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Date : 20161021


Dossier : IMM-4317-16

Référence : 2016 CF 1186

Ottawa (Ontario), le 21 octobre 2016

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

Et

JING LIN SUN

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Le 14 octobre 2016, mon collègue le juge Denis Gascon émettait une ordonnance de sursis intérimaire permettant que la détention de la défenderesse, Jing Lin Sun, puisse continuer jusqu’à ce que le demandeur, le ministre de la Sécurité publique et de la protection civile, puisse présenter une demande de sursis de manière à permettre à ce que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée par le ministre puisse faire l’objet d’une décision. Ces mesures étaient jugées nécessaires parce qu’un commissaire de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada avait décidé, le 13 octobre dernier, de remettre la défenderesse en liberté alors qu’elle était détenue en attente de son expulsion du Canada. La demande de sursis est en soutien à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de la décision d’un commissaire de la Section d’immigration qui a levé la détention de Mme Sun le 13 octobre 2016, lui imposant des conditions sévères de remise en liberté.

[2]               Il n’est pas nécessaire de faire un long exposé des faits. La défenderesse est une citoyenne chinoise maintenant âgée de 60 ans. Elle a obtenu le statut de résidente permanente après son arrivée au Canada en 1997, alors qu’elle était parrainée par son mari. De 1999 à 2011, elle a été reconnu coupable de neuf accusations criminelles. Celles-ci allaient de la fraude et du vol de moins de 5,000.00 $ jusqu’à avoir triché aux jeux, méfait public et avoir omis de comparaître. En 2002, elle avait été reconnu coupable d’être une tenancière de maison de débauche, mais c’est le jugement rendu en mai 2011 qui lui a valu une peine d’emprisonnement de quatre années de pénitencier. Les autres infractions, sauf celle de méfait public, ont été punies par des amendes. Elle fait l’objet d’une mesure d’expulsion depuis le 2 septembre 2015.

[3]               La défenderesse était incarcérée dans un pénitencier fédéral jusqu’au 10 juin 2016, ayant été reconnue coupable le 9 mai 2011 d’agression sexuelle ainsi que de l’infraction prévue à l’article 171 du Code criminel, LRC (1985), ch C-46. Outre que ces infractions très sérieuses impliquaient un enfant, les détails précis des infractions ne sont pas connus aux fins de la présente décision. Il ne s’agit pas de punir davantage Mme Sun pour les infractions déjà punies. Par ailleurs, malgré la gravité des infractions, elle avait obtenu la libération sous conditions durant la période au cours de laquelle elle portait son affaire en appel, cette libération conditionnelle ayant été accordée par la Cour d’appel sans que la couronne ne s’y objecte (17 mai 2011). Mme Sun a commencé à purger sa peine le 5 septembre 2013, une fois ses appels épuisés.

[4]               C’est à compter du 10 juin 2016, lors de sa libération du pénitencier, que la défenderesse est passée sous la juridiction du ministre de la Sécurité publique et de la protection civile en attente de son expulsion.

[5]               Comme la loi le requiert, des révisions des motifs de sa détention ont eu lieu depuis. Il y en a eu cinq : le 13 juin, le 20 juin, le 19 juillet, le 16 août et le 15septembre.

[6]               À la sixième révision, le 13 octobre, un nouveau commissaire choisissait de ne pas maintenir la détention de la défenderesse. L’une des questions soulevées était relative à des recours pendants. Il appert que l’on attend toujours une décision à être rendue sur une demande d’examen des risques avant renvoi [ERAR]. Malgré l’insistance de l’Agence des services frontaliers du Canada auprès du ministère de l’Immigration et de la citoyenneté, cette décision n’est toujours pas rendue. L’on en aurait été à plus de 60 jours d’attente au 14 octobre 2016. Il s’agit d’ailleurs d’une deuxième demande ERAR. La première, décidée le 10 mars 2016, a fait l’objet de contrôle judiciaire accordé de consentement, à la demande du gouvernement. Une fois la décision ERAR cassée, Mme Sun s’est vu conférée une période de temps pour bonifier ses arguments et l’affaire serait entre les mains d’un nouvel agent depuis le 10 août 2016. Au 13 octobre, plus de 60 jours s’étaient écoulés et la défenderesse était détenue depuis plus de quatre mois.

