Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170606


Dossier : T-8-17

Référence : 2017 CF 553

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

ARCTOS HOLDINGS INC ET ARCTOS & BIRD MANAGEMENT LTD

demanderesses

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET FUJI STARLIGHT EXPRESS CO LTD

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Il s’agit d’une requête présentée par écrit, conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les « Règles »), en vertu de laquelle le défendeur, le procureur général du Canada (« procureur général »), demande une ordonnance de rejet d’une demande de contrôle judiciaire déposée par les demanderesses, Arctos Holdings Inc. et Arctos & Bird Management Ltd. (collectivement « Arctos »).

[2]               Arctos Holdings Inc. est propriétaire de Bison Courtyard, qui est décrit comme étant un regroupement de locaux à usage commercial, locatif et de restauration situé au 211 Bear Street, dans la ville de Banff (la « ville »). Arctos & Bird Management Ltd. est un promoteur et un gestionnaire immobilier et Bison Courtyard est l’un de ses projets. Dans son avis de demande, Arctos demande un contrôle judiciaire d’une décision prise par le ministre fédéral de l’Environnement, ou par son délégué, le 25 novembre 2016, relativement à la consolidation de deux baux relatifs à la propriété située à Banff, à savoir le bail visant le lot 20 et le bail visant les lots 21 à 24 (« décision concernant la consolidation de baux »), les deux ayant été détenus par la codéfenderesse, Fuji Starlight Express Co. Inc. (« Fuji ») et étant situés en face de Bison Courtyard.

[3]               L’avis de requête qui a été déposé par le procureur général expose trois motifs pour lesquels la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Les motifs sont les suivants : la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire pour rejeter la demande car, en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 (la « Loi sur les CF »), Arctos n’a pas la qualité pour agir; la Cour ne peut pas acquiescer à la demande soumise par Arctos en vertu du paragraphe 18.5 de la Loi sur les CF; enfin, accorder à Arctos l’accès aux tribunaux à cette étape contournerait un cadre législatif exclusif pour le règlement des différends en matière de planification municipale et constitue un abus des procédures de la Cour.

[4]               Il s’avère nécessaire de présenter le contexte entourant la consolidation des baux et l’historique des procédures, ainsi que le régime législatif. Plus précisément, il convient peut-être de commencer par le contexte législatif.

Lois pertinentes et contexte connexe

i.          Loi sur les parcs nationaux du Canada

[5]               La Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32 (« Loi sur les parcs nationaux du Canada ») décrit la gestion et l’exploitation des parcs nationaux. Le paragraphe 4(1) stipule que les parcs sont créés à l’intention du peuple canadien pour son bienfait, son agrément et l’enrichissement de ses connaissances, sous réserve de la présente loi et des règlements; ils doivent être entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures.

[6]               Les parcs, y compris les terres domaniales qui y sont situées, sont placés sous l’autorité du ministre (paragraphe 8(1)) et la préservation ou le rétablissement de l’intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques sont la première priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs (paragraphe (8(2)). Une administration locale ne peut exercer de pouvoirs relativement à l’aménagement des terres et au développement dans les collectivités, sauf si cela est prévu dans l’accord visé à l’article 35 (article 9). Le ministre doit également établir un plan directeur pour le parc qui présente des vues à long terme sur son écologie et sur d’autres questions et le soumettre à un examen tous les dix ans (article 11). Dans la présente instance, il s’agissait du Plan directeur du parc national Banff (« Plan directeur de Banff »). Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements concernant un certain nombre de questions, notamment la délivrance, la modification et la résiliation de baux, de permis d’occupation ou de servitudes sur des terres domaniales situées dans les collectivités, pour des habitations, écoles, églises, hôpitaux, commerces, activités de tourisme et lieux de divertissement ou de récréation (sous-alinéa 16(1)g)(i)), ainsi que la réglementation d’entreprises, métiers, commerces, affaires et autres activités (alinéa 16(1)n)). Les règlements pris sous le régime du présent article peuvent habiliter le directeur d’un parc, dans les circonstances et sous réserve des limites qu’ils prévoient, à délivrer, modifier, suspendre ou révoquer des licences, permis ou autres autorisations relativement à ces matières et en fixer les conditions (alinéa 16(3)b)).

[7]               En outre, un plan communautaire pour chaque collectivité doit être déposé devant chaque chambre du Parlement et, dans le cas du périmètre urbain de Banff, être accompagné de tout règlement de zonage pris en vertu de l’accord visé à l’article 35 (paragraphe 33(1)). La Loi sur les parcs nationaux renferme également des dispositions concernant certains parcs. Dans le cas de Banff, cela inclut l’article 35 :

35 Le gouverneur en conseil, ayant autorisé le ministre à conclure l’accord intitulé Town of Banff Incorporation Agreement (accord de constitution en corporation), daté du 12 décembre 1989, en vue de l’établissement d’une administration locale autonome pour le périmètre urbain de Banff dans le parc national Banff du Canada et à confier à celle-ci les fonctions municipales qui y sont précisées, peut autoriser le ministre à modifier l’accord de nouveau.

ii.         Loi sur l’Agence Parcs Canada

[8]               La Loi sur l’Agence Parcs Canada L.C. 1998, ch. 31 (« LAPC ») établit l’Agence Parcs Canada (« Agence »). Le ministre est responsable de l’Agence et, à ce titre, il fixe les grandes orientations à suivre par l’Agence (paragraphes 4(1) et (2)). L’Agence exerce les attributions qui sont conférées, déléguées ou transférées à celui-ci sous le régime d’une loi ou de règlements (paragraphe 5(1)) et elle est responsable de la mise en œuvre de la politique du gouvernement du Canada dans le domaine des parcs nationaux (paragraphe 6(1)) et elle est chargée d’assurer et de contrôler l’application des lois, notamment la Loi sur les parcs nationaux, et des règlements pris en vertu de celles-ci (paragraphe 6(4)). L’Agence détient les pouvoirs accessoires nécessaires pour prendre toute mesure utile pour la réalisation de sa mission (article 8).

iii.        Règlement sur les baux et les permis d’occupation dans les parcs nationaux du Canada

[9]               Le Règlement sur les baux et les permis d’occupation dans les parcs nationaux du Canada, DORS/92-25 (« Règlement sur les baux »), a été pris en vertu de la Loi sur les parcs nationaux. Le ministre peut octroyer des baux d’une durée d’au plus 42 ans, selon les modalités qu’il juge indiquées, à l’égard des terres domaniales situées, dans la ville de Jasper et les centres d’accueil, aux fins de commerce, de tourisme, d’écoles, d’églises, d’hôpitaux et de lieux de divertissement ou de récréation (alinéas 3(1)c) et d), alinéas 18(1)c) et d)), et, de manière générale, gérer la location dans les parcs nationaux.

iv.        Plan directeur de Banff

[10]           Le Plan directeur de Banff a été créé en vertu de l’article 11 de la Loi sur les parcs nationaux. On y indique que le plan orientera la gestion globale du parc national de Banff pour les 10 à 15 prochaines années et qu’il servira de cadre pour la planification et la prise de décisions à l’intérieur du parc. Le plan reflète les politiques et les lois du gouvernement du Canada. Le paragraphe 6.2.2.1 décrit la situation actuelle à Banff et énumère onze points. Entre autres, l’accord concernant la constitution de Banff définit les buts et les objectifs relativement à la ville et à la gestion des répercussions de la ville sur les forêts-parcs avoisinants, aux limites municipales qui avaient été définies dans la Loi sur les parcs nationaux, à la limite maximale de 8 000 habitants imposée à la population permanente (le recensement fédéral de 2006 estimait une population permanente de 6 700 habitants). Le paragraphe 6.2.2.3, intitulé « Key Actions (principales mesures) », indique que la population permanente ne doit pas dépasser 8 000 habitants (recensement fédéral) et que toutes les décisions de Parcs Canada et de la ville de Banff, y compris l’attribution de permis pour l’exploitation de commerces, devront refléter cet objectif de politique de manière proactive.

v.         Accord concernant la constitution de Banff

[11]           L’Accord concernant la constitution de Banff (« accord de constitution ») a été conclu en vertu de l’article 35 de la Loi sur les parcs nationaux entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la province de l’Alberta et établit une corporation municipale, la ville de Banff, pour fournir un gouvernement local à la ville conformément à ses propres modalités, à compter du 1er janvier 1990. À compter de cette date, la ville était investie de tous les droits, obligations, responsabilités, pouvoirs et fonctions et était assujettie à toutes les limites et contraintes prévues par les lois de l’Alberta à l’égard des villes constituées en corporation en vertu des lois de l’Alberta. L’article 5 porte sur les fonctions de planification de la ville. La ville devait adopter un plan municipal général et un règlement de l’utilisation des terres, ainsi que former une commission de planification municipale (autorité approbatrice des subdivisions) et une commission d’appel en matière d’urbanisme. Toute subdivision d’une parcelle de terrain doit être approuvée par l’autorité approbatrice des subdivisions (5.8) et une telle approbation ne peut être mise à exécution tant que le ministre fédéral n’a pas approuvé le nouveau bail ou la modification du bail nécessaire pour que la subdivision prenne effet (5.14). Les plans légaux qui sont adoptés et les règlements municipaux qui sont passés en vertu d’un accord de constitution relativement à l’utilisation du terrain et de la Planning Act (Loi sur l’aménagement du territoire), ainsi que toute mesure ou toute décision prise aux termes d’un tel plan ou règlement municipal doivent être conformes au Plan directeur de Banff (5.15).

