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Date : 20170801


Dossier : T-311-15

Référence : 2017 CF 749

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 1er août 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

LORETTA BEMISTER, RICHARD FERGUSSON, PETER KERR, OREST TORSKY, NANCY WILSON ET L’ASSOCIATION NATIONALE DES RETRAITÉS FÉDÉRAUX

demandeurs

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs sont des personnes retraitées de divers secteurs de la fonction publique fédérale, et participent volontairement au Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP). Le RSSFP est le régime de soins de santé établi conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F-11 (LGFP) qui offre une protection aux employés fédéraux actifs et aux retraités de la fonction publique fédérale. L’association nationale des retraités fédéraux (ANRF) est une organisation à but non lucratif qui défend les intérêts des retraités fédéraux.

[2]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire portant que le défendeur, agissant par l’intermédiaire du Conseil du Trésor (CT), a violé leurs droits contractuels et enfreint la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) en ce qui concerne le processus suivi et les modifications apportées au ratio de partage des coûts du RSSFP, en 2014. À l’époque, il avait été annoncé que le ratio de partage des coûts serait remplacé par un partage dans une proportion de 75-25 %, alors qu’un partage dans une proportion de 50-50 % prévalait depuis plusieurs années. Ce changement signifie que les retraités doivent payer 50 % des primes pour la protection aux termes du RSSFP et que le gouvernement fédéral contribue à 50 %. Avant cela, les retraités payaient 25 % des primes. À l’heure actuelle, les employés fédéraux actifs ne payent pas de primes à l’égard du RSSFP.

[3]  La présente demande de contrôle judiciaire ne porte pas sur les prestations de retraite. Elle porte sur l’augmentation du coût de la protection du RSSFP pour les retraités, et sur la ligne de conduite suivie par le CT pour obtenir cette augmentation. Les retraités avaient pu s’exprimer au sujet des modifications apportées au RSSFP, tels qu’elles ont été annoncées en 2014, puisqu’ils avaient un représentant de l’ANRF au comité de surveillance du RSSFP. Même s’ils n’étaient pas d’accord avec le changement de ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 %, ils ont obtenu d’autres concessions ainsi qu’une entente selon laquelle le nouveau ratio ne s’appliquerait pas aux retraités à faible revenu. Ils avaient recours à un autre processus de règlement des différends en cas d’impasse, mais ils ont choisi de ne pas enclencher ce processus.

[4]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que les retraités et l’ANRF ont convenu, mais non sans réticence, au ratio de partage des coûts des primes du RSSFP dans une proportion de 50-50 %. Je conclus également qu’il n’y a eu aucune violation des droits garantis par la Charte.

[5]  La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Les parties n’ont pas réclamé les dépens.

II.  Résumé des faits

A.  RSSFP

[6]  Le RSSFP est établi en application du paragraphe 7.1(1) de la LGFP qui permet au CT d’« [...] établir ou modifier des programmes d’assurances collectives ou des programmes accordant d’autres avantages pour les employés de l’administration publique fédérale et les autres personnes [...] ».

[7]  Le RSSFP offre une protection relative à divers soins de santé, y compris les médicaments sur ordonnance, les fournitures médicales, les soins de la vue, les services des professionnels de la santé, l’assurance hospitalisation et l’assurance voyage. Les participants au RSSFP comprennent les employés actuels aussi bien que les fonctionnaires fédéraux retraités et leurs personnes à charge admissibles. Au moment de leur retraite, les employés peuvent choisir de maintenir la protection offerte par le RSSFP. Étant donné que la participation au RSSFP est volontaire, les retraités sont libres de se retirer du régime en tout temps.

[8]  À l’heure actuelle, le RSSFP offre une protection à plus de 600 000 participants. Parmi les retraités de la fonction publique fédérale estimés à 239 000, environ 174 500 participent au RSSFP. Le RSSFP est financé grâce aux cotisations du CT, à celles des employeurs participants et des participants au RSSFP. Les cotisations des retraités participant au RSSFP sont déduites de leurs prestations de pension.

[9]  Le RSSFP a subi divers changements, y compris des changements au chapitre de la protection, des quotes-parts et des pourcentages de partage des coûts. Bien que les changements qui sont en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire soient ceux de 2014, il est nécessaire d’expliquer le contexte de la gouvernance du RSSFP.

1)  1999-2005

[10]  Le 1er décembre 1999, le CT, le Conseil national mixte (CNM) de la fonction publique du Canada (représentant divers agents négociateurs de la fonction publique) et l’ANRF, soit l’Association nationale des retraités fédéraux dont le nom est demeuré inchangé en français, ont conclu un protocole d’entente (PE) et une convention de fiducie.

[11]  Le PE portait sur la période d’avril 2000 au 31 mars 2005 et décrivait le cadre financier et de gestion du RSSFP.

[12]  Lors des négociations sur le renouvellement en 2005, le CT, le CNM et l’ANRF ont convenu de remplacer la convention de fiducie du RSSFP par une personne morale appelée Administration du Régime de soins de santé de la fonction publique fédérale et par un forum de collaboration, connue sous le nom de Comité des partenaires du Régime de soins de santé de la fonction publique (Comité des partenaires).

2)  2006-2011

[13]  Un nouveau PE a été conclu pour la période du 1er avril 2006 à mars 2011. L’objet de ce PE est décrit de la façon suivante :

[traduction] « L’objet du présent PE est de décrire les modifications qui seront apportées au Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP) en ce qui concerne les prestations, les mesures de gestion des coûts, la mise en place d’une carte-médicaments à débit direct ainsi que les changements apportés à son cadre de gouvernance ».

[14]  En ce qui a trait aux cotisations des retraités (appelés pensionnés), le PE de 2006 énonce ce qui suit à l’annexe B « Mesures de gestion des coûts » :

[traduction] Les cotisations des pensionnés seront fondées sur le principe du partage des coûts dans une proportion de 75/25 pour cent; et les taux de cotisation des pensionnés seront établis pour la période du 1er avril 2006 au 31 mars 2011. À partir du 1er avril 2011, les taux de cotisation seront recalculés pour refléter encore une fois le principe du partage des coûts dans une proportion de 75/25 %.

[15]  L’annexe D du PE décrit ainsi la [traduction] « structure de gouvernance du RSSFP » :

[traduction] Une proposition de gouvernance finale détaillée sera élaborée par les représentants des parties, puis présentée au président du Conseil du Trésor aux fins d’approbation. Les éléments principaux du nouveau cadre de gouvernance seraient libellés comme suit :

  La convention de fiducie actuelle du RSSFP doit être résiliée.

  Une personne morale serait constituée conformément au paragraphe 7.2(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques (LGFP) par la délivrance de lettres patentes de constitution en personne morale par le président du Conseil du Trésor, sur recommandation du Conseil national mixte. La personne morale serait chargée de surveiller l’administration du régime.

  La personne morale amorcerait ses activités le 1er avril 2006.

