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Date : 20171207


Dossier : T-1004-17

Référence : 2017 CF 1124

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2017

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

MAURICE ARIAL (ANCIEN COMBATTANT – DÉCÉDÉ) MADELEINE ARIAL (SUCCESSION) MADELEINE ARIAL (À TITRE PERSONNEL) SONIA ARIAL

demandeurs

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                    Introduction

[1]               Par voie de requête présentée en vertu des alinéas 221(1)a), 221(1)f) et de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [Règles], le Procureur général du Canada, au nom de la défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, vise à obtenir la radiation de la totalité de la déclaration des demandeurs sans possibilité d’amendement. Il sollicite de plus la modification de l’intitulé de la cause afin que « Sa Majesté la Reine du chef du Canada » soit désignée à titre de défenderesse.

[2]               Par cette déclaration introduite le 10 juillet 2017, les demandeurs cherchent à être indemnisés en raison de fautes et violations qu’auraient commises à leur endroit les représentants du ministère des Anciens Combattants [MAC] dans le traitement de demandes de pensions et autres allocations produites par le demandeur, feu Maurice Arial [monsieur Arial] et, au décès de celui-ci, par sa conjointe survivante, Madeleine Arial [madame Arial], aux termes de la Loi sur les pensions, LRC (1985), c P-6 [LP]. Leur fille, Sonia Arial, elle-même demanderesse, a obtenu l’autorisation de représenter sa mère par ordonnance de cette Cour rendue le 15 août 2017.

[3]               La défenderesse soutient que la déclaration doit être radiée sans possibilité d’amendement parce qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable ou qu’elle constitue un abus de procédure.

[4]               Après avoir pris connaissance de la documentation soumise par les parties ainsi que de leurs observations écrites, la Cour estime qu’il y a lieu d’accorder la requête pour les motifs qui suivent.

II.                 Contexte

[5]               Les faits qui sous-tendent le présent dossier remontent à plus de vingt (20) ans et ont donné lieu à une multiplicité de recours devant le Tribunal des Anciens Combattants (révision et appel) [TAC], cette Cour et la Cour d’appel fédérale (Arial c Canada, 2017 CF 270 [Arial 2017]; Ordonnance de madame la protonotaire Mireille Tabib, dossier T-1505-15, 25 avril 2016; Arial c Canada (Procureur général) 2014 CAF 215; Arial c Canada (Procureur général), 2013 CF 602 [Arial 2013]; Arial c Canada (Procureur général), 2010 CF 184; Arial c Canada (Procureur général), 2012 CF 353; Arial c Canada (Procureur général), 2011 CF 848; Arial c Canada (Procureur général), 2010 CF 184 et Ordonnance de la juge Danièle Tremblay-Lamer, dossier T-1739-10, 16 décembre 2010).

[6]               Pour les fins de la présente requête, il est inutile de relater tout le contexte factuel, lequel est repris dans Arial 2017 et dans Arial 2013. Il convient de noter ce qui suit.

[7]               Le demandeur monsieur Arial est un ancien combattant ayant servi dans la marine canadienne pendant la Seconde Guerre mondiale. En mars 1996, il présente pour la première fois une demande de pension pour invalidité en raison de problèmes d’estomac liés à son service militaire. En l’absence de rapport médical, le dossier de monsieur Arial est fermé le 27 septembre 1996.

[8]               Le 13 octobre 1999, monsieur Arial nomme sa fille en tant que représentante désignée.

[9]               Après plusieurs années, de multiples recours, et son décès le 25 septembre 2005, monsieur Arial se voit reconnaître le droit à une pleine pension et à une allocation pour soins, mais avec effet rétroactif seulement. La date d’entrée en vigueur de la pension octroyée à monsieur Arial est établie au 30 octobre 2004, soit trois (3) ans précédant la date où elle a été accordée le 30 octobre 2007 (art 56(1)a.1) de la LP). On lui reconnaît de plus une compensation supplémentaire de vingt-quatre (24) mois, conformément au paragraphe 56(2) de la LP, en raison des délais ou difficultés administratives indépendantes de la volonté des demandeurs.

[10]           Le 4 septembre 2015, les demandeurs introduisent une action devant la Cour fédérale à l’encontre de la défenderesse, par laquelle ils cherchent à être dédommagés pour les fautes qu’auraient commises à leur égard les fonctionnaires du TAC et du MAC dans le traitement des demandes de pensions et d’allocations produites en vertu de la LP par monsieur Arial et poursuivies par madame Arial après son décès.

[11]           En octobre 2015, le TAC et la défenderesse, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, au nom du MAC, déposent chacun une requête en radiation de la déclaration sans possibilité d’amendement.

[12]           Le 25 avril 2016, madame la protonotaire Tabib accueille la requête du TAC et radie à son endroit l’action des demandeurs, sans possibilité d’amendement, jugeant que l’action constituait un abus de procédure et qu’elle se heurtait à l’immunité du TAC. Par la même occasion, elle émet une directive invitant les parties à faire des représentations additionnelles sur le paragraphe 35 des motifs de l’honorable juge Yvan Roy dans Arial 2013, lequel semblait laisser la porte ouverte à un recours en responsabilité civile dans les circonstances de ce dossier.

[13]           Après avoir entendu les parties le 17 novembre 2017, le juge René LeBlanc accorde la requête en radiation de l’action dirigée contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada au nom du MAC sans possibilité d’amendement, concluant qu’elle n’avait pas de chance de succès et qu’elle constituait un abus de procédure (Arial 2017 au para 25).

[14]           Selon le juge LeBlanc (Arial 2017 aux para 29-30), l’article 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, LRC (1985) c C-50 [LRE] constitue une fin de non-recevoir à l’action en responsabilité civile intentée par les demandeurs puisque cette disposition empêche la double indemnisation de tous les dommages issus d’un même évènement suite auquel le paiement d’une pension ou d’une indemnité a déjà été effectué. Cette interdiction vaut également pour un chef de dommage « qui ne correspond pas à celui qui a apparemment été indemnisé par la pension » (Sarvanis c Canada, 2002 SCC 28 au para 29). Ce principe a pour but d’éviter « que l’État ne soit tenu responsable, sous des chefs accessoires de dommages-intérêts, de l’événement pour lequel une indemnité a déjà été versée » [ibid].

[15]           Le juge LeBlanc traite ensuite de la réclamation de Sonia Arial et conclut qu’il n’existe aucun lien de droit entre elle et la défenderesse aux termes de la LRE. Sa réclamation étant essentiellement liée à sa fonction de représentante de ses parents, elle ne peut être compensée pour des dommages qui prennent leur source, non dans la faute même, mais dans un autre préjudice (Arial 2017 aux para 49-51).

[16]           Enfin, le juge LeBlanc rejette l’argument des demandeurs fondé sur le paragraphe 24(1) de Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 [Charte canadienne] au motif que l’article 9 de la LRE vise tous les dommages liés à l’évènement pour lequel une indemnité a déjà été versée ou pouvait l’être. Il note de plus que les demandeurs n’allèguent pas en quoi ni sur la base de quelles dispositions la responsabilité de la défenderesse serait engagée en regard de la Charte canadienne (Arial 2017 au para 54).

[17]           Ni l’ordonnance de madame la protonotaire Tabib ni celle du juge LeBlanc ne sont portées en appel par les demandeurs.

[18]           Le 10 juillet 2017, les demandeurs introduisent à nouveau une action visant à réclamer des dommages-intérêts pour des fautes et violations qu’auraient commises les représentants du MAC, fondée sur la LRE, la Charte canadienne et la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c C-12 [Charte québécoise]. De façon générale, ils reprochent à ces derniers d’avoir omis ou refusé de fournir à monsieur Arial et à son épouse l’aide et le soutien prévus au paragraphe 81(3) de la LP, manquant ainsi à leurs « obligations contractuelles et extra-contractuelles (sic), à [leur] obligation de diligence et à [leur] obligation de fiduciaire envers les demandeurs ». Ils prétendent que n’eût été la conduite fautive des représentants du MAC, monsieur Arial se serait vu reconnaître le droit à la pleine pension et à une allocation rétroactivement à mars 1996 et Sonia Arial n’aurait pas eu à consacrer plus de 6 000 heures à la défense du dossier et à engager des frais, y incluant des frais médicaux ainsi qu’une perte de salaire. Ils cherchent donc à « obtenir un dédommagement pour les fautes odieuses non compensées par le système ».

[19]           Cette dernière déclaration, qui se veut la plus récente étape d’une longue saga judiciaire, fait l’objet de la présente requête en radiation présentée par la défenderesse.

III.               Analyse

[20]           Au soutien de sa requête en radiation, la défenderesse allègue que la déclaration des demandeurs ne révèle aucune cause d’action valable au sens des alinéas 221(1)a) et f) des Règles, et ce, pour trois (3) motifs : (1) il y a autorité de la chose jugée prévue à l’article 2848 du Code civil du Québec, RLRQ c C-1991 [CcQ]; (2) l’article 9 de la LER constitue une fin de non-recevoir puisque les manquements reprochés au MAC ne peuvent être dissociés « de l’évènement pour lequel une indemnité a déjà été versée »; et (3) le recours est prescrit puisque selon l’article 2925 du CcQ, lequel trouve application par le biais de l’article 32 de la LER, le délai de prescription applicable est de trois (3) ans.

[21]           La Cour est d’avis que le principe de l’autorité de la chose jugée dispose de l’entièreté du litige et qu’il n’est donc pas nécessaire de trancher les deux (2) motifs subséquents soulevés par la défenderesse.

[22]           Il est bien établi que la radiation d’une action pourra être ordonnée, en tout ou en partie, au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable au sens de l’alinéa 221(1)a) des Règles si la Cour, en tenant les faits énoncés dans la déclaration pour véridiques, est satisfaite qu’il est manifeste et évident que le recours entrepris ne possède aucune chance raisonnable de succès (Hunt c Carey Canada Inc, [1990] 2 RCS 959 à la p 979; R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42 aux para 17, 21-22; Arial 2017 au para 5).

[23]           Le principe de l’autorité de la chose jugée est consacré au premier alinéa de l’article 2848 du CcQ (Livre septième, De la preuve), lequel se lit :

2848. L’autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.

2848. The authority of res judicata is an absolute presumption; it applies only to the object of the judgment when the demand is based on the same cause and is between the same parties acting in the same qualities and the thing applied for is the same.

[24]           Dans l’arrêt Roberge c Bolduc, [1991] 1 RCS 374 [Roberge], la Cour suprême du Canada interprète la portée du principe de l’autorité de la chose jugée. Pour qu’il y ait chose jugée, deux (2) types de conditions sont nécessaires : d’une part, les conditions relatives au jugement et, d’autre part, les conditions relatives à l’action.  Quant au jugement, « le tribunal doit avoir compétence, le jugement doit être définitif et il doit avoir été rendu en matière contentieuse » (Roberge à la p 404). Quant à l’action, il doit y avoir triple identité, à savoir « identité de parties, d’objet et de cause » (Roberge à la p 409).

[25]           Lorsque l’ensemble de ces conditions sont réunies, la présomption de l’autorité de la chose jugée est « absolue » selon l’article 2848 CcQ. Contrairement à la doctrine de la préclusion d’une question déjà tranchée reconnue en common law, la Cour ne peut avoir recours à son pouvoir discrétionnaire pour refuser d’appliquer le principe de l’autorité de la chose jugée, ce principe faisant l’objet d’une codification en droit québécois (Timm c Canada, 2014 CAF 8 aux para 25-27).

[26]           Après examen de la déclaration des demandeurs en l’instance et de celle ayant été radiée dans le dossier T-1505-15, la Cour estime qu’il est « manifeste et évident » que ce dernier recours entrepris par les demandeurs ne possède aucune chance raisonnable de succès en raison de l’application du principe de l’autorité de la chose jugée.

[27]           D’abord, les conditions relatives au jugement telles que définies par l’arrêt Roberge sont remplies. La Cour fédérale est un tribunal compétent pour trancher une action en dommages contre la Couronne. En accordant la requête de la défenderesse en radiation de l’action des demandeurs dans Arial 2017, le juge Leblanc a rendu une décision définitive en matière contentieuse. Cette décision n’a pas été portée en appel par les demandeurs.

[28]           Quant aux conditions relatives à l’action, la Cour est d’avis qu’il y a identité des parties, d’objet et de cause.

[29]           Dans Roberge, la Cour suprême du Canada a défini l’identité des parties comme étant les mêmes parties agissant dans les mêmes qualités (Roberge à la p 409). En l’instance, les demandeurs sont à nouveau demandeurs et ils agissent dans les mêmes qualités que dans leur précédent recours dans Arial 2017. Bien que le TAC ne soit plus visé comme défendeur en l’instance, la défenderesse est toujours poursuivie pour les actions ou omissions du MAC. Il y a donc identité des parties dans les actions intentées dans les dossiers T-1505-15 et T-1004-17.

[30]           Concernant l’identité d’objet, celle-ci est définie comme étant le bénéfice juridique immédiat recherché, le droit dont l’exécution est poursuivie, le redressement ou le but recherché (Roberge aux pp 413-414). La défenderesse soutient qu’il s’agit dans les deux (2) cas d’un recours en dommages-intérêts pécuniaires, moraux, punitifs et exemplaires découlant de la responsabilité civile de l’État. Les demandeurs arguent au contraire qu’ils ne recherchent plus de compensation pour « la perte » et que leur recours se fonde maintenant sur le paragraphe 24(2) de la Charte canadienne qui, selon les demandeurs, aurait un objet différent de celle de la LP.

[31]           Monsieur Arial réclamait dans l’action intentée en 2015 des dommages-intérêts pécuniaires au montant de 345 117,56 $, des dommages-intérêts non pécuniaires pour atteinte à l’honneur et à la dignité humaine et pour la perte de choix ainsi que des dommages-intérêts de nature punitive. Le montant pour ces deux (2) derniers chefs de dommages était laissé à la discrétion de la Cour. Quant à madame Arial, cette dernière réclamait des dommages pécuniaires au montant de 47 015,83 $, des dommages-intérêts non pécuniaires pour atteinte à l’honneur et à la dignité humaine et pour surcharge de responsabilité ainsi que des dommages-intérêts punitifs. Comme son conjoint, elle laissait le soin à la Cour de fixer le montant pour ces dommages. Enfin, Sonia Arial réclamait la somme de 410 084,33 $ à titre de dommages pécuniaires pour les 6 000 heures qu’elle a consacrées à la défense du dossier, les frais administratifs de Cour, les frais médicaux et la perte en termes de salaire, congé et maladie au profit du dossier. Elle réclamait de plus, des dommages non pécuniaires pour le préjudice moral, le stress, l’atteinte à l’honneur et à la dignité humaine ainsi que des dommages-intérêts punitifs. Dans les deux (2) cas, les montants réclamés étaient laissés à la discrétion de la Cour.

[32]           Dans la cadre de la présente instance, monsieur et madame Arial ne réclament plus de dommages pécuniaires. Toutefois, ils réclament toujours des dommages punitifs et exemplaires. Les préjudices allégués par monsieur Arial sont une atteinte aux droits fondamentaux protégés par la Charte canadienne et la Charte québécoise, la frustration, l’inconfort, l’inquiétude, la détresse psychologique, la perte d’autonomie et la perte de choix. Madame Arial, pour sa part, allègue une atteinte à la dignité humaine, l’intégrité et l’honneur, une surcharge de responsabilité, l’épuisement, un sentiment d’impuissance face à la maladie et une détresse psychologique. Dans les deux (2) cas, les montants sont quantifiés de la façon suivante : « 1 750 $ / mois – montant actualisé en 2017 » sans plus de précision. Ils réclament également des dommages-intérêts punitifs aux montants de « 600 $ / mois – montant actualisé en 2017 ». Les dommages réclamés par Sonia Arial sont exactement les mêmes que dans le dossier de 2015, à l’exception d’un montant supérieur de 10 000,00 $ pour perte de salaire. Elle réclame également la somme de 50 000 $ par année à titre de dommages-intérêts punitifs alléguant un abus de droit ou de pouvoir.

[33]           Bien que monsieur et madame Arial ne réclament plus de dommages pécuniaires dans la présente instance, cette nuance n’est pas suffisante en soi pour distinguer l’objet des deux (2) actions. Dans les deux (2) cas, les demandeurs cherchent l’indemnisation du préjudice qui découle des mêmes allégations, soit qu’ils auraient été injustement privés de leur droit à la pleine rétroactivité des montants réclamés à titre de pension ou autres allocations. Il est reconnu par la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire que l’objet des deux (2) demandes conclut à des condamnations identiques dans la mesure où l’objet de la seconde est implicitement compris dans l’objet de la première (Roberge à la p 414).

[34]           Par ailleurs, la Cour note qu’en statuant que l’action des demandeurs dans Arial 2017 se heurtait à l’article 9 de la LER, le juge LeBlanc a noté que les demandeurs réclamaient des dommages dont le montant était laissé à la discrétion de la Cour, pour atteinte à l’honneur et à la dignité humaine dans les deux (2) cas, et pour la « perte de choix » dans le cas de monsieur Arial et pour « surcharge de responsabilité » dans celui de madame Arial. Il a souligné que les réclamations de monsieur et madame Arial étaient toutes deux (2) consécutives au fait que n’eût été les fautes reprochées au TAC et au MAC, des indemnités rétroactives à mars 1996 leur auraient été versées aux termes de la LP. Il a également constaté la concordance entre l’évènement pour lequel des indemnités avaient été versées à monsieur et madame Arial en vertu de la LP et celui qui servait de fondement à leur recours en responsabilité civile, « soit une perte ou un dommage ouvrant droit au paiement d’une pension ou indemnité sur le Trésor – ici les pertes et dommages subis par M. Arial pendant son service militaire – laquelle pension ou indemnité prévoit le versement d’une compensation supplémentaire lorsque le traitement d’une demande de pension est affectée par des retards ou des difficultés administratives indépendantes de la volonté du demandeur de pension ». Il rappelle alors que « les demandeurs se sont ultimement vus reconnaître le droit au versement de la compensation maximale (Arial CAF au para 35) ».

[35]           Enfin, concernant l’identité de cause, celle-ci est définie comme étant la qualification juridique donnée à un ensemble de faits (Roberge à la p 416). Dans les deux (2) cas, les recours sont fondés sur la responsabilité civile de l’État aux termes de la LER, à savoir du fait des fautes et des violations commises par les agents du MAC. Selon les demandeurs, ces derniers auraient failli à leur devoir de fournir aide et assistance à monsieur Arial, compte tenu de son âge, son état de santé précaire et sa scolarité. Ce défaut de porter aide et assistance aurait entraîné des délais dans le traitement des demandes de pensions et autres allocations, justifiant notamment l’octroi de dommages-intérêts.

[36]           Les demandeurs distinguent les deux (2) actions par l’ajout des articles 7, 15 et du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne et du paragraphe 49(1) de la Charte québécoise. Ils font également référence à des manquements d’équité procédurale et de justice naturelle. Or, la Cour estime que les distinctions invoquées par les demandeurs ne sont pas suffisantes pour conclure qu’il y a absence d’identité de cause d’action. Premièrement, les faits et les reproches qui sous-tendent l’action sont les mêmes que dans l’action précédente. Deuxièmement, les demandeurs ne démontrent pas en quoi les règles d’équité procédurale et de justice naturelle n’ont pas été respectées. Les seuls reproches que l’on retrouve dans la déclaration à cet égard concernent « les décisions du ministre » relatives aux demandes de pensions et d’allocations présentées par les demandeurs dans le cadre du processus administratif. Or, les demandeurs se devaient de soulever ces reproches dans le cadre des nombreuses demandes de contrôle judiciaire présentées à cette Cour. Finalement, la Cour note que ces dispositions avaient été soulevées par les demandeurs dans leur dossier de réponse dans Arial 2017 et que le juge LeBlanc s’est prononcé sur l’application du paragraphe 24(1) de la Charte canadienne. Les demandeurs avaient l’obligation de mettre de l’avant tous leurs meilleurs arguments durant la première instance et ne peuvent faire valoir, après jugement, des arguments qui auraient dû être avancés antérieurement (Werbin c Werbin, 2010 QCCA 594 (QL) au para 8; voir aussi Roberge à la p 402, sur le caractère définitif du jugement).

[37]           Somme toute, les recours des demandeurs reposent sur les mêmes faits qu’ils allèguent être générateurs de leur droit à une compensation. Par conséquent, la Cour est d’avis qu’il y a aussi identité de cause entre les actions intentées dans les dossiers T-1505-15 et T-1004-17.

[38]           En présence de cette triple identité, la Cour n’a d’autre choix que de conclure que le principe de l’autorité de la chose jugée est applicable en l’instance.

IV.              Conclusion

[39]           Étant satisfaite que l’autorité de la chose jugée s’applique à l’instance introduite par les demandeurs, la Cour estime qu’il est manifeste et évident que l’action des demandeurs n’a aucune chance raisonnable de succès. Pour ces motifs, la requête de la défenderesse est accueillie avec dépens et la déclaration des demandeurs est radiée sans possibilité d’amendement considérant qu’il ne peut être remédié au vice par amendement.


ORDONNANCE au dossier T-1004-17

LA COUR STATUE ET ORDONNE que :

1.      La totalité de la déclaration des demandeurs est radiée sans possibilité d’amendement;

2.      L’intitulé de la cause est modifié afin que la défenderesse soit désignée comme « Sa Majesté la Reine du chef du Canada »;

3.      Le tout avec dépens.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1004-17

INTITULÉ :

MAURICE ARIAL (ANCIEN COMBATTANT – DÉCÉDÉ) ET AL c SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

REQUÊTE ÉCRITE CONSIDÉRÉE À OTTAWA (ONTARIO) SUITE À LA RÈGLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES.

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 7 DÉCEMBRE 2017

PRÉTENTIONS ORALES ET/OU ÉCRITES PAR :

Sonia Aria

Pour leS demandeurS

(POUR LEUR PROPRE COMPTE)

Virginie Harvey

Pour LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour LA DÉFENDERESSE

 

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