[7]               Essentiellement, la décision rendue le 13 octobre se distingue des autres en ce que le commissaire a été satisfait qu’il pourrait être imposées des conditions à la défenderesse qui feraient en sorte qu’elle ne constituerait pas un danger pour la sécurité publique ou qu’elle ne soustraira pas au renvoi lorsqu’il sera devenu exécutoire. Certaines des conditions étaient différentes de celles qui étaient discutées par les collègues du commissaire dans les décisions antérieures, en particulier du fait qu’elle serait assignée à la résidence du garant qui doit déposer 10,000.00 $. Le garant proposé était satisfaisant aux yeux du commissaire et il était différent d’autres garants proposés antérieurement.

[8]               C’est l’article 58 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [LIPR] qui s’applique en l’espèce. Les alinéas 58(1)a) et b) ainsi que le paragraphe 58(2) se lisent de la façon suivante :

Mise en liberté par la Section de l’immigration

Release — Immigration Division

58 (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l’étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

58 (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that

a) le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

(a) they are a danger to the public;

b) le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

[...]

[...]

Mise en détention par la Section de l’immigration

Detention — Immigration Division

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l’étranger sur preuve qu’il fait l’objet d’un contrôle, d’une enquête ou d’une mesure de renvoi et soit qu’il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu’il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête ou au renvoi.

(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

[9]               Pour avoir gain de cause sur le sursis demandé, le ministre doit satisfaire cette Cour, selon la balance des probabilités, que le test tripartite tiré des arrêts RJR-Macdonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR-Macdonald], et Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF), est satisfait. Ainsi, si le ministre échoue sur un quelconque des éléments de ce test, la demande de sursis doit être rejetée. Le test requiert :

1)                  que le demandeur du sursis établisse qu’une question sérieuse doit être débattue dans le recours sous-jacent. Ainsi, en l’espèce, le ministre demande par contrôle judiciaire que la décision de remettre en liberté soit cassée et, pour satisfaire au test, le ministre doit démontrer qu’il a un motif sérieux à invoquer à cet égard;

2)                  qu’un préjudice irréparable s’ensuivra si le sursis n’est pas accordé;

3)                  que la balance des inconvénients favorise le demandeur de sursis.

[10]           Le demandeur a prétendu qu’il suffisait pour satisfaire au premier élément du test que la question ne soit ni frivole, ni vexatoire. À mon avis, tel n’est pas l’état du droit. Le test est sensiblement plus élevé. En effet, il est de jurisprudence constante de cette Cour que si le sursis donne au demandeur de sursis le remède auquel il aspire sur contrôle judiciaire, le fait que la question ne serait ni vexatoire, ni futile ne suffit pas. Dans Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 RCF 682 [Wang], le juge Pelletier, alors de notre Cour, s’en remet à la décision de la Cour suprême dans RJR MacDonald. On peut lire au paragraphe 11 de sa décision :

[11]      Dans RJR--MacDonald Inc., précité, la Cour suprême du Canada a décidé que, dans le contexte constitutionnel, les juges des requêtes à qui on demande la délivrance d'une injonction interlocutoire ne doivent pas examiner au fond la demande sous-jacente plus que ce qui est nécessaire pour déterminer s'il y a une question sérieuse à trancher. Elle a toutefois précisé qu'il existait deux situations où la Cour doit procéder à un examen sur le fond, la première étant le cas où le résultat de la demande interlocutoire équivaudrait dans les faits à une décision sur la demande sous-jacente. [...] Ce n'est pas que le critère en trois volets ne s'applique pas, c'est que le volet du critère qui porte sur la question sérieuse se transforme en critère de vraisemblance que la demande sous-jacente soit accueillie, étant donné que l'octroi de la réparation recherchée dans la demande interlocutoire accordera au demandeur la réparation qu'il sollicite dans le cadre du contrôle judiciaire.

[11]           Le ministre, croyant qu’une question n’a qu’à ne pas être vexatoire ou frivole, aura fait une démonstration courte de la question sérieuse à être soulevée devant la Cour sur contrôle judicaire. Il a plaidé que la qualité du garant offert pour obtenir la remise en liberté de la défenderesse n’était pas suffisamment expliquée par le commissaire. Il ne croit pas non plus que le garant soit une personne appropriée. Pourtant, le commissaire a imposé la détention de la défenderesse à la résidence du garant et a requis le dépôt d’une somme de 10,000.00 $, somme qui, à l’évidence, n’est pas négligeable. Mme Sun ne peut quitter la résidence sans la présence du garant. Le ministre a soulevé que Mme Sun a déjà été trouvée coupable d’un défaut de comparaître pour lequel elle a reçu en peine un amende de 100.00 $. Toutefois, la défenderesse a obtenu un cautionnement en appel, après avoir été déclarée coupable et condamnée à purger une sentence de quatre ans de prison, et s’est présentée au pénitencier une fois que ses recours en appel ont échoué. Le désaccord avec la décision du commissaire n’en fait pas une décision qui ne tomberait pas parmi les issues possibles acceptables.

[12]           De plus, le demandeur de sursis se réclame de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Thanabalasingham, 2004 CAF 4, [2004] 3 RCF 572 [Thanabalasingham]. Selon le ministre, le commissaire « avait l’obligation d’expliquer clairement la raison pour laquelle il ne suit pas le raisonnement de ses collègues » (paragraphe 53 du mémoire des faits et du droit). À l’appui de cette prétention, l’on ne nous cite que la fin du paragraphe 24 de la décision de la Cour d’appel fédérale :

[...] les décisions antérieures ordonnant la détention d'une personne doivent être prises en compte lors de contrôles subséquents et la Section de l'immigration doit énoncer des motifs clairs et convaincants pour pouvoir aller à l'encontre des décisions antérieures.

Ce qui aura été malencontreusement omis est les premiers deux tiers du paragraphe :

Lors de tout contrôle des motifs de la détention effectué suivant les articles 57 et 58 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, la Section de l'immigration doit rendre une nouvelle décision quant à la question de savoir si une personne détenue devrait être maintenue en détention. Bien que le fardeau de preuve puisse être déplacé pour incomber au détenu une fois que le ministre a établi prima facie qu'il y a lieu de maintenir la détention, il incombe en fin de compte toujours au ministre, lors de tels contrôles des motifs de la détention, d'établir que la personne détenue constitue un danger pour la sécurité publique au Canada ou qu'elle risque de se soustraire à la justice. Cependant, les décisions antérieures ordonnant la détention d'une personne doivent être prises en compte lors de contrôles subséquents et la Section de l'immigration doit énoncer des motifs clairs et convaincants pour pouvoir aller à l'encontre des décisions antérieures.

[13]           Selon ma lecture de l’arrêt, la Cour d’appel fédérale reconnaît que chaque révision requiert une nouvelle décision sur la détention. La Cour n’a pas accepté la position du ministre « selon laquelle les conclusions tirées par les commissaires antérieurs devaient être maintenues en l’absence de nouvelle preuve. » (para7) La Cour conclut plutôt que le commissaire doit tenir compte des décisions antérieures, en rendant la sienne.

[14]           Il semble que des faits nouveaux puissent permettre d’aller à l’encontre de décisions antérieurs mais aussi « une nouvelle évaluation des éléments de preuve antérieurs fondée sur de nouvelles prétentions peut également être suffisante pour aller à l’encontre d’une décision antérieure. » (para 11)

[15]           Comme on le voit, le contexte fait foi de tout. Je n’ai trouvé nulle part d’argument selon lequel le commissaire, le 13 octobre dernier, n’avait pas considéré les décisions antérieures et il a énoncé, à mon avis, ses motifs pour lesquels il pouvait se distinguer des commissaires précédents. Que ces motifs soient suffisamment convaincants peut faire l’objet d’un débat. Mais on ne peut pas dire que le commissaire a passé outre à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

[16]           À ce stade, le fardeau du ministre n’est donc pas celui dont on a cherché à se décharger. Le ministre devait démontrer la vraisemblance de la question sous-jacente pour qu’elle soit une question sérieuse. Puisque la norme de contrôle en cette matière sera le caractère raisonnable de la décision rendue le 13 octobre, il fallait démontrer que vraisemblablement la décision était déraisonnable en ce qu’elle ne rencontre pas les critères de justification, de transparence et d’intelligibilité; et qu’elle n’est pas l’une des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au para 47). Le test n’est pas qu’une question ni frivole, ni vexatoire se pose. La démonstration requise est plus élevée.

[17]           Ce sera cependant au contrôle judiciaire de traiter de cette question à fond puisque je ne suis pas convaincu qu’une question sérieuse, au sens de Wang et RJR MacDonald, se pose en l’espèce. Il n’y a pas lieu de disposer du fond du litige. Tel n’est pas l’exercice auquel nous sommes conviés. Il suffit de constater que le test de la vraisemblance n’a pas été rencontré en cette espèce particulière.

[18]           Mais il y a plus. Au chapitre du préjudice irréparable, le demandeur se contente de déclarer que la libération de la défenderesse est un préjudice irréparable parce qu’elle constitue un danger pour le public et qu’elle risque de ne pas se présenter si elle doit être renvoyée. Il s’agit là, au mieux, d’un argument circulaire. Le standard auquel un demandeur de sursis est tenu est autre. Il n’est pas approprié, selon moi, de tenter de prétendre comme semble le faire le demandeur que ce qui importe en fin de compte est la question sérieuse. La satisfaction des deux autres critères s’ensuivrait. De fait, lorsque l’on s’y arrête, la position de la couronne en l’espèce est de dire que la question sérieuse n’a qu’à être ni frivole, ni vexatoire et que le préjudice irréparable en découle du fait que cette personne a été détenue par le passé en raison des craintes quant au danger qu’elle pourrait poser pour le public et au risque de fuite.

[19]           Dans Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 112, le juge Stratas a déclaré avec emphase :

[19]      Chaque volet du critère ajoute un élément important. C'est pourquoi aucun d'entre eux ne saurait être facultatif. L'objet fondamental du critère se trouverait compromis s'il en était autrement.

[20]      Le critère vise à reconnaître que la suspension de ce qui est juridiquement contraignant et exécutoire — qu'il s'agisse d'une décision judiciaire, d'une mesure légale, ou du droit conféré par la loi à un organisme subalterne d'exercer sa compétence — est une mesure des plus importantes : Mylan Pharmaceuticals ULC c. AstraZeneca Canada Inc., 2011 CAF 312, au paragraphe 5. Le caractère contraignant et obligatoire de la loi — ce que j'appellerai la « légalité » — a son importance. Il s'agit en fait d'une composante de la primauté du droit, d'un principe constitutionnel : ColombieBritannique c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2005 CSC 49, [2005] 2 R.C.S. 473, au paragraphe 58.

[21]      Par conséquent, la Cour ne devrait accorder une suspension ou un sursis que si chacun des trois volets du critère, et les principes qui s'y rapportent, penchent en faveur de la suspension temporaire du principe de la légalité.

[20]           Qu’en est-il donc du préjudice irréparable? Suffit-il de l’invoquer? Le juge Stratas ne le croit pas. Dans Gateway City Church c Canada (Revenu national), 2013 CAF 126, il disait ceci :

[15]      Les affirmations générales ne peuvent établir l’existence d’un préjudice irréparable, car elles ne prouvent rien :

Il est beaucoup trop facile pour ceux qui demandent un sursis dans une affaire comme celleci d’énumérer diverses difficultés, de les qualifier de graves, puis, au moment de préciser le préjudice qui risque d’en découler, d’employer des termes généraux et expressifs qui ne servent pour l’essentiel qu’à affirmer – et non à prouver à la satisfaction de la Cour – que le préjudice est irréparable.

(Première Nation de Stoney c. Shotclose, 2011 CAF 232, au paragraphe 48.) En conséquence, « [l]es hypothèses, les conjectures et les affirmations discutables non étayées par les preuves n’ont aucune valeur probante » : Glooscap Heritage Society c. Ministre du Revenu national, 2012 CAF 255, au paragraphe 31.

[16]      Il faut plutôt « produire des éléments de preuve suffisamment probants, dont il ressort une forte probabilité que, faute de sursis, un préjudice irréparable sera inévitablement causé » : arrêt Glooscap, précité, au paragraphe 31. Voir également Dywidag Systems International, Canada, Ltd. c. Garford Pty Ltd., 2010 CAF 232, au paragraphe 14; Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25, 268 N.R. 328, au paragraphe 12; Laperrière c. D. et A. MacLeod Company Ltd., 2010 CAF 84, au paragraphe 17.