  Un comité de concertation appelé Comité des partenaires doit être établi. Il sera composé des représentants des parties et aura pour but de favoriser un processus conjoint de résolution des différends dans le cadre duquel les parties collaboreront en vue d’en arriver à un consensus sur l’élaboration du régime et les questions de gestion des coûts.

  Le Comité des partenaires aura le mandat de formuler des recommandations aux fins d’approbation par le Conseil du Trésor sur les modifications apportées aux modalités du RSSFP afin d’atténuer les pressions sur les coûts et de régler d’autres questions.

  Le mandat du Comité des partenaires comprendra un processus de règlement des différends qui sera élaboré par les représentants des parties. Si les représentants des parties ne parviennent pas à s’entendre sur un processus de règlement des différends, le processus décrit dans le protocole d’entente à l’égard du renouvellement de 2011 s’appliquera.

[16]  Un processus de règlement des différends était décrit ainsi à l’annexe A du PE de 2006 [traduction] « concernant le renouvellement du RSSFP en 2011 » :

  [traduction] Dans l’éventualité où les parties ne parviennent pas à s’entendre d’ici juin 2010, un processus de médiation peut être entamé, soit par les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, soit par les représentants des agents négociateurs accrédités du Conseil national mixte ou encore par les représentants des pensionnés.

  Si la médiation n’aboutit pas d’ici octobre 2010, un processus de règlement des différends peut être entamé, soit par les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, soit par les représentants des agents négociateurs accrédités du Conseil national mixte ou encore par les représentants des pensionnés.

  Le processus de règlement des différends consiste en des audiences menées et en des décisions rendues par un comité de règlement des différends composé de trois personnes : l’une choisie par les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, l’une choisie par les représentants des agents négociateurs accrédités du Conseil national mixte et les représentants des pensionnés, et une troisième, par la personne qui agira comme président du comité.

  La décision du comité du règlement des différends est une décision rendue par la majorité des membres, ou, en l’absence d’une décision majoritaire, par le président du comité.

  La décision du comité de règlement des différends fait partie intégrante de l’entente de renouvellement, à moins que :

  les parties conviennent de s’opposer à la décision;

  les parties conviennent d’autres conditions dans les 30 jours suivant la décision du comité de règlement des différends.

[17]  Les modifications apportées en 2006 ont mené à la création de deux organismes participant à la gouvernance du RSSFP, soit une personne morale appelée l’autorité administrative et le Comité des partenaires.

[18]  Le conseil d’administration de l’autorité administrative, conformément à l’article 7.3 de la LGFP, est composé de membres nommés par le président du CT ainsi que d’agents négociateurs du CNM. Le conseil d’administration comprend un administrateur représentant les retraités, nommé par le président, sur recommandation du CNM.

[19]  Le Comité des partenaires comprend sept (7) membres : trois représentants de l’employeur nommés par le président du CT, trois représentants des employés nommés par les agents négociateurs du CNM et un représentant des retraités nommé par le CNM.

[20]  Le Comité des partenaires fonctionne de manière consensuelle et, lorsque tous les membres acceptent les modalités du renouvellement du RSSFP, une recommandation conjointe est signée par tous les partenaires et est présentée au président du CT aux fins de ratification. En l’absence de consensus, le processus de règlement des différends peut être enclenché. De toute manière, le CT a le pouvoir d’approbation finale.

3)  Renouvellement du PE

[21]  Le renouvellement du PE, après la période de 2011, faisait l’objet de discussions au cours des réunions régulières du Comité des partenaires.

[22]  Déjà, en 2009, les représentants du CT siégeant au Comité informaient le Comité des partenaires que la situation économique [traduction] « certainement sans précédent » au Canada et la nécessité d’une période de restrictions économiques joueraient un rôle dans le renouvellement du PE de 2011 (affidavit de Mme Sametz, au paragraphe 53).

[23]  En décembre 2011, une prolongation de deux ans du PE de 2006 a été approuvée et comprenait le maintien du ratio de partage des coûts dans une proportion de 75-25 %. La période de renouvellement allait du 1er juin 2012 à mars 2013.

[24]  Entre-temps, les réunions se poursuivaient relativement à l’élaboration d’une proposition pour la période suivant le renouvellement. Après une série de réunions, le 13 février 2012, le CNM, au nom du Comité des partenaires, a formulé une recommandation conjointe au président du CT. Cette recommandation comprenait la prolongation du PE en vigueur alors, et le maintien du ratio de partage des coûts dans une proportion de 75-25 %. Par cette recommandation, il a été reconnu que le Comité des partenaires a tenu compte de [traduction« [...] l’incidence sur le coût et la rentabilité du régime, sa comparaison aux régimes de soins de santé d’autres employeurs et les conséquences pour les participants au régime [...] ».

[25]  Le président du CT n’a répondu à la recommandation formulée en février 2012  qu’en juin 2013. Dans sa réponse, le président du CT a demandé au Comité des partenaires de se pencher sur le passage à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % pour les retraités, en plus d’autres modifications.

[26]  L’ANRF se dit avoir été étonnée de cette réponse. À la suite de la réponse, le Comité des partenaires s’est réuni à plusieurs occasions pour discuter des répercussions, sur les participants retraités au RSSFP, d’un passage à un modèle de partage des coûts dans une proportion de 50-50 %. Malgré une demande de tenir une réunion avec le président du CT, cette dernière n’a pas eu lieu.

[27]  Le 8 octobre 2013, le président du CT a écrit au Comité des partenaires pour réitérer sa position concernant la nécessité de passer à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % afin de s’assurer que le RSSFP demeure abordable et comparable à d’autres régimes de soins de santé publics et privés. Dans cette lettre, le président du CT a justifié sa réponse tardive en indiquant qu’il devait [traduction] « évaluer pleinement les conséquences de la recommandation ».

[28]  Lors d’une réunion du Comité des partenaires le 23 janvier 2014, les représentants du CT ont signalé que, si l’on ne parvenait à aucune recommandation, le gouvernement pourrait imposer des changements au RSSFP.

4)  Annonce du budget de 2014

[29]  Le 12 février 2014, de concert avec le Budget fédéral, il a été annoncé que l’on passerait à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % pour les participants retraités du RSSFP, comme mesure de réduction des coûts.

[30]  À la suite de cette annonce, le Comité des partenaires s’est réuni à plusieurs occasions afin de formuler une recommandation.

[31]  Le 21 mars 2014, le CNM, au nom du Comité des partenaires, a présenté une recommandation reformulée au président du CT concernant les changements apportés au RSSFP. Le [traduction] « compte rendu de décision » indique que « pendant sa réunion du 21 mars 2014, le Comité des partenaires s’est entendu sur les éléments d’une recommandation conjointe reformulée à présenter au Conseil du Trésor ».

[32]  La recommandation conjointe reformulée comprenait l’élargissement des prestations de soins de la vue, l’amélioration des modalités de remboursement de certains appareils médicaux, l’augmentation de la protection pour les services psychologiques, la suppression de la franchise annuelle et la mise en œuvre du ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % pour les participants retraités, sur une période de quatre ans. Toutefois, le ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % ne s’appliquerait pas à certains retraités à faible revenu, auquel s’appliquerait le ratio de partage des coûts dans une proportion de 75-25 %. Cette recommandation conjointe était signée par Dennis Jackson, au nom de l’ANRF.

