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Date : 20170728


Dossier : IMM-5147-16

Référence : 2017 CF 736

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

HONG ZIN LIU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Hong Xin Liu [le demandeur] sur le fondement du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], à l’encontre de la nouvelle décision [la décision] du 8 novembre 2016 par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté l’appel de la décision du 26 août 2014 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a conclu, aux termes de la LIPR, qu’il n’avait qualité ni de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger.

[2]  Bien que la décision de la SPR ait été subséquemment confirmée en appel par la SAR, le juge Boswell, dans l’affaire Liu c Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2016 CF 811, a annulé la décision de la SAR et a ordonné que l’affaire fasse l’objet d’une nouvelle décision. Le présent contrôle judiciaire vise donc la deuxième décision de la SAR en appel de la même décision de la SPR.

[3]  Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine. Il est âgé de 38 ans, est marié et son épouse demeure en Chine. Il affirme qu’en juillet 2012, il a joint l’Église du Dieu tout-puissant [l’Église], aussi connue sous le nom d’« Éclair de l’Orient ». Il est bien établi que l’Église est activement réprimée par les autorités chinoises.

[4]  La SPR a rejeté la demande du demandeur pour les motifs de l’identité, un fondement subjectif de sa crainte, et de la crédibilité; il a conclu que le demandeur n’avait pas présenté d’éléments de preuve fiables pour établir son identité, qu’il manquait de crédibilité relativement à sa participation au groupe et qu’il n’était pas crédible dans ses explications à savoir comment il est parvenu à quitter la Chine sans présenter son passeport.

[5]  Lors du nouvel examen de l’appel devant la SAR, qui fait l’objet du présent contrôle, le demandeur a présenté d’autres éléments de preuve. Ils sont tous décrits ci‑après, et j’ai ajouté mes conclusions par la suite.

[6]  Le demandeur a présenté des photos représentant des activités religieuses ayant eu lieu le 29 décembre 2014. La SAR a conclu qu’elles répondaient aux critères du paragraphe 110(4) de la LIPR. Toutefois, la SAR a conclu que les photos n’ont pas renforcé la pertinence du processus de décision puisqu’elles étayaient d’autres photos antérieures de nature similaire qui avaient été soumises à la SPR. Par conséquent, elles n’ont pas été admises à titre de nouveaux éléments de preuve. À mon sens, cette décision était raisonnable au vu des faits et parce que la SAR est habilitée à rejeter des éléments de preuve sur le fondement de leur nouveauté, ainsi que sur le fondement de leur pertinence, de leur crédibilité et de leur caractère substantiel : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96 [Singh], aux paragraphes 39 à 49.

[7]  Le demandeur a présenté l’affidavit d’un ressortissant chinois au Canada qui a été déclaré réfugié au sens de la Convention en raison de ses croyances religieuses. Dans son affidavit, il indique qu’il croit que le demandeur est un fervent croyant et que les deux étudient leur religion ensemble depuis mars 2015. La SAR a souligné que le demandeur avait présenté des lettres semblables dans le cadre de son audience devant la SPR et a conclu qu’elles ne fournissaient aucun renseignement nouveau ou différent des autres lettres. Le renseignement supplémentaire de l’affidavit le plus récent est celui selon lequel l’affiant allègue qu’il a été déclaré réfugié au sens de la Convention en raison de ses croyances religieuses. Un autre affidavit présenté à titre de nouvel élément de preuve n’a pas été accepté comme tel puisqu’une lettre d’appui similaire avait déjà été déposée auprès de la SPR. À mon sens, ces décisions étaient raisonnables et conformes aux limites que la SAR doit respecter conformément à l’arrêt Singh.

[8]  Une autre lettre a été présentée par un membre de l’église de la congrégation canadienne du demandeur, qui indiquait que le demandeur l’avait convaincu de se joindre à l’Église et de la fréquenter. La SAR a souligné que la lettre diffère quelque peu des autres lettres présentées à la SPR et au premier tribunal de la SAR. Toutefois, la SAR a conclu que cette lettre contenait des renseignements démontrant que le demandeur est membre de l’Église et qu’elle serait considérée au même titre que les communications similaires dont disposait la SPR. Par conséquent, il semble que cet élément de preuve a été accepté.

[9]  La SAR a examiné une lettre provenant de l’épouse du demandeur, qui corroborait le contenu de l’exposé contenu dans le formulaire Fondement de la demande d’asile de ce dernier. La SAR n’a accordé aucun poids ni aucune crédibilité à cette lettre, puisqu’elle était fondée sur les allégations du demandeur concernant les arrestations par la police chinoise, lesquelles, comme il en sera question plus loin, ont été jugées non crédibles par la SAR; l’épouse a affirmé s’être vu remettre le mandat que la SAR a jugé frauduleux. De même, la SAR a rejeté les lettres présentées par la sœur de l’épouse du demandeur et par la sœur du demandeur, parce que ces lettres faisaient également référence à la citation à comparaître que la SAR a jugé frauduleuse. À mon humble avis, ces conclusions sont fondées sur la crédibilité, un motif qui peut justifier le rejet d’un nouvel élément de preuve conformément à l’arrêt Singh, et ont été raisonnablement tirées en l’espèce.

[10]  Comme la SAR n’a pas admis la majeure partie des nouveaux éléments de preuve, elle a refusé la demande d’audience du demandeur. De plus, la SAR a affirmé que la requête concernant la communication de vive voix avec l’épouse et la sœur du demandeur en Chine était aussi refusée en raison de la nature frauduleuse des communications reçues, à savoir la citation à comparaître frauduleuse.

[11]  La SAR n’a pas souscrit à plusieurs conclusions de la SPR, mais a tout de même confirmé la décision de la SPR pour les raisons suivantes :

  1. le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il a affirmé ne pas savoir pourquoi il avait été expulsé des É.‑U. étant donné qu’il avait acquis illégalement un visa lui permettant d’entrer dans ce pays. Sur ce point, la SAR était d’accord avec la SPR. À mon sens, il s’agit d’une conclusion sensée et rationnelle fondée sur la preuve;

  2. le demandeur n’était pas crédible en affirmant qu’il n’avait pas informé les autorités américaines de ses craintes relatives à la persécution en Chine. De même, il s’agit d’une conclusion sensée et rationnelle fondée sur la preuve;

  3. la citation à comparaître présentée par le demandeur pour prouver qu’il était recherché en Chine était frauduleuse, menant la SAR à conclure qu’en réalité, il n’était pas recherché en Chine, et à conclure également qu’il ne pratiquait pas réellement au sein de l’Église en Chine. À cet égard, il faut faire preuve de retenue à l’égard de la SAR en raison de sa familiarité avec la preuve documentaire; la conclusion est fondée sur des constatations selon lesquelles la structure et le format de la citation à comparaître étaient inexacts, la taille de la police était incorrecte, certains aspects de la lettre étaient manquants et un aspect de la signature était absent, suivant une comparaison avec des documents sur le pays non contestés;

  4. le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il a affirmé être en mesure de quitter la Chine peu importe le contrôle à la sortie, connu sous le nom de Bouclier d’or, compte tenu de ses allégations selon lesquelles il était recherché par les autorités en raison de ses pratiques religieuses;

  5. la SAR a conclu que le demandeur a en fait commencé à pratiquer au sein de l’Église au Canada et que son témoignage étayait seulement sa présence aux activités, et non « l’authenticité de sa pratique ».

[12]  Toutefois, la SAR a accepté que le demandeur est celui qu’il prétendait être et a infirmé la décision de la SPR sur l’identité. La SAR a infirmé d’autres conclusions que la SPR a tirées à l’égard du demandeur, comme son inférence défavorable découlant du fait qu’il avait tardé à demander un visa et sa conclusion défavorable concernant la vraisemblance de son récit selon lequel il avait donné son passeport au passeur.

