaires de la DGRC ou d’IRCC agissent de manière indépendante et impartiale. Cette conviction est renforcée par sa déclaration en contre-interrogatoire suivant laquelle il [traduction] « n’est pas mieux placé qu’un juge de la Cour fédérale disposant d’un fondement factuel approprié pour tirer une conclusion sur l’équité de ce processus [de révocation] ».

[9]               Le demandeur admet que M. Vineberg n’est pas reconnu comme un expert du processus de révocation de la citoyenneté. Il peut cependant confirmer, en partie, les processus ancien et actuel de révocation de la citoyenneté, et exprimer des opinions à ce sujet. Il semble connaître le processus qui était suivi sous l’ancien régime de révocation. Son témoignage sur le régime actuel semble être fondé sur des ouï-dire, et le juge saisi de la demande déterminera donc du poids qui doit lui être accordé. Néanmoins, comme il n’est pas présenté comme un expert en matière de révocation, son témoignage d’opinion à cet égard est irrecevable (et manifestement sans pertinence) et doit être radié. En conséquence, les passages suivants de l’affidavit sont radiés : la dernière phrase du paragraphe 14, le paragraphe 22, le paragraphe 26, le paragraphe 27, les deux premières phrases et la dernière phrase du paragraphe 28, le paragraphe 33, le paragraphe 37, et le paragraphe 39.

[10]           Les paragraphes 29 et 30, dont le ministre sollicite la radiation, traitent du processus d’examen des risques avant renvoi. Il n’est pas évident à ce moment-ci si ces paragraphes sont importants pour la détermination des questions communes; cependant, j’estime qu’il serait prématuré de les radier sans avoir pris connaissance du mémoire des arguments du demandeur.


ORDONNANCE

La Cour ordonne que soient radiés la dernière phrase du paragraphe 14, le paragraphe 22, le paragraphe 26, le paragraphe 27, les deux premières phrases et la dernière phrase du paragraphe 28, le paragraphe 33, le paragraphe 37, et paragraphe 39 de l’affidavit de Robert Andrew Vineberg assermenté le 2 juin 2016.

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1584-15

 

INTITULÉ :

ABDULLA AHMAD HASSOUNA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

REQUÊTE ÉCRITE CONSIDÉRÉE À OTTAWA (ONTARIO) SANS COMPARUTION DES PARTIES

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 septembre 2016

 

OBSERVATIONS ÉCRITES DE :

Lorne Waldman

Pour le demandeur

 

Mary Matthews

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lorne Waldman Professional Corporation

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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