vi.        Land Use Bylaw

[12]           Le Land Use Bylaw (le règlement sur l’utilisation des terres ou le « règlement ») a pour objet de permettre le développement de manière ordonnée, bénéfique et écologique de la ville, compte tenu des objectifs déclarés et celui-ci a été adopté conformément à l’accord concernant la constitution en corporation. La commission d’appel en matière d’urbanisme (Development Appeal Board – « DAB ») a été créée en vertu du paragraphe 3.3 et elle doit entendre tous les appels concernant des permis de développement et des demandes de subdivision. L’article 5 porte sur la subdivision des terres et sur le fait que, sauf lorsque des conditions sont imposées en vertu du paragraphe 5.4.2, la commission de planification municipale (Municipal Planning Commission – « MPC ») n’approuvera pas une demande de subdivision à moins que la subdivision proposée ne soit conforme aux dispositions de la Alberta Municipal Government Act, de l’accord concernant la constitution en corporation, du Plan directeur de Banff, ainsi que de tout autre plan légal ou règlement applicable (alinéa5.5.5c)). En outre, une subdivision qui a été approuvée par la MPC ne se fera pas tant que le ministre n’aura pas approuvé le nouveau bail ou la modification du bail requise pour que la subdivision puisse se faire (paragraphe 5.3.7).

vii.       Plan communautaire de Banff

[13]           Le plan communautaire de Banff découle de la Loi sur les parcs nationaux et énonce la vision, les buts, les objectifs et les indicateurs pour la ville de Banff. L’annexe A expose le contexte entourant le plan. Cela montre que l’administration de la ville relevait autrefois de Parcs Canada, mais que cette situation a changé en 1990, lorsque le gouvernement du Canada et la province de l’Alberta ont transféré la plupart des pouvoirs de l’administration municipale à un conseil municipal élu en vertu de l’accord concernant la constitution en corporation. Par la suite, la ville a dû se doter d’un plan municipal, comme l’exigeait la province, pour orienter l’utilisation actuelle et future des terres. Le plan communautaire de Banff fait référence au contexte régional, notamment à l’article 4 de la Loi sur les parcs nationaux, ainsi qu’à la croissance de la population de Banff. À cet égard, le plan communautaire de Banff utilise un modèle fondé sur l’emploi pour produire une estimation de la croissance future de la population attribuable à une nouvelle implantation commerciale d’une superficie de 350 000 pi2 (9910,95 m2). Le plan communautaire de Banff de 2007 prévoit une population permanente inférieure à 10 000 résidents. L’interprétation du plan communautaire de Banff de 2007 montre une vision à l’égard de Banff et reconnaît que cette vision évoluera au fil du temps. L’annexe B décrit le cadre juridique entourant le plan communautaire de Banff et fait référence à l’obligation, en vertu de la Municipal Government Act de l’Alberta, d’adopter un plan municipal d’aménagement (le plan communautaire de Banff) et de fonctionner sous sa propre réglementation, l’accord concernant la constitution en corporation. L’annexe indique également que le plan communautaire de Banff et les règlements municipaux connexes régissent l’administration, la gestion et l’utilisation des terres à l’intérieur des limites de la ville. Le ministre responsable de Parcs Canada est habilité à approuver le plan et toutes les modifications qui y sont apportées. L’accord concernant la constitution en corporation (para. 5.15) précise que tous les plans et règlements municipaux doivent être conformes au Plan directeur de Banff qui a été approuvé par le ministre. Parcs Canada est représenté au sein de la MPC et de la DAB et détient également le pouvoir d’approbation finale des modifications qui sont apportées au règlement municipal visant l’aménagement des subdivisions et l’utilisation des terres.

Contexte entourant la consolidation des baux

[14]           Le lot 20 était initialement compris dans un bail portant sur les lots 18 à 20. Les propriétaires des lots 18 à 20 ont conclu une entente visant la vente du lot 20 à l’un des propriétaires des lots 21 à 24 et Parcs Canada a émis un bail distinct pour le lot 20 le 16 août 2000. Peu de temps après, il a été établi que la séparation du lot 20 constituait une subdivision et que, par conséquent, la subdivision devait être approuvée. Une demande a été présentée et a été approuvée par la MPC, l’autorité approbatrice des subdivisions de Banff, le 14 février 2001 (« approbation de la subdivision de 2001 »). Nul ne conteste le fait que l’avis de l’approbation de la subdivision de 2001, lequel renfermait des détails sur le droit d’aller en appel, a été publié et envoyé aux propriétaires des bien-fonds adjacents. Il appert également qu’aucune demande d’appel n’a été reçue à ce moment.

[15]           Fait important en l’espèce, la MPC exigeait, comme condition d’approbation de la subdivision de 2001, que le bail concernant le lot 20 soit consolidé avec le bail visant les lots 21 à 24. Toutefois, la consolidation n’a pas eu lieu. En 2009, Fuji a fait l’acquisition du lot 20.

[16]           Les deux propriétaires ont partagé entre eux le droit de tenure à bail des lots 21 à 24 aux termes d’une entente privée, Homestead Inn (« Homestead ») et Melissa’s Restaurant (« Melissa’s »). Chacun des copropriétaires détenait un certificat de titre pour sa part indivise du droit de tenure à bail. En 2009, Fuji a fait l’acquisition du droit de copropriété de Homestead. En 2015, Fuji a soumis une demande en vue de réaménager Homestead, ce qui a eu pour effet de soulever la question de savoir si l’entente antérieure intervenue entre les copropriétaires équivalait à une subdivision non autorisée du lot 24. La demande de réaménagement a été approuvée par la MPC, mais l’approbation a été renversée en appel auprès de la DAB; l’une des appelantes était Arctos. Dans sa décision du 24 juin 2015 (« décision de la DAB de 2015 »), la DAB a également ordonné que la consolidation des baux pour le lot 20 et les lots 21 à 24 soit achevée et, pour rectifier la subdivision non autorisée, Fuji devait soumettre une demande de subdivision du lot 24; la consolidation et la demande à soumettre constituaient des conditions au développement futur.

[17]           Le 27 août 2015, Parcs Canada a écrit à Fuji, d’une part, pour lui faire part de la clause 7(a) de son bail du 10 mars 1978 obligeant Fuji à obtenir le consentement de Parcs Canada avant de procéder à la subdivision de terrains couverts par le bail et, d’autre part, pour lui rappeler que cela n’avait ni été demandé ni autorisé, faisant ainsi référence à la décision de la DAB de 2015. Le 26 janvier 2016, le ministère de la Justice a écrit à Fuji à cet égard. Parcs Canada a par la suite informé Fuji, dans un courriel daté du 29 août 2016, que le ministère exigeait la séparation du droit de tenure à bail dans le bail visant les lots 21 à 24 et, que la condition de développement en suspens relativement à la consolidation sous un seul bail du lot 20 et des lots 21 à 24, soit satisfaite avant le dépôt d’une demande de permis de développement. Cela nécessitait le transfert de la participation, la consolidation sous un bail du lot 20 avec les lots 21 à 24 et la délivrance d’un nouveau bail.

[18]           En 2016, Fuji a acheté la part indivise du droit de tenure à bail que le copropriétaire (part de Melissa’s) détenait toujours dans les lots 21 à 24, un nouveau certificat de titre de bien-fonds visant le transfert du droit de tenure à bail visant ces lots a été émis par la province de l’Alberta le 4 novembre 2016. En conséquence, Fuji était désormais l’unique propriétaire des lots 21 à 24. Le ministre a délivré un bail consolidé pour les lots 20 à 24 le 25 novembre 2016. Un nouveau certificat de titre de bien-fonds visant le bail pour le parc a été émis à Fuji pour les lots 20 à 24 le 10 janvier 2017.

[19]           Fuji a alors présenté une autre demande de permis de développement à la MPC. La nouvelle proposition visant le développement des propriétés Homestead et Melissa’s. Arctos s’y est opposée. Toutefois, le 14 décembre 2016, la MPC a délivré les permis de développement aux conditions qui avaient été imposées, notamment que Fuji consolide les lots 20 à 24 avant la délivrance des permis de développement. Arctos a alors interjeté trois appels devant la DAB.