[33]  Dans une lettre datée du 26 mars 2014, le président du CT a écrit ce qui suit au Comité des partenaires pour annoncer officiellement l’approbation de la recommandation conjointe du 21 mars 2014 :

[traduction] Je souhaite remercier le Comité des partenaires du Régime de soins de santé de la fonction publique pour sa lettre du 21 mars 2014 exposant une recommandation conjointe reformulée pour le renouvellement du Régime de soins de santé de la fonction publique. La recommandation conjointe de 2014 constitue un engagement important pour permettre que les prestations du Régime de soins de santé de la fonction publique et celles des pensionnés demeurent actuelles, pertinentes et aillent dans le sens des principes de comparabilité, de capacité et de durabilité.

B.  Éléments de preuve

[34]  En l’espèce, les parties se sont fondées sur la preuve par affidavit. Des contre-interrogatoires écrits ont été tenus sur ces affidavits.

1)  La preuve présentée par les demandeurs

[35]  Les demandeurs individuels, qui sont également membres de l’ANRF, ont produit des affidavits pour appuyer la présente demande, de la manière suivante :

Loretta Bemister a travaillé pour le gouvernement fédéral pendant environ trente (30) ans en tant que comptable générale accréditée et employée de Postes Canada. Elle a pris sa retraite de la fonction publique en 2011, à l’âge de 56 ans alors qu’elle occupait un poste de direction. À partir d’avril 2018, les modifications apportées aux primes du RSSFP auront pour effet d’augmenter sa prime mensuelle de 42,76 $ à 85 $.

Richard Fergusson a servi dans les Forces armées pendant vingt-quatre (24) ans à titre de sous-officier du Groupe de la Météorologie et de formateur en développement de l’instruction. Il a pris sa retraite alors qu’il occupait un poste d’adjudant-maître en 1992, à l’âge de 45 ans. En 2014, la prime mensuelle du RSSFP de M. Ferguson était 59,32 $.

Peter Kerr est un administrateur de l’ANRF et a servi dans les Forces armées pendant trente-trois (33) ans dans le domaine de l’ingénierie mécanique et électrique. Il a pris sa retraite en 1996, à 49 ans, au moment où il occupait un poste de lieutenant-colonel. En mars 2015, la prime mensuelle du RSSFP de M. Kerr est passée de 38,34 $ à 49,98 $.

Orest Torsky a été membre de la GRC pendant trente-quatre (34) ans. Il a pris sa retraite pour des raisons de santé en 2005, à l’âge de 57 ans. Après sa retraite, il a continué à travailler pour la GRC en tant qu’employé civil à contrat pendant environ cinq (5) ans. En 2014, la prime mensuelle du RSSFP de M. Torsky était de 52,93 $.

Nancy Wilson a travaillé en tant que commis à l’administration pour la base des Forces canadiennes à London (Ontario) pendant dix-neuf (19) ans. Elle a pris sa retraite en raison de la fermeture de la base en 1996, mais a continué à travailler à temps partiel en tant qu’adjointe administrative pour la Garde côtière canadienne. En 2012, à l’âge de 73 ans, des réductions ont entraîné la suppression de son poste à temps partiel. En 2014, la prime mensuelle du RSSFP de Mme Wilson était de 21,78 $.

[36]  Les demandeurs se sont également fondés sur les affidavits de Sylvia Ceaceron, directrice générale de l’ANRF et de Louise Bergeron, une agente de soins de santé qui travaillait pour l’ANRF.

[37]  Dennis Jackson, le représentant de l’ANRF au Comité des partenaires depuis 2006, a déposé un affidavit, dans lequel il décrit en détail le contexte de la gouvernance du RSSFP et des réunions du Comité des partenaires concernant la recommandation conjointe de 2012 au CT, de même que les événements de 2013 et de 2014 qui ont permis de conclure l’« entente » annoncée en mars 2014.

[38]  Les demandeurs ont déposé un affidavit de Bernard Dussault, un actuaire et un agent de prestations de retraite du Bureau national de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada.

[39]  Les demandeurs ont également déposé l’affidavit d’un témoin expert, Douglas Hyatt. M. Hyatt est un professeur d’économie de l’entreprise à l’École de gestion Rotman. Il est proposé comme expert en relations industrielles, en sécurité du revenu et en programmes de remplacement du revenu. M. Hyatt est d’avis qu’en 2014, le président du CT n’a peut-être pas mené les négociations en toute bonne foi. M. Hyatt affirme que dans le cadre de véritables négociations collectives, les préoccupations légitimes des employés [traduction] « doivent affronter les préoccupations tout aussi légitimes des employeurs » (au paragraphe 19). M. Hyatt explique que, bien que les modifications unilatérales en l’espèce ne touchent que les retraités, elles peuvent également avoir une incidence sur les employés actifs en place puisque plusieurs d’entre eux prendront ultimement leur retraite (au paragraphe 20). Il explique qu’un [traduction] « employeur qui met fin à cette entente et exige un partage des coûts dans une proportion de 50 % s’approprie ce que les employés ont déjà payé au cours de leurs années de service au sein de l’organisation » (au paragraphe 26). Un retraité ne peut pas retourner à la table de négociation pour négocier un salaire plus élevé afin de compenser le régime de pension moins généreux (aux paragraphes 26 et 27). Il affirme que l’augmentation du coût des prestations de retraite équivaut à une expropriation sans indemnisation puisque les retraités ont déjà payé leurs prestations lorsqu’ils étaient employés (au paragraphe 29).

[40]  Il soutient que les prestations de retraite sont une forme de rémunération différée. Il explique que les ententes de rémunération différée touchent généralement les personnes qui sont sous-payées par rapport à leur productivité au cours de leurs premières années dans l’organisation, pour avoir été trop payées par rapport à leur productivité dans leurs années ultérieures auprès de l’organisation (aux paragraphes 37 à 39). La rémunération différée favorise un environnement de travail positif en s’assurant que les employés restent chez l’employeur pour recevoir les avantages qu’ils ont acquis, ce qui conduit à une relation de travail à plus long terme (au paragraphe 41). « Les avantages acquis dans le cadre d’un régime de santé au moment de la retraite offrent aux travailleurs la sécurité qui est très appréciée pendant la retraite » (au paragraphe 42).

2)  La preuve présentée par le défendeur

[41]  Le défendeur se fonde sur l’affidavit de Tracey Sametz, qui travaille pour le gouvernement fédéral depuis 1985. Entre mars 2009 et janvier 2015, elle était directrice principale des pensions et des avantages sociaux au Conseil du Trésor. Elle assistait aux réunions du Comité des partenaires en tant que conseillère technique du CT.