Dans notre affaire, il m’est apparu que le demandeur de sursis a pris pour acquis les dangers qu’il devait prouver pour obtenir ce sursis. De toute évidence, le commissaire était satisfait le 13 octobre dernier que la défenderesse ne constitue pas un danger pour la sécurité publique et qu’elle ne se soustraira pas à son renvoi en lui imposant des mesures coercitives. Or, le texte même de l’article 58 de la LIPR établit que c’est au ministre qu’incombe le fardeau de faire cette démonstration. Cette démonstration doit être faite à répétition. De toute évidence, elle n’a pas été faite à la satisfaction du commissaire le 13 octobre dernier. Dans Thanabalasingham, le juge Rothstein écrivait au paragraphe 8 de sa décision :

[8]        Rien dans les nouveaux articles 57 et 58 ne montre que le raisonnement du juge MacKay ne devrait pas continuer à s'appliquer aux audiences relatives au contrôle des motifs de la détention suivant la nouvelle loi. Comme le faisaient les arbitres suivant l'ancienne loi, la Section de l'immigration contrôle « les motifs justifiant le maintien en détention » [non souligné dans l'original]. La nouvelle loi ne fait pas non plus de distinction entre le premier contrôle des motifs de la détention et les contrôles subséquents pas plus qu'elle impose des exigences à l'égard de la preuve devant être soumise. Plutôt, lors de chaque audience, le commissaire doit décider à nouveau si le maintien de la détention est justifié.

[21]           En notre espèce, l’existence du préjudice irréparable n’a pas été démontrée. Les éléments de preuve suffisamment probants établissant une forte probabilité qu’un préjudice irréparable sera inévitablement causé n’ont pas été établis. L’avocat a répété à l’audience que tout est possible et que la défenderesse pourrait faire faux bond aux conditions. Malheureusement, tel n’est pas le test. Je ne doute aucunement que des circonstances justifient l’inférence qu’un préjudice irréparable pourra découler d’une décision de remettre en liberté. J’admets même qu’une question sérieuse forte, par exemple que l’exercice de discrétion du commissaire est tout à fait arbitraire, et que le passé du détenu est probant de ce qu’il fera dans l’avenir, puissent améliorer l’argument du préjudice irréparable ou la balance des inconvénients (Longley v Canada (Attorney General), 2007 ONCA 149). C’est que, dans ce cas-ci, cette démonstration n’a pas été faite à la satisfaction de la Cour.

[22]           J’ajoute que dans les circonstances la balance des inconvénients favorise évidemment la défenderesse puisque son intérêt d’être remise en liberté relative, c’est-à-dire de ne pas être détenue dans une institution mais de plutôt être détenue à résidence, l’emporte sur l’intérêt du ministre de la détenir sans que n’ait été établi le préjudice irréparable ou même une question sérieuse au sens de l’arrêt Wang. À mon sens, il faut donner un poids certain aux intérêts de liberté et, comme le notait le juge Rothstein dans Thanabalasingham, « [l]es décisions à l'égard de la détention doivent être rendues en prenant en compte l'article 7 de la Charte » (para 14).

[23]           Qu’il me soit permis de citer au long le dernier paragraphe de la décision dans Thanabalasingham :

[25]      Le ministre peut, en tout temps, arrêter de nouveau l'intimé et assurer sa détention et le maintien de la détention sur le fondement d'éléments de preuve appropriés. Le ministre, s'il est d'avis que l'intimé constitue un danger pour la sécurité publique, devrait prendre les mesures à sa disposition suivant la nouvelle loi afin d'assurer la détention de l'intimé.

[24]           Les conditions de remise en liberté me semblent sévères et la défenderesse (et aussi son garant d’ailleurs) aurait tout avantage à les prendre très au sérieux.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La demande de sursis de la décision d’un commissaire de la Section d’immigration du 13 octobre 2016 qui permettait de remettre Mme Sun en liberté sous conditions est rejetée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4317-16

 

INTITULÉ :

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c JING LIN SUN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 21 octobre 2016

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 octobre 2016

 

COMPARUTIONS :

Me Lynne Lazaroff

Me Margarita Tzavelakos

 

Pour la partie demanderesse

 

Me Marie-Pierre Labbé

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour la partie demanderesse

 

Me Marie-Pierre Labbé

Avocat(e)

Ottawa (Ontario)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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