[20]           L’appel no 06-16, déposé le 8 décembre 2016, portait sur la consolidation des baux pour le lot 20 et les lots 21 à 24. Arctos a affirmé que la consolidation du lot 20 et des lots 21 à 24 était une subdivision, puisque cela constitue une modification de la limite entre deux parcelles contiguës ou plus (selon le sous-alinéa 5.1(1)i)(ii) de l’accord concernant la constitution en corporation et, en conséquence, que cela nécessitait l’approbation de la subdivision avant que la consolidation ne puisse être effectuée (selon le paragraphe 5.14 du même accord). Arctos a affirmé que la consolidation des baux par le ministre n’était pas suffisante et que la subdivision devait également être approuvée. L’appel allègue également que la MPC ou un employé de Parcs Canada (dans l’exercice des pouvoirs conférés par l’autorité approbatrice des subdivisions) a outrepassé sa compétence, a commis une erreur ou a agi de manière déraisonnable en ne prenant pas en considération ou en n’examinant pas correctement les éléments ci-après : le bien-fondé de la consolidation du terrain à cette fin, notamment le respect des dispositions de la Loi sur les parcs nationaux, de l’accord concernant la constitution en corporation et du Plan directeur de Banff; l’obligation de tenir compte de manière proactive de l’objectif de politique du Plan directeur de Banff, à savoir veiller à ce que la population de Banff ne dépasse pas 8 000 habitants; la congestion de la circulation; l’absence de consultation exhaustive d’Arctos concernant la consolidation. Les appels no 12-16 et no 13-16, qui ont été déposés le 23 décembre 2013, portent sur l’approbation des permis de développement et allèguent essentiellement que la subdivision n’aurait pas été approuvée, que le développement envisagé n’était pas conforme au Plan directeur de Banff, lequel exige que toutes les activités de développement soient gérées de manière proactive afin que la population permanente de la ville ne dépasse pas 8 000 habitants et, subsidiairement, que la MPC n’a pas exercé son pouvoir d’assortir les permis de développement des conditions appropriées. Les appels ont été entendus en janvier 2017 et ont été ajournés sine die en attendant qu’un complément d’information soit fourni.

[21]           L’avis de demande de contrôle judiciaire relativement à la décision concernant la consolidation des baux a été déposé le 3 janvier 2017. Les motifs invoqués dans la demande portent sur le fait qu’Arctos est propriétaire d’un terrain contigu au terrain dont le bail est consolidé et, donc, est directement et négativement touchée par la décision relativement à la consolidation des baux, décision qui permettrait à Fuji de contourner le processus de subdivision prévu dans l’accord concernant la constitution en corporation et qui aurait pour effet de stimuler le développement et, en conséquence, d’exacerber les pressions exercées par la croissance de la population sur la ville. De plus, si la décision concernant la consolidation des baux a été prise par un représentant de l’Agence Parcs Canada, alors cette décision a été prise sans autorité déléguée ou par une personne qui a outrepassé les limites de son pouvoir, car l’autorité approbatrice des subdivisions n’avait pas autorisé la consolidation des baux; en outre, la décision concernant la consolidation des baux ne tient pas compte de manière proactive de l’objectif de politique relativement à la population. Inversement, et pour les mêmes raisons, si le ministre a pris la décision concernant la consolidation des baux, il a agi sans compétence ou outrepassé sa compétence. Peu importe qui a pris la décision, cette personne a agi de manière déraisonnable en n’exigeant pas que le titulaire de domaine à bail se conforme à l’obligation d’obtenir l’approbation de l’autorité approbatrice des subdivisions, en ne tenant pas compte de l’obligation de prendre des mesures proactives pour maintenir la population de Banff sous le seuil des 8 000 résidents permanents et en ne prenant pas en considération sa responsabilité en vertu de la Loi sur les parcs nationaux d’entretenir et d’utiliser le parc national de Banff de façon à ce qu’il reste intact pour les générations futures. Cette personne a aussi enfreint les principes d’équité procédurale ou a agi dans un but inapproprié en prenant la décision concernant la consolidation des baux sans tout d’abord obtenir l’approbation de l’autorité approbatrice des subdivisions, car elle a ainsi privé Arctos des droits d’appel que prévoit l’accord concernant la constitution en corporation et le règlement municipal visant l’utilisation du terrain, processus d’appel qui sert également l’intérêt public en assurant le respect des limites relatives à la croissance de la population et le développement commercial qui sont stipulées dans l’accord concernant la constitution en corporation et dans le Plan directeur de Banff.

Question en litige

[22]           La seule question en litige dans cette requête est de savoir si la demande de contrôle judiciaire présentée par Arctos devrait être rejetée.

Position des parties

A.                Procureur général

[23]           Le procureur général affirme que, même s’il est bien établi qu’une demande de contrôle judiciaire sur la présentation d’une motion préliminaire ne devrait être rejetée que si elle est manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie (Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la santé nationale et du bien-être social), [1994] ACF no 1629 (CAF), au paragraphe 10, (« Pharmacia »)), ou fait exception à la règle générale lorsque le demandeur n’a pas qualité (Apotex Inc. c. Gouverneur en Conseil), 2007 CAF 374, aux paragraphes 13 et 14 (« Apotex »); Canwest MediaWorks Inc. c. Canada (Santé), 2007 CF 752, au paragraphe 10, confirmé par 2008 CAF 207 (« Canwest »); Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 RCS 607, au paragraphe 20 (« Finlay »), ce qui est le cas dans la présente instance.

[24]           Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales indique qu’une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est « directement touché par l’objet de la demande ». Un demandeur sera directement touché si la décision faisant l’objet du contrôle a une incidence sur ses droits ou obligations juridiques ou lui causera des préjudices directs (Rothmans of Pall Mall Canada Ltd c. Minister of National Revenue, [1976] 2 CF 500 (CAF), au paragraphe 13 (« Rothmans »); Canwest, au paragraphe 13). Les « ingéreurs officieux » ou les « fauteurs de trouble » n’ont pas qualité (Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), 2006 CAF 144, au paragraphe 17) et, même lorsque la décision a une incidence sur l’intérêt commercial d’un demandeur, s’il n’est pas partie à l’instance, il n’aura pas qualité pour demander un contrôle judiciaire; voir (Canwest, au paragraphe 16, et Rothmans, au paragraphe 13). Compte tenu du régime législatif entourant la location qui s’applique à la présente instance et de la procédure d’appel dont la DAB est actuellement saisie, Arctos n’a pas qualité pour obtenir réparation auprès de la Cour.

[25]           Dans l’affaire qui nous intéresse, Arctos n’est pas partie à la décision concernant la consolidation des baux, tandis que Fuji est visé directement par cette décision. La décision concernant la consolidation des baux n’a aucune incidence réelle sur les droits ou obligations juridiques d’Arctos, et Arctos n’a pas fait la preuve d’un préjudice direct. Arctos n’a pas démontré comment la décision concernant la consolidation des baux [traduction] « revêt une grande importance pour son entreprise » ou pour le [traduction] « maintien de Banff » comme elle l’affirme. En outre, la suggestion concernant une présumée subdivision, issue de la consolidation de deux baux, et son incidence potentiellement négative sur la population de Banff est spéculative et trop générale; ce sont là des préoccupations qui touchent le domaine de la planification municipale. Elles n’ont rien à voir avec les questions administratives et commerciales qui entourent la décision de consolider un bail. Quoi qu’il en soit, Arctos n’a pas été privée de son droit d’interjeter appel auprès de la compétence appropriée, puisqu’elle est actuellement devant la DAB.

[26]           La décision concernant la consolidation des baux était une transaction commerciale administrative pour remédier à une subdivision antérieure et est une affaire d’administration et de gestion de terrain qui relève entièrement du pouvoir discrétionnaire que le régime législatif confère à Parcs Canada. La consolidation des baux par le ministre ne constitue ni ne déclenche l’approbation du développement ou de la subdivision par la ville. L’accord concernant la constitution en corporation sert à incorporer, par renvoi, la plupart des lois de la province de l’Alberta régissant les municipalités en général, tout en assurant la compétence continue du Canada. En conséquence, pratiquement toutes les lois de l’Alberta visant la planification s’appliquent à la ville sous forme d’instruments d’habilitation, mais elles restent assujetties à une supervision et à un contrôle fédéraux importants. Inversement, les pouvoirs discrétionnaires en matière de location continuent à relever du ministre. Ce sont là des procédures distinctes et Arctos participe activement à l’examen d’une proposition de développement des terrains en question. Quoi qu’il en soit, la procédure municipale à l’origine de la condition entourant la consolidation des baux remonte à 2001. Aucun nouveau droit n’en découle. Par ailleurs, les droits procéduraux ne se font pas dans l’abstrait; Arctos ne jouit pas dans une tribune de droits procéduraux qui auraient été créés par une autre.

[27]           De plus, les décisions en matière de droit administratif, dans lesquelles le public en général n’est pas directement impliqué, ne renferment aucune obligation distincte à son égard. En outre, un bail consolidé est un contrat passé en vertu d’un pouvoir conféré par la loi; par conséquent, il ne convient pas d’intégrer une obligation en matière de droit public dans ce qui constitue avant tout une relation commerciale.