[13]  La SAR n’a pas abordé la question de la demande d’asile sur place fondée sur de nouveaux éléments de preuve, puisqu’elle n’a pas été soulevée devant elle. En tant que question procédurale, bien que le demandeur l’ait relevée dans son énoncé des questions en litige, il n’a présenté aucun argument à ce sujet dans son mémoire, ce qui a fait en sorte que le défendeur n’a pu présenter aucun argument en réponse. Le demandeur était représenté devant la SAR, mais ne l’était pas lorsqu’il a déposé son mémoire. J’ai accordé aux parties le temps de déposer des observations sur ce sujet après l’audience, ce qu’elles ont fait.

[14]  Maintenant que la question des nouveaux éléments de preuve est réglée, les autres questions qu’il reste à trancher en l’espèce sont les suivantes : (1) Les conclusions de la SAR, y compris les conclusions de crédibilité, étaient‑elles raisonnables? (2) La SAR aurait‑elle dû considérer le demandeur comme un réfugié sur place?

[15]  En ce qui concerne la norme de contrôle de la décision raisonnable, la Cour suprême du Canada a expliqué, au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], comment doit procéder la cour de révision qui applique la norme de la raisonnabilité :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[16]  La Cour suprême du Canada indique également que le contrôle judiciaire n’est pas une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur; la décision doit être considérée comme un tout : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34. En outre, la cour de révision doit déterminer si la décision attaquée, considérée dans son ensemble à la lumière du dossier, est raisonnable : Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65; voir également Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62.

[17]  Les deux questions en l’espèce font intervenir des questions mixtes de fait et de droit et sont susceptibles de contrôle selon la norme plus déférente de la raisonnabilité : Dawidowicz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 115, au paragraphe 23; Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1004, aux paragraphes 20-22.

A.  Les conclusions de la SAR, y compris celles sur la crédibilité, étaient‑elles raisonnables?

[18]  S’agissant de la crédibilité, la Cour d’appel fédérale confirme que les conclusions de fait et les conclusions relatives à la crédibilité constituent l’essentiel de l’expertise de la SPR : Giron c Canada (Emploi et Immigration), 1992, 143 NR 238 (CAF). La SPR est reconnue en tant que tribunal spécialisé à l’égard des revendications du statut de réfugié et elle est statutairement autorisée à appliquer sa spécialisation : Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10, le juge O’Reilly; voir également Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), où la Cour d’appel fédérale a affirmé que la SPR « se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent “l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits” doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve. »

[19]  En ce qui concerne les conclusions quant à la vraisemblance, la SPR peut tirer des conclusions relatives à la crédibilité en tenant compte des invraisemblances, du bon sens et de la raison, bien qu’elle doit éviter de faire des inférences négatives quant à la crédibilité « par suite d’un examen à la loupe de questions secondaires ou non pertinentes à une affaire » : Haramichael c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1197, au paragraphe 15, la juge Tremblay-Lamer, citant Lubana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 10-11, le juge Martineau [Lubana]; Attakora c Canada (Emploi et Immigration), [1989] ACF no 444 (CAF).

[20]  À mon humble avis, les conclusions de la SAR quant à la crédibilité qui confirment celles tirées par la SPR sont raisonnables et ne devraient pas être annulées; elles sont fondées sur la preuve ou constituaient des conclusions rationnelles quant à la vraisemblance liées à la preuve. J’examinerai chacune d’entre elles :

  1. le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il a affirmé ne pas savoir pourquoi il avait été expulsé des É.‑U. étant donné qu’il avait acquis illégalement un visa lui permettant d’entrer dans ce pays. Sur ce point, la SAR était d’accord avec la SPR. Commentaire de la Cour : à mon sens, il s’agit d’une conclusion sensée et rationnelle quant à la vraisemblance, compte tenu des faits de l’espèce;

  2. le demandeur n’était pas crédible en affirmant qu’il n’avait pas informé les autorités américaines de ses craintes relatives à la persécution en Chine. Commentaire de la Cour : de même, il s’agit d’une conclusion sensée et rationnelle quant à la vraisemblance;