[42]  Le défendeur a également déposé l’affidavit d’un témoin expert, le Dr Richard P. Chaykowski, professeur à l’Université Queens et expert en matière de relations industrielles et de travail. Il a rédigé un rapport intitulé [traduction] « Prestations des services de soins de santé aux retraités de la fonction publique fédérale conformément au RSSFP », qui est joint à son affidavit. Dans son rapport, il tire diverses conclusions, y compris :

  [traduction] Les employés du gouvernement fédéral ont un avantage financier important et continu par rapport à d’autres employés comparables du secteur privé (page 6).

  La majorité des travailleurs au Canada ne sont pas couverts par un régime de pension agréé (page 6).

  Une grande partie des employés au Canada (environ 50 %) n’ont pas de régime d’assurance médicale complémentaire; pratiquement tous les employés qui travaillent dans la fonction publique fédérale sont couverts (page 6).

  L’âge moyen de retraite des employés de la fonction publique fédérale était systématiquement et nettement inférieur à celui des employés du secteur public ou privé (page 7).

  Dans l’ensemble, les retraités de la fonction publique fédérale ont un régime de retraite qui est plus avantageux que la plupart des autres régimes de retraite. (page 7).

[43]  Le Dr Chaykowski affirme également que les droits à la négociation collective ne s’appliquent qu’aux employés qui appartiennent à une unité de négociation où le syndicat est l’agent négociateur. Pour cette raison, les retraités, qui sont d’anciens employés du gouvernement fédéral, se retrouvent en dehors de ce cadre. Le RSSFP est un régime de soins de santé totalement distinct du Régime de pension de retraite de la fonction publique fédérale, et il a été mis en œuvre au moyen d’une directive du Conseil national mixte (CNM). Pour cette raison, le remboursement offert aux retraités de la fonction publique fédérale dans le cadre du RSSFP ne fait pas partie du revenu de pension qu’un retraité peut être admissible à recevoir en raison de sa participation au Régime de pension de retraite de la fonction publique fédérale. Les retraités ont aussi le choix de participer ou non au RSSFP. Il affirme également que c’est le CT qui a le pouvoir de rendre une décision définitive en ce qui a trait au partage des coûts pour le RSSFP.

III.  Questions en litige

[44]  Les demandeurs soulèvent les deux (2) questions suivantes :

  • 1) Y a-t-il eu rupture de contrat?

  • 2) Y a-t-il eu atteinte aux droits des retraités en violation de l’alinéa 2d), de l’article 7 et de l’article 15 de la Charte?

IV.  Discussion

A.  Norme de contrôle

[45]  Bien qu’elle n’ait pas été abordée par les parties, la norme de contrôle applicable doit être examinée. En l’espèce, les demandeurs demandent que soient examinés les changements au RSSFP annoncés en 2014 ainsi que la ligne de conduite suivie par le CT lors des événements qui ont précédé l’annonce. Les demandeurs ne contestent pas la constitutionnalité d’une loi.

[46]  En ce qui concerne le RSSFP, le mandat conféré au CT est décrit de la manière suivante dans la LGFP :

Programmes d’assurances collectives et autres avantages

Group insurance and benefit programs

7.1 (1) Le Conseil du Trésor peut établir ou modifier des programmes d’assurances collectives ou des programmes accordant d’autres avantages pour les employés de l’administration publique fédérale et les autres personnes qu’il désigne comme cotisants, individuellement ou au titre de leur appartenance à telle catégorie de personnes, prendre toute mesure nécessaire à cette fin, notamment conclure des contrats pour la prestation de services, fixer les conditions et modalités qui sont applicables aux programmes, notamment en ce qui concerne les primes et cotisations à verser, les prestations et les dépenses à effectuer ainsi que la gestion, le contrôle et la vérification des programmes, et faire des paiements, notamment à l’égard des primes, cotisations, prestations et autres dépenses y afférentes.

7.1 (1) The Treasury Board may establish or modify any group insurance or other benefit programs for employees of the federal public administration and any other persons or classes of persons it may designate to be members of those programs, may take any measure necessary for that purpose, including contracting for services, may set any terms and conditions in respect of those programs, including those relating to premiums, contributions, benefits, management, control and expenditures and may audit and make payments in respect of those programs, including payments relating to premiums, contributions, benefits and other expenditures.

[47]  Le libellé de la loi donne au CT un pouvoir discrétionnaire important sur le fonctionnement du RSSFP grâce à l’utilisation des expressions « peut établir ou modifier », « peut prendre toute mesure nécessaire » et « fixer les conditions et modalités ».

[48]  Dans des décisions antérieures, la Cour a conclu que les décisions discrétionnaires du CT sont examinées selon la norme de la décision raisonnable (voir la décision Brauer c Canada (Procureur général), 2016 CF 124.

[49]  Dans la décision Brauer c Canada (Procureur général), 2014 CF 488, le juge Mosley déclare ce qui suit :

[32] Suivant les directives données par la Cour suprême, lorsque la question tient à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ou à l’application d’une politique, la déférence est habituellement de mise (Agraira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] ACS no 36, au paragraphe 50). Pour cette raison, et non sans certains doutes à ce sujet, je conclus que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable [...].

[50]  En ce qui concerne les arguments fondés sur la Charte, la norme de contrôle applicable a été établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Doré c Barreau du Québec, 2012 CSC 12 [Doré] de la manière suivante :

[36] [...] l’examen de la constitutionnalité d’une loi doit être différent de la révision d’une décision administrative qui est contestée parce qu’elle porterait atteinte aux droits d’un individu en particulier [...]. Lorsque les valeurs consacrées par la Charte sont appliquées à une décision administrative particulière, elles sont appliquées relativement à un ensemble précis de faits. Dunsmuir nous dit que la retenue s’impose dans un tel cas [...].

[Renvois omis.]

[51]  Les questions soulevées par les demandeurs sont liées à la ligne de conduite du CT en ce qui concerne le processus suivi et les modifications apportées au RSSFP en 2014.

[52]  La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision raisonnable (Doré, au paragraphe 7). Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables [...] (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[53]  Dans l’arrêt Doré, la Cour suprême déclare également qu’en examinant le caractère raisonnable d’une décision administrative, il faut donner « une marge d’appréciation aux organes administratifs ou législatifs ou de faire preuve de déférence à leur égard lors de la mise en balance des valeurs consacrées par la Charte, d’une part, et les objectifs plus larges, d’autre part » (au paragraphe 57).

[54]  Dans le contexte de la Charte, si les modifications apportées au RSSFP correspondent proportionnellement à l’objectif ultime d’assurer un programme d’avenir durable pour les employés et les retraités, tout en demeurant équitable envers le public canadien (qui finance une partie des prestations du RSSFP), la décision appartiendrait aux issues possibles raisonnables.

B.  Y a-t-il eu rupture de contrat?

[55]  Les demandeurs soulèvent deux (2) questions connexes à leurs arguments portant sur la rupture de contrat. Premièrement, ils soutiennent que les modifications apportées au RSSFP, annoncées en 2014 et devant être mises en œuvre à partir de 2015, ne respectent pas les droits acquis des retraités à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 75-25 %. Deuxièmement, ils font valoir que la conduite du CT en 2013 et en 2014 ne respectait pas leurs droits à un véritable processus de négociation visant les modifications apportées au PE, comme il est indiqué dans les documents de gouvernance. Ces questions seront abordées plus loin.