[28]           Le procureur général soutient aussi que le Plan directeur de Banff de 2010 est une ligne directrice qui offre une orientation stratégique (paragraphe 2.4) et non une loi (Brewster Mountain Pack Trains Ltd v Canada (Minister of the Environment), 41 ACWS (3d) 761 (C.F. 1ère inst.), au paragraphe 27; Société pour la nature et les parcs du Canada c. Maligne Tours Ltd, 2016 CF 148, au paragraphe 91). Le recours à un soi-disant plafonnement de la population comme mesure normative précise pour empêcher le surintendant de prendre en considération les consolidations de baux ne concorde pas avec les lignes directrices contenues dans le Plan directeur de Banff ou dans la jurisprudence. Qui plus est, si le Parlement avait eu l’intention de limiter ou de plafonner la population de la ville, il l’aurait fait par voie de règlement; si tel était le cas, le Plan directeur de Banff ne ferait pas mention d’un « policy objective » (objectif de politique) ou n’emploierait pas les termes « anticipated » (anticipé) ou « intended » (prévu). De plus, l’accord concernant la constitution en corporation n’est pas une loi.

[29]           En ce qui concerne la qualité pour agir dans l’intérêt public, le procureur général déclare que l’on devrait considérer comme exceptionnelle et inhabituelle une consolidation de baux au niveau opérationnel réputée être une affaire d’intérêt public et que la qualité pour agir dans l’intérêt public n’est pas établie du simple fait que nul autre ne soumettra la question aux tribunaux. Les trois facteurs visant la qualité pour agir dans l’intérêt public qui sont énoncés dans Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236, au paragraphe 37 (« Conseil canadien des Églises ») doivent être appliqués de manière libérale et généreuse et plutôt être vus comme des considérations connexes devant être appréciées ensemble, plutôt que séparément (Canada (Procureur général) c. Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45, aux paragraphes 2 et 53 (« Downtown Eastside Sex Workers »)). Comme Arctos ne démontre pas comment elle satisfait à ce critère et à son application par le procureur général dans la présente instance, une conclusion favorable à l’intérêt public n’est pas justifiée.

[30]           Les observations écrites du procureur général portent uniquement sur la question de la qualité pour agir; elles n’abordent pas les deux autres motifs énoncés dans sa requête en radiation, à savoir que la Cour ne peut pas accorder les mesures de redressement demandées et que le fait d’accorder à Arctos l’accès aux tribunaux à cette étape aurait pour effet de contourner le régime législatif de règlement des différends en matière de planification de la ville, ce qui constituerait par conséquent un recours abusif.

B.                 Position de Fuji

[31]           Fuji appuie les observations du procureur général concernant le défaut de qualité pour agir d’Arctos, ainsi que le troisième motif invoqué par le procureur général dans sa requête en radiation et affirme que la tentative d’Arctos d’obtenir un contrôle judiciaire constitue une contestation incidente inadmissible du processus de planification municipale de la ville et d’une décision finale n’ayant fait l’objet d’aucun appel de la MPC.

[32]           Fuji soutient que la MPC a approuvé la subdivision impliquant le lot 20, à la condition que les baux visant le lot 20 et les lots 21 à 24 soient consolidés. Le processus de planification municipale est la bonne tribune pour interjeter appel de l’approbation de la subdivision de 2001 et la consolidation des baux qui en a découlé. L’approbation de la subdivision de 2001 n’a pas été portée en appel. Arctos a l’intention d’en appeler auprès de la MPC de « l’acceptation par la ville » de l’émission par Parcs Canada des baux consolidés et a contesté les décisions de la MPC auprès de la DAB. La DAB a entendu les observations présentées au cours des appels qui se sont étendus sur deux jours, puis a ajourné sine die en attendant un complément d’information environnementale et les données du recensement fédéral. Ces appels sont toujours en cours.

[33]           En outre, même si Arctos soutient que Parcs Canada n’a pas [traduction] « pris en considération [...] l’obligation de prendre des mesures proactives pour maintenir la population de Banff sous le seuil des 8 000 résidents permanents », il n’existe pas de plafond magique de 8 000 résidents et, quoi qu’il en soit, les données du dernier recensement fédéral – sur lequel Arctos s’appuie expressément – indiquent que la population est inférieure à 8 000 résidents. Essentiellement, la demande de contrôle judiciaire d’Arctos repose sur la notion voulant que la consolidation des baux par Parcs Canada ait pour effet de contourner l’autorité approbatrice des subdivisions, la MPC, en omettant d’obtenir son approbation préalable. Toutefois, cela ne tient pas compte du fait que l’approbation de la subdivision de 2001 non seulement autorise la consolidation des baux, mais elle l’exige. Or, des années plus tard, Arctos s’est présentée une seconde fois devant la MPC et a apparemment demandé, en appel à la DAB, une forme quelconque de nouvel examen ou d’annulation de la décision de 2001 de la MPC. Cela confirme implicitement que le processus de planification municipale est la bonne tribune. Pourtant, Arctos procède aussi maintenant à une contestation incidente de cette tribune en demandant à notre Cour de soumettre à un contrôle un acte administratif discrétionnaire de Parcs Canada et, à cette fin, présente les mêmes arguments que ceux qu’elle a présentés à la DAB.

C.                 Position d’Arctos

[34]           Selon Arctos, au moment d’examiner une requête en radiation fondée sur un manque de qualité pour agir dans l’intérêt public, la Cour doit prendre en considération la qualité pour agir dans le contexte du motif sur lequel repose la demande de contrôle (Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 116, au paragraphe 28 (droit de soumettre la question à la Cour suprême du Canada, rejeté en 2009 CarswellNat 3243 (WL)) (« Irving Shipbuilding »)).

[35]           Arctos présente son interprétation de la loi applicable et du régime connexe, mentionnant en particulier le paragraphe 6.2.2.3 du Plan directeur de Banff et le paragraphe 4.3 de l’accord concernant la constitution en corporation et, s’y appuyant, elle soutient qu’il existe une obligation légale de tenir compte et de respecter les limites fixées relativement à la population de Banff, lesquelles relèvent indépendamment du ministre et de la ville lorsqu’il s’agit de prendre des décisions en matière de consolidation de baux ou d’approbation de subdivisions. En outre, il allègue que, pour se conformer à la séquence juridique du processus décisionnel, la ville doit tout d’abord exercer son pouvoir, ce qui peut inclure l’assujettissement de ses approbations à des conditions subséquentes, et ensuite que le ministre doit approuver le nouveau bail ou le bail modifié afin de permettre la subdivision ou le permis de développement. Arctos soutient également que le ministre est légalement tenu de prendre proactivement en considération les limites visant la croissance de la population de la ville de Banff lorsque celle-ci risque de dépasser l’objectif de politique déclaré dans le Plan directeur de Banff et que rien ne montre qu’il s’est demandé si la décision relative à la consolidation des baux risquait d’avoir une incidence sur la population de Banff.

[36]           Arctos est d’avis que, parce qu’elle exploite son entreprise à Banff à partir d’une propriété à bail, elle jouit d’un droit distinct de contester la décision relative à la consolidation des baux qui découle de son intérêt à s’assurer que la ville demeure ce lieu particulier qu’elle doit être en vertu de l’accord concernant la constitution en corporation et du Plan directeur de Banff. Enfin, elle est d’avis qu’en tant qu’entrepreneur à Banff, elle jouit d’obligations et de droits spéciaux qui la distinguent par rapport aux intérêts des autres citoyens du Canada.

[37]           Elle précise que, étant une entrepreneure à Banff, elle a déjà été touchée directement par la décision relative à la consolidation des baux parce que celle-ci ne tient pas compte des limites visant la population de la ville ou n’en tient pas compte de manière raisonnable. De plus, les droits à l’équité procédurale dont elle jouissait relativement au processus de planification de la ville de Banff ont été négativement touchés, parce que la décision relative à la consolidation des baux a précédé les décisions de la ville en matière de planification, ce qui a entravé sa capacité d’émettre ses préoccupations concernant les limites de la population.

[38]           Enfin, même si elle n’est pas touchée directement par la décision relative à la consolidation des baux, Arctos soutient qu’elle satisfait au critère visant la qualité pour agir dans l’intérêt public, car une question justiciable sérieuse est soulevée dans laquelle Arctos a un intérêt réel ou véritable et la demande de contrôle judiciaire constitue un moyen raisonnable et efficace de porter cette question devant les tribunaux. Même si le procureur général est d’avis que seule Fuji a qualité pour contester la décision relative à la consolidation des baux, un promoteur est peu susceptible de demander un contrôle judiciaire contestant ses propres intérêts en matière de développement. Si Arctos ne peut présenter cette demande de contrôle judiciaire, alors personne ne peut contester la décision relative à la consolidation des baux.

