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Date : 20170921


Dossier : T-2181-16

Référence : 2017 CF 846

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 septembre 2017

En présence de monsieur le juge Mandamin

ENTRE :

SUNSHINE VILLAGE CORPORATION

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Sunshine Village Corporation (Sunshine Village ou Sunshine), sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 17 novembre 2016 par laquelle le directeur de l’Unité de gestion Banff de Parcs Canada (Parcs Canada, le directeur ou le décideur) a décrété que l’autorisation de stationner sur la voie d’accès en vigueur depuis la saison de ski 2012-2013 serait reconduite pour la saison 2016-2017, puis révoquée pour les années suivantes (la décision).

[2]  Sunshine Village fait valoir que la décision est déraisonnable, qu’elle ne tient pas compte de la preuve, qu’elle a été prise de façon abusive ou arbitraire, et qu’elle va à l’encontre de la loi. Elle sollicite diverses ordonnances, y compris l’annulation de la décision dans son intégralité ou, subsidiairement, de certaines parties de celle-ci.

[3]  Je conclus que le directeur n’a pas pris en compte les éléments de preuve dont il a été saisi quant aux conséquences d’interdire le stationnement sur le tronçon inférieur de la voie d’accès en l’absence d’une solution de rechange appropriée.

[4]  J’estime que cette partie de la décision du directeur a été prise sans tenir compte de la preuve et qu’elle est par conséquent déraisonnable. Cette partie de la décision est donc annulée et renvoyée pour nouvelle décision.

[5]  J’expose ci-dessous les motifs de ma décision.

I.  Résumé des faits

[6]  Le 10 mars 1981, Sunshine Village et Parcs Canada ont conclu une convention de bail, laquelle a été modifiée en 1990 et en 1993 (le bail). Une voie d’accès de 7,7 kilomètres relie le terrain loué où se trouvent les installations de ski de Sunshine Village à la Transcanadienne (la voie d’accès). Cette voie d’accès se divise en deux tronçons. Le tronçon supérieur de 3,5 kilomètres est plus près du terrain loué par Sunshine Village et il est exposé à un risque d’avalanche, contrairement au tronçon inférieur de 4,2 kilomètres, qui est plus près de la Transcanadienne.

[7]  La voie d’accès se trouve dans le parc national Banff, sur des terres publiques qui sont gérées et administrées par l’Agence Parcs Canada. Exception faite d’une petite « aire d’arrêt », la voie d’accès ne passe pas à travers le terrain loué. Il est stipulé au bail que Sunshine Village jouit de droits généraux d’accès au terrain loué par la voie d’accès, dont le Canada doit assurer l’entretien. Le Canada doit également fournir des services complets de prévention des avalanches dans toutes les zones où elles risquent d’entraver l’usage et la jouissance du terrain loué.

[8]  Le parc de stationnement désigné du terrain loué (parc de stationnement) peut loger de 1 600 à 1 840 véhicules. La capacité insuffisante du parc de stationnement les journées de grande affluence à la station de ski, c’est-à-dire la plupart des fins de semaine et des congés (jours de surnombre), est un problème de longue date.

[9]  En bonne partie, les faits de la présente demande de contrôle judiciaire jusqu’en 2013 ont été exposés par le juge Michael L. Phelan dans la décision Sunshine Village Corporation c Agence Parcs Canada, 2014 CF 604 [Sunshine Village], aux paragraphes 9 à 21 :

[9]  En mai 2006, Parcs Canada a commandé et obtenu le rapport Stetham [sic] dans lequel il était recommandé d’appliquer, en matière de prévision des avalanches et de contrôle de la voie d’accès et du parc de stationnement, des normes plus strictes que celles qui se rapportent normalement aux axes de circulation autoroutière. En usant de méthodes de prévision sophistiquées, les véhicules seraient autorisés à stationner dans des secteurs désignés de la voie d’accès selon l’indice de risque journalier d’avalanche.

[...]

Ces recommandations ont été adoptées à titre provisoire et les panneaux interdisant les arrêts ont été retirés [protocole provisoire de 2006]. Depuis qu’elles ont conclu cet accord, les parties se sont rencontrées pour discuter de l’agrandissement de l’aire de stationnement de la station de ski et d’autres solutions d’appoint.

[10]  Le 6 mars 2012, un événement crucial s’est produit dans la présente affaire. Parcs Canada a déclenché une grande avalanche dans le couloir Bourgeau 7. Cette avalanche a dépassé ses limites de débordement historiques et laissé des débris et du bois cassé sur près de 150 mètres sur une portion de la route supérieure où les clients de Sunshine stationnaient régulièrement leurs véhicules et jusque-là réputée sûre. Cette avalanche était bien plus importante que ce qu’avaient prévu les experts qui l’ont déclenchée.

[...]

[12]  Une semaine après l’avalanche, Parcs Canada informait Sunshine que le stationnement dans la zone où l’importante avalanche s’était produite serait restreint pour le reste de la saison, qu’une nouvelle évaluation du risque serait effectuée, et que Sunshine devait commencer à envisager d’autres options de stationnement.

[13]  Le 28 mars 2012, Parcs Canada a obtenu le rapport McElhanney; celui-ci a relevé un certain nombre de problèmes de sécurité liés au stationnement sur la route supérieure, et conclu que le moyen le plus sûr d’atténuer ces risques serait de déplacer l’aire de stationnement située sur le bord de la route.

[14]  Environ une semaine plus tard, Parcs Canada a reçu le rapport préparé à sa demande par Alpine Solutions Avalanche Services. Celui-ci concluait que le danger lié au stationnement des voitures en surnombre sur la route supérieure était très élevé et formulait trois (3) recommandations :

[...]

[15]  Le 17 septembre 2012, Sunshine a reçu le rapport McElhanney et celui de Parcs Canada, et a été avisée qu’il serait interdit de stationner sur la route supérieure jusqu’à nouvel ordre [la décision provisoire]. Sunshine a contesté cette dernière décision.

[16]  Parcs Canada a invité Sunshine à fournir les renseignements additionnels qu’elle désirait soumettre à son attention avant qu’une décision finale ne soit prise. Sunshine a également été informée que Parcs Canada avait engagé un expert-conseil pour qu’il examine la situation et formule des recommandations.

[...]

[18]  À la fin d’octobre 2012, Sunshine a obtenu son propre rapport d’expert portant sur les questions évoquées dans les rapports de Parcs Canada et McElhanney. Son rapport et ses observations ont été fournis à Parcs Canada le 1er novembre 2012.

[19]  Le rapport Sunshine concluait en substance que l’entente provisoire de 2006 garantissait une gestion du risque acceptable : pour autant que les protocoles existants de gestion de la circulation et de réduction des avalanches soient respectés, le maintien de la pratique établie consistant à faire stationner les voitures en surnombre sur la route supérieure ne soulevait aucun risque important.

[20]  Le 9 novembre 2012, Parcs Canada a modifié sa décision provisoire du 17 septembre précédent. Elle autorisait notamment le stationnement sur un kilomètre de plus de la route supérieure, moyennant certaines restrictions.

[21]  Les motifs de la décision figurent dans un rapport non daté remis au directeur, intitulé [traduction] « Stationnement dans les zones d’avalanche de la route Sunshine Valley ». La date admise de la décision est le 11 décembre 2012, soit le jour où le directeur a adressé à Sunshine une lettre l’informant qu’il sera interdit au public de stationner sur la route supérieure, excepté sur une longueur d’environ un kilomètre entre Bourgeau 4 et Bourgeau 1 durant les périodes de risque d’avalanche minimal.

[10]  La décision Sunshine Village précitée porte sur une demande de contrôle judiciaire de la décision de décembre 2012. Le juge Phelan a rejeté cette demande après avoir conclu que la décision de Parcs Canada était conforme à la norme de contrôle de la décision raisonnable. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette décision (Sunshine Village Corporation c Canada (Parcs), 2015 CAF 128).

[11]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, Sunshine Village souligne qu’elle ne sollicite pas une révision de la décision antérieure. Ce qui est contesté en l’espèce est l’interdiction de stationner sur la partie du tronçon inférieur qui n’est pas exposée à un risque d’avalanche.

[12]  La décision de décembre 2012 indiquait que le stationnement sur certaines parties de la voie d’accès serait autorisé durant l’hiver 2012-2013, mais que l’autorisation pouvait être levée ou restreinte en tout temps, notamment pour des raisons de sécurité. Le directeur a demandé à Sunshine Village de trouver des solutions permanentes pour la saison suivante, et il a lui-même proposé diverses solutions de rechange pour le stationnement durant la saison 2012-2013. La décision du directeur à l’égard du stationnement pour 2013-2014 comportait les mêmes conditions que celles visant la saison 2012-2013, et les mêmes conditions ont été reconduites dans sa décision concernant la saison 2014-2015. Dans cette dernière, il expliquait que le stationnement sur la voie d’accès constituait une solution temporaire, et qu’Agence Parcs Canada envisageait sérieusement d’interdire complètement le stationnement en bordure de celle-ci au plus tard en 2017.

[13]  Sunshine Village indique qu’elle a soumis à Parcs Canada plusieurs solutions de rechange pour le stationnement, mais qu’aucune n’a été approuvée. Au milieu de 2015, Sunshine Village a fait part à la ministre de l’Environnement de ses préoccupations concernant le stationnement. La ministre a répondu en avril qu’il était impératif de trouver une solution durable et à long terme qui ne comprenait pas le stationnement sur la voie d’accès à Sunshine. La ministre ajoutait qu’elle veillerait à ce que Parcs Canada continue de collaborer de façon constructive à l’élaboration d’un plan avec Sunshine Village.

[14]  L’été de cette année-là, Sunshine Village a rencontré des représentants de Parcs Canada pour élaborer un plan de stationnement. Au cours des mois qui ont suivi, il est devenu manifeste que les parties ne s’entendaient pas sur la question de savoir si une entente de principe avait été conclue pendant ces rencontres. Dans sa décision concernant le stationnement durant la saison 2015-2016, le directeur avait reconduit les conditions imposées pour les trois saisons précédentes, et il y répétait que Parcs Canada envisageait sérieusement d’interdire complètement le stationnement en bordure de la voie d’accès au plus tard en 2017.

[15]  À la fin de juin 2016, le directeur a notifié Sunshine Village de son intention de rendre une décision au sujet du stationnement sur la voie d’accès pour la saison 2016-2017 et les saisons ultérieures. Il avait alors indiqué à Sunshine Village qu’elle pouvait lui soumettre des observations écrites au plus tard le 20 juillet 2016, et que ces observations seraient prises en compte au même titre que les études et les rapports d’experts antérieurs. Dans une lettre datée du 2 juillet 2016, Sunshine Village confirmait que sa position restait la même que celle qu’elle avait exprimée dans ses lettres des 16 septembre 2015, 24 octobre 2014, 28 octobre 2013 et 26 juillet 2013, et elle demandait au directeur de prendre en considération les arguments qu’elle y avait formulés. Notamment, il était soutenu dans la lettre du 16 septembre 2015 que le stationnement près du portail de Sunshine Village offrait une solution raisonnable puisque l’indice de risque d’avalanche y était minime, et que les visiteurs n’utiliseraient pas les solutions de rechange proposées, sauf peut-être un site.

[16]  En août 2016, Parcs Canada a clairement fait savoir qu’aucune entente de principe n’avait été conclue à son avis et que si les parties n’étaient pas parvenues à s’entendre sur des lignes directrices pour le stationnement à la fin de 2016, il faudrait se rendre à l’évidence que c’était impossible. Dans ce cas, les parties devraient envisager d’autres mesures pour régler la situation. Les discussions se sont poursuivies au cours de l’automne, notamment sur la possibilité de construire un parc de stationnement couvert (à étages), une solution jugée intéressante par Parcs Canada, mais trop coûteuse par Sunshine Village.

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[17]  La décision du directeur avait deux grandes conséquences : 1) la reconduction des autorisations de stationner et des conditions en vigueur depuis la saison 2012-2013 pour la saison 2016-2017; 2) l’interdiction du stationnement sur la voie d’accès pour les années à venir (c’est-à-dire à compter de la saison 2017-2018) durant l’hiver.

[18]  Le directeur avait pris sa décision en tenant compte des lettres et des documents suivants :

  • Rapport Stethem de 2006

  • Rapport McElhanney de 2012

  • Rapport d’Alpine Solutions Avalanche Services de 2012 (rapport d’Alpine)

  • Rapport de Dynamic Avalanche Consulting de 2012, ainsi qu’une carte des zones de stationnement sur la voie d’accès établie par la même société d’experts-conseils qui avait préparé le rapport (rapport Sunshine)

  • Avis des experts en sécurité avalanche de Parcs Canada, y compris une note de service de 2012 intitulée [traduction] « Stationnement dans les zones d’avalanche de la route Sunshine Valley »

  • Lettres de Sunshine Village datées des 18 septembre, 2 et 12 octobre, 1er et 9 novembre, et 19 décembre 2012; des 26 juillet et 28 octobre 2013; du 24 octobre 2014; du 16 septembre 2015 et du 2 juillet 2016

[19]  Dans sa décision, le directeur souligne que le stationnement sur la voie d’accès est considéré comme une solution provisoire depuis 2006 et que, 10 ans plus tard, aucune solution sûre et permanente n’a été mise en place. Il rappelle que l’avalanche de 2012 a confirmé sans équivoque que malgré les meilleurs efforts, il subsiste toujours un risque pour le public.

[20]  Il mentionne aussi, en s’appuyant sur le rapport McElhanney, qu’en plus du risque d’avalanche, la voie d’accès n’est pas aménagée pour accueillir de façon sécuritaire des piétons, des véhicules stationnés et la circulation, comme c’est le cas actuellement durant la saison hivernale. Le directeur renvoie à la conclusion du rapport McElhanney selon laquelle la solution la plus sûre pour atténuer les problèmes de sécurité et éliminer les conflits actuels entre les piétons et les véhicules serait d’offrir une solution de rechange au stationnement en bordure de route.

III.  Observations des parties

A.  Arguments de Sunshine Village

[21]  Sunshine Village fait valoir que la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable, et que la décision en cause est déraisonnable puisqu’elle repose sur des conclusions de fait erronées et qu’elle va à l’encontre de la loi.

1)  Décision fondée sur des conclusions de fait erronées

[22]  Premièrement, Sunshine Village énumère quatre conclusions de fait qu’elle estime erronées et qui à son avis justifient une intervention en vertu de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 (la Loi). Elles sont résumées aux points a) à d) ci‑dessous.

a)  Preuve insuffisante que la décision contribuera à réduire l’exposition aux risques liés aux avalanches, à la circulation et à la route

[23]  Sunshine Village fait valoir que rien dans la preuve n’indique que la décision se traduira par une exposition moindre aux risques liés aux avalanches, à la circulation et à la route. Selon son interprétation de la preuve, la décision pourrait même faire augmenter ces risques. Sunshine Village fait remarquer qu’il ressort de la preuve que le tronçon inférieur n’est exposé à aucun risque d’avalanche, et que le risque dans le kilomètre de tronçon supérieur où le stationnement a été autorisé depuis 2012 [traduction] « est gérable si Parcs Canada s’acquitte de la responsabilité que lui confère le bail d’assurer le contrôle des avalanches ».

[24]  Sunshine Village souligne la mise en garde formulée dans le rapport McElhanney concernant le risque que des centaines de véhicules soient garés illégalement sur la voie d’accès si le stationnement y est interdit complètement sans solution de rechange adéquate, mais aussi que les visiteurs ignorent les restrictions et stationnent leurs véhicules dans des zones à risque élevé d’avalanche. Elle ajoute que les rapports McElhanney et Stethem mettent en évidence l’insuffisance des ressources déployées par Parcs Canada pour faire appliquer les interdictions de stationner.

[25]  Sunshine Village affirme à cet égard que Parcs Canada compterait probablement sur elle pour faire respecter l’interdiction de stationner sur la voie d’accès, alors qu’elle n’a pas l’autorité voulue. Elle estime qu’aucune des solutions de rechange proposées par Parcs Canada pour le stationnement d’appoint n’est adéquate, pour les raisons qu’elle énumère.

b)  Absence de preuve que le problème de stationnement aurait été réglé si Sunshine Village n’avait pas temporisé

[26]  Sunshine Village fait valoir que la preuve indique clairement qu’elle a fait de nombreuses tentatives de bonne foi pour régler le problème de stationnement, mais que ses propositions n’ont jamais trouvé grâce aux yeux de Parcs Canada. Le directeur n’est donc aucunement justifié de prétendre qu’une solution permanente aurait été trouvée si Sunshine Village n’avait pas autant temporisé. Une solution permanente exige la collaboration et l’approbation du Canada puisque, comme le prévoient la loi et le bail, Sunshine Village est tributaire du fédéral pour les permis, licences et autorisations de construire des structures de stationnement sur le terrain loué.

c)  Ignorance d’éléments de preuve cruciaux attestant des droits que le bail confère à Sunshine Village

[27]  En ce qui concerne le point b), Sunshine Village fait valoir que la décision était motivée par un objectif indu puisque le directeur a jugé que son opposition à la construction d’un parc de stationnement couvert était déraisonnable sans tenir compte de ses préoccupations concernant les alinéas 30a), b) et c) du bail :

[traduction]

30.   a) Si, de l’avis du ministre, les activités d’exploitation du terrain et les installations qui y sont érigées par le locataire ne permettent plus à un moment quelconque pendant la durée du présent bail de répondre aux besoins des visiteurs et doivent par conséquent être modifiées, améliorées ou étendues, le locataire devra, si le ministre le lui demande et dans le délai que celui-ci lui imposera, prendre les mesures requises pour modifier, améliorer ou étendre lesdites activités et installations.

b) Le ministre ne peut en aucun cas obliger le locataire à modifier, améliorer ou étendre les activités et les installations si le coût ne peut pas être raisonnablement récupéré avant l’échéance de la durée du présent bail, y compris un bénéfice équivalant à celui que génèrent les activités alors en cours sur le terrain.

c) Si le locataire ne veut pas ou ne peut pas fournir les installations supplémentaires visées à l’alinéa a), ou s’il ne les fournit pas dans le délai fixé par le ministre, celui-ci peut, moyennant un préavis écrit de six (6) mois au locataire, délivrer toute autre licence qu’il estime requise pour fournir lesdites installations supplémentaires, sous réserve que lesdites licences supplémentaires n’entravent d’aucune façon l’utilisation et l’occupation du terrain par le locataire.

[28]  Sunshine Village précise qu’elle ne s’oppose pas à l’idée d’un parc de stationnement couvert, mais qu’elle n’est pas prête à assumer les coûts d’une telle construction et ses répercussions sur son chiffre d’affaires s’il n’est pas donné effet aux droits que lui confèrent les alinéas 30 b) et c) du bail.

[29]  En octobre 2016, lorsqu’elle a discuté avec Parcs Canada de la possibilité de construire un parc de stationnement couvert, Sunshine Village a clairement mentionné que ses réserves tenaient au coût exorbitant d’un tel projet, et qu’elle n’était pas d’accord avec l’idée de confier la construction à un tiers si cela signifiait que le stationnement deviendrait payant.

d)  Ignorance d’éléments de preuve indiquant que des solutions de rechange adéquates étaient en place avant que le stationnement soit interdit sur les voies d’accès à d’autres stations de ski

[30]  Sunshine Village soutient que le directeur a ignoré le fait que Parcs Canada a veillé à ce qu’une solution de rechange adéquate soit en place pour le stationnement dans les stations de ski voisines avant d’interdire le stationnement sur les voies d’accès, ce que Sunshine Village considère comme un [traduction] « élément crucial ». Selon la preuve documentaire, Parcs Canada a autorisé le stationnement le long de la route à Lake Louise et à Marmot jusqu’à ce qu’une solution de rechange soit en place.

2)  Décision allant à l’encontre de la loi

[31]  Sunshine Village reproche au directeur d’avoir agi à l’encontre de l’alinéa 18.1(4)f) de la Loi : a) parce que sa décision outrepasse ses pouvoirs législatifs ou réglementaires; b) parce qu’il a exercé abusivement un pouvoir discrétionnaire.

a)  Décision outrepassant les pouvoirs législatifs ou réglementaires du directeur

[32]  Sunshine Village rappelle que, conformément au paragraphe 36(1) du Règlement général sur les parcs nationaux, DORS/78-213 (Règlement général), ainsi qu’aux alinéas 16(1)b) et 23(1)c) du Règlement sur la circulation routière dans les parcs nationaux, CRC, c 1126 (Règlement sur la circulation routière), le directeur peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’interdire le stationnement sur la voie d’accès afin de prévenir un danger saisonnier ou temporaire, ou de promouvoir la sécurité de la circulation et des routes. De l’avis de Sunshine Village, la décision du directeur contrecarre l’objet des règlements pertinents.

[33]  Elle fait valoir que la décision d’interdire le stationnement sur le tronçon inférieur de la voie d’accès est incompatible avec les objectifs susmentionnés puisque a) rien ne confirme l’existence d’un risque d’avalanche dans cette zone, et b) la preuve tend à montrer que l’interdiction de stationner sur le tronçon inférieur et, partant, sur l’ensemble de la voie d’accès aura pour effet d’augmenter la circulation routière et le risque d’avalanche parce que des centaines de visiteurs pourraient se garer illégalement, y compris dans les zones à risque élevé d’avalanche, malgré les restrictions.

[34]  Sunshine Village ajoute que l’interdiction de stationner sur un kilomètre du tronçon supérieur de la voie d’accès alors que c’est autorisé depuis 2012 va aussi à l’encontre des objectifs des règlements pertinents. Selon son interprétation de la preuve, les conditions précédentes doivent être remplies avant que le stationnement soit interdit dans cette zone. Plus précisément, une solution de rechange adéquate doit être mise en place. De plus, le Canada doit pouvoir compter sur l’assistance de Sunshine Village, ou mettre plus de ressources à disposition pour la patrouille de la voie d’accès. Elle cite le rapport McElhanney, selon lequel l’interdiction de stationner aura pour effet d’encourager le stationnement illégal, y compris dans les zones à risque élevé d’avalanche, si ces conditions ne sont pas remplies.

[35]  Enfin, la preuve établit que le maintien des mesures de sécurité en vigueur sera le meilleur moyen d’atténuer les risques liés à la circulation et que, en l’absence de solution de rechange adéquate, l’interdiction de stationner sur la voie d’accès augmentera ces risques parce qu’elle pourrait occasionner de l’exaspération et de la confusion chez les automobilistes.

b)  Exercice abusif de son pouvoir discrétionnaire par le directeur

[36]  Selon Sunshine Village, la décision visait de manière indue à renforcer la position de négociation de Parcs Canada et à l’obliger à construire un parc de stationnement couvert sans qu’elle puisse exercer ses droits prévus au bail. Sunshine Village attire l’attention sur la description que le directeur donne dans sa décision des solutions soutenues par Parcs Canada, qui comprennent un parc de stationnement couvert et conforme aux normes acceptées du génie civil, ainsi que le transport collectif.

[37]  Sunshine Village souligne qu’elle recourt déjà au transport collectif. À son avis, le parc de stationnement couvert est la seule option envisagée par Parcs Canada, qui tente de la lui imposer sans toutefois lui offrir d’aide financière.

B.  Arguments de Parcs Canada

[38]  Parcs Canada soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité et que, au vu de celle-ci, le directeur a rendu une décision raisonnable et corroborée par la preuve dont il disposait. Parcs Canada soulève quatre points principaux qui, à son avis, montrent bien que le directeur a tenu compte de l’ensemble de la preuve et que sa conclusion raisonnable appartient aux issues acceptables : l’absence de droit de stationner sur la voie d’accès; les risques réels pour la sécurité justifiant l’interdiction de stationner; l’équité de la décision; la prise en compte des éléments de preuve dont disposait le directeur.

1)  Absence de droit de stationner sur la voie d’accès

[39]  Selon Parcs Canada, la décision n’avait pas pour objet de limiter l’accès à la station de ski de Sunshine Village, mais d’interdire le stationnement sur la voie publique pour des raisons de sécurité. Parcs Canada fait valoir que Sunshine Village n’a pas le droit d’autoriser ses clients à utiliser la voie d’accès comme stationnement, et que son droit d’accès au terrain loué est soumis aux règles et aux règlements raisonnables du directeur eu égard à son utilisation. Parcs Canada observe par ailleurs que Sunshine Village s’est engagée à respecter la Loi sur les parcs nationaux, ses règlements d’application et ceux pris en application de lois connexes. Cet argument est fondé sur le paragraphe 45 de la décision Sunshine Village, les articles 3 et 19 du bail, la Loi sur les parcs nationaux du Canada, LC 2000, c 32, et le Règlement sur la circulation routière.

2)  Risques réels pour la sécurité justifiant l’interdiction de stationner

[40]  Parcs Canada observe que la décision a été prise en tenant compte des risques avérés pour la sécurité publique qui sont liés aux avalanches et à la circulation routière. Voici les principaux éléments de preuve liés aux risques d’avalanche selon la note d’information de 2012, le rapport McElhanney, le rapport d’Alpine et le rapport Stethem :

[traduction]

Ÿ  La zone B4 à l’est [la partie du tronçon supérieur la plus près du tronçon inférieur de la voie d’accès] est exposée à trois couloirs d’avalanche.

Ÿ  L’avalanche déclenchée le 6 mars 2012, qui a dévalé en cascades jusqu’à la voie d’accès avec une force et une ampleur imprévues, nous a donné la preuve que la prévision du risque d’avalanche n’est pas une science exacte et qu’il faut prévoir une importante marge de sécurité.

Ÿ  Sur la voie d’accès, l’indice de risque d’avalanche est le plus élevé parmi toutes les routes des parcs nationaux Banff, Kootenay et Yoho.

Ÿ  Au Canada, le stationnement est interdit dans toutes les zones d’avalanche active comme la zone est de B4.

Ÿ  Le rapport Sunshine indique que le risque d’avalanche est faible, mais il recèle des lacunes évidentes en omettant de tenir compte de paramètres comme la densité réelle du trafic les jours de forte affluence, la variabilité du risque d’avalanche d’une heure ou d’une journée à l’autre ou les avalanches qui s’arrêtent près de la route sans la traverser; de plus, l’évaluation du risque pour les piétons est fondée sur les conditions non comparables de la randonnée hors‑piste.

Ÿ  Indépendamment du degré de probabilité, l’important est qu’une seule avalanche sur la voie d’accès pourrait occasionner des préjudices graves pour les personnes et, éventuellement, de nombreux décès, ainsi que des dommages matériels, notamment aux véhicules.

Ÿ  Les avalanches posent plus de risques pour les piétons et les véhicules stationnés que la circulation.

[Références omises]

[41]  Parcs Canada énonce les principaux éléments de preuve concernant les risques liés à la circulation selon le rapport McElhanney, le seul qui traite expressément de l’aspect de la sécurité routière générale. D’après ce rapport, les risques associés au stationnement le long de la route sont les suivants :

[traduction]

Ÿ  La distance de visibilité du conducteur est réduite sur la voie d’accès.

Ÿ  La partie de la voie d’accès utilisable pour la circulation de transit est plus étroite.

Ÿ  Divers obstacles peuvent entraver la circulation :

  les portières ouvertes;

  les bus-navettes à l’arrêt;

[...]

  les piétons sur la route;

[...]

Ÿ  Les véhicules d’urgence peuvent être ralentis ou arrêtés par les obstacles.

Ÿ  Il peut être difficile d’installer une signalisation adéquate sur la voie d’accès, avec le risque que les conducteurs roulent à des vitesses non sécuritaires à proximité des piétons.

Ÿ  La congestion routière peut générer de la confusion, de la frustration et de l’impatience, et pousser les conducteurs à adopter des comportements agressifs ou dangereux.

[Références omises]

[42]  Parcs Canada renvoie à des statistiques selon lesquelles [traduction] « de 2005 à 2009, 68 % des collisions sur la voie d’accès étaient attribuables au stationnement le long de la route », et « au moins 6 ont entraîné des blessures ». [Références omises]

[43]  Il est clair pour Parcs Canada que le directeur a rendu une décision qui prend en compte les risques pour la sécurité des utilisateurs de la voie d’accès, et qu’il était raisonnable de sa part de suivre la recommandation du rapport McElhanney d’interdire le stationnement le long de la route.

[44]  Parcs Canada rappelle l’expertise du directeur en matière de réglementation de la circulation routière dans le parc. L’allégation selon laquelle le directeur était motivé par un objectif injustifié ne tient pas.

3)  Équité de la décision

[45]  Parcs Canada fait valoir que la décision n’était pas une surprise puisqu’il est clair quand on lit les communications entre le Canada et Sunshine Village à compter de 2012 que l’interdiction de stationner le long de la route était prévue de longue date. Le Canada a maintes fois rappelé que le stationnement le long de la route était une mesure exceptionnelle qui devait être reconsidérée d’une année à l’autre, qu’il était impératif d’examiner et de mettre en place des solutions de rechange, et que Parcs Canada [traduction] « envisageait sérieusement d’interdire complètement le stationnement le long de la voie d’accès au plus tard en 2017 ».

[46]  Parcs Canada soutient que le directeur n’était pas tenu de mentionner chaque élément qui a pesé dans sa décision, et que l’appréciation de son caractère raisonnable doit se faire en fonction des motifs et du dossier.

4)  Prise en compte des éléments de preuve dont disposait le directeur

[47]  Sunshine Village affirme qu’il ressort du rapport McElhanney que l’interdiction de stationner sur la voie d’accès aggraverait les risques liés à la circulation et aux avalanches, mais Parcs Canada n’est pas d’accord avec cette interprétation.

[48]  Le rapport McElhanney fait une mise en garde concernant l’interdiction de stationner en l’absence de solutions de rechange. Parcs Canada insiste sur la nature conjecturale de la mise en garde et sur le fait que le rapport [traduction] « mentionne que si des instructions claires ne sont pas données sur les endroits où le stationnement est autorisé, les automobilistes pourraient être exaspérés et garer leur véhicule dans des zones interdites, ce qui exigerait de prendre des mesures pour faire respecter le règlement ». [Soulignement omis]

[49]  Selon Parcs Canada, rien ne permet de croire que le directeur a ignoré la mise en garde, et les arguments de Sunshine Village quant à la capacité insuffisante de faire respecter le règlement ne sont que pures conjectures. De plus, des options de rechange ont été offertes à Sunshine Village, mais elle a refusé 461 places de stationnement.

[50]  Dès novembre 2014, le directeur lui a fait savoir qu’il envisageait d’interdire complètement le stationnement le long de la route au plus tard en 2017. Cela dénote que ce qui lui importait était la sécurité et non sa position de négociation étant donné qu’il ne pouvait pas savoir en 2014 qu’il n’y aurait pas encore d’entente sur une solution à long terme en 2017.

[51]  Parcs Canada ne souscrit pas à l’argument de Sunshine Village comme quoi la décision l’oblige à construire un parc de stationnement couvert, qui est en fait un exemple de solution acceptable à long terme. Parcs Canada souligne par ailleurs que Sunshine Village a refusé 461 places de stationnement hors site. Par conséquent, l’article 30 du bail ne s’applique pas puisqu’il vise des situations dans lesquelles le ministre oblige le locataire à [traduction« modifier, améliorer ou étendre » des activités ou des installations.

[52]  Quant à l’argument de Sunshine Village comme quoi l’interdiction de stationner le long de la route dans les stations de ski voisines est entrée en vigueur seulement après la mise en place de solutions de rechange à long terme, il n’est pas pertinent selon Parcs Canada. Le directeur n’avait pas de données complètes sur les risques liés à la circulation sur ces routes, et il a donc rendu une décision raisonnable au vu des éléments de preuve à sa disposition concernant les problèmes de sécurité sur la voie d’accès.

IV.  Dispositions applicables

[53]  La Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, dispose ainsi :

Demande de contrôle judiciaire

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

...

Délai de présentation

Pouvoirs de la Cour fédérale

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

Motifs

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

Application for judicial review

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

...

Powers of Federal Court

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

Grounds of review

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

(f) acted in any other way that was contrary to law.

[54]  Les lois et les règlements pertinents sur les parcs nationaux disposent ainsi :

Loi sur l’Agence Parcs Canada, LC 1998, c 31

Constitution de l’Agence

3 Est constituée l’Agence Parcs Canada, dotée de la personnalité morale et exerçant ses attributions uniquement à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada.

Ministre responsable

4 (1) Le ministre est responsable de l’Agence et, à ce titre, ses attributions s’étendent de façon générale à tous les domaines de compétence fédérale non attribués de droit à d’autres ministères ou organismes et liés :

a) aux lieux naturels ou historiques d’importance pour la nation, notamment les parcs nationaux, les aires marines nationales de conservation, les lieux historiques nationaux, les canaux historiques, les musées historiques créés en vertu de la Loi sur les lieux et monuments historiques, le parc marin du Saguenay — Saint-Laurent et le parc urbain national de la Rouge;

b) aux gares ferroviaires patrimoniales, aux phares patrimoniaux, aux édifices fédéraux patrimoniaux, aux lieux patrimoniaux au Canada, à l’archéologie fédérale et aux rivières du patrimoine canadien;

c) à la mise sur pied et la mise en œuvre de programmes visant principalement le patrimoine bâti.

Instructions du ministre

(2) Le ministre fixe les grandes orientations à suivre par l’Agence, à qui il incombe de se conformer aux instructions générales ou particulières qu’il lui donne en ce qui a trait à la réalisation de sa mission.

...

Exercice de certaines attributions du ministre

5 (1) Sous réserve des instructions que peut donner le ministre, l’Agence exerce les attributions qui sont conférées, déléguées ou transférées à celui-ci sous le régime d’une loi ou de règlements dans le domaine des parcs nationaux, des lieux historiques nationaux, des aires marines nationales de conservation, des autres lieux patrimoniaux protégés et des programmes de protection du patrimoine.

Dirigeants et employés

(2) Les dirigeants ou employés de l’Agence ayant, au sein de celle-ci, la compétence voulue peuvent exercer les attributions visées au paragraphe (1); le cas échéant, ils se conforment aux instructions générales ou particulières du ministre.

 

Establishment

3 There is hereby established a body corporate to be called the Parks Canada Agency, that may exercise powers and perform duties and functions only as an agent of Her Majesty in right of Canada

Minister responsible

4 (1) The Minister is responsible for the Agency and the powers, duties and functions of the Minister, in that capacity, extend to and include all matters over which Parliament has jurisdiction, not by law assigned to any other department, board or agency of the Government of Canada, relating to

(a) areas of natural or historical significance to the nation, including national parks, national marine conservation areas, national historic sites, historic canals, historic museums established under the Historic Sites and Monuments Act, Saguenay-St. Lawrence Marine Park and Rouge National Urban Park;

(b) heritage railway stations, heritage lighthouses, federal heritage buildings, historic places in Canada, federal archaeology and Canadian heritage rivers; and

(c) the design and implementation of programs that relate primarily to built heritage.

Ministerial direction

(2) The Minister has the overall direction of the Agency, which shall comply with any general or special direction given by the Minister with reference to the carrying out of its responsibilities.

...

Exercise of powers conferred on Minister

5 (1) Subject to any direction given by the Minister, the Agency may exercise the powers and shall perform the duties and functions that relate to national parks, national historic sites, national marine conservation areas, other protected heritage areas and heritage protection programs that are conferred on, or delegated, assigned or transferred to, the Minister under any Act or regulation.

Officers and employees

(2) An officer or employee of the Agency may exercise any power and perform any duty or function referred to in subsection (1) if the officer or employee is appointed to serve in the Agency in a capacity appropriate to the exercise of the power or the performance of the duty or function, and in so doing, shall comply with any general or special direction given by the Minister.

Loi sur les parcs nationaux du Canada, LC 2000, c 32

Définitions

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

...

ministre Le ministre responsable de l’Agence Parcs Canada.

directeur Fonctionnaire nommé, en vertu de la Loi sur l’Agence Parcs Canada, directeur d’un parc ou d’un lieu historique national du Canada régi par la présente loi. Y est assimilée toute personne nommée en vertu de cette loi qu’il autorise à agir en son nom.

...

Usage public des parcs

4 (1) Les parcs sont créés à l’intention du peuple canadien pour son bienfait, son agrément et l’enrichissement de ses connaissances, sous réserve de la présente loi et des règlements; ils doivent être entretenus et utilisés de façon à rester intacts pour les générations futures.

...

Autorité compétente

8 (1) Les parcs, y compris les terres domaniales qui y sont situées, sont placés sous l’autorité du ministre; celui-ci peut, dans l’exercice de cette autorité, utiliser et occuper les terres domaniales situées dans les parcs.

Intégrité écologique

(2) La préservation ou le rétablissement de l’intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques sont la première priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs.

...

Aliénation ou utilisation des terres domaniales

13 Sauf dans la mesure permise par les autres dispositions de la présente loi ou ses règlements, il est interdit d’aliéner les terres domaniales situées dans un parc, de concéder un droit réel ou un intérêt sur celles-ci, de les utiliser ou de les occuper.

Definitions

2 (1) The definitions in this subsection apply in this Act.

...

Minister means the Minister responsible for the Parks Canada Agency.

...

superintendent means an officer appointed under the Parks Canada Agency Act who holds the office of superintendent of a park or of a national historic site of Canada to which this Act applies, and includes any person appointed under that Act who is authorized by such an officer to act on the officer’s behalf.

...

Parks dedicated to public

4 (1) The national parks of Canada are hereby dedicated to the people of Canada for their benefit, education and enjoyment, subject to this Act and the regulations, and the parks shall be maintained and made use of so as to leave them unimpaired for the enjoyment of future generations.

...

Management by Minister

8 (1) The Minister is responsible for the administration, management and control of parks, including the administration of public lands in parks and, for that purpose, the Minister may use and occupy those lands.

Ecological integrity

(2) Maintenance or restoration of ecological integrity, through the protection of natural resources and natural processes, shall be the first priority of the Minister when considering all aspects of the management of parks.

...

No disposition or use without authority

13 Except as permitted by this Act or the regulations,

...

(b) no person shall use or occupy public lands in a park.

Règlement général sur les parcs nationaux, DORS/78-213

Fermeture de zones et de voies

36 (1) Le directeur du parc peut interdire par un avis écrit l’accès au public ou à la circulation de zone, lorsqu’il le juge nécessaire pour préserver le public, la faune, la flore ou les matières naturelles de tout danger de nature temporaire ou saisonnière.

(2) Cet avis est affiché sur les voies routières, ferroviaires ou autres voies d’accès à la zone concernée.

(3) Il est interdit d’y pénétrer sans autorisation du directeur du parc.

 

Closing of Areas and Ways

36 (1) Where the superintendent deems it necessary for the prevention of any seasonal or temporary danger to persons, flora, fauna or natural objects in a Park, he may by notice in writing close to public use or traffic any area in the Park for the period he considers the danger will continue.

(2) A notice referred to in subsection (1) shall be displayed on each approach road, trail or other way of access to the area in the Park closed to public use or traffic.

(3) No person shall enter any area in a Park during the period that it is closed to public use or traffic pursuant to subsection (1) except with the permission of the superintendent.

Règlement sur la circulation routière dans les parcs nationaux, CRC, c 1126

2 Dans le présent règlement,

...

route Vise notamment une route, une rue, une avenue, une promenade, une allée, une ruelle, un pont, un viaduc, un pont sur chevalets, une place ou tout autre endroit à l’intérieur d’un parc destiné à être utilisé par le public pour le passage ou le stationnement d’un véhicule.

...

Signalisation routière

16 (1) Un directeur de parc peut placer ou ériger en bordure d’une route ou sur la chaussée un signal de route pour

...

b) réglementer ou interdire l’attache de chevaux ou le stationnement ou l’arrêt de véhicules automobiles ou de catégories de véhicules automobiles;

...

h) réglementer la circulation des piétons;

... or;

k) réglementer, diriger ou contrôler de quelque autre façon la circulation sur la route des véhicules automobiles, des chevaux ou des piétons.

Stationnement

23 (1) Un directeur de parc peut, au moyen d’un écriteau, désigner une zone comme

a) une zone où le stationnement est réservé aux détenteurs de permis de stationnement;

b) une zone où le stationnement est permis pendant un certain temps; ou

c) une zone où le stationnement est interdit.

2 In these Regulations,

...

highway includes a road, street, avenue, parkway, driveway, lane, square, bridge, viaduct, trestle or other place within a park intended for use by the public for the passage or parking of vehicles;

...

Traffic Signs and Devices

16 (1) The superintendent may mark and erect on or along a highway a traffic sign or device that

...

(b) regulates or prohibits ... the stopping or parking of motor vehicles or any class thereof;

...

(h) regulates pedestrian traffic;

... or;

(k) regulates, directs or controls in any other manner the use of the highway by horses, motor vehicles or pedestrians.

...

Parking

23 (1) The superintendent may erect a sign that designates an area as

(a) an area where parking is reserved for persons holding parking permits;

(b) an area where parking is permitted for a period of time; or

(c) an area where parking is not permitted.

V.  Questions en litige

[55]  Les parties estiment que la norme de contrôle en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Je suis d’accord puisque le directeur a pris une décision au titre de son pouvoir discrétionnaire de gérer le parc (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 53 et 54 [Dunsmuir]; Sunshine Village, au paragraphe 30).

[56]  La seule question qui se pose est de savoir si la décision est raisonnable. Autrement dit, est-elle justifiable, transparente et intelligible, et appartient-elle « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47)? Pour le déterminer, il faut répondre aux questions suivantes :

  • a) La décision est-elle conforme aux objectifs de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de ses règlements d’application?

  • b) Le directeur a-t-il fondé sa décision sur les éléments de preuve à sa disposition?

VI.  Discussion

[57]  Le parc national Banff est régi par la Loi sur les parcs nationaux du Canada, selon laquelle les parcs nationaux sont placés sous l’autorité du ministre responsable de l’Agence Parcs Canada. Le Règlement général sur les parcs nationaux et le Règlement sur la circulation routière dans les parcs nationaux découlent tous les deux de la Loi sur les parcs nationaux du Canada. Le directeur a le pouvoir délégué de prendre des décisions fondées sur ces règlements. La voie d’accès est une « route » au sens du Règlement sur la circulation routière dans les parcs nationaux.

[58]  Conformément au paragraphe 36(1) du Règlement général, un directeur peut interdire l’accès au public ou à la circulation de zone s’il l’estime nécessaire pour la prévention « de tout danger de nature temporaire ou saisonnière ». Le paragraphe 16(1) du Règlement sur la circulation routière accorde au directeur le pouvoir de réglementer ou d’interdire le stationnement ou l’arrêt de véhicules automobiles à moteur en bordure d’une route; de réglementer la circulation des piétons, ainsi que de réglementer, diriger ou contrôler de quelque autre façon la circulation sur la route des véhicules ou des piétons. L’alinéa 23(1)c) autorise le directeur à désigner une zone où le stationnement est interdit.

[59]  Certaines dispositions du bail sont également liées à l’objet de la présente demande :

[traduction]

3   Le locataire s’engage à [...] se conformer aux dispositions de la Loi sur les parcs nationaux ainsi que de ses règlements d’application et des règlements pris en application de lois connexes, tels qu’ils sont modifiés, révisés ou remplacés de temps à autre.

[...]

19   Sa Majesté s’engage à veiller en tout temps pendant la durée du bail à ce que la route soit facilement accessible de l’est ou de l’ouest. Sa Majesté s’engage en outre à entretenir le tronçon inférieur de la voie d’accès de manière à ce que les automobilistes puissent bien y circuler. Sa Majesté s’engage enfin à reconnaître au locataire des droits généraux d’accès à la servitude actuellement connue comme le tronçon supérieur de la voie d’accès, sous réserve des règles et règlements raisonnables du directeur en ce qui concerne son usage.

[...]

30  a) Si, de l’avis du ministre, les activités d’exploitation du terrain et les installations qui y sont érigées par le locataire ne permettent plus à un moment quelconque pendant la durée du présent bail de répondre aux besoins des visiteurs et doivent par conséquent être modifiées, améliorées ou étendues, le locataire devra, si le ministre le lui demande et dans le délai que celui-ci lui imposera, prendre les mesures requises pour modifier, améliorer ou étendre lesdites activités et installations.

  b) Le ministre ne peut en aucun cas obliger le locataire à modifier, améliorer ou étendre les activités et les installations si le coût ne peut pas être raisonnablement récupéré avant l’échéance de la durée du présent bail, y compris un bénéfice équivalant à celui que génèrent les activités alors en cours sur le terrain.

  c) Si le locataire ne veut pas ou ne peut pas fournir les installations supplémentaires visées à l’alinéa a), ou s’il ne les fournit pas dans le délai fixé par le ministre, celui-ci peut, moyennant un préavis écrit de six (6) mois au locataire, délivrer toute autre licence qu’il estime requise pour fournir lesdites installations supplémentaires, sous réserve que lesdites licences supplémentaires n’entravent d’aucune façon l’utilisation et l’occupation du terrain par le locataire.

[Non souligné dans l’original]

[60]  De manière générale, la cour de révision qui procède au contrôle d’une décision doit se demander si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Select Brand Distributeurs Inc., 2010 CAF 3, au paragraphe 45, le juge Pelletier a expliqué que « [l]es conclusions de fait du tribunal administratif peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire aux termes de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales lorsqu’il n’existe pas d’éléments de preuve qui justifiaient la conclusion à laquelle le tribunal en est venu ». De plus, si la preuve pertinente n’a pas été prise en compte, il peut être conclu que la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables (Nyoka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 568, aux paragraphes 20 et 21; Osazuma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1145, aux paragraphes 25 à 30). Il s’agit d’une conclusion envisageable puisque, même si un décideur administratif est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve dont il est saisi, il peut arriver que des éléments de preuve tendent à contredire sa décision ou qu’ils en soient déterminants, auquel cas une explication à leur égard s’impose dans la décision (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, aux paragraphes 16 et 17 (CF 1re inst.); Do c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 432, aux paragraphes 56 à 58; Arias Ultima c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 81, au paragraphe 35).

[61]  Dans la décision Sunshine Village, le juge Phelan a jugé raisonnable la décision de décembre 2012 du directeur d’interdire le stationnement partout sauf sur un kilomètre du tronçon supérieur de la route (où le stationnement était autorisé durant les périodes de risque d’avalanche minimal). La Cour a conclu que « [l]es différences entre l’approche de la demanderesse et celle de Parcs Canada s’inscrivent dans un éventail de mesures appropriées de gestion du risque d’avalanches » (au paragraphe 43). La décision du directeur n’est pas celle que la demanderesse attendait et que ses experts recommandaient, mais elle appartenait aux issues acceptables. Ayant conclu que « des rapports tout aussi crédibles [que les rapports d’experts produits par la demanderesse préconisent] et appuient le type d’interdiction imposée par le directeur » (au paragraphe 40), le juge Phelan a rejeté la demande de contrôle judiciaire de Sunshine Village.

[62]  La décision dont le juge Phelan a été saisi et celle qui est en litige en l’espèce présentent deux différences. Premièrement, la décision visée en l’espèce est plus restrictive que la décision de 2012 puisqu’elle annule les autorisations qui découlaient de celle-ci de stationner sur le kilomètre du tronçon supérieur, exposé aux avalanches, ainsi que sur le tronçon inférieur de la voie d’accès, qui n’est pas exposé aux avalanches. Deuxièmement, la décision de 2012 est centrée sur le risque d’avalanche; il y est très peu question des problèmes de sécurité liés à la circulation, à l’inverse de la présente décision, dans laquelle le rapport McElhanney a joué un rôle beaucoup plus important.

A.  La décision est-elle conforme aux objectifs de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de ses règlements d’application?

[63]  La législation qui régit les parcs nationaux, et plus précisément le paragraphe 36(1) du Règlement général et l’alinéa 23(1)c) du Règlement sur la circulation routière, confère au directeur le pouvoir d’interdire le stationnement sur toute la voie d’accès.

[64]  Le rapport d’expert qui lui a été soumis indiquait clairement qu’il existait un risque d’avalanche sur le tronçon supérieur de la voie d’accès situé à proximité du portail de Sunshine Village. Cette preuve documentaire indique que la zone B4 à l’est est exposée à trois couloirs d’avalanche. Sunshine Village soutient que les opérations de prévention des avalanches réduisent ce risque au minimum. Parcs Canada rétorque à juste titre que la prévision du risque d’avalanche n’est pas une science exacte et qu’il faut prévoir une marge de sécurité importante, comme l’a démontré l’ampleur inattendue de l’avalanche déclenchée le 6 mars 2012.

[65]  Je conclus que la décision du directeur concernant le tronçon supérieur de la voie d’accès est clairement conforme au paragraphe 36(1) du Règlement général et à l’alinéa 23(1)c) du Règlement sur la circulation routière. L’interdiction de stationner sur le tronçon inférieur de la voie d’accès sera abordée dans la deuxième partie de la décision puisqu’il s’agit de déterminer si la décision était raisonnable et non si le décideur avait compétence pour la prendre.

[66]  Sunshine Village soutient également que la décision du directeur visait indûment à l’obliger à régler la question du stationnement en construisant un parc de stationnement couvert. Cette allégation ne me semble guère fondée.

[67]  D’abord, la preuve comme quoi Parcs Canada favorisait la solution du parc de stationnement couvert est ambiguë. Le directeur souligne que [traduction] « Parcs Canada a suggéré et continue de soutenir des solutions comme la construction par Sunshine Village d’un parc de stationnement couvert et conforme aux normes acceptées du génie civil, ainsi que le transport collectif [non souligné dans l’original] ». À juste titre, Parcs Canada observe que l’intention du directeur était de donner un exemple de solution de rechange pour le stationnement, et non de donner un ordre.

[68]  Par ailleurs, le bail stipule que Sunshine Village peut être tenue d’apporter des améliorations, mais uniquement si elle peut récupérer ses dépenses pendant la durée du bail. Sunshine Village a estimé que la construction d’un parc de stationnement couvert coûterait de 30 000 $ à 50 000 $ par place, et qu’il devrait en contenir au moins 500. Comme le bail expire dans trois ans, les dépenses devront être récupérées dans ce délai. À titre de partie au bail, Parcs Canada devrait connaître cette stipulation.

[69]  Enfin, la construction d’un parc de stationnement couvert a été mentionnée comme l’une des solutions possibles, mais la Cour n’a été saisie d’aucun plan approuvé et, d’après la correspondance et le compte rendu des rencontres versés en preuve, elle a pu constater que des discussions étaient en cours au moment de la décision au sujet d’installations de stationnement et de [traduction] « solutions créatives ».

[70]  Je conclus par conséquent que la preuve ne corrobore pas l’allégation de Sunshine Village selon laquelle la décision du directeur visait indûment à l’obliger à construire un parc de stationnement couvert sur le terrain loué.

B.  Le directeur a-t-il fondé sa décision sur les éléments de preuve à sa disposition?

[71]  Dans la décision du 17 novembre 2016, le directeur aborde divers sujets qui ne sont pas liés aux risques d’avalanche. Voici quelques considérations soulevées dans sa lettre :

[traduction]

En plus de votre lettre précédente, j’ai réexaminé les documents suivants :

Rapport « Sunshine Road Roadside Parking Safety Review Banff National Park » (McElhanney Consulting Services, 2012)

[...]

Au vu de l’ensemble des documents et des lettres susmentionnés, j’autorise le stationnement pour la saison 2016-2017, moyennant les mêmes aménagements et aux mêmes conditions que l’année passée. [...] Veuillez noter que l’autorisation de stationner pourra être restreinte ou levée pour des raisons de sécurité ou autres.

Comme je l’ai indiqué dans ma lettre précédente à ce sujet, j’ai également réfléchi à la question de savoir si le stationnement devrait être autorisé sur la route au cours des années à venir et, le cas échéant, à quel endroit. Comme vous le savez, Parcs Canada a autorisé le stationnement le long de certains tronçons de la voie d’accès depuis 2006-2007 comme solution provisoire uniquement, en attendant que Sunshine Village trouve et mette en œuvre une solution permanente au manque de stationnement. Après 10 ans, aucune solution permanente et sécuritaire n’a été mise en place. [...]

De plus, il ressort du rapport McElhanney qu’en plus du risque d’avalanche, les personnes du public qui attendent un bus-navette, qui marchent ou qui conduisent sur la route sont exposées à un risque attribuable au fait que la voie d’accès n’est pas aménagée pour accueillir de façon sécuritaire des piétons, des véhicules stationnés et la circulation, comme c’est le cas actuellement durant la saison hivernale.

Selon le rapport McElhanney, la solution la plus sûre pour atténuer les problèmes de sécurité et éliminer les conflits entre les piétons et les véhicules serait d’offrir une solution de rechange au stationnement en bordure de route. La route traverse une terre de l’État qui est gérée par Parcs Canada, y compris son utilisation et le contrôle des avalanches.

Pour ces motifs, j’ai conclu que le stationnement public sera interdit l’hiver le long de la voie d’accès à Sunshine Village au cours des prochaines années. Parcs Canada fait de son mieux pour atténuer les risques et ne peut pas accepter que le public continue d’être exposé à ce risque, ni la responsabilité éventuelle qui en découlerait

[72]  Le rapport McElhanney du 28 mars 2012 est le seul rapport d’expert qui traite des problèmes de sécurité routière. On peut y lire que le 28 décembre 2011, des voitures étaient stationnées sur plusieurs kilomètres le long de la voie d’accès, et même jusqu’à moins d’un kilomètre de l’échangeur de la Transcanadienne (le stationnement était alors interdit dans certaines zones de la voie d’accès).

[73]  Pendant le congé de Noël de 2011-2012, les véhicules de promenade comptaient pour plus de 97 % de tous ceux qui étaient stationnés. La capacité moyenne du parc de stationnement de Sunshine Village est estimée à 1 785 véhicules mais, certaines journées, la circulation automobile peut atteindre jusqu’à 2 220 véhicules. Par conséquent, en tenant pour acquis qu’ils doivent tous être stationnés, de 382 à 475 véhicules sont en surnombre et peuvent se retrouver le long de la route (une preuve indique que dès 2005-2006, ce nombre pouvait atteindre 498 par jour).

[74]  Le rapport McElhanney indique que cette situation peut entraîner les problèmes de sécurité suivants : des conflits entre les piétons et les véhicules; l’exposition au risque d’avalanche; le rétrécissement de certains segments de route; des dangers aux abords de la route; des demi-tours à mi-chemin; le contrôle temporaire de la circulation; des distances de visibilité limitées; d’autres problèmes de sécurité mineurs comme la signalisation en double et les navettes blanches. À ces risques s’ajoutent divers facteurs humains comme la distraction, la confusion, l’impatience, la fatigue, etc. Par exemple, les conducteurs peuvent être distraits parce qu’ils sont pressés de se retrouver sur les pentes, de trouver une place de stationnement ou de retourner chez eux, ou par les manœuvres de stationnement sur la rue. Les piétons sur la route peuvent aussi être distraits quand ils transportent de l’équipement encombrant, surveillent leurs enfants ou courent pour attraper une navette. En fait, les piétons représentent le plus grand risque pour la sécurité lorsqu’il y a beaucoup de circulation sur la voie d’accès.

[75]  Le rapport McElhanney formule un certain nombre de recommandations pour remédier aux problèmes de sécurité liés à la circulation : élargir la route; offrir une solution de rechange au stationnement le long de la route; augmenter le nombre de places de stationnement; offrir un parc de stationnement hors site; restreindre le stationnement le long de la route sans offrir de places additionnelles, ou améliorer les pratiques existantes associées au stationnement le long de la route.

[76]  La solution adoptée en 2012-2013 consistait à améliorer les pratiques associées au stationnement le long de la route. Elle a nécessité une collaboration entre Parcs Canada, responsable de la surveillance et du contrôle des avalanches, et Sunshine Village, responsable du contrôle de la circulation et du service de navette. La solution consistant à améliorer les pratiques de stationnement le long de la route a été écartée pour la saison 2017-2018, puis par la décision du directeur.

[77]  Il n’a jamais été envisagé d’élargir la route et, parce que le bail viendra à échéance relativement rapidement, il serait difficile de construire un parc de stationnement couvert sur le terrain loué par Sunshine Village pour augmenter le nombre de places.

[78]  Pour les raisons suivantes, le rapport McElhanney a rejeté la solution consistant à restreindre le stationnement le long de la route si d’autres places ne sont pas offertes :

[traduction]

Une autre solution consisterait à restreindre le stationnement le long de la route sans offrir de places additionnelles ailleurs. Elle n’est pas recommandée, car elle risque de créer de la confusion et de l’exaspération chez les automobilistes. Si on ne leur offre pas d’autres places, les visiteurs ignoreront probablement les restrictions et stationneront leur véhicule dans les zones à risque élevé d’avalanche.

[Non souligné dans l’original]

Ailleurs dans le rapport McElhanney, cette observation est corroborée par le témoignage d’employés de Parcs Canada selon qui il est connu que l’interdiction de stationner dans les zones où il existe un risque d’avalanche n’est pas toujours respectée.

[79]  La solution la plus sécuritaire pour atténuer les problèmes de sécurité serait d’offrir d’autres places de stationnement pour compenser l’interdiction de stationner le long de la route. Selon le rapport McElhanney, cette solution éliminerait les conflits actuels entre les piétons et les véhicules sur la voie d’accès. Durant les périodes de pointe, de 400 à 500 véhicules sont stationnés le long de la route. Donc, si une solution de rechange est offerte ailleurs, elle devra offrir au moins 500 places.

[80]  Le rapport McElhanney donne une liste des facteurs à prendre en considération si la solution d’un stationnement d’appoint hors site est adoptée pour les périodes de pointe. Notamment, si cette solution est adoptée, il faudra réfléchir aux défis suivants :

[traduction]

Ÿ  Comment l’accès au parc de stationnement sera-t-il assuré? Il faudra bien penser l’aménagement des carrefours, notamment celui de l’Autoroute 1, sur laquelle la circulation peut être dense et très rapide.

Ÿ  Quels pourraient être les impacts des files de véhicules à l’entrée ou à la sortie du parc de stationnement, y compris les conflits avec la circulation de transit?

Ÿ  Comment l’accès à l’entrée et à la sortie du parc de stationnement sera-t-il assuré pour les véhicules en provenance ou à destination de l’est ou de l’ouest?

Ÿ  Quels seront les meilleurs parcours pour les bus-navettes en provenance ou à destination de la station de ski?

Ÿ  Quels seront les meilleurs parcours pour les véhicules dirigés vers le stationnement d’appoint une fois le stationnement principal plein?

Le rapport McElhanney affirme que la solution d’un parc de stationnement d’appoint hors site pourrait fonctionner si les défis susmentionnés sont réglés.

[81]  Dans une lettre datée du 29 novembre 2016, le directeur clarifie sa décision et réitère les solutions de rechange que Parcs Canada propose à Sunshine Village au terrain de camping d’appoint de Cascade, au parc Cascade Ponds et à l’aire de fréquentation diurne Fireside.

[82]  Selon Sunshine Village, la capacité de ces emplacements est la suivante : le camping d’appoint de Cascade, à 22,3 kilomètres de la station, offre 119 places; le parc Cascade Ponds, à 21,3 kilomètres de distance, offre 31, 68 et 107 places à différents endroits; l’aire de fréquentation diurne Fireside, à une distance de 11 à 13 kilomètres de la station offre 32 places le long de la Transcanadienne. Sunshine Village a rejeté ces solutions en invoquant la distance, leur caractère inadéquat et d’autres facteurs. Elle donne l’explication suivante : [traduction] « Nous avons tenté à de multiples occasions d’utiliser l’aire d’arrêt Five Mile, le plus près des emplacements refusés [de 10,2 à 12,6 kilomètres de Sunshine, 29 places] [probablement lors de périodes de dépassement de la capacité]. Chaque fois, nous avons utilisé des panneaux de signalisation pour détourner la circulation, et offert aux visiteurs un service de navette gratuite ainsi que des rabais sur les billets de remontée. Comme le succès a été très mitigé, nous avons conclu que l’aire d’arrêt Five Mile n’était pas une solution pratique. » Sunshine allègue à juste titre qu’il serait étonnant que les visiteurs acceptent d’utiliser les places de stationnement plus éloignées qu’elle a refusées. Elle souligne aussi les problèmes de sécurité que provoqueraient les files de véhicules sur la Transcanadienne pendant l’hiver si l’aire d’arrêt Five Mile est utilisée.

[83]  À mon avis, le rapport McElhanney met en évidence que la solution au problème de stationnement à la station de ski de Sunshine Village devra impérativement tenir compte de la réponse des visiteurs. Il y est précisé qu’un parc de stationnement hors site pourrait être une bonne solution si les défis cernés sont réglés. Le rapport met en garde contre le risque que les visiteurs ignorent les restrictions et stationnent leur véhicule dans les zones à risque élevé d’avalanche si aucune autre solution n’est offerte.

[84]  Ces questions et mises en garde sont énoncées dans la preuve soumise au directeur, mais il n’en a pas tenu compte dans sa décision. Compte tenu de la place importante que le rapport McElhanney accorde à ces questions et mises en garde, il est difficile de penser que le directeur a estimé qu’il les avait traitées parce que le rapport figure sur une liste, alors qu’il fait d’autres renvois précis à ce même rapport.

[85]  Sunshine Village a témoigné de ses tentatives infructueuses de diriger des visiteurs vers le stationnement d’appoint le près de la station parmi ceux qui lui ont été proposés. Son expérience cadre avec les recommandations du rapport.

[86]  Je conclus que le directeur n’a pas tenu compte d’éléments de preuve qui auraient dû éclairer sa décision, et que la partie de celle-ci qui porte interdiction de stationner sur le tronçon inférieur de la voie d’accès inférieur est déraisonnable.

VII.  Conclusion

[87]  Je conclus que la décision du directeur concernant le tronçon supérieur de la voie d’accès, qui est exposé à un risque d’avalanche, est clairement conforme au paragraphe 36(1) du Règlement général et à l’alinéa 23(1)c) du Règlement sur la circulation routière.

[88]  Étant donné qu’il existe un risque avéré d’avalanche, certes minimal dans les conditions contrôlées sur un kilomètre du tronçon supérieur de la voie d’accès, la décision du directeur d’interdire le stationnement sur tout le tronçon supérieur tient compte de la preuve et elle est raisonnable.

[89]  Je conclus par ailleurs au sujet de la partie de la décision visant le tronçon inférieur de la voie d’accès, où le risque d’avalanche est nul, que le directeur a omis de tenir compte de la preuve à sa disposition quant aux conséquences d’y interdire le stationnement sans offrir une solution de rechange adéquate. Cette omission a pour effet que la décision visant le tronçon inférieur de la voie d’accès est déraisonnable.

[90]  La partie de la décision du 17 novembre 2016 par laquelle le directeur a interdit le stationnement sur le tronçon inférieur de la voie d’accès est annulée et l’affaire doit être renvoyée pour nouvelle décision après que Sunshine Village aura eu pleinement la possibilité de plaider ses arguments concernant ce qu’elle considère comme une solution de rechange adéquate pour le stationnement.

VIII.  Dépens

[91]  Le litige entre les parties est complexe et son règlement ne peut être simple. Chaque partie a eu partiellement gain de cause.

[92]  Je n’adjuge aucuns dépens.


JUGEMENT DANS L’AFFAIRE T-2181-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La partie de la décision du 17 novembre 2016 par laquelle le directeur a interdit le stationnement sur le tronçon inférieur de la voie d’accès pour la saison 2017-2018 est annulée et l’affaire doit être renvoyée pour nouvelle décision après que SunshineVillage aura eu pleinement la possibilité de plaider ses arguments concernant ce qu’elle considère comme une solution de rechange adéquate pour le stationnement hors site.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Leonard S. Mandamin »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour de juin 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-2181-16

 

 

INTITULÉ :

SUNSHINE VILLAGE CORPORATION c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 juillet 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 21 septembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Daniel Carroll

Lily Nguyen

 

Pour la demanderesse

 

Christine Ashcroft

Kathleen Pinno

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Field LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

Pour la demanderesse

 

Sous-procureur général

du Canada

Edmonton (Alberta)

 

Pour le défendeur

 

 

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