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Date : 20171218


Dossier : IMM-257-17

Référence : 2017 CF 1163

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE] 

Toronto (Ontario), le 18 décembre 2017

En présence de monsieur le juge en chef

ENTRE :

SHOUWEN LIAO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, M. Liao, est un citoyen de la Chine qui affirme être un adepte du mouvement Falun Gong. Peu après son arrivée au Canada, il a présenté une demande d’asile fondée sur sa crainte d’être persécuté en Chine, en raison de sa pratique du Falun Gong.

[2]  La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile de M. Liao en raison de doutes qu’elle entretenait quant à la crédibilité de ses déclarations et de certains documents qu’il avait produits à l’appui de sa demande.

[3]  M. Liao a ensuite interjeté appel à la Section d’appel des réfugiés qui a confirmé la décision. Il soutient maintenant que la Section d’appel des réfugiés a commis des erreurs :

  1. dans son évaluation des éléments de preuve de M. Liao concernant le concept [traduction] des « attachements » enseigné par le Falun Gong;

  2. dans son évaluation de sa connaissance du concept de [traduction] « pensées vertueuses »;

  3. par son défaut de renvoyer sa demande à la Section de la protection des réfugiés pour qu’elle rende une nouvelle décision.

[4]  Je ne suis pas d’accord. La demande sera rejetée pour les motifs suivants.

II.  Décision de la Section de la protection des réfugiés

[5]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que la crédibilité de M. Liao constituait la question déterminante de sa demande.

[6]  La Section de la protection des réfugiés a tiré les principales conclusions ci-après en rejetant la demande d’asile de M. Liao :

  1. M. Liao ne possédait pas un niveau de compréhension correspondant à ses allégations sur la durée de sa pratique du Falun Gong quant à l’importance du concept des [traduction] « pensées vertueuses » comme elle est enseignée par le Falun Gong;

  2. Il ne possédait pas le niveau de connaissance de [traduction] « l’exercice deux » auquel on se serait attendu d’une personne qui pratique le Falun Gong depuis environ un an;

  3. Il n’avait pas la connaissance du concept des [traduction] « attachements » à laquelle on aurait pu s’attendre dans les circonstances;

  4. Contrairement à ses affirmations, il était peu probable que le Bureau de sécurité publique en Chine fut à sa recherche. Selon le raisonnement de la Section de la protection des réfugiés, les autorités qui l’auraient recherché à quatre reprises, selon ses allégations, tenteraient d’appliquer des mesures punitives contre les membres de sa famille. Aucune mesure n’a toutefois été prise à cette fin;

  5. L’assignation qu’il affirme avoir été reçue par ses parents des autorités du Bureau de sécurité publique n’était pas authentique;

  6. Il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que sa participation aux activités du Falun Gong au Canada avait été signalée aux autorités chinoises. Par conséquent, l’élément « sur place » de sa demande n’a pas été établi.

III.  La décision de la Section d’appel des réfugiés

[7]  Devant la Section d’appel des réfugiés, M. Liao n’a soulevé aucune question relative aux conclusions que la Section de la protection des réfugiés a tirées en lien avec « l’exercice deux », l’assignation précitée, ou le rejet de sa demande sur place. En conséquence, ces éléments de la décision de la Section de la protection des réfugiés sont réputés raisonnables par la Cour (Quintero Cienfuegos c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1262, au paragraphe 26; Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 207, au paragraphe 28; Zhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 615, au paragraphe 20; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 762, au paragraphe 62).

[8]  M. Liao s’est néanmoins opposé aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés concernant sa compréhension des concepts de « pensées vertueuses » et des « attachements ».

[9]  Au début de son examen, la Section d’appel des réfugiés a fait observer que M. Liao n’avait présenté aucun nouvel élément de preuve pour étayer sa demande d’asile, et qu’il n’avait pas demandé d’audience.

[10]  Après avoir examiné le dossier de preuve, la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il [traduction] « ressort[ait] manifestement du dossier que [M. Liao] ne comprenait pas le sens ni l’objet des pensées vertueuses », et qu’il était loisible à la Section de la protection des réfugiés d’inférer de cette méconnaissance des préceptes du Falun Gong que le demandeur manquait de crédibilité. La Section d’appel des réfugiés a ensuite tiré essentiellement la même conclusion concernant sa compréhension du concept des « attachements ».

[11]  De plus, la Section d’appel des réfugiés a fait observer que M. Liao n’avait présenté aucune observation concernant son défaut de définir correctement l’objet de « l’exercice deux ». La Section d’appel des réfugiés a souligné que la connaissance des exercices et des objectifs qui y sont liés constitue un aspect central de la pratique du Falun Gong.

[12]  La Section d’appel des réfugiés a aussi évalué les allégations relatives aux assignations, malgré le fait que M. Liao n’avait présenté aucune observation à cet égard. La Section d’appel des réfugiés a procédé à l’évaluation après avoir en substance conclu que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en concluant que le document n’était pas authentique, sans en avoir fait une évaluation adéquate. Après avoir examiné le document, la Section d’appel des réfugiés a confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il était frauduleux.

[13]  Sur la foi de tout ce qui précède, la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il n’y avait [traduction] « pas suffisamment d’éléments de preuve véridiques et crédibles au dossier pour conclure que [M. Liao] était un adepte du Falun Gong en Chine et qu’il était recherché par le Bureau de sécurité publique », ou qu’il est maintenant un véritable adepte du Falun Gong. Par conséquent, la Section d’appel des réfugiés a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés qui a décidé que M. Liao n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle d’une personne à protéger.

IV.  Questions en litige

[14]  Trois questions ont été soulevées dans le cadre de la présente demande :

  1. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur dans son évaluation des éléments de preuve concernant la compréhension qu’avait M. Liao du concept de « pensées vertueuses »?

  2. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur dans son évaluation des éléments de preuve concernant la compréhension qu’avait M. Liao du concept des « attachements » enseigné par le Falun Gong?

  3. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur en ne renvoyant pas la demande de M. Liao à la Section de la protection des réfugiés pour qu’elle procède à un nouvel examen?

V.  Norme de contrôle

[15]  Les deux premières questions soulevées par M. Liao sont des questions de fait, alors que la troisième question est une question mixte de fait et de droit. Chacune de ces questions est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51 à 53 [Dunsmuir]).

[16]  En menant son examen selon la norme de la décision raisonnable, la Cour devra déterminer si la décision appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). La Cour se concentrera sur le caractère raisonnable de la décision dans son ensemble (Construction Labour Relations c Driver Iron Inc., 2012 CSC 65, au paragraphe 3; Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54).

VI.  Analyse

A.  L’évaluation par la Section d’appel des réfugiés de la connaissance des « pensées vertueuses » de M. Liao

[17]  M. Liao soutient qu’il était déraisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de tirer de sa faible compréhension du sens du concept de « pensées vertueuses » enseigné par le Falun Gong une conclusion défavorable concernant sa crédibilité. Cet argument était fondé sur deux motifs généraux. D’une part, il fait valoir que le Zhuan Falun, le texte fondateur du Falun Gong, ne contient aucune mention du concept de « pensées vertueuses ». D’autre part, il soutient que la Section d’appel des réfugiés aurait dû tenir compte du fait qu’il n’avait été un adepte que depuis moins d’un an, et qu’il n’avait pas eu accès au texte banni du Falun Gong durant cette période. De plus, il a vécu caché pendant environ un mois. Dans ces circonstances, il soutient que la Section d’appel des réfugiés n’aurait pas dû s’étonner de son manque de connaissance approfondie du concept de « pensées vertueuses ».

[18]  À mon avis, il était loisible à la Section d’appel des réfugiés de conclure que, même si M. Liao possédait certaines connaissances du concept de « pensées vertueuses », il ressortait manifestement du dossier qu’il n’en comprenait pas le sens ni l’objet.

[19]  Interrogé par la Section de la protection des réfugiés au sujet des « pensées vertueuses », M. Liao a répondu que [traduction] « le fait d’avoir des pensées vertueuses consiste à se concentrer sur la cultivation de l’esprit et à élever la nature de son esprit ».

[20]  Il était toutefois expliqué dans les éléments de preuve documentaire cités par la Section de la protection des réfugiés que les pensées vertueuses devraient se concentrer sur la réduction du niveau général de mal dans le cosmos, plutôt que sur la cultivation de son propre esprit. La Section de la protection des réfugiés a donc tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de M. Liao.

[21]  Interrogé par la suite quant à savoir s’il existait un moyen d’avoir des pensées vertueuses, M. Liao a répondu : [traduction] « oui, c’est un mouvement ». En réponse à la demande du tribunal d’en faire la démonstration, il a montré trois positions des mains, dont la position des [traduction] « mains jointes ». La Section de la protection des réfugiés a toutefois jugé cette réponse incorrecte, puisque cette position n’était pas mentionnée dans la documentation dont elle a cité certains extraits.

[22]  Sur la foi du dossier cité précédemment, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle M. Liao ne comprenait pas le sens ni l’objet des « pensées vertueuses » n’était pas déraisonnable. En résumé, cette conclusion appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Il n’était pas déraisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de conclure qu’il était loisible à la Section de la protection des réfugiés de citer le document mentionné au paragraphe précédent, document tiré du Cartable national de documentation sur lequel la Section de la protection des réfugiés s’est appuyée.

B.  L’évaluation par la Section d’appel des réfugiés de la connaissance du concept des « attachements » de M. Liao

[23]  M. Liao soutient que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en interprétant mal les éléments de preuve au dossier concernant les « attachements ». Plus précisément, il observe que, lorsque la Section de la protection des réfugiés lui a demandé d’expliquer le concept des « attachements » selon les enseignements du Falun Gong, il a répondu que : [traduction] « les attachements découlent de la dépendance au tabac et à l’alcool et de la jalousie ». La Section de la protection des réfugiés a constaté que sa référence à la dépendance au tabac et à l’alcool était inexacte. Ces dépendances sont toutefois décrites dans le Zhuan Falun comme étant des « attachements ». Cela n’a pas été retenu par la Section d’appel des réfugiés.

[24]  Bien que la Section d’appel des réfugiés semble avoir omis d’apprécier à sa juste valeur cette erreur de la part de la Section de la protection des réfugiés, je suis d’avis que sa conclusion générale concernant la connaissance qu’avait M. Liao du concept des « attachements » était raisonnable et pouvait être rationnellement justifiée. Selon cette conclusion, les connaissances que M. Liao avait de ce concept étaient [traduction] « au mieux, superficielles ».

[25]  Comme la Section d’appel des réfugiés l’a souligné, [traduction] « l’abandon des “attachements” constitue un aspect central des enseignements du Falun Gong ». Selon un extrait du Zhuan Falun cité par la Section de la protection des réfugiés, l’abandon des attachements ne se limite pas à renoncer à certaines choses en particulier. On conseille plutôt aux adeptes de [traduction] « renoncer à tous les attachements et désirs personnels de la vie courante ». À la lumière de ces considérations, j’estime que la conclusion de la Section d’appel des réfugiés, selon laquelle les connaissances qu’avait M. Liao des attachements étaient, au mieux, superficielles, n’était pas déraisonnable.

[26]  En parvenant à cette conclusion, la Section d’appel des réfugiés a retenu qu’il peut être difficile de juger de l’authenticité de la croyance et de la pratique du Falun Gong. Pour cette raison, la Section d’appel des réfugiés a affirmé qu’il faut tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve, plutôt que de miser sur le manque de connaissance d’un élément particulier du Falun Gong. À cet égard, la Section d’appel des réfugiés a observé qu’il restait beaucoup de concepts et de pratiques que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas abordées, mais que l’avocat de M. Liao n’avait posé aucune question à cet égard.

[27]  Ailleurs dans les motifs de la décision, la Section d’appel des réfugiés a souligné que M. Liao s’était mépris en expliquant l’objet de [traduction] « l’exercice deux ». Comme il a déjà été mentionné, elle a aussi conclu qu’il ne comprenait pas le sens ni l’objet des « pensées vertueuses ».

[28]  Dans ce contexte et dans l’ensemble, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés, selon laquelle les connaissances qu’avait M. Liao des « attachements » étaient, au mieux, superficielles, appartenait tout à fait « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

C.  Le défaut de la Section d’appel des réfugiés de renvoyer la demande de M. Liao à la Section de la protection des réfugiés pour qu’elle procède à un nouvel examen

[29]  M. Liao soutient qu’il était déraisonnable pour la Section de la d’appel des réfugiés de ne pas renvoyer sa demande à la Section de la protection des réfugiés pour qu’elle procède à un nouvel examen, après avoir conclu que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur de fait et de droit, tel que prescrit par l’alinéa 111(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

[30]  L’article 111 est rédigé comme suit :

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

(b) set aside the determination and substitute a determination that, in its opinion, should have been made; or

(c) refer the matter to the Refugee Protection Division for re-determination, giving the directions to the Refugee Protection Division that it considers appropriate.

Renvoi

Referrals

(2) Elle ne peut procéder au renvoi que si elle estime, à la fois :

(2) The Refugee Appeal Division may make the referral described in paragraph (1)(c) only if it is of the opinion that

a) que la décision attaquée de la Section de la protection des réfugiés est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

(a) the decision of the Refugee Protection Division is wrong in law, in fact or in mixed law and fact; and

b) qu’elle ne peut confirmer la décision attaquée ou casser la décision et y substituer la décision qui aurait dû être rendue sans tenir une nouvelle audience en vue du réexamen des éléments de preuve qui ont été présentés à la Section de la protection des réfugiés.

(b) it cannot make a decision under paragraph 111(1)(a) or (b) without hearing evidence that was presented to the Refugee Protection Division.

[31]  Quant à l’erreur de fait de la Section de la protection des réfugiés, ou l’erreur mixte de fait et de droit, M. Liao fait valoir que la Section d’appel des réfugiés avait conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour que la Section de la protection des réfugiés puisse conclure que le Bureau de sécurité publique ne le pourchassait pas.

[32]  Même si la Section d’appel des réfugiés a tiré cette conclusion, elle n’était toutefois pas tenue de renvoyer l’affaire à la Section de la protection des réfugiés pour qu’elle procède à un nouvel examen. L’alinéa 111(2)a) porte que la Section d’appel des réfugiés peut invoquer l’alinéa 111(1)c) si elle est d’avis que la décision de la Section de la protection des réfugiés était erronée en fait, en fait ou en droit, ou en droit. Il ressort manifestement de cette disposition qu’il a été conféré à la Section d’appel des réfugiés le pouvoir discrétionnaire de prendre l’une des mesures visées aux alinéas 111(1)a) et b), plutôt que de prendre la mesure prescrite à l’alinéa 111(1)c), même si elle conclut que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur de l’un des types mentionnés à l’alinéa 111(2)a).

[33]  En prenant en compte les conclusions de la Section d’appel des réfugiés quant au manque de connaissance de M. Liao des concepts de « pensées vertueuses » et des « attachements », il était loisible à la Section d’appel des réfugiés de s’abstenir de renvoyer l’affaire à la Section de la protection des réfugiés, malgré l’erreur de fait qu’elle avait relevée. Il en est particulièrement ainsi étant donné certaines de ses autres conclusions ou observations, notamment concernant son défaut de décrire correctement l’objet de « l’exercice deux ».

[34]  Pour ce qui est des allégations d’erreurs de droit, M. Liao fait valoir que la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés avait commis deux erreurs de droit. Ces erreurs avaient trait à la façon dont la Section de la protection des réfugiés avait évalué i) l’authenticité de son adhésion au Falun Gong, et ii) l’assignation qui selon lui aurait été délivrée par le Bureau de sécurité publique.

[35]  En ce qui concerne l’authenticité de son adhésion au Falun Gong, la Section d’appel des réfugiés a affirmé que le manque de connaissance de certains éléments des enseignements du Falun Gong ne constituait pas en soi un motif satisfaisant pour juger de l’authenticité des allégations de M. Liao à cet égard. La Section d’appel des réfugiés a ajouté qu’il faut tenir compte de l’ensemble des éléments de preuve. Elle a ensuite conclu que M. Liao n’avait présenté aucun élément de preuve concernant un grand nombre de concepts et pratiques enseignés par le Falun Gong, et qu’il n’y avait donc pas suffisamment d’éléments de preuve pour qu’il soit conclu qu’il était un véritable adepte du Falun Gong.

[36]  En tenant compte de l’ensemble des éléments de preuve dont la Section d’appel des réfugiés était saisie, je suis convaincu qu’il lui était loisible de tirer cette conclusion, et de confirmer la conclusion de la Section de la protection des réfugiés à cet égard. Il pourrait être erroné de conclure qu’une personne n’est pas un véritable adepte du Falun Gong en fonction de son manque de connaissance de certains aspects du Falun Gong. La Section d’appel des réfugiés a toutefois relevé certaines lacunes dans les connaissances de M. Liao de chacun des trois éléments des enseignements du Falun Gong au sujet desquels il avait été interrogé. De plus, elle a observé que l’avocat de M. Liao n’a avancé aucun élément de preuve ni posé aucune question concernant toute autre concept ou pratique du Falun Gong. Sur la foi du dossier de preuve dans son ensemble, il n’était pas déraisonnable que la Section d’appel des réfugiés confirme la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour qu’il soit conclu qu’il était un véritable adepte du Falun Gong, sans renvoyer l’affaire à la Section de la protection des réfugiés pour qu’elle procède à un nouvel examen.

[37]   En ce qui concerne l’assignation produite par M. Liao pour étayer l’allégation voulant que le Bureau de sécurité publique le recherche, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en concluant qu’elle n’était pas authentique pour les motifs suivants : i) elle avait déjà tiré plusieurs conclusions défavorables quant à la crédibilité de M. Liao et ii) les documents frauduleux sont largement accessibles en Chine. La Section d’appel des réfugiées a affirmé que la Section de la protection des réfugiés était tenue de procéder à sa propre évaluation du document, ce qu’elle n’a pas fait. La Section d’appel des réfugiées a donc procédé à sa propre évaluation de l’assignation produite et est parvenue à la même conclusion que la Section de la protection des réfugiés.

[38]  M. Liao soutient que le renvoi de l’affaire pour qu’il soit procédé à un nouvel examen aurait permis à la Section de la protection des réfugiés de poursuive l’interrogatoire, de façon à mettre à l’épreuve l’authenticité du document. Il soutient que, de toute façon, la Section d’appel des réfugiés ne pouvait pas rendre une décision concernant l’assignation sans avoir entendu son témoignage. Pour étayer ce dernier argument, il observe que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en affirmant que le document avait été délivré le 23 mars 2016, plutôt que le 22 mars 2016, date à laquelle il a affirmé que le document avait été signifié à ses parents. Le défendeur a reconnu cette erreur.

[39]  Comme je l’ai mentionné précédemment, la Section d’appel des réfugiés n’est pas tenue de renvoyer une demande à la Section de la protection des réfugiés lorsqu’elle conclut que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur de fait, de droit ou une erreur mixte de fait et de droit. C’est le cas, même pour ce qui est des erreurs possiblement commises par la Section de la protection des réfugiés dans son évaluation de la crédibilité, notamment en ce qui a trait à l’authenticité de documents. Dans chaque cas, « la Section d’appel des réfugiés doit rechercher si la Section de la protection des réfugiés a véritablement joui d’un avantage et si, le cas échéant, elle peut néanmoins rendre une décision définitive relativement à une demande d’asile » (Canada (Citoyenneté et Immigration) Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 70). Dans le cas où l’importance accordée à un témoignage ou à un document n’est pas essentielle pour permettre d’établir s’il y a lieu de confirmer ou de casser la décision de la Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés peut rendre sa propre décision, sans renvoyer l’affaire à la Section de la protection des réfugiés [Huruglica, précitée, au paragraphe 73]

[40]  À mon avis, il n’était pas essentiel que la Section d’appel des réfugiés pondère favorablement l’assignation pour lui permettre de tirer une conclusion concernant la demande d’asile de M. Liao. Au contraire, la Section d’appel des réfugiés disposait d’un dossier plus que suffisant pour lui permettre de confirmer ou d’infirmer les conclusions défavorables quant à la crédibilité que la Section de la protection des réfugiés avait tirées à l’égard de M. Liao, et de statuer ensuite sur sa demande d’asile. La confirmation de ces conclusions par la Section d’appel des réfugiés et le rejet de la demande d’asile de M. Liao appartenaient tout à fait « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » [Dunsmuir, précité, au paragraphe 47].

[41]  Comme c’est souvent le cas à l’égard de documents, la Section d’appel des réfugiés a été capable d’évaluer l’authenticité de l’assignation produite par le demandeur en se fiant à sa propre expertise. La Section d’appel des réfugiés a notamment été capable d’établir à la vue du document qu’il ne s’agissait pas d’un chuanpiao (une assignation ordinaire), comme M. Liao l’avait allégué. Il s’agissait plutôt d’un mandat d’arrestation qui, selon l’affirmation de la Section d’appel des réfugiés, est normalement délivré si la personne ne répond pas au chuanpiao. De plus, le document invoquait à l’article 50 du Code criminel de la République populaire de Chine. La Section d’appel des réfugiés a toutefois observé que l’article 50 ne porte pas sur la délivrance d’une assignation ou d’un mandat d’arrestation. Il concerne plutôt la possibilité d’une réduction de la peine d’une personne condamnée à mort. Compte tenu de ces conclusions, l’erreur commise par la Section d’appel des réfugiés concernant la date de la prétendue assignation n’était pas déterminante dans la conclusion de l’absence d’authenticité du document dans son ensemble.

[42]  Malgré ce qui précède, je retiens que la Section d’appel des réfugiés a, en fait, commis une erreur concernant l’authenticité de l’assignation, et en ne donnant pas ensuite la possibilité à M. Liao d’aborder cette question.

[43]  Lorsque la Section d’appel des réfugiés soulève une question qui n’avait pas été soulevée par les parties à l’instance, et qu’elle procède ensuite à une évaluation de cette question qui dépasse de manière significative celle que la Section de la protection des réfugiés avait effectuée (Dahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1102, aux paragraphes 34 et 35), la Section d’appel des réfugiés devrait donner la possibilité aux parties d’aborder la question (Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725, au paragraphe 71].

[44]  Sur la foi des faits particuliers de l’espèce, toutefois, le défaut de la Section d’appel des réfugiés de donner à M. Liao une telle possibilité ne constituait pas une erreur importante (Mobil Oil Canada Ltd. c Office Canada –Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202 aux pages 228 et 229; Canada (Procureur général) c McBain, 2017 CAF 204, aux paragraphes 9 et 10; Etienne c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2014 CF 1128, au paragraphe 24]. Il en est ainsi parce les conclusions de la Section d’appel des réfugiés concernant la prétendue assignation démontrent qu’elle n’est pas ce qu’il prétend qu’elle soit, malgré l’erreur mineure de la Section d’appel des réfugiés concernant la date du document. De plus, la conclusion défavorable qui a été tirée concernant l’authenticité de la prétendue assignation ne constituait qu’une conclusion défavorable parmi celles qui ont été tirées concernant la crédibilité de M. Liao, dont un certain nombre n’ont pas été contestées par M. Liao en appel. Autrement dit, le dossier présentait des motifs sérieux justifiant la confirmation par la Section d’appel des réfugiés de la conclusion de la Section de la protection des réfugiés, pour des motifs liés à la crédibilité, selon laquelle M. Liao n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

VII.  Conclusion

[45]  Par les motifs énoncés ci-dessus, la demande est rejetée.

[46]  À la conclusion de l’audience de la présente demande, les avocats des parties ont affirmé qu’il n’y avait aucune question sérieuse de portée générale à certifier au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR. Je suis d’accord.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.  La présente demande est rejetée.

2.  Il n’y a aucune question sérieuse de portée générale à certifier au titre de l’alinéa 74d) de la LIPR.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-257-17

 

INTITULÉ :

SHOUWEN LIAO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 juin 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 18 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

Pour le demandeur

 

Meva Motwani

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EME Professional Corp

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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