  3. la citation à comparaître présentée par le demandeur pour prouver qu’il était recherché en Chine était frauduleuse, menant la SAR à conclure qu’en réalité, il n’était pas recherché en Chine, et à conclure également qu’il ne pratiquait pas réellement au sein de l’Église en Chine. Commentaire de la Cour : à cet égard, il faut faire preuve de retenue envers la SAR en raison de sa familiarité avec la preuve documentaire; la conclusion est fondée sur des constatations selon lesquelles la structure et le format de la citation à comparaître étaient inexacts, la taille de la police était incorrecte, il y avait des erreurs de positionnement et un aspect de la signature était absent, en comparaison avec les documents sur le pays non contestés. Cette conclusion, et ses décisions connexes, sont raisonnables et fondées sur la preuve;

  4. le demandeur n’était pas crédible lorsqu’il a affirmé être en mesure de quitter la Chine peu importe le contrôle à la sortie, connu sous le nom de Bouclier d’or, compte tenu de ses allégations selon lesquelles il était recherché par les autorités en raison de ses pratiques religieuses. Commentaire de la Cour : il s’agit là encore d’une conclusion sensée et rationnelle quant à la vraisemblance qui est étayée par la preuve documentaire sur la situation du pays;

  5. la SAR a conclu que le demandeur a en fait commencé à pratiquer au sein de l’Église au Canada et que son témoignage étayait seulement sa présence aux activités, et non « l’authenticité de sa pratique ». Commentaire de la Cour : à mon sens, ces conclusions sont également raisonnables et fondées sur la preuve.

[21]  Je juge que, considérée comme un tout, cette décision est raisonnable compte tenu du critère de l’arrêt Dunsmuir, en ce sens qu’elle respecte les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, et qu’elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit en l’espèce.

B.  La SAR aurait‑elle dû considérer le demandeur comme un réfugié sur place?

[22]  Aucune demande d’asile sur place n’a été présentée par le demandeur devant la SPR ni devant la SAR. En tant que question procédurale, bien que le demandeur l’ait relevée dans son énoncé des questions en litige, il n’a présenté aucun argument à ce sujet dans son mémoire, ce qui a fait en sorte que le défendeur n’a pas pu présenter d’argument en réponse. Comme je l’ai déjà indiqué, j’ai accordé aux parties le temps de déposer des observations après l’audience, ce qu’elles ont fait.

[23]  Le ministre soutient relativement à cette nouvelle question que, selon l’alinéa 3(3)g) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257, il incombe à l’appelant de relever dans ses observations à la SAR les erreurs qui constituent les motifs d’appel. Puisque le demandeur n’a pas répondu à ces exigences et n’a présenté aucune observation sur la question, le ministre est d’avis qu’on ne peut reprocher à la SAR de ne pas avoir examiné une demande d’asile sur place.

[24]  Le demandeur s’appuie sur la décision Jianzhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 551 [Jianzhu], pour justifier que sa demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à la SAR pour qu’elle examine la question de la demande d’asile sur place. Dans la décision Jianzhu, la SAR a examiné une demande d’asile sur place qui n’avait pas été examinée par la SPR, parce que la SAR avait conclu que la question devait être réglée; dans cette affaire, la Cour a conclu que la SAR aurait dû renvoyer l’affaire à la SPR au lieu de rendre la décision qu’elle a rendue. En l’espèce, la SAR n’a pas fait un tel examen et n’a rendu aucune décision de la sorte, ce qui permet d’établir une distinction avec l’affaire Jianzhu. De plus, comme je l’ai déjà indiqué, la SAR a procédé comme elle l’a fait parce que le demandeur n’a pas soulevé la question en appel.

[25]  La Cour a conclu qu’il est de la responsabilité de l’appelant, et non pas de la SAR, d’établir que la SPR a commis une erreur, de sorte que l’intervention de la SAR est justifiée. La SAR n’a pas pour rôle de combler les lacunes d’un appel : Murugesu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 819, le juge Fothergill. Comme le juge Zinn l’a formulé plus récemment, « on peut difficilement reprocher à la SAR de ne pas avoir examiné une observation qui ne lui a pas été faite ». Voir Dakpokpo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 580.

[26]  La Cour d’appel fédérale a énoncé le critère à appliquer pour trancher cette question il y a un certain temps : dans la décision Pierre-Louis c Canada (MEI), 29 avril 1993, A-1264-91 (CAF), le juge Décary, cité par la juge Tremblay-Lamer dans la décision Mbokoso c Canada (Citoyenneté et Immigration), 1999 ACF no 1806 (QL), au paragraphe 8, a affirmé ce qui suit : « Nous ne croyons pas, en l’espèce, qu’il soit possible de reprocher à la section du statut de ne s’être pas prononcée sur un motif qui n’avait pas été allégué et qui ne ressortait pas de façon perceptible de l’ensemble de la preuve faite. » Ce critère a été réitéré par le juge Létourneau dans la décision Guajardo-Espinoza c Canada (MEI), 1993, 161 NR 132, qui a ajouté ce qui suit : « Accepter le contraire conduirait à un véritable jeu de cache-cache et de devinette et forcerait la Section du statut à se livrer à des enquêtes interminables pour éliminer des motifs qui ne s’appliquent pas de toute façon, que personne ne soulève et que la preuve ne fait ressortir en aucune manière, le tout sans compter les appels vains et inutiles qui ne manqueraient pas de s’ensuivre. »

[27]  Par conséquent, le dossier est important sur cette question. À mon sens, s’il existe une quelconque demande d’asile sur place en l’espèce, elle sera fondée sur les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur. Toutefois, comme je l’ai conclu précédemment, la quasi‑totalité de ces nouveaux éléments de preuve a été rejetée par la SAR, pour des motifs liés à la nouveauté, à la crédibilité ou à la pertinence, conclusions qui ont été tirées conformément à l’arrêt Singh et qui étaient raisonnables dans les circonstances. La SAR a également jugé que les éléments de preuve présentés par le demandeur étayaient seulement sa présence aux activités et non « l’authenticité de sa pratique », conclusion qui était raisonnable et qu’il était loisible à la SAR de tirer. Dans ce contexte, je ne suis pas convaincu qu’une demande d’asile sur place ressortait de façon perceptible de l’ensemble de la preuve, comme le requiert le critère de la Cour d’appel fédérale.

II.  Conclusion

[28]  Avec le recul, et après avoir examiné la décision de la SAR dans le contexte du dossier, je conclus que la décision de la SAR relativement aux conclusions relatives à la crédibilité et à la question de la demande d’asile sur place, considérée comme un tout, appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, comme l’exige l’arrêt Dunsmuir. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

 

III.  Question certifiée

[29]  Le ministre n’a pas proposé de question à certifier, mais le demandeur a demandé la certification des questions suivantes :

[traduction]

La SAR est‑elle tenue d’analyser une demande d’asile sur place, même si la question n’est pas expressément soulevée, ou doit‑elle renvoyer l’affaire à la SPR pour qu’elle rende une décision sur cette question lorsque :

a) la preuve dont dispose la SAR est suffisante à première vue pour justifier une demande sur place?

b) l’intervalle de temps entre la décision de la SPR et la décision de la SAR n’est pas négligeable?

[...]

[30]  Je refuse de certifier cette question pour plusieurs raisons. Premièrement, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont déjà répondu à la question dans des termes généraux, comme je l’ai indiqué précédemment. Autrement, la question est tributaire des faits et il ne s’agit pas d’une question de portée générale. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas convaincu que la preuve dont disposait la SAR était suffisante à première vue pour justifier une demande d’asile sur place en l’espèce; par conséquent la question n’est pas déterminante. Voir en général Canada (Citoyenneté et Immigration) c Liyanagamage, 1994, 176 NR 4, aux paragraphes 4-6; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, aux paragraphes 7 à 10, et Zazai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CAF 89, aux paragraphes 11-12.

[31]  Par conséquent, aucune question de portée générale ne sera certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, qu’aucune question n’est certifiée et qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5147-16

 

INTITULÉ :

HONG XIN LIU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 13 JUILLET 2017

 

jugEment ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 JUILLET 2017

 

COMPARUTIONS :

Victor Pilnitz

POUR Le demandeur

 

Norah Dorcine

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Victor Pilnitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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