[39]           En outre, le procureur général demande aussi à la Cour une requête en radiation afin de s’attarder sur les faits compliqués contenus dans les centaines de pages du contenu de la requête et de résoudre les interprétations législatives contradictoires d’un processus de planification unique, de manière à déterminer s’il est évident et manifeste qu’Arctos n’a pas qualité. Le procureur général accomplit tout cela sans faire référence à la possibilité que la décision relative à la consolidation des baux tienne compte de la croissance de la population de Banff.

[40]           Bref, Arctos soutient que le ministre ne peut pas ignorer son devoir, à savoir prendre en considération les limites visant la population de la ville, lorsqu’il prend une décision relative à la consolidation des baux. La décision relative à la consolidation des baux prise par le ministre et les autorités approbatrices des subdivisions et du développement au sein de la ville sont imbriquées l’une dans les autres dans le régime législatif unique visant Banff. Dans ce contexte, le ministre doit examiner proactivement le lien entre la décision relative à la consolidation des baux et les décisions de la ville en matière de développement et la limite visant la population qui est établie dans le Plan directeur de Banff. Arctos conteste l’observation du procureur général voulant que les limites relatives à la croissance de la population de la ville soient une décision discrétionnaire que le ministre ou ses délégués peuvent ou non prendre en considération à leur guise. Vu l’obligation unique du ministre consistant à veiller à ce que la ville respecte cette limite dans ses activités de planification municipale et de développement et compte tenu du fait que la ville a presque atteint ou même dépasse cette limite (selon le recensement qui a été effectué), il s’agit en l’espèce d’une obligation légale qui incombe au ministre.

[41]           Arctos soutient également que le redressement demandé se situe dans les pouvoirs conférés expressément à la Cour fédérale en vertu du paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales. En conséquence, le second motif de contestation de la requête en radiation est dénué de fondement et le procureur général n’a présenté aucun argument relativement à ce motif.

[42]           Quant au troisième motif, à savoir le présumé recours abusif, Arctos soutient que le procureur général n’a pas élaboré pleinement sur ce motif dans ses observations et, en conséquence, qu’elle ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait et donc que ce motif est sans mérite. La ville et le ministre exercent leurs responsabilités de manière indépendante pour assurer le respect des limites relatives à la population dans la ville et Arctos a le droit de les contester, indépendamment l’un de l’autre, surtout que la décision du ministre est antérieure aux décisions en matière de planification municipale. La décision relative à la consolidation des baux procure l’assurance de la conformité avec le Plan directeur de Banff aux fins des futures décisions municipales et lie la ville parce que le ministre est l’autorité suprême en matière de planification. Dans ce contexte, sans constituer un recours abusif, le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire a pour effet de transmettre les préoccupations d’Arctos aux institutions municipales.

D.                Observations supplémentaires concernant P&S Holdings Ltd

[43]           Le 5 avril 2017, la Cour a demandé aux parties de présenter des observations écrites supplémentaires relativement à la pertinence, le cas échéant, de la décision rendue récemment par la Cour d’appel fédérale dans P&S Holdings Ltd c. Canada (« P&S Holdings »), 2017 CAF 41, concernant la qualité pour agir dans une requête en radiation. Les parties ont chacune déposé leurs observations, ainsi que l’observation en réplique du procureur général. J’ai examiné ces observations au moment de rendre cette décision.

Analyse

[44]           Dans la présente instance, le motif sur lequel le procureur général s’est surtout appuyé dans sa requête en radiation est le fait qu’Arctos n’a pas qualité pour agir dans l’intérêt public en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales.

[45]           La jurisprudence est claire, une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire ne sera accueillie que dans des cas exceptionnels (Pharmacia au paragraphe 15; Rahman c. Commission des relations de travail dans la fonction publique), 2013 CAF 117, au paragraphe 7; Apotex, au paragraphe 16; comme le mentionne la Cour d’appel fédérale dans Canada (Revenu national) c. JP Morgan Asset Management (Canada) Inc., 2013 CAF 250 (« JP Morgan 

[47]      La Cour effectuera la radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire dans le cas où l’avis « est manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli » : David Bull Laboratories (Canada) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, à la page 600 (C.A.). Il faut qu’il y ait une erreur monumentale ou irréparable – une lacune fatale et manifeste à la base de la capacité de la Cour à instruire la demande : Rahman c. Commission des relations de travail dans la fonction publique, au paragraphe 7; Donaldson c. Western Grain Storage By-Products, au paragraphe 6; cf. Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959.

[48]      Il existe deux justifications d’un critère aussi rigoureux. Premièrement, la compétence de la Cour fédérale pour radier un avis de demande n’est pas tirée des Règles, mais plutôt de la compétence absolue qu’ont les cours de justice pour restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires : David Bull, précitée, à la page 600; Canada (Revenu national) c. Compagnie d’assurancevie RBC. Deuxièmement, les demandes de contrôle judiciaire doivent être introduites rapidement et être instruites « à bref délai » et « selon une procédure sommaire » : Loi sur les Cours fédérales, précitée, au sous-paragraphe 18.1(2) et au paragraphe 18.4. Une requête totalement injustifiée – de celles qui soulèvent des questions de fond qui doivent être avancées à l’audience – fait obstacle à cet objectif.

[46]           Quant aux requêtes en radiation fondées sur l’absence ou sur le défaut de qualité pour agir, dans Apotex, la Cour d’appel fédérale a déclaré : Le présent appel ne soulève réellement qu’une seule question : est-il évident et manifeste que la demande de contrôle judiciaire n’a aucune chance de succès? Elle a également soutenu que ce pouvoir doit être exercé avec modération et dans des cas très clairs :

[13]      Il n’est pas toujours indiqué de se prononcer sur une requête en radiation dans le cadre d’une décision exécutoire sur la question de la qualité pour agir, surtout quand la requête vise à radier une demande de contrôle judiciaire. Le juge devrait plutôt exercer son pouvoir discrétionnaire pour déterminer s’il est indiqué dans les circonstances de rendre une décision sur la qualité pour agir ou de régler la question en même temps que l’on statue sur le fond de la cause. Le juge Evans (maintenant juge en chef) a examiné brièvement les considérations dont un juge devrait tenir compte dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire dans Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 2 C.F. 211 (1re inst.) (Sierra Club), au paragraphe 25 (je souligne) :

À mon avis, ce n’est que dans les cas les plus évidents qu’un tribunal devrait accepter de mettre fin à une demande de contrôle judiciaire à l’étape d’une requête préliminaire en radiation pour défaut de qualité pour agir. En effet, à ce moment-là, il est possible que le tribunal ne dispose pas de tous les faits pertinents et ne bénéficie pas d’une argumentation juridique complète sur le cadre législatif dans lequel s’inscrit la mesure administrative en question. Si la solidité de la cause du demandeur, ainsi que d’autres facteurs, sont pertinents au moyen fondé sur la reconnaissance discrétionnaire de la qualité pour agir, il peut arriver que le tribunal ne puisse pas rendre une décision totalement éclairée justifiant le refus de reconnaître la qualité pour agir.

Je suis d’accord avec le juge Evans que ce pouvoir doit être exercé avec modération. Ceci est confirmé par le principe selon lequel les demandes de contrôle judiciaire sont censées être tranchées sommairement, et qu’il convient d’éviter les requêtes interlocutoires. C’est effectivement, comme on le verra plus loin, la raison pour laquelle le critère applicable à la requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire est que la demande n’ait « aucune chance d’être accueillie ».

[47]           En outre, la question de qualité pour agir ne devrait pas être tranchée dans l’abstrait, mais plutôt dans le contexte du motif du contrôle sur lequel s’appuie le demandeur. C’est ce qu’a déclaré le juge Evans dans Irving Shipbuilding, au paragraphe 28 :

28        Selon moi, la question de la qualité pour agir des appelantes devrait être tranchée, non dans l’abstrait, mais dans le contexte du motif de contrôle sur lequel elles s’appuient, soit, le manquement à l’obligation d’équité procédurale. Ainsi, si les appelantes ont droit à l’équité procédurale, elles doivent également avoir le droit de soumettre la question à la Cour afin de tenter d’établir que le processus en vertu duquel le contrat pour le soutien des sous-marins a été attribué à CSMG viole leurs droits procéduraux. Si TPSGC avait une obligation d’équité envers les appelantes et qu’il avait attribué le contrat à CSMG en violation de cette obligation, les appelantes seraient « directement touchées » par la décision contestée. Si elles n’ont pas droit à l’équité procédurale, le débat devrait, en règle générale, être clos. À mon avis, il n’est pas nécessaire d’analyser distinctement la question, mais j’examinerai brièvement deux questions découlant des observations des parties.

(voir également : P&S Holdings Ltd c. Canada, 2015 CF 1331, au paragraphe 35 (conf. par P&S Holdings))

[48]           Quant aux personnes qui sont touchées directement par la décision faisant l’objet d’un contrôle, dans Forest Ethics Advocacy Association c. Canada (Office national de l’énergie), 2014 CAF 245, la Cour d’appel fédérale a donné la description ci-après :

29        En vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, seuls ceux qui sont « directement touché[s] » peuvent demander à la Cour de contrôler une décision.

30        Forest Ethics n’est pas « directement touchée » par les décisions de l’Office. Les décisions de l’Office n’ont aucune incidence sur ses droits, elles ne lui imposent aucune obligation en droit, et elles ne lui causent aucun préjudice : Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith Canada c. Odynsky, 2010 CAF 307 (CanLII), 409 N.R. 298; (CAF); Rothmans of Pall Mall Canada Ltd. c. Canada (M.R.N.), [1976] 2 CF 500 (C.A.); Irving Shipbuilding Inc. c. Canada (P.G.), 2009 CAF 116 (CanLII), [2010] 2 R.C.F. 488 (CAF). Par conséquent, Forest Ethics n’a pas d’intérêt direct à déposer une demande de contrôle judiciaire et à invoquer la Charte contre les décisions de l’Office.

[49]           Dans la présente instance, les motifs invoqués par Arctos dans son avis de demande portent principalement sur le fait qu’elle a été touchée directement et de manière défavorable par la décision relative à la consolidation parce que le ministre, ou son délégué, a outrepassé sa compétence ou a agi de manière déraisonnable en omettant de prendre en considération l’objectif de politique ou d’en tenir compte proactivement, à savoir veiller à ce que la population de Banff ne dépasse pas 8 000 résidents permanents et à ce que le parc national de Banff soit entretenu et utilisé de façon à rester intact pour les générations futures; parce que la décision relative à la consolidation a été prise sans l’approbation de l’autorité approbatrice des subdivisions; parce que le ministre ou son délégué a manqué au principe de l’équité procédurale ou a agi dans un but inapproprié en prenant la décision concernant la consolidation des baux sans tout d’abord obtenir l’approbation de l’autorité approbatrice des subdivisions, car elle a ainsi privé Arctos des droits d’appel que prévoit l’accord concernant la constitution en corporation et le règlement municipal visant l’utilisation du terrain, processus d’appel qui aurait protégé les intérêts individuels d’Arctos, en tant que titulaire d’un bail d’un bien-fonds et l’intérêt public en assurant le respect des limites relatives à la croissance de la population et le développement commercial.

                                                     (i)            Population de la ville de Banff

[50]           En ce qui concerne l’allégation voulant qu’elle ait été touchée directement et de manière défavorable par la décision relative à la consolidation parce que le ministre, ou son délégué, a omis de prendre en considération l’objectif de politique ou d’en tenir compte proactivement, à savoir veiller à ce que la population de Banff ne dépasse pas 8 000 résidents permanents et, par voie de conséquence, à ce que le parc national de Banff soit entretenu et utilisé de façon à rester intact pour les générations futures, je n’en viens pas à cette conclusion.

[51]           Arctos n’est pas partie au bail qui a été consolidé. Aucune disposition du régime législatif visant la location à bail ne porte à croire qu’un tiers puisse avoir des droits de participation ou autre découlant des décisions qui sont prises concernant des baux. En fait, contrairement à P&S Holdings, Arctos ne fait pas valoir que l’on avait une obligation d’équité procédurale à son égard, de telle sorte qu’elle aurait pu participer à la décision relative à la consolidation des baux qui a donné lieu à la présente instance. En outre, rien ne prouve que la décision relative à la consolidation des baux ait une incidence sur les droits légaux d’Arctos ou lui impose des obligations légales ou encore ait des répercussions défavorables pour elle de quelque manière que ce soit. À cet égard, Arctos allègue seulement que la décision relative à la consolidation des baux a des répercussions importantes sur son entreprise à Banff et, de façon générale, sur le maintien du parc national de Banff. De façon générale, elle prétend seulement que le trésor que constitue le parc national de Banff perdra de sa valeur pour elle, pour son entreprise et pour la collectivité si le développement ne se fait pas dans le respect du cadre réglementaire et politique.

[52]           En outre, dans la mesure où Arctos allègue avoir qualité pour agir sur le plan commercial, dans Canwest, notre Cour a soutenu qu’un intérêt commercial dans les questions faisant l’objet d’un contrôle judiciaire ne confère pas en soi qualité pour agir (Canwest), au paragraphe 17; voir également Rothmans; Aventis Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1396, au paragraphe 19).

[53]           Par conséquent, je ne suis pas convaincue qu’Arctos ait un intérêt personnel suffisant dans la décision relative à la consolidation des baux pour avoir qualité pour agir.

[54]           Il me reste à exercer mon pouvoir discrétionnaire et à déterminer si je devrais reconnaître à Arctos la qualité pour agir dans l’intérêt public dans les circonstances présentes. Dans Downtown Eastside Sex Workers, la Cour suprême du Canada s’est penchée sur les règles de droit relatives à la qualité pour agir dans l’intérêt public et a justifié les restrictions qui s’imposent, mentionnant que l’approche traditionnelle consistait à limiter la qualité pour agir aux personnes dont les intérêts privés étaient en jeu ou pour qui l’issue des procédures avait des incidences particulières. Cependant, dans les causes de droit public, notamment la présente instance, les tribunaux ont tempéré ces limites et adopté une approche souple et discrétionnaire quant à la question de la qualité pour agir dans l’intérêt public, guidés en cela par les objectifs qui étaient sous-jacents aux limites traditionnelles. En l’espèce, les intimées Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society (« Société ») – dont l’objet consiste notamment à améliorer les conditions de travail des travailleuses du sexe – et Mme Kiselbach ont lancé une vaste contestation constitutionnelle des dispositions du Code criminel.

[55]           La Cour suprême du Canada a déclaré qu’au moment de déterminer s’il y a lieu ou non de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public, les tribunaux doivent prendre en compte trois facteurs :

37        Lorsqu’ils exercent le pouvoir discrétionnaire de reconnaître ou non la qualité pour agir dans l’intérêt public, les tribunaux doivent prendre en compte trois facteurs : 1) une question justiciable sérieuse est‑elle soulevée; 2) le demandeur a‑t‑il un intérêt réel ou véritable dans l’issue de cette question; et 3) compte tenu de toutes les circonstances, la poursuite proposée constitue‑t‑elle une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux : Borowski, p. 598; Finlay, p. 626; Conseil canadien des Églises, p. 253; Hy and Zel’s, p. 690; Chaoulli, par. 35 et 188. Le demandeur qui souhaite se voir reconnaître la qualité pour agir doit convaincre la cour que ces facteurs, appliqués d’une manière souple et téléologique, militent en faveur de la reconnaissance de cette qualité. Toutes les autres considérations étant égales par ailleurs, un demandeur qui possède de plein droit la qualité pour agir sera généralement préféré.

[56]           La Cour suprême du Canada a aussi déclaré que ces facteurs doivent plutôt être vus comme des considérations connexes devant être appréciées ensemble, plutôt que séparément, et de manière téléologique.

[57]           Pour être considérée comme une question sérieuse, la question soulevée doit constituer un point constitutionnel important ou constituer une question importante et l’action doit être loin d’être futile, bien que les tribunaux ne doivent pas examiner le bien-fondé d’une affaire autrement que de façon préliminaire.  La présente instance ne comporte aucune question de constitutionnalité et, examinée de façon isolée, la décision de consolider les baux du lot 20 et des lots 21 à 24 ne constitue pas une question importante.

[58]           Cependant, le différend fondamental ci-après oppose les parties : est-ce que le ministre doit, au moment de prendre une décision discrétionnaire en matière de location, tenir proactivement compte de l’objectif de politique établi qui est d’éviter que la population de la ville de Banff ne dépasse 8 000 résidents permanents. En d’autres termes, est-ce que la politique restreint le pouvoir discrétionnaire du ministre ou, comme le soutient Arctos, est-ce que la prise en considération de la politique constitue une obligation légale? En outre, si Arctos a raison, alors est-ce que le ministre a vraiment tenu compte des limites visant la population au moment de prendre la décision relative à la consolidation des baux?

[59]           Compte tenu de la complexité relative du régime législatif qui est lié de près au processus d’approbation de la planification et de développement par la municipalité; du fait que la question de portée plus générale soulevée par Arctos, l’incidence sur un parc national de la population de la ville de Banff, est une question d’intérêt public; et qu’il n’existe pas de droits de participation de tiers lorsque les décisions en matière de location sont prises, j’estime qu’il existe une question justiciable sérieuse.

[60]           Quant à la nature de l’intérêt, ce facteur porte sur la question de savoir si Arctos a un intérêt réel dans cette procédure ou si elle est partie aux questions qu’elle soulève. À mon avis, la présente instance ne s’apparente pas à l’affaire Conseil canadien des Églises, où la Cour a conclu que le demandeur jouissait de la meilleure réputation possible et qu’il avait démontré un intérêt réel et constant dans les problèmes des réfugiés et des immigrants (au paragraphe 39). Elle ne s’apparente pas non plus à Downtown Eastside Sex Workers où la société en question possédait une vaste expérience dans le domaine des travailleuses du sexe, était familière avec leurs intérêts et était un organisme sans but lucratif enregistré dirigé par des travailleuses du sexe actuelles et anciennes, et qui avait comme mandat et objectifs annoncés l’amélioration de la vie et des conditions de travail de ces personnes. Dans cette affaire, la preuve par affidavit de Mme Kiselbach indiquait clairement qu’elle était touchée directement et gravement par les lois visant la prostitution depuis 30 ans et qu’elle occupait maintenant un poste de coordonnatrice de la prévention de la violence.

[61]           Dans la présente instance, même si Arctos indique que la population de la ville et les répercussions connexes sur le parc national constituent sa source de préoccupation, pris en contexte, il s’agit de l’une des nombreuses objections qu’elle oppose aux demandes de développement de Fuji. En outre, rien ne montre, à l’exception des objections d’Arctos aux demandes de développement de Fuji, lesquelles sont semblables et se livreraient mutuellement concurrence, qu’Arctos démontre depuis longtemps une véritable préoccupation à l’endroit de la population de résidents permanents dans la ville. La preuve offerte n’indique pas non plus qu’Arctos a un intérêt distinct et important dans la question de la population qui se distingue de l’intérêt des autres. Bref, ce facteur ne joue pas en faveur d’Arctos.

[62]           Quant au troisième facteur, la poursuite proposée constitue‑t‑elle une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux, la Cour suprême du Canada a estimé que ce facteur exigeait l’examen de la question de savoir si la poursuite proposée, compte tenu de toutes les circonstances et à la lumière d’un grand nombre de considérations, constitue une manière raisonnable et efficace de soumettre la question à la Cour. Aux présentes, Arctos a interjeté trois appels devant la DAB qui, tous, portent sur l’énoncé de politique relatif à la population de Banff. Donc, dans la mesure où la MPC était tenue d’examiner attentivement cette question, mais qu’elle ne l’a pas fait, celle-ci sera traitée dans les décisions de la DAB. De plus, comme la DAB prendra ces décisions dans le contexte de son expérience et de sa connaissance de la planification municipale et du développement antérieurs de la ville, elle sera bien placée pour évaluer l’inquiétude d’Arctos concernant la population et, comme le mentionne le procureur général, si Arctos n’est pas d’accord avec ces décisions, elle a le droit d’interjeter appel à la Cour d’appel de l’Alberta. Comme les appels devant la DAB ont été entendus et qu’elle n’a pas encore rendu ses décisions, dans la présente instance, une demande de contrôle judiciaire pourrait également être prématurée.

[63]           Le procureur général est d’avis que la décision discrétionnaire du ministre concernant la location constitue un processus séparé et se distingue des décisions de la MPC et de la DAB concernant la planification municipale et le développement de la ville. En conséquence, la décision relative à la consolidation des baux ne nécessite pas que soit pris en considération l’énoncé de politique concernant la population. Si tel est le cas, la demande de contrôle judiciaire n’est pas un moyen efficace de saisir la Cour d’une inquiétude concernant la population. Inversement, s’il s’agit d’un facteur pertinent, alors les appels dont la DAB est saisie ne permettront pas de remédier au fait que le ministre n’a pas examiné la question de manière raisonnable au moment de prendre la décision relative à la consolidation des baux. Cela étant dit, sur le plan pratique, les demandes de développement ne seront pas approuvées si la DAB détermine que la préoccupation concernant la population n’est pas justifiée et empêche l’approbation du développement envisagé.

[64]           Dans l’ensemble, ces facteurs pourraient possiblement étayer la décision d’accorder à Arctos la qualité pour agir dans l’intérêt public et, en conséquence, empêcher la requête en radiation. Cependant, comme nous le verrons ci-après dans le contexte de la question de subdivision, l’argument plus convaincant pour refuser la requête en radiation est qu’il n’est pas clair et évident que la demande de contrôle judiciaire ne sera pas accueillie.

                                                   (ii)            Subdivision

[65]           À mon avis, l’affirmation d’Arctos selon laquelle la décision relative à la consolidation a été prise sans que la subdivision n’ait été approuvée au préalable, en ce qui concerne le lot 20, n’est pas fondée et il est clair et évident qu’elle ne peut pas être acceptée. L’approbation par la MPC de la subdivision de 2001 avait pour effet d’autoriser la subdivision du lot 20 des lots 18 à 20, à la condition expresse que les baux pour le lot 20 et les lots 21 à 24 soient consolidés. Le dossier montre clairement que la décision relative à la consolidation a été prise dans le contexte de la décision relative à la subdivision de 2001. À cet égard, dans la décision de 2015 de la DAB concernant la première demande de Fuji en vue d’obtenir un permis de développement, la DAB a déclaré que l’avocat d’Arctos « admettait le fait qu’il avait reconnu que la consolidation du lot 20 et des lots 21 à 24 était requise comme condition de développement et qu’il n’y avait pas lieu de présenter d’autres arguments à cet égard ». La DAB a précisé que la demanderesse, Arctos, et la défenderesse, Fuji, étaient d’accord que les baux visant le lot 20 et les lots 21 à 24 devaient être consolidés avant le développement et elle a ordonné la consolidation comme condition à tout développement futur.

[66]           Bref, la subdivision du lot 20 a été approuvée dans la décision relative à la subdivision de 2001, avec comme condition la consolidation des baux. Le 24 juin 2015, dans sa décision de 2015, la DAB a réitéré cette condition qui constituait un préalable à tout développement futur. La décision relative à la consolidation des baux est datée de novembre 2016. Par conséquent, l’affirmation d’Arctos voulant que la décision relative à la consolidation des baux ait été prise avant l’approbation de la subdivision ne peut pas être accueillie.

[67]           Toutefois, la DAB a également constaté qu’une subdivision avait été effectuée sans avoir été approuvée et que celle-ci devait être rectifiée avant le développement et, en conséquence, elle a ordonné à Fuji de soumettre une demande de subdivision en règle du lot 24 avant tout développement futur.

[68]           Dans un courriel daté du 29 août 2016, Parcs Canada a cité la décision de la DAB de 2015. Dans ce courriel, Parcs Canada aborde les deux exigences que Fuji devait satisfaire pour résoudre les problèmes concernant deux baux : d’une part, la séparation du droit de tenure à bail dans le bail visant les lots 21 à 24 (c.-à-d. la subdivision non autorisée); d’autre part, la condition de développement en suspens relativement à la consolidation du lot 20 et des lots 21 à 24 sous un seul bail. Le courriel indiquait qu’en vertu de l’article 13 du bail visant les lots 21 à 24, Parcs Canada exigeait – avant la présentation de toute demande de permis de développement – l’exécution de la séparation du droit de tenure à bail et la satisfaction de la condition de développement en suspens pour la consolidation sous un seul bail du lot 20 avec les lots 21 à 24. Cela nécessitait le transfert de la participation, la consolidation du lot 20 avec les lots 21 à 24 sous un bail et la délivrance d’un nouveau bail dont les modalités communes régissaient l’utilisation comme aménagement de logements commerciaux.

[69]           Parcs Canada mentionnait que, comme l’avait constaté la DAB, ces questions devaient être réglées pour éviter une violation de l’article 5.8 de l’accord concernant la constitution en corporation, lequel stipule que nul ne subdivisera un terrain dans les limites de la ville sans l’approbation de l’autorité approbatrice des subdivisions, également cité au paragraphe 5.1.1 du règlement de l’utilisation des terres, lequel stipule qu’aucune personne, corporation ou agence ne pourra subdiviser une parcelle de terrain ou perpétrer un acte sur un terrain qui pourrait avoir comme effet une subdivision, sans l’approbation de la MPC ou, en appel, de la DAB, et d’éviter toute violation une ordonnance de la DAB concernant l’exécution de la subdivision du lot 24 avant tout développement futur. Parcs Canada a également déclaré que l’approche indiquée dans le courriel faciliterait aussi le développement, car le paragraphe 5.2(4) de l’accord concernant la constitution en corporation oblige, comme condition préalable à l’obtention d’un permis de développement, le propriétaire à consolider les lots impliqués lorsqu’il prévoit ériger une structure sur les limites de lots contigus. En conséquence, Parcs Canada était d’avis que la ville ne pouvait pas émettre légalement un permis de développement tant que la question n’aurait pas été réglée.

[70]           Comme il est mentionné ci-dessus, la séparation du droit de tenure à bail dans le bail visant le lot 24 découle de la subdivision non autorisée par les propriétaires précédents, soit Homestead and Melissa’s. Le procureur général soutient que la délivrance d’un bail consolidé satisfait la deuxième condition relativement au développement imposée par la DAB et que l’acquisition par Fuji, en 2016, du reste de la part indivise du droit de tenure à bail dans les baux 21 à 24 corrige le problème de la subdivision non autorisée découlant de l’accord de copropriété antérieur, puisque Fuji était alors l’unique propriétaire. Par conséquent, il n’y avait plus de subdivision non autorisée et, donc, aucune subdivision ne devait être approuvée. Il appert que la MPC partageait cette opinion car, lorsque Fuji a de nouveau demandé un permis de développement après être devenu l’unique propriétaire de la part indivise du droit de tenure à bail dans les lots 21 à 24, ce permis lui a été accordé; cependant, le dossier n’indique pas qu’une demande de subdivision a été présentée. Inversement, Arctos est d’avis que la consolidation est en fait une subdivision et que, par conséquent, une demande devait être soumise. Le procureur général affirme que cette position est spéculative. Au vu d’un examen préliminaire, je ne trouve guère d’arguments pour appuyer l’interprétation d’Arctos. Cependant, sans m’étendre sur les mérites, la réponse à cette question est loin d’être claire et évidente, compte tenu du dossier et des observations qui ont été fournis jusqu’à maintenant.

[71]           Arctos soutient également, en ce qui concerne la subdivision, que la « séquence juridique » du processus décisionnel exige que la ville exerce tout d’abord son pouvoir et que le ministre approuve ensuite le nouveau bail ou le bail consolidé pour que la subdivision ou le développement soit approuvé. Là encore, dans l’examen d’une requête en radiation, la Cour ne doit pas s’attarder sur le bien-fondé de la requête, je constate qu’aucune disposition du régime législatif n’appuie cette proposition. À cet égard, Arctos s’appuie sur le paragraphe 5.2(4) de l’accord concernant la constitution en corporation, lequel stipule que le règlement sur l’utilisation des terres prévoit que, lorsque le développement prévoit la construction d’une structure sur les limites des lots contigus, tout permis de développement qui sera émis sera assorti d’une condition obligeant le propriétaire à consolider les baux visant les lots en question avant l’émission d’un permis. Arctos cite également le paragraphe 5.14, lequel stipule qu’une subdivision qui a été approuvée par l’autorité approbatrice des subdivisions ou par la DAB ne sera pas effectuée tant que le ministre fédéral n’aura pas approuvé le nouveau bail ou la modification du bail nécessaire pour que la subdivision prenne effet.

[72]           À mon avis, à première vue, ces paragraphes ne précisent pas si la loi exige l’ordre de la prise de décision que propose Arctos. Ces paragraphes correspondent au paragraphe 5.8 de l’accord concernant la constitution en corporation, lequel stipule qu’une subdivision doit être approuvée par l’autorité approbatrice des subdivisions et que ladite approbation ne peut pas prendre effet tant que le ministre n’a pas approuvé le nouveau bail ou la modification du bail requise pour que la subdivision puisse se faire; en outre, le paragraphe 5.3.7 du règlement sur l’utilisation des terres comporte les mêmes exigences. Ces paragraphes indiquent simplement, qu’en l’absence d’un nouveau bail ou de la modification d’un bail existant, aucune approbation de permis de subdivision ne sera accordée ou mise en application. Cela pourrait se produire avant ou après l’approbation de la subdivision. Toutefois, il reste à déterminer si l’approbation de la subdivision était en fait requise dans cette instance.

[73]           Quoi qu’il en soit, sur ce point, Arctos soutient que l’ordre légal allégué a pour effet de garantir que le ministre a le pouvoir d’exercer une surveillance réelle des décisions de la ville, ce qu’Arctos rattache à l’obligation indépendante de prendre en considération les restrictions relatives à la population qui incombe à la ville et au ministre.

[74]           En ce qui concerne l’observation d’Arctos voulant que la décision relative à la consolidation des baux permette à Fuji de contourner le processus de subdivision, car elle précède l’approbation de la subdivision et, qu’en conséquence, elle prive Arctos du droit d’appel que lui confèrent l’accord concernant la constitution en corporation et le règlement sur l’utilisation des terres et de son droit à l’équité procédurale, cette observation repose sur l’interprétation que donne Arctos à « l’ordre de la prise de décision » et sur la question de savoir si la subdivision du lot 24 devait être approuvée, compte tenu du fait que Fuji avait fait l’acquisition de la totalité des lots 21 à 24. Le droit d’appel de l’approbation d’une subdivision est ouvert au demandeur d’une approbation de subdivision, au conseil municipal de Banff, à une administration scolaire, à Sa Majesté la Reine du chef du Canada et à tout locataire ou titulaire de permis adjacent, par exemple Arctos (paragraphe 5.11(1) de l’accord concernant la constitution de Banff; paragraphe 5.1.1 du règlement sur l’utilisation des terres). Par conséquent, si la DAB détermine qu’une subdivision nécessitant une approbation préalable a été effectuée, Arctos ne sera pas privée de son droit d’interjeter appel; en fait, elle a déjà exercé ce droit dans les appels qu’elle a déposés. Cependant, même s’il est difficile de concilier le droit d’appel de la ville avec l’affirmation d’Arctos visant le fait que la décision relative à la consolidation des baux la prive de son droit d’interjeter appel de cette décision de la ville, il n’en demeure pas moins que le processus municipal ne prévoit pas l’examen approfondi de la décision relative à la consolidation des baux – en supposant que celle-ci puisse faire l’objet d’un tel examen.

[75]           En conclusion, dans les présentes circonstances et plus particulièrement vu les questions de savoir si le ministre devait tenir compte de l’objectif de politique relativement à la population au moment de prendre la décision relative à la consolidation des baux et si ladite consolidation constituait une subdivision du lot 24 devant être approuvée par l’autorité approbatrice des subdivisions, je ne peux pas conclure qu’il est clair et évident que la demande de contrôle judiciaire d’Arctos ne puisse pas être accueillie (voir par exemple la décision de la Cour d’appel fédérale dans P&S Holdings et Irving Shipbuilding). Par conséquent, à mon avis, il ne serait pas approprié de prendre une décision concernant la qualité pour agir, avec effet final, à titre de question préliminaire. Au contraire, la décision définitive relativement à la question devrait pouvoir être examinée en même temps qu’il serait statué sur l’affaire au fond (Finlay, au paragraphe 20; Apotex, au paragraphe 13; JP Morgan, au paragraphe 91).

[76]           Je ne suis pas non plus convaincue que la mesure de redressement demandée par Arctos, à savoir l’annulation de la décision relative à la consolidation des baux, ne peut être accordée en vertu de la Loi sur les Cours fédérales (voir l’alinéa 18(1)a) et le paragraphe 18.1(3)).

[77]           Quant à l’allégation de recours abusif, là encore je ne suis pas convaincue que cela ait été établi pour le moment par le procureur général ou par Fuji. Cependant, comme il est mentionné ci-dessus, bon nombre des motifs de contestation de la décision relative à la consolidation des baux par Arctos constituent également le fondement de ses appels à la DAB. Par conséquent, il se peut que la demande de contrôle judiciaire soit prématurée. Par exemple, si la DAB conclut que la subdivision antérieure du lot 24 a été redressée lorsque Fuji a fait l’acquisition des deux participations et, en conséquence, qu’aucune approbation d’une subdivision n’était requise, Arctos n’aura pas été privée des droits d’appel qui s’offraient à elle en vertu du processus de développement municipal. De même, si la DAB conclut que l’impact sur la population de la ville ne constitue pas une source de préoccupation, alors même si le ministre devait prendre en considération l’objectif de politique concernant la population au moment de prendre la décision relative à la consolidation des baux, l’issue finale sera sans doute la même.

[78]           Compte tenu de l’ensemble des arguments et de l’ampleur du dossier et en ce qui concerne le critère rigoureux qui doit être satisfait au moment de radier une demande de requête préliminaire, je ne suis pas persuadée que la présente instance soit une affaire claire dans laquelle la qualité pour agir devrait être tranchée à l’étape d’une requête préliminaire.

[79]           Cependant, j’en suis venue à la conclusion qu’il serait approprié que la présente instance fasse l’objet d’une gestion d’instance et c’est ce que j’ai ordonné.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.         La présente requête soit rejetée.

2.         Les dépens suivront l’issue de la cause.

3.         Conformément à la Règle 384, j’ordonne que l’instance se poursuive à titre d’instance à gestion spéciale.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-8-17

 

INTITULÉ :

ARCTOS HOLDINGS INC ET ARCTOS & BIRD MANAGEMENT LTD c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET FUJI STARLIGHT EXPRESS CO LTD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juin 2017

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

William W. Shores, c.r.

 

Pour les demanderesses

 

Deborah Babiuk-Gibson

(Procureur général du Canada)

 

Pour les défendeurs

 

Blare C. York Slader, c.r.

(Fuji Starlight Express Co Ltd)

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shores Jardine LLP

Avocats

 

Pour les demanderesses

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour les défendeurs

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.