1)  Droits acquis

[56]  En ce qui concerne les droits acquis, selon les demandeurs, le président du CT a unilatéralement imposé des changements au RSSFP et, ce faisant, a violé leurs droits acquis par contrat. Ils prétendent que ces droits avaient été acquis par l’intermédiaire de leurs contrats de travail ou des conventions collectives applicables, et que les prestations du RSSFP constituent une forme de rémunération différée.

[57]  Les demandeurs soutiennent qu’à partir de 1999, lorsqu’ils ont été représentés dans le cadre des négociations du RSSFP, ils ont également obtenu un taux de cotisation par défaut dans une proportion de 75-25 % ainsi que le droit à un processus qui devait être suivi à l’égard des modifications ultérieures apportées au RSSFP. Ils indiquent également que les PE qui ont remplacé la convention de fiducie visaient à préserver les droits que les demandeurs avaient acquis.

[58]  Cette position est expliquée dans l’affidavit de Sylvia Ceacero, qui déclare ce qui suit :

[traduction]

55. Les droits de retraités ont été acquis au moment de leur retraite et les modifications ultérieures apportées à leurs prestations exigent leur acceptation, comme c’est le cas lorsque le Comité des partenaires accepte une recommandation conjointe unanime qui est ratifiée par le président du CT. Sans l’acceptation ou la prise en compte de ces modifications, les droits contractuels des retraités et de tous les membres de l’Association ont été violés.

[59]  Les demandeurs se fondent sur l’arrêt Dayco (Canada) Ltd. c TCA-Canada, [1993] 2 RCS 230 [Dayco] pour faire valoir qu’une pension ou d’autres prestations négociées au cours de l’emploi représentent une rémunération différée pour services rendus, et qu’elles incitent à demeurer à l’emploi. Par conséquent, lorsqu’une personne prend sa retraite, les prestations de retraite se cristallisent en une forme de droits acquis. Les demandeurs invoquent également la décision Ontario c Ontario Crown Attorneys’ Association (Retiree Benefits Grievance), [2015] OLAA no 511 [OCAA] pour soutenir que les prestations de retraite font partie d’un régime de rémunération pour les employés actifs. Les deux affaires se situent dans un contexte syndical et traitent de droits découlant d’une convention collective.

[60]  Bien que ces affaires étayent la thèse selon laquelle certaines prestations touchées dans le cadre de l’emploi bénéficient de droits acquis ou protégés au moment de la retraite, en l’espèce, la question est de savoir si l’accès aux prestations offertes par le RSSFP relève de cette catégorie d’avantages reliés à l’emploi. Et, si c’était le cas, le CT a-t-il apporté des modifications unilatérales au RSSFP?

[61]  En l’espèce, une constatation s’impose : le RSSFP est un programme mis sur pied conformément au paragraphe 7.1(1) de la LGFP. Il ne s’agit pas d’un programme administré dans le cadre d’une convention collective. Les modalités du RSSFP ne font pas partie du processus de négociation collective. En outre, les prestations du RSSFP sont accordées aux employés syndiqués et non syndiqués.

[62]  Les demandeurs s’appuient sur la jurisprudence élaborée dans un contexte de négociation collective, comme s’appliquant à leur participation volontaire à un régime de services de soins de santé. Même si un certain nombre de retraités ont adhéré au RSSFP grâce au processus de négociation collective, ce n’est pas le cas pour tous les retraités puisque certains d’entre eux sont des employés non syndiqués. Par conséquent, je conclus que la jurisprudence en matière de négociation collective sur laquelle les demandeurs se fondent, ainsi que les droits qui y ont été reconnus, ne s’applique pas aux droits des demandeurs en ce qui concerne le RSSFP dans ce contexte.

[63]  Pour les retraités, le RSSFP n’est pas un régime de retraite ni une prestation liée à un régime de retraite. Le fait que les primes du RSSFP sont perçues à même les caisses de retraite des retraités ne change rien au caractère essentiel du régime. Il s’agit d’une commodité administrative et ne remplace pas le fondement même du régime par une prestation de « retraite ». Le RSSFP est un régime d’assurance créé par la loi.

[64]  L’argument des demandeurs concernant les droits acquis est essentiellement un argument selon lequel ils avaient droit au gel de leurs taux de cotisation. Toutefois, cet argument est indéfendable puisque la raison même de l’existence du Comité des partenaires est de fournir des renseignements reconnaissant que des modifications seront apportées au RSSFP. Aucun élément de preuve n’étaye la prétention voulant que les taux soient bloqués à perpétuité, et qu’ils ne puissent pas être sujets à modification ultérieurement.

[65]  De plus, les demandeurs n’ont pas présenté d’éléments de preuve, à savoir des contrats de travail, pour établir que les prestations de soins de santé offertes dans le cadre du RSSFP étaient une partie essentielle du contrat de travail qui avait été négocié, de sorte qu’elles sont devenues un droit acquis au moment de la retraite. Ils n’ont pas non plus fourni de conventions collectives applicables dont les libellés pourraient étayer leur thèse. Ils s’appuient sur la ligne de conduite antérieure et le libellé des PE pour étayer leur thèse. Ce n’est toutefois pas suffisant pour soutenir l’argument portant sur les droits acquis.

[66]  Pour ces motifs, je conclus que les arguments portant sur les « droits acquis » présentés par les demandeurs ne s’appliquent pas à leurs droits dans le cadre du RSSFP et n’étayent pas leurs arguments selon lesquels ils ont droit à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 75-25 %.

2)  Contrainte

[67]  L’argument connexe invoqué par les demandeurs, soit la rupture de contrat, repose sur le fait que l’« entente » de 2014 a été conclue sous l’effet de la contrainte. Ils veulent obtenir un jugement déclaratoire portant que la lettre du CT en date du 26 mars 2014 n’est pas reconnue comme étant une entente.

[68]  Dans leurs délibérations tout au long des années 2011 et 2012, et jusqu’à la proposition présentée au CT le 13 février 2012, le Comité des partenaires reconnaissait qu’ils devaient faire des recommandations au RSSFP qui permettraient au régime de fonctionner selon des coûts durables et comparables.

[69]  Les demandeurs affirment que la proposition présentée au CT le 13 février 2012 reposait sur des éléments de preuve fiables selon lesquels le taux pouvait être maintenu dans une proportion de 75-25 % tout en continuant à offrir un régime stable, rentable et comparable. Ils soutiennent que la réponse du président du CT selon laquelle il était nécessaire de passer à un modèle de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % était injustifiée et non motivée.

[70]  Par conséquent, les demandeurs font valoir que les modifications apportées en 2014 ne découlaient pas de négociations de bonne foi ni d’un consensus, comme l’exigent les conditions du PE. Ils affirment que, lorsque le président du CT a avisé le Comité des partenaires qu’il insistait sur le passage à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % pour les retraités, cela prouvait que le CT ne négociait plus de bonne foi et n’avait plus l’intention de respecter les conditions du PE.

[71]  En outre, les demandeurs soutiennent que, l’annonce faite dans le cadre du budget de 2014 selon laquelle le partage des coûts passerait à une proportion de 50-50 % pour les retraités, démontrait encore une fois que le CT n’était plus en train de négocier. Cet élément, de même que l’idée voulant que le ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % puisse être imposé par une intervention législative advenant que le Comité des partenaires ne parvienne pas à une entente, est l’élément de preuve sur lequel les demandeurs s’appuient pour affirmer que le président du CT imposait sa volonté au détriment du processus.

[72]  Dennis Jackson, le représentant des retraités de l’ANRF au Comité des partenaires, déclare ce qui suit dans son affidavit :

[traduction]

55.  Après l’annonce budgétaire du gouvernement fédéral du 11 février 2014, les partenaires ont tenté de négocier avec le président du CT. Le président a clairement indiqué que, si les partenaires ne parvenaient pas à une « entente », des mesures législatives seraient adoptées prévoyant entre autres changements importants, un taux de cotisation de 50-50 % répartie entre l’employeur et les retraités.

56.  La menace de l’adoption de mesures législatives a exercé des pressions immenses sur le Comité des partenaires pour en arriver à une « entente ». Le président n’était prêt à discuter que de questions mineures, telles que l’introduction graduelle des modifications ou l’exemption éventuelle applicable aux retraités à très faible revenu. Si l’on ne parvenait à une entente, aucune de ces mesures d’atténuation ne serait adoptée dans la loi.

57.  Afin d’atténuer nos pertes et d’éviter les conséquences plus graves pouvant découler des mesures législatives, le Comité des partenaires a décidé d’accepter les conditions imposées unilatéralement.

[73]  L’argument selon lequel le CT avait l’obligation de négocier de bonne foi est fondé sur l’hypothèse voulant que les droits qui ont été reconnus dans le processus de négociation collective s’appliquent au RSSFP et aux participants retraités. Comme je l’ai déjà mentionné, étant donné que le RSSFP ne fait pas partie du processus de négociation collective puisque ce processus ne concerne que les retraités, ces principes ne s’appliquent pas à la présente situation.

[74]  Pour établir la contrainte, les demandeurs doivent démontrer que la pression constitue de la coercition exercée sur la volonté; qu’elle n’est pas être légitime et qu’ils ont pris les mesures pour éviter l’acte dont elles se plaignent (voir la décision Stott c Merit Investment Corp (1988), 63 OR (2d) 545).

[75]  L’affidavit de Mme Sametz (aux paragraphes 63 à 82) expose en détail les nombreuses réunions tenues et les renseignements traités par le Comité des partenaires à la suite de la directive de juin 2013 selon laquelle le CT avait l’intention de passer à un modèle de partage des coûts dans une proportion de 50-50 %.

[76]  En l’espèce, compte tenu des éléments de preuve, je ne suis pas en mesure de conclure à la présence d’éléments de nature à pouvoir établir la contrainte. Il est évident, d’après le témoignage de M. Jackson, que les retraités n’ont pas apprécié la position adoptée par le CT. Il existe toutefois des éléments de preuve selon lesquels les discussions, les réunions et les négociations tenues par le Comité des partenaires se sont poursuivies après l’annonce du CT du passage au modèle de partage des coûts dans une proportion de 50-50 %. Ils ont finalement accepté de modifier les primes en échange d’autres modifications à apporter au RSSFP et de la protection des retraités à faible revenu. Il s’en est dégagé un consensus qui a donné lieu à un accroissement des services psychologiques, à la suppression des franchises et aux mesures de protection à l’intention des retraités à faible revenu.

[77]  La diversité des membres du groupe des retraités participant au RSSFP signifie qu’il convient parfois de soupeser les intérêts divergents, voire peut-être même les conflits d’intérêts. En l’espèce, dans le cadre de ces négociations, l’ANRF choisit de protéger les intérêts des « plus vulnérables ».

[78]  Malgré les circonstances dans lesquelles l’entente a été conclue, il reste que les demandeurs l’ont signée. En outre, les demandeurs ont obtenu des concessions sous forme de services accrus et la suppression des éléments déductibles aussi bien qu’une introduction progressive de l’augmentation des primes.

[79]  Enfin, les retraités avaient à leur disposition un processus de règlement de différends s’ils croyaient que les négociations étaient dans une impasse. Ils ont choisi de ne pas entamer ce processus. Apparemment, c’était une décision calculée que les demandeurs doivent accepter.

[80]  Dans ces circonstances, je conclus qu’il n’y a aucune preuve de contrainte ou de coercition.

3)  Conclusion – Rupture de contrat

[81]  Rien ne prouve que le partage des primes dans une proportion de75-25 %, ou une quelconque formule établie à cet égard, était garanti en tant que condition d’emploi ou de condition à une convention collective applicable. Par conséquent, je conclus que les demandeurs n’ont pas établi leur droit acquis à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 75-25 %.

[82]  Je conclus également à l’absence d’éléments de preuve de contrainte relativement au processus qui a mené aux modifications apportées au RSSFP annoncées en 2014.

C.  Y a-t-il eu atteinte aux droits des retraités en violation de l’alinéa 2d), de l’article 7 et de l’article 15 de la Charte?

1)  Alinéa 2d) – Dispositions sur la liberté d’association

[83]  Les demandeurs soutiennent que leur droit à un véritable processus de négociation collective dans le cadre du RSSFP a été violé en raison des actes du CT. Ils mentionnent que le fait que le CT n’a pas négocié de bonne foi a empêché l’ANRF de négocier au nom des retraités, violant ainsi le droit à la liberté d’association des retraités, garantis par l’alinéa 2d) de la Charte.

[84]  Ils soutiennent également qu’en raison de leur statut de retraités, ils n’ont aucun recours contre leur(s) ancien(s) employeur(s) et qu’il existe un déséquilibre des forces entre eux et les employés actuels (qui peuvent exercer leur droit de grève). Ils indiquent qu’en effet, ils ne peuvent pas s’exprimer sur le processus, et qu’il s’agit d’une entrave importante à leurs droits à la liberté d’association.

[85]  L’alinéa 2d) de la Charte protège trois catégories d’activités : « 1) le droit de s’unir à d’autres et de constituer des associations; 2) le droit de s’unir à d’autres pour exercer d’autres droits constitutionnels; et 3) le droit de s’unir à d’autres pour faire face, à armes plus égales, à la puissance et à la force d’autres groupes ou entités » (voir l’arrêt Association de la police montée de l’Ontario c Canada (Procureur général), 2015 CSC 1 [MPAO], au paragraphe 66).

[86]  Les demandeurs soutiennent qu’ils ont droit aux prestations reconnues dans le processus de négociation collective comme condition préalable à l’exercice véritable du droit de libre association (voir l’arrêt MPAO).

[87]  Pour les motifs susmentionnés quant aux arguments des demandeurs portant sur la rupture de contrat, je ne peux conclure que les demandeurs individuels ou l’ANRF peuvent invoquer le contexte de la négociation collective pour faire valoir leurs droits à l’égard du RSSFP, en tant que partie intégrante du Comité des partenaires.

[88]  En outre, le libellé de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral (LC 2003, c 33, article 2) exclut les retraités de la fonction publique en raison de la définition d’ employé, au paragraphe 2 (1). L’ANRF ne représente pas les employés titulaires de droits à la négociation collective. Contrairement aux syndicats, L’ANRF n’a pas de mandat formel conféré par la loi de représenter tous les retraités du gouvernement fédéral. Il ne s’agit pas d’une unité de négociation comme les syndicats qui forment le CNM.

[89]  Toutefois, même si l’ANRF pouvait invoquer la sphère de la négociation collective, la Cour suprême du Canada a conclu, dans l’arrêt MPAO, que le droit à un véritable processus de négociation collective est « un droit [qui] garantit [...] un processus plutôt qu’un résultat ou [que l’] accès à un modèle particulier de relations de travail » (au paragraphe 67). [Non souligné dans l’original]. Autrement dit, l’alinéa 2d) de la Charte protège un « processus » plutôt qu’un « résultat particulier » (Ontario (Procureur général) c Fraser, 2011 CSC 20, au paragraphe 47).

[90]  L’ANRF est une association de fonctionnaires à la retraite et, en ce qui concerne le RSSFP, en tant que membre du Comité des partenaires, a la possibilité d’intervenir et de présenter des observations au CT sur les modifications apportées au RSSFP. Le processus permet une collaboration avec le CNM et les représentants de l’employeur, dans le but commun de maintenir un régime de soins de santé stable, rentable et durable pour tous les participants. Il s’agit du processus proposé dans les PE et celui qui a été suivi en l’espèce. Les éléments de preuve démontrent que l’ANRF a eu l’occasion de présenter des observations et qu’elle avait pu participer au processus.

[91]  En l’espèce, même après que le CT a indiqué que le passage à un modèle de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % était la voie qu’il devait suivre, des éléments de preuve démontrent la tenue de plusieurs rencontres avec le Comité des partenaires sur les différentes options et les différents modèles envisagés.

[92]  En ce qui concerne l’ANRF elle-même, les demandeurs étaient libres d’en faire partie, de poursuivre des objectifs communs et de déterminer sa structure et son rôle. L’ANRF est indépendante du gouvernement et est libre de déterminer la nature des intérêts poursuivis ainsi que la façon dont ces intérêts devraient être poursuivis au sein du Comité des partenaires. Aucun élément de preuve d’ingérence de la part du CT à l’égard de l’ANRF n’a été présenté. Selon le témoignage de M. Jackson, l’ANRF crée ses propres règlements, a un conseil d’administration et exerce ses activités indépendamment du CT et du gouvernement.

[93]  Par conséquent, on ne peut pas dire que le CT a substantiellement entravé le processus au moyen duquel les retraités se consacrent à leurs activités associatives au sein de l’ANRF et du Comité des partenaires. La preuve indique que de nombreuses réunions du Comité des partenaires ont eu lieu visant à reformuler la proposition dans le cadre des paramètres établis par le CT.

[94]  Dans ces circonstances, je conclus qu’il n’y a pas eu atteinte aux droits des demandeurs en violation de l’alinéa 2d) de la Charte.

2)  Article 15 – Dispositions sur les droits à l’égalité

[95]  Les demandeurs soutiennent que la décision du CT était discriminatoire au sens du paragraphe 15(1) de la Charte puisqu’elle imposait un fardeau aux retraités, fardeau qui n’était pas imposé aux employés fédéraux actifs, créant par conséquent une distinction fondée sur l’âge et la situation de retraité.

[96]  Le paragraphe 15(1) dispose que :

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et

tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment

de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine

nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences

mentales ou physiques.

15.(1) Every individual is equal before and under the law and has the right to

the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in

particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin,

colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

[97]  Dans l’arrêt Withler c Canada (Procureur général), 2011 CSC 12 [Withler], au paragraphe 30, la Cour suprême a ainsi établi un test à deux volets pour l’appréciation d’une demande fondée sur l’article 15 de la Charte : 1) La loi crée-t-elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue? 2) La distinction crée-t-elle un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes?

[98]  La première étape de l’analyse est de savoir si les demandeurs peuvent établir l’existence d’une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue. Ils soutiennent que c’est la combinaison de l’âge et du statut de retraité qui crée la distinction.

[99]  Compte tenu de la fourchette d’âges des demandeurs au moment de la retraite (entre 45 et 73 ans) du fait qu’il n’y a pas d’âge de retraite obligatoire, ils ne peuvent pas se fonder sur l’« âge » comme motif énuméré. L’élément déclencheur est donc le statut de retraité. La question devient alors la suivante : le « statut de retraité » est-il « soit immuable, soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle [?] » (Corbiere c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 RCS 203 [Corbiere], au paragraphe 13).

[100]  En l’espèce, la retraite est un statut choisi qui est modifiable, avec plus de difficulté toutefois avec l’âge. Le statut est néanmoins modifiable, et n’est donc pas immuable. En outre, la jurisprudence n’a pas déterminé que le statut de retraité constituait un motif de discrimination analogue à ceux qui sont énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte. De plus, le statut de retraité ne peut être réputé constituer une « caractéristique personnelle qui est soit immuable soit modifiable uniquement à un prix inacceptable du point de vue de l’identité personnelle » (voir l’arrêt Corbiere, au paragraphe 13).

[101]  Cependant, même en supposant que les demandeurs puissent établir que le RSSFP crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue, alors que les dispositions en question ont également créé une distinction fondée sur l’âge, la Cour a déclaré dans l’arrêt Withler que les dispositions imposant une réduction ne contrevenaient pas à l’article 15, étant donné que tous les fonctionnaires ont subi une réduction, qui est inévitablement compensée d’une certaine manière. Dans l’arrêt Withler, la Cour a conclu que la distinction, bien qu’elle soit fondée sur l’âge, n’a pas un objet ou un effet qui est source de discrimination. Il s’agit simplement d’un choix de politique qui vise à garantir la viabilité d’un régime conférant des prestations plus importantes.

[102]  Dans l’arrêt Withler, la Cour s’exprime ainsi :

[67]  Lorsqu’il est question d’un régime de prestations de retraite, comme dans le cas qui nous occupe, l’examen des facteurs contextuels à la deuxième étape de l’analyse requise par le par. 15(1) porte en général sur l’objet de la disposition présentée comme discriminatoire, et se fait à la lumière du régime législatif complet. À qui le législateur voulait-il accorder un avantage et pourquoi? Pour trancher la question de savoir si la distinction perpétue un préjugé ou applique un stéréotype à un certain groupe, le tribunal tient compte du fait que de tels programmes sont conçus dans l’intérêt de divers groupes et doivent forcément établir des limites en fonction de certains facteurs comme l’âge. Le tribunal s’interrogera sur l’opportunité générale de telles limites, compte tenu de la situation des personnes touchées et des objets du régime. Point n’est besoin que le programme de prestations corresponde parfaitement à la situation et aux besoins véritables du groupe de demandeurs. Le tribunal pourra également prendre en considération l’affectation des ressources et les objectifs particuliers d’intérêt public visés par le législateur.

[103]  En l’espèce, la distinction établie ne mine pas la « présomption sur laquelle est fondée la garantie d’égalité » (voir l’arrêt Corbiere, au paragraphe 16) et elle était appropriée pour le maintien d’un régime équitable, concurrentiel et durable tout en respectant l’argent des contribuables canadiens.

[104]  Dans la présente affaire, le changement du ratio de partage des coûts n’impose pas un fardeau aux retraités d’une manière qui dénote une application stéréotypée à un groupe social déjà défavorisé et vulnérable, et n’a pas non plus pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage dont ce groupe est victime (voir l’arrêt Première Nation de Kahkewistahaw c Taypotat, 2015 CSC 30, au paragraphe 20).

[105]  De plus, l’expert du défendeur, le Dr Chaykowski, affirme que l’on ne peut pas dire que les retraités de la fonction publique fédérale sont marginalisés ou désavantagés économiquement; leur revenu privé de pension est généralement supérieur au revenu de pension moyen parmi tous les aînés du Canada et environ 50 % de la population canadienne n’a pas de régime d’assurance médicale complémentaire.

[106]  De toute façon, avant le passage à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 75-25 % à une proportion de 50-50 %, le taux de cotisation entre les employés actifs et les retraités était également différent. Les employés fédéraux actifs n’ont pas payé de primes d’assurance-maladie pendant plusieurs années, tandis que les retraités ont toujours payé une partie de leurs primes. Par conséquent, je ne peux admettre que le passage à un ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 % a, d’une certaine manière, changé la nature du RSSFP, de sorte que le régime actuel contrevienne aux droits des retraités garantis par la Charte.

[107]  Ce changement n’était pas assez important pour appuyer un argument fondé sur l’article 15 de la Charte.

3)  Article 7 – Vie, liberté et sécurité

[108]  Les demandeurs, qui se fondent sur l’article 7 de la Charte, soutiennent que les changements apportés au RSSFP ont entravé leur capacité de s’offrir des soins de santé, portant ainsi atteinte à leur droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Ils soutiennent que leur seule option était de payer les primes accrues ou de renoncer aux prestations.

[109]  Ils invoquent l’arrêt Canada (Procureur général) c PHS Community Services Society, 2011 CSC 44, dans lequel la Cour suprême du Canada déclare ce qui suit : « [u]ne loi qui crée un risque pour la santé en empêchant l’accès à des soins porte atteinte au droit à la sécurité de la personne » (au paragraphe 93).

[110]  Ils invoquent également l’arrêt Chaoulli c Québec (Procureur général), 2005 CSC 35 [Chaoulli], dans lequel la Cour a déclaré que « [l’]État ne peut pas restreindre arbitrairement le droit de ses citoyens à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne » (au paragraphe 129).

[111]  Toutefois, dans l’arrêt Chaoulli, la Cour a également déclaré que la Charte « ne confère aucun droit constitutionnel distinct à des soins de santé ».

[112]  En l’espèce, les demandeurs n’ont pas produit suffisamment d’éléments de preuve sur la question de savoir en quoi le passage à un nouveau ratio de partage des coûts constitue un obstacle à l’accès aux soins de santé. Ils n’ont pas non plus présenté d’éléments de preuve pour établir un préjudice psychologique de façon à démontrer une atteinte au droit à la sécurité de la personne.

[113]  Les demandeurs n’ont pas abordé la question des changements positifs apportés au RSSFP qui ont eu lieu en même temps que l’augmentation du ratio de partage des coûts dans une proportion de 50-50 %. Il se peut que, pour certains retraités, les autres changements, tels que la suppression des éléments déductibles et l’augmentation de la couverture pour certains traitements, aient pu créer un net avantage même avec l’augmentation des primes.

[114]  En outre, je ne décrirais pas l’augmentation du ratio de partage des coûts comme étant excessive, totalement disproportionnée ou arbitraire (Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 72, au paragraphe 107). La Cour suprême du Canada a déclaré qu’une règle de droit arbitraire est une règle qui « n’a aucun lien ou est incompatible avec l’objectif qu’elle vise » (A.C. c Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), 2009 CSC 30, au paragraphe 103). En l’espèce, l’augmentation du taux de cotisation correspondait à l’objectif déclaré du CT de garantir que le RSSFP demeure durable et comparable aux régimes d’autres grands employeurs des secteurs public et privé.

[115]  Fondamentalement, l’augmentation du coût des primes du RSSFP est au cœur de la cause présentée par les demandeurs. Les demandeurs n’ont toutefois pas établi au moyen d’éléments de preuve que l’augmentation des primes faisait obstacle à l’accès à la couverture du RSSFP. Les retraités sont également libres de quitter le RSSFP et d’obtenir une couverture d’un assureur privé.

[116]  Enfin, les intérêts économiques ne sont pas protégés par l’article 7 (Irwin Toy Ltd. c Québec (Procureur général), [1989] 1 RCS 927, à la page 1003-4, et Chaoulli, au paragraphe 201).

[117]  Je conclus que les arguments présentés par les demandeurs en ce qui concerne l’article 7 sont vastes et généraux. Aucun élément de preuve n’appuie les allégations selon lesquelles la décision du CT a donné lieu à des restrictions au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Il n’y aucun élément de preuve d’atteinte aux droits (voir l’arrêt Toussaint c Canada (Procureur général), 2011 CAF 213, aux paragraphes 78 et 79).

[118]  Par conséquent, je conclus que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils ont été privés de leur droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne, ou que la privation a violé un principe de justice fondamentale.

[119]  Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de rendre une décision distincte sur l’article 1.

V.  Conclusion

[120]  Je conclus que les demandeurs n’ont établi aucune violation de la Charte. En outre, si j’avais conclu à une violation des droits garantis par la Charte, j’aurais également conclu que les actions du CT reflètent un bon équilibre entre les valeurs de la Charte et les objectifs plus larges de la loi et que, par conséquent, les actions du CT et la décision étaient raisonnables.

[121]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

VI.  Verdict imposé

[122]  Les demandeurs ont demandé une réparation au moyen d’un verdict imposé. Toutefois, compte tenu de mes conclusions, il n’est pas nécessaire d’aborder cette mesure.

VII.  Dépens

[123]  Les parties n’ont demandé aucuns dépens, et, par conséquent, aucuns dépens ne seront adjugés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-311-15

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire sans dépens.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour de mai 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-311-15

INTITULÉ :

LORETTA BEMISTER, RICHARD FERGUSSON, PETER KERR, OREST TORSKY, NANCY WILSON ET L’ASSOCIATION NATIONALE DES RETRAITÉS FÉDÉRAUX c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 10 ET 11 AVRIL 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 1ER AOÛT 2017

COMPARUTIONS :

David Law

Guy Régimbald

POUR LES DEMANDEURS

Christopher Rupar

Jennifer Lewis

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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