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Date : 20171220


Dossier : T-343-17

Référence : 2017 CF 1167

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

SUZANNE DEMITOR

demanderesse

et

WESTCOAST ENERGY INC.

(FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM DE SPECTRA ENERGY TRANSMISSION)

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Suzanne Demitor, présente une demande de contrôle judiciaire, conformément aux articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, d’une décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission).

[2]  La décision, en date du 31 janvier 2017, a été rendue aux termes du sous-alinéa 43(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), c H-6 (la Loi). Il est rédigé ainsi :

44(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

44(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle-ci n’est pas justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

En effet, Mme Demitor a présenté une plainte à la Commission, qui a fait l’objet d’une enquête. L’enquêteur, M. Stephen Worth (l’enquêteur), a présenté son rapport sur les conclusions de l’enquête qui a été menée (paragraphe 44(1)) et dont la recommandation était défavorable au renvoi de l’affaire aux fins d’examen par le Tribunal canadien des droