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Date : 20171002

Dossier : T-566-17

Référence : 2017 CF 871

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

QIULI XUE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 6 mars 2017, par laquelle un juge de la citoyenneté (juge de la citoyenneté) a conclu que la demanderesse ne répondait pas aux exigences en matière de résidence énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29 (Loi sur la citoyenneté), et a rejeté sa demande de citoyenneté.

[2]  La demanderesse est une citoyenne de la République populaire de Chine. Elle est arrivée au Canada avec un permis d’études en 2008. Elle est devenue résidente permanente du Canada le 1er mars 2010, et a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 10 juin 2014. La période pertinente pour déterminer si la demanderesse répondait aux exigences en matière de résidence énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté s’étendait du 10 juin 2010 au 10 juin 2014.

[3]  Dans sa demande de citoyenneté, la demanderesse a déclaré 10 voyages à l’extérieur du Canada et a indiqué qu’elle a été absente du Canada pendant 828 jours pendant la période pertinente. En conséquence, il lui manquait 463 jours sur les 1 095 jours de présence requis par la Loi sur la citoyenneté à l’époque. Le 7 décembre 2014, la demanderesse a présenté un questionnaire sur la résidence et les documents à l’appui, qui indiquaient 833 jours d’absence. Le 13 février 2017, une audience a eu lieu devant le juge de la citoyenneté.

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[4]  Le juge de la citoyenneté a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse ne répondait pas aux exigences en matière de résidence énoncées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Il a souligné que, dans le questionnaire sur la résidence, la demanderesse a indiqué les adresses où elle a habité pendant la période pertinente, soit Shanghai, Vancouver et les États-Unis et, à l’audience, elle a confirmé les dates et les raisons de ses absences déclarées dans sa demande de citoyenneté originale et son questionnaire de résidence. Ces raisons étaient les suivantes : elle est retournée en Chine pendant les mois d’été pour rendre visite à ses grands-parents et pour des raisons familiales; elle a travaillé en Chine pour ses stages afin d’obtenir une expérience de travail internationale qui l’aiderait à trouver du travail au Canada; elle a étudié au Wellesley College aux États-Unis pour apprendre la culture nord-américaine; elle a obtenu son diplôme de maîtrise de la Columbia University en février 2015, puis elle a commencé à travailler à New York, où elle occupe actuellement un emploi. Cependant, elle a soutenu qu’elle est arrivée à Vancouver à l’âge de 18 ans et qu’elle considérait que c’était chez elle.

[5]  Le juge de la citoyenneté a souligné qu’il incombait à la demanderesse de prouver les conditions énoncées dans la Loi sur la citoyenneté, y compris les exigences en matière de résidence, et il a déclaré qu’il avait choisi d’adopter l’approche analytique énoncée dans la décision Re Pourghasemi (1993), 62 FTR 122 (CFPI) (Pourghasemi), qui oblige la demanderesse à prouver qu’elle a été réellement présente au Canada pendant 1 095 jours au cours de la période pertinente.

[6]  Le juge de la citoyenneté a estimé, après avoir examiné les documents présentés par la demanderesse et l’avoir interrogée, que les déclarations et le questionnaire sur la résidence ne rendaient pas compte avec exactitude du nombre de jours pendant lesquels la demanderesse a été réellement présente au Canada. Après avoir examiné son passeport, il a déterminé que la demanderesse avait été au Canada pendant 623 jours et qu’elle en avait été absente pendant 837 jours pendant la période pertinente, et qu’il lui manquait 472 jours pour atteindre les 1 095 jours requis par la Loi sur la citoyenneté. Le juge de la citoyenneté a également affirmé qu’il avait tenu compte des raisons invoquées par la demanderesse pour expliquer ses absences.

[7]  Étant donné qu’il incombait à la demanderesse de satisfaire aux exigences en matière de résidence et qu’elle a déclaré moins de 1 095 jours de présence au Canada, le juge de la citoyenneté a conclu, en utilisant le critère établi dans la décision Pourghasemi, que la demanderesse n’avait pas suffisamment résidé au Canada et a rejeté sa demande de citoyenneté.

Questions en litige et norme de contrôle

[8]  La demanderesse soutient que les questions sont les suivantes :

  1. Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en choisissant l’analyse selon Pourghasemi au moment de déterminer l’analyse appropriée concernant la question de la citoyenneté?

  2. Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en estimant que la déclaration originale de la demanderesse ou son questionnaire sur la résidence ne rendait pas compte avec exactitude du nombre de jours pendant lesquels la demanderesse a été présente au Canada pendant la période pertinente?

[9]  Je conviens avec les parties que la norme de contrôle applicable à l’appréciation faite par le juge de la citoyenneté du respect des exigences en matière de citoyenneté énoncées au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Pereira, 2014 CF 574, au paragraphe 18 (Pereira); Canada (Citoyenneté et Immigration) c Ojo, 2015 CF 757, au paragraphe 9; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 576, au paragraphe 26 (Huang)). Selon cette norme, la Cour doit être convaincue que la décision présente les qualités de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité, et qu’elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 (Dunsmuir)). La Cour doit accorder de la déférence aux conclusions de fait d’un juge de la citoyenneté, qui est mieux placé pour juger si un demandeur satisfait aux exigences en matière de résidence (Martinez-Caro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 640, au paragraphe 46). La norme de la décision correcte s’applique aux questions d’équité procédurale (Dunsmuir, au paragraphe 56; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

QUESTION 1 : Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en choisissant le critère établi dans Pourghasemi pour évaluer la résidence de la demanderesse au Canada?

[10]  Bien que ses observations écrites soient très longues, la position de la demanderesse est facile à résumer. Elle soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère en matière de citoyenneté, soit le critère énoncé dans Pourghasemi, et qu’il aurait plutôt dû appliquer le critère énoncé dans la décision Koo (Re), [1993] 1 CF 286, aux pages 293 et 294 (CF), pour évaluer la résidence. Aux termes de la décision Koo, le juge de la citoyenneté aurait examiné six facteurs de résidence, y compris la question de savoir si l’absence de la demanderesse était manifestement une situation temporaire découlant de ses études à l’étranger. En outre, le juge de la citoyenneté aurait dû avoir recours au critère énoncé dans la décision Koo et se pencher sur la situation exceptionnelle de la demanderesse, comme il est indiqué à l’article 5.9 du Guide des politiques de Citoyenneté, chapitre 5 – Résidence (CP-5) publié par Citoyenneté et Immigration Canada. Elle fait également valoir que le juge de la citoyenneté a écarté et mal interprété des éléments de preuve, en plus d’entraver l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, en écartant le témoignage de la demanderesse concernant ses études à l’étranger et en choisissant le critère énoncé dans Pourghasemi, qui porte exclusivement sur la présence effective au Canada. La demanderesse affirme que, si le critère énoncé dans Koo avait été appliqué, sa demande aurait probablement été accueillie.

[11]  Subsidiairement, la demanderesse fait valoir que sa situation relève du paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté, qui traite expressément des cas particuliers concernant des personnes ayant une valeur exceptionnelle pour le Canada. Sa demande aurait dû être considérée comme telle par le juge de la citoyenneté et, s’il l’avait fait, il aurait appliqué le critère énoncé dans Koo.

[12]  À mon avis, le juge de la citoyenneté n’a commis aucune erreur susceptible de révision en choisissant ou en appliquant le critère de résidence énoncé dans la décision Pourghasemi.

[13]  Comme la Cour l’a fait remarquer à de nombreuses reprises, il y a trois critères possibles pour évaluer si les exigences en matière de résidence énoncées au paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté ont été respectées (voir Pereira, aux paragraphes 13 et 14; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Vijayan, 2015 CF 289, au paragraphe 53 (Vijayan); Huang, au paragraphe 18). Ces critères sont les suivants :

  1. Pourghasemi – on examine uniquement la présence effective du demandeur au Canada en se fondant sur un décompte strict des jours. Il s’agit d’un critère quantitatif;

  2. Koo – ce critère s’inspire du critère de la décision Papadogiorgakis et est souvent appelé le critère du mode d’existence centralisé. La résidence est définie comme l’endroit où la personne « vit régulièrement, normalement ou habituellement », en fonction de six facteurs, dont la question de savoir si les absences découlent de situations temporaires, par exemple des études à l’étranger. Les critères des décisions Papadogiorgakis et Koo sont des critères qualitatifs.

  1. Re Papadogiorgakis ([1978] 2 CF 208 (Papadogiorgakis)) – ce critère reconnaît qu’une personne peut être un résident du Canada, même pendant qu’elle est temporairement absente pour affaires, pour des vacances, voire pour un programme d’études;

[14]  Comme l’a affirmé le juge LeBlanc dans la décision Pereira (au paragraphe 15), il ressort de la jurisprudence de la Cour que les juges de la citoyenneté peuvent choisir parmi ces trois critères celui qu’ils souhaitent utiliser et qu’on ne peut leur reprocher d’avoir choisi l’un plutôt que l’autre (Pourzand c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 395, au paragraphe 16; Xu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 700, aux paragraphes 15 et 16; Rizvi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641, au paragraphe 12; voir également Huang, au paragraphe 26; Vijayan, au paragraphe 53; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Bani-Ahmad, 2014 CF 898, au paragraphe 25 (Bani-Ahmad); Leite c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1241, au paragraphe 29; Miji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1324, au paragraphe 17). Par conséquent, le juge de la citoyenneté n’a commis aucune erreur en choisissant d’appliquer le critère de la décision Pourghasemi.

[15]  Même si les juges de la citoyenneté ont un pouvoir discrétionnaire quant au critère à appliquer, ils doivent indiquer le critère de résidence qu’ils comptent utiliser (Dina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 712, au paragraphe 8 (Dina)), et la raison pour laquelle il n’a pas été satisfait par le demandeur (Saad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 570, au paragraphe 22; Dina, au paragraphe 8; Bani-Ahmad, au paragraphe 26). En l’espèce, le juge de la citoyenneté a clairement indiqué qu’il appliquait le critère de la décision Pourghasemi et il a correctement précisé que le critère évaluait la question de savoir si la demanderesse a été effectivement présente au Canada pendant 1 095 jours au cours de la période pertinente de quatre ans. Comme la demanderesse a admis qu’elle n’avait pas été présente au Canada durant les 1 095 jours exigés, ce que le juge de la citoyenneté a vérifié, ce dernier n’a commis aucune erreur dans son application du critère et a conclu de manière raisonnable que la demanderesse n’avait pas respecté les exigences énoncées dans la Loi sur la citoyenneté. En conséquence, il n’y a aucune raison justifiant que la Cour intervienne (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Demurova, 2015 CF 872, aux paragraphes 19 et 20).

[16]  En ce qui concerne le CP-5, ce type de manuel de politique n’a pas force obligatoire et sert plutôt à assister les décideurs administratifs dans le cadre de leur processus décisionnel (Cheema c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1170, au paragraphe 19). En effet, un décideur qui rend une décision fondée exclusivement sur des lignes directrices et sans tenir compte de la loi sous-jacente entrave l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (Toussaint c Canada (Procureur général), 2010 CF 810, au paragraphe 55; Ishaq c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 156, aux paragraphes 53 à 55). Quoi qu’il en soit, la demanderesse interprète mal la politique. La politique ne traite pas de la question du choix du critère de résidence; elle indique plutôt que le pouvoir de décider si un demandeur satisfait aux exigences de la Loi sur la citoyenneté relève exclusivement du juge de la citoyenneté, qui rend sa décision indépendamment du ministre.

[17]  La politique poursuit en indiquant que, une fois qu’un juge de la citoyenneté approuve une demande, le délégué du ministre doit ensuite examiner le dossier pour déterminer si la décision pourrait faire l’objet d’un appel. À cet égard, l’article 5.6 indique ce qui suit : « Pour l’application de la Loi sur la citoyenneté, il faut adopter une approche uniforme et équitable. À cette fin, il faut respecter soigneusement la politique énoncée ci-dessous concernant l’examen des décisions d’un juge de la citoyenneté sur la question de la résidence. ». L’article 5.8 précise que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, le demandeur de la citoyenneté doit avoir accumulé trois ans (1 095 jours) de présence réelle au Canada durant les quatre années précédant la date de la demande. L’article 5.9, invoqué par la demanderesse, porte sur ces circonstances exceptionnelles, et précise que d’après la jurisprudence, le demandeur peut être absent du Canada et conserver tout de même son statut de résident aux fins de la citoyenneté dans certains cas exceptionnels, en mentionnant le critère énoncé dans la décision Koo. L’article indique en outre que, lorsqu’un délégué applique ce critère à une demande, il doit décider si les absences rentrent dans la catégorie des circonstances exceptionnelles et, si tel n’est pas le cas, il doit renvoyer le dossier complet de la décision du juge de la citoyenneté à la Direction générale du règlement des cas, pour un appel possible du ministre.

[18]  Ainsi, l’article 5.9 du CP-5 ne s’applique pas en l’espèce et, contrairement aux observations écrites de la demanderesse, il n’a pas pour but d’ordonner au juge de la citoyenneté d’appliquer le critère énoncé dans la décision Koo. L’interprétation que fait la demanderesse de l’article 5.9 entraverait, en effet, le pouvoir discrétionnaire du juge de la citoyenneté dans son choix du critère de résidence. Je souligne qu’au moment de comparaître devant moi, l’avocate de la demanderesse a reconnu que l’article 5.9 du CP-5 n’obligeait pas le juge de la citoyenneté à appliquer le critère de la décision Koo. Elle a plutôt fait valoir que la politique servait à reconnaître l’existence de ce critère qui, selon ce qu’affirme la demanderesse, aurait dû être appliqué à l’égard de sa situation exceptionnelle.

[19]  Pour ce qui est de l’autre argument de la demanderesse, le paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté est ainsi libellé :

(4) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté à toute personne afin de remédier à une situation d’apatridie ou à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada.

(4) Despite any other provision of this Act, the Minister may, in his or her discretion, grant citizenship to any person to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada.

[20]  La demanderesse affirme que les services d’une valeur exceptionnelle qu’elle a par le passé rendus au Canada auraient dû être pris en considération et être récompensés éventuellement par l’octroi de la citoyenneté, conformément à l’esprit et à l’intention du paragraphe 5(4). Je soulignerais d’abord que rien n’indique que la demanderesse a demandé à ce que sa demande soit examinée en application du paragraphe 5(4), que ce soit dans sa demande de citoyenneté originale ou lorsqu’elle a comparu devant le juge de la citoyenneté. Lorsqu’elle a comparu devant moi, son avocate a confirmé que la demanderesse ne l’avait pas fait. Deuxièmement, cette disposition permet au ministre d’utiliser son pouvoir discrétionnaire d’attribuer la citoyenneté. Par conséquent, dans la mesure où la demanderesse laisse entendre que le juge de la citoyenneté avait le pouvoir de lui attribuer sa citoyenneté en se fondant sur le paragraphe 5(4), cet argument ne peut être retenu. La demanderesse ne fait pas non plus valoir qu’une version antérieure de la Loi sur la citoyenneté, qui aurait exigé du juge de la citoyenneté qu’il détermine s’il convenait de recommander l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire au titre du paragraphe 5(4) alors en vigueur, s’applique à sa situation.

[21]  Quoi qu’il en soit, je ne vois aucun fondement à la thèse de la demanderesse. Comme l’a souligné le juge de la citoyenneté, la demanderesse est venue au Canada en qualité d’étudiante. Elle a obtenu un baccalauréat en commerce en mai 2013 de l’Université de la Colombie-Britannique. Pendant ses études pour l’obtention de ce diplôme, elle a participé à un programme d’échange, de septembre 2011 à mai 2012 au Wellesley College, aux États-Unis, et elle a effectué des stages en Chine. En 2013, elle s’est inscrite à un programme de maîtrise à la Columbia University et a obtenu son diplôme en 2015. Elle travaille désormais à New York. La demanderesse affirme qu’il s’agit de très bonnes écoles, qu’elle a obtenu de très bonnes notes et qu’elle pourrait contribuer de manière importante à l’avenir du Canada. À mon avis, toutefois, en fonction du dossier de preuve dont il était saisi et, même s’il lui avait été loisible de le faire, il n’aurait pas été déraisonnable que le juge de la citoyenneté n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de recommander la citoyenneté pour récompenser des services d’une valeur exceptionnelle pour le Canada découlant des efforts de la demanderesse en vue de s’offrir de bonnes études, de ses activités scolaires limitées, de son bénévolat et de son expérience de travail. En outre, le libellé clair du paragraphe 5(4) parle de services exceptionnels réellement rendus, et non de futurs services exceptionnels qui seraient rendus au Canada, comme la demanderesse laisse entendre qu’elle le ferait. La disposition est muette en ce qui concerne les services que prévoit rendre un demandeur.

QUESTION 2 : Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en estimant que la déclaration originale de la demanderesse ou son questionnaire sur la résidence ne rendait pas compte avec exactitude du nombre de jours pendant lesquels la demanderesse a été présente au Canada pendant la période pertinente?

[22]  La demanderesse soutient que le juge de la citoyenneté avait des doutes quant à l’exactitude de ses déclarations portant sur le nombre de jours pendant lesquels elle a été effectivement présente au Canada, et n’était pas convaincu que les déclarations contenues dans sa demande de citoyenneté ou son questionnaire sur la résidence rendaient compte avec exactitude du nombre de jours pendant lesquels elle a été effectivement présente au Canada pendant la période pertinente. Cependant, le juge de la citoyenneté n’a pas soulevé cette question auprès de la demanderesse et a, par conséquent, manqué à l’équité procédurale en omettant de lui donner la possibilité de répondre à ses préoccupations. Subsidiairement, en ne parlant pas de ses préoccupations, le juge de la citoyenneté a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans égard aux documents dont il était saisi.

[23]  Il convient de rappeler que la demanderesse a déclaré dans sa demande de citoyenneté qu’elle a été absente du Canada pendant 828 jours pendant la période pertinente. Dans son questionnaire sur la résidence, elle a déclaré qu’elle a été absente pendant 833 jours. Comme l’a mentionné le juge de la citoyenneté, un agent de la citoyenneté a conclu qu’elle s’était absentée pendant 837 jours. Le juge de la citoyenneté a déclaré, après avoir examiné tous les documents produits par la demanderesse et après l’avoir interrogée, qu’il n’était pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’une ou l’autre des déclarations rendait compte avec exactitude du nombre de jours pendant lesquels elle a été effectivement présente au Canada. Après avoir examiné son passeport, il a conclu qu’elle s’était absentée du Canada pendant 837 jours pendant la période pertinente.  L’écart en litige est donc de quatre jours. On a conclu qu’il manquait à la demanderesse 472 jours sur les 1 095 jours requis, plutôt que les 468 qu’elle avait déclarés.

[24]  Bien que le juge de la citoyenneté n’ait pas expliqué exactement comment il avait tiré sa conclusion concernant la différence de quatre jours d’après son examen du passeport, il a effectivement désigné le passeport comme le fondement de sa conclusion. Et, quoi qu’il en soit, l’insuffisance des motifs ne constitue pas en soi un motif justifiant que l’on conteste une décision, à condition que le résultat fasse partie des issues possibles (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sukkar, 2017 CF 693, au paragraphe 8). En outre, dans les circonstances, et étant donné que le juge de la citoyenneté a appliqué le critère de la décision Pourghasemi, je ne suis pas convaincue que le fait qu’il ait omis de soulever explicitement cet écart de quatre jours auprès de la demanderesse équivalait à un manquement à l’équité procédurale. Qui plus est, même si cela avait été le cas et que la demanderesse avait convaincu le juge de la citoyenneté que sa déclaration était exacte, plutôt que son calcul, le résultat aurait été le même. Il lui aurait toujours manqué 468 jours.

[25]  En conclusion, pour les motifs qui précèdent, la décision du juge de la citoyenneté était raisonnable et ne comportait aucune erreur susceptible de révision.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-566-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y aura pas d’adjudication des dépens.

  3. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier et aucune question ne se pose en l’espèce.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-566-17

 

INTITULÉ :

QIULI XUE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 septembre 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 octobre 2017

 

COMPARUTIONS :

Phebe Chan

Pour la demanderesse

 

Brett Nash

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Phebe Chan Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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