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Date : 20171102


Dossier : IMM-2057-17

Référence : 2017 CF 985

Montréal (Québec), le 2 novembre 2017

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

MAHA AL-FARRAN

ABDEL-KADER CHAHBAZ

MAHMOUD CHAHBAZ (MINEUR)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    Nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision datée du 24 avril 2017, de la Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, en vertu du paragraphe 63(3) de la LIPR. Dans cette décision, la SAI a rejeté l’appel contre une mesure de renvoi prise à l’égard des demandeurs le 30 novembre 2013, pour manquement à l’obligation de résidence.

II.                 Faits

[2]               La demanderesse, Maha Al-Farran, est âgée de 50 ans et est citoyenne du Liban. Elle est mariée et a trois enfants. Ses deux fils, âgés de 19 et 18 ans, sont les deux autres demandeurs dans la présente demande. Ils sont aussi citoyens du Liban.

[3]               La fille cadette de la demanderesse, âgée de 10 ans, est née au Canada en 2007.

[4]               Le 17 juin 2002, les demandeurs sont devenus résidents permanents du Canada, mais ils ne sont restés que deux ou trois mois au Canada en raison des difficultés de la demanderesse et de son mari à trouver un emploi convenable.

[5]               Le mari de la demanderesse, âgé de 56 ans, est aussi citoyen du Liban. Il travaille présentement comme ingénieur en Arabie Saoudite. Il est le support financier des demandeurs, étant donné que la demanderesse est sans emploi au Canada.

[6]               Le mari aurait également obtenu le statut de résident permanent au Canada et aurait porté son dossier en appel devant la SAI. Le mari n’est pas un demandeur dans la présente demande de contrôle judiciaire.

[7]               En 2004, alors que tous les membres de la famille sont retournés au Liban en raison de leurs difficultés financières, la demanderesse allègue que son mari a reçu un diagnostic de sclérose en plaques. Ce serait la raison pour laquelle la famille n’est pas retournée au Canada.

[8]               Pendant qu’elle vivait au Liban, la demanderesse a travaillé dans un hôpital de 2005 à 2012.

[9]               Depuis l’obtention de son droit d’établissement en 2002, la demanderesse n’est revenue au Canada que cinq ans plus tard, soit en 2007, pour donner naissance à sa fille. Ce séjour n’a duré qu’environ un mois et demi puisque la demanderesse est ensuite retournée au Liban. Elle explique que son mari ne voulait pas laisser son père malade seul au Liban. Pourtant, durant cette même période, le mari travaillait du lundi au vendredi de 8h à 16h dans un hôpital au Liban.

[10]           Le 28 décembre 2008, les demandeurs sont revenus au Canada. La demanderesse est demeurée au Canada environ 135 jours, alors que ses fils sont demeurés au Canada environ 176 jours. Alléguant avoir épuisé toutes leurs ressources monétaires au Canada, les demandeurs sont retournés vivre au Liban.

[11]           Le 30 novembre 2013, à leur retour au Canada, des mesures de renvoi ont été prises contre les demandeurs, parce qu’ils ne s’étaient pas conformés à l’obligation de résidence. Ils n’étaient pas effectivement présents au Canada pour au moins 730 jours pendant la période quinquennale de référence s’étendant du 30 novembre 2008 au 30 novembre 2013.

[12]           Depuis novembre 2013, la famille s’est établie au Canada. La demanderesse serait toutefois retournée au Liban en mars 2017 pour huit jours afin de consulter un nouveau médecin avec son mari. Les enfants fréquentent l’école au Canada. Dans l’espoir de trouver un emploi qui lui convienne, la demanderesse, qui était sage-femme au Liban, a décidé de s’inscrire en novembre 2016 à un programme d’équivalence pour devenir infirmière. Le mari, quant à lui, a décidé de rester en Arabie Saoudite afin de subvenir financièrement aux besoins de sa famille. Depuis 2014, le couple est également propriétaire d’une maison au Canada et possède trois voitures.

[13]           Les demandeurs ont interjeté des mesures de renvoi prises contre eux devant la SAI, en admettant toutefois s’ils ne s’étaient pas conformés à l’obligation de résidence. Ils ont demandé à la SAI de faire droit à leur appel pour des motifs d’ordre humanitaire.

[14]           La demanderesse a allégué qu’elle n’avait pu s’établir plus tôt au Canada avec ses enfants, essentiellement à cause de : 1) la maladie de son mari atteint de sclérose en plaques; 2) son beau-père malade (décédé en 2013); et 3) raisons financières.

[15]           La demanderesse a expliqué à la SAI qu’elle craignait les bombardements au Liban. C’est la raison pour laquelle elle a décidé de quitter le Liban, en novembre 2013, avec ses enfants pour essayer de vivre encore une fois au Canada.

[16]           Pendant l’audience devant la SAI, les demandeurs ont eu l’occasion de témoigner. La demanderesse a témoigné le plus longtemps. La demanderesse aurait ajusté son témoignage après s’être contredite à quelques reprises sur : le départ de son mari en Arabie Saoudite, l’arrivée des demandeurs au Canada en novembre 2013 et les raisons pour lesquelles elle a décidé de travailler au Liban en 2005.

III.               Décision

[17]           Le 24 avril 2017, la SAI a rejeté l’appel des demandeurs pour le motif qu’ils n’ont pas su démontrer qu’il y avait suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pouvant justifier le maintien de leur statut de résidents permanents. La SAI a tenu compte des facteurs suivants dans son appréciation de la preuve relativement à la situation des demandeurs (Motifs et décision de la SAI, p 4) :

a)      l’ampleur du manquement à l’obligation de résidence;

b)      les motifs de leur départ du Canada;

c)      les motifs de leur séjour continu ou prolongé à l’étranger;

d)      les tentatives raisonnables de revenir au Canada dès qu’ils en ont eu la possibilité;

e)      le degré d’établissement initial et subséquent au Canada;

f)        les attaches familiales au Canada et la possibilité d’être parrainé;

g)      les difficultés et les bouleversements que subiraient les appelants et leur famille au Canada s’ils étaient renvoyés dans leur pays de nationalité;

h)      l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché;

i)        l’existence de circonstances spéciales ou particulières justifiant la prise de mesures spéciales.

[18]           Entre autres, la SAI a estimé que la demanderesse n’a pas expliqué de manière satisfaisante en quoi les raisons pour lesquelles elle et ses enfants avaient quitté le Canada étaient hors de leur contrôle. La demanderesse n’a pas non plus fourni de preuve concernant ses efforts pour trouver un travail. Les demandeurs ont attendu plus de 11 ans pour s’établir au Canada. La SAI en est venue à la conclusion que la situation des demandeurs ressemble à celle vécue par un grand nombre d’immigrants à leur arrivée au Canada : l’absence de support familial et le besoin d’obtenir les équivalences dans le but de trouver un emploi.

[19]           La SAI a considéré qu’un retour vers le Liban, bien que difficile, ne causerait pas de difficultés et de bouleversements indus aux demandeurs. Par conséquent, elle a conclu que les demandeurs n’ont pas su démontrer, selon la balance des probabilités, compte tenu de l’intérêt supérieur des trois enfants, qu’il y avait des motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales.

IV.              Questions en litige

[20]           La Cour reformule les questions soulevées par la demanderesse comme suit :

1.      La SAI a-t-elle manqué à l’équité procédurale en procédant avec le dossier des demandeurs sans joindre le dossier du père de famille?

2.      La SAI a-t-elle rendu une décision raisonnable, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants et de l’ensemble de la preuve?

[21]           La norme de contrôle applicable aux décisions rendues par la SAI est la décision raisonnable. La Cour doit faire preuve d’une grande déférence lorsqu’elle est saisie de l’affaire, compte tenu du pouvoir discrétionnaire de la SAI et de son expertise considérable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 aux para 58 et 60 [Khosa]). Quant à la question portant sur l’équité procédurale, il n’y a pas lieu d’appliquer une norme de contrôle quelconque puisqu’il faut seulement déterminer si l’audience devant la SAI a été équitable ou non (Haniff c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 919 au para 13 [Haniff]).

[22]           Les arguments des demandeurs renvoient généralement au poids que la SAI a décidé d’accorder aux éléments de preuve présentés au dossier. Toutefois, il n’appartient pas à notre Cour d’apprécier à nouveau la preuve dans la présente demande de contrôle judiciaire (Tai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 248 aux para 49-50 [Tai]). Notre Cour ne peut non plus substituer la solution qu’elle juge elle-même appropriée à celle qui a été retenue par la SAI (Khosa, ci-dessus, au para 59).

V.                 Dispositions pertinentes

[23]           Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes :

Obligation de résidence

Residency obligation

[...]

...

Application

Application

28 (2) Les dispositions suivantes régissent l’obligation de résidence :

28 (2) The following provisions govern the residency obligation under subsection (1):

a) le résident permanent se conforme à l’obligation dès lors que, pour au moins 730 jours pendant une période quinquennale, selon le cas :

(a) a permanent resident complies with the residency obligation with respect to a five-year period if, on each of a total of at least 730 days in that five-year period, they are

(i) il est effectivement présent au Canada,

(i) physically present in Canada,

Manquement à la loi

Non-compliance with Act

41 S’agissant de l’étranger, emportent interdiction de territoire pour manquement à la présente loi tout fait — acte ou omission — commis directement ou indirectement en contravention avec la présente loi et, s’agissant du résident permanent, le manquement à l’obligation de résidence et aux conditions imposées.

41 A person is inadmissible for failing to comply with this Act

[EN BLANC]

(a) in the case of a foreign national, through an act or omission which contravenes, directly or indirectly, a provision of this Act; and

[EN BLANC]

(b) in the case of a permanent resident, through failing to comply with subsection 27(2) or section 28.

Perte de statut et renvoi

Loss of Status and Removal

Constat de l’interdiction de territoire

Report on Inadmissibility

Rapport d’interdiction de territoire

Preparation of report

44 (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

44 (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

Suivi

Referral or removal order

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

Perte du statut

Loss of Status

Résident permanent

Permanent resident

46 (1) Emportent perte du statut de résident permanent les faits suivants :

46 (1) A person loses permanent resident status

[...]

...

b) la confirmation en dernier ressort du constat, hors du Canada, de manquement à l’obligation de résidence;

(b) on a final determination of a decision made outside of Canada that they have failed to comply with the residency obligation under section 28;

Droit d’appel : mesure de renvoi

Right to appeal removal order

63 (3) Le résident permanent ou la personne protégée peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise en vertu du paragraphe 44(2) ou prise à l’enquête.

63 (3) A permanent resident or a protected person may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision to make a removal order against them made under subsection 44(2) or made at an admissibility hearing.

Fondement de l’appel

Appeal allowed

67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

67 (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

[...]

...

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

Rejet de l’appel

Dismissal

69 (1) L’appel est rejeté s’il n’y est pas fait droit ou si le sursis n’est pas prononcé.

69 (1) The Immigration Appeal Division shall dismiss an appeal if it does not allow the appeal or stay the removal order, if any.

VI.              Analyse

[24]           Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

A.                 La SAI a-t-elle manqué à l’équité procédurale en procédant avec le dossier des demandeurs sans joindre le dossier du père de famille?

[25]           La demanderesse prétend que la SAI a manqué à l’équité procédurale parce qu’elle aurait dû joindre en appel le dossier de son mari. La demanderesse ne comprend pas pourquoi la SAI a poursuivi l’audience alors qu’elle aurait elle-même indiqué que les dossiers de famille sont habituellement joints. La demanderesse ajoute que l’absence de son mari à l’audience a fait en sorte que sa maladie n’a pas été prise en considération pour évaluer l’intérêt supérieur des trois enfants.

[26]           Le défendeur, quant à lui, prétend qu’il appartenait aux demandeurs, et à leur avocat expérimenté, de soulever ces préoccupations à l’audience. Les questions portant sur l’équité procédurale doivent être soulevées à la première occasion. La demanderesse n’aurait pas dû attendre une décision négative à son égard pour se plaindre que la SAI a manqué à l’équité procédurale. Par conséquent, le défaut de la demanderesse de « formuler une objection au stade de l’audience équivaut à une renonciation tacite relativement à tout manquement perçu à l’équité procédurale ou à la justice naturelle » (Sayeed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 567 au para 23; Kamara c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 448 au para 26).

[27]           La Cour est d’accord avec le défendeur pour conclure qu’il appartenait à la demanderesse de soulever tout manquement à l’équité procédurale à la première occasion (Haniff, ci-dessus, au para 15). De plus, la Cour n’est pas convaincue que la SAI a manqué à l’obligation d’équité procédurale. En effet, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer en quoi le fait de joindre son dossier à celui de son mari aurait eu un impact considérable sur la décision rendue par la SAI. À cet effet, la Cour suprême du Canada a cité un extrait pertinent rédigé par le professeur Wade dans « Administrative Law », 6e édition, 1988 (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202) :

[TRADUCTION] On pourrait peut-être faire une distinction fondée sur la nature de la décision. Dans le cas d'un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d'ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir. [La Cour souligne.]

B.                 La SAI a-t-elle rendu une décision raisonnable, compte tenu de l’intérêt supérieur des enfants et de l’ensemble de la preuve?

[28]           La SAI a rendu sa décision en appliquant les « facteurs Ribic », tirés de Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD no 4 (QL), et plus tard approuvés par la Cour suprême dans Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 3 aux para 40-41.

[29]           Les demandeurs soutiennent que la décision de la SAI ne contient aucune analyse individualisée de l’intérêt supérieur des enfants. La SAI n’a pas fait témoigner la fille cadette de la demanderesse alors qu’elle était directement touchée par le dossier. La commissaire de la SAI aurait dû tenir compte du fait que ce n’est pas la faute des enfants s’ils dépendent de leurs parents et que ce sont ces derniers qui ne pouvaient pas venir s’établir au Canada. La SAI ne devait pas tirer de conclusions spéculatives selon lesquelles la cadette, citoyenne canadienne, pourrait revenir au Canada à l’âge de 18 ans et les deux fils pourraient également venir étudier au Canada avec un permis d’études.

[30]           Le défendeur, quant à lui, soutient que la SAI a tenu compte de l’intérêt de chacun des enfants, incluant le cas de la fille cadette. Le défendeur rappelle que même si l’intérêt supérieur de l’enfant doit être un facteur à considérer dans les motifs d’ordre humanitaire, il ne détermine pas à lui seul l’issue de l’appel. Aussi, le défendeur trouve que les demandeurs cherchent l’intervention de cette Cour dans l’espoir d’une nouvelle appréciation de la preuve. Or, la SAI n’a pas ignoré de preuve dans le dossier des demandeurs et elle a exercé son pouvoir discrétionnaire en effectuant une analyse qui est raisonnable.

[31]           La Cour est aussi convaincue que la demanderesse cherche à obtenir une nouvelle appréciation de la preuve. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve présentée devant la SAI, dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire. « [U]n litige factuel de ce genre doit être tranché par la SAI » (Khosa, ci-dessus, au para 64). « Le poids à accorder à un facteur donné dépend des circonstances particulières de chaque cas » (Tai, ci-dessus, au para 47). Par exemple, la SAI a noté que la présence des demandeurs au Canada représentait environ 18 % et 24 % de l’exigence totale de 730 jours. La SAI a considéré que cela constituait un manquement important et un facteur négatif.

[32]           La demanderesse reproche néanmoins à la SAI quelques problématiques relativement à la décision qui a été rendue et qui méritent d’être mentionnées ci-après.

[33]           Premièrement, pour évaluer la non-conformité à l’obligation de résidence, la demanderesse allègue que la SAI devait considérer la maladie de son mari atteint de sclérose en plaques, ainsi que la maladie de son beau-père (aujourd’hui décédé). La Cour note cependant que la SAI a tenu compte de l’état de santé du mari (Motifs et décision de la SAI, au para 12). De plus, la SAI a considéré la situation du beau-père dans son analyse, et ce, malgré que la demanderesse n’ait pas présenté de preuve à cet effet (Motifs et décision de la SAI, au para 13) :

Bien qu’il n’y ait pas de preuves documentaires au sujet de l’état de santé de son beau-père, je ne doute pas qu’il ait eu des problèmes de santé. Toutefois, je considère que l’appelante n’a pas expliqué de manière satisfaisante en quoi sa présence à elle était nécessaire. [La Cour souligne.]

[34]           Deuxièmement, la Cour n’est pas d’accord avec l’argumentation de la demanderesse selon laquelle la SAI n’a pas tenu compte de la possibilité que les enfants soient séparés de leur père. Que les demandeurs vivent au Liban ou au Canada, la famille est déjà séparée. En effet, c’est le père lui-même qui a choisi de se séparer de sa famille en 2013 pour aller travailler en Arabie Saoudite (Motifs et décision de la SAI, au para 28) :

De plus, je constate que l’appelante et son époux ont choisi de séparer la famille depuis 2013. Son mari a choisi d’accepter un emploi en Arabie Saoudite et de bénéficier des avantages reliés à cet emploi. [La Cour souligne.]

[35]           Troisièmement, la demanderesse allègue que les enfants dépendent seulement et financièrement de leur père. Pourtant, il appert des faits au dossier que les fils de la demanderesse ont travaillé durant leurs études afin de subvenir à leurs propres besoins. D’ailleurs, l’un des fils a même mentionné dans son affidavit être prestataire d’un prêt étudiant.

[36]           Quatrièmement, la Cour considère que la SAI a porté une attention particulière à l’intérêt supérieur de la fille cadette. En effet, la SAI a conclu qu’il était dans le meilleur intérêt de la cadette d’être avec ses parents considérant son jeune âge. Aussi, comme elle a le statut de citoyenne canadienne, elle peut toujours revenir au Canada à sa majorité. La SAI avait de plus noté que la cadette, maintenant âgée de 10 ans, a vécu six ans au Liban et qu’elle n’aurait donc pas de difficulté à s’adapter au Liban.

[37]           Enfin, la demanderesse allègue que la SAI a erré en décidant que la demanderesse s’est contredite sur sa raison de retourner vivre au Canada avec ses enfants en 2013. La Cour est toutefois convaincue que la décision rendue par la SAI était raisonnable (Motifs et décision de la SAI, au para 28) :

Je suis consciente du fait qu’il y a des problématiques au Liban, mais je note aussi que les appelants ont choisi d’y retourner, tout à fait librement, et ce, à plusieurs reprises. Ils ne peuvent maintenant utiliser les conditions difficiles du pays pour indiquer qu’ils ne peuvent retourner là-bas. Ils ont attendu 11 ans avant de partir du Liban. [La Cour souligne.]

[38]           La Cour est d’accord avec le défendeur pour conclure que la SAI a examiné l’ensemble des éléments de preuve au dossier. Avant de conclure qu’il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales, la SAI a effectué une analyse approfondie en tenant compte des facteurs Ribic. La SAI a ensuite exercé son pouvoir discrétionnaire en soupesant les éléments favorables et défavorables à la situation des demandeurs. « La SAI est présumée avoir pris en considération tous les éléments de preuve dont elle disposait et ses motifs justifiaient ses conclusions » (Tai, ci-dessus, au para 74). La demanderesse n’a pas réussi à prouver le contraire.

[39]           Pour ces motifs, la Cour est convaincue que la SAI a rendu une décision raisonnable. La décision de la SAI fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit» (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).

VII.            Conclusion

[40]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT au dossier IMM-2057-17

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2057-17

 

INTITULÉ :

MAHA AL-FARRAN, ABDEL-KADER CHAHBAZ, MAHMOUD CHAHBAZ (MINEUR) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 octobre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 NOVEMBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Claudia Andrea Molina

 

Pour les demandeurs

 

Edith Savard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Molina Inc.

Montréal (Québec)

 

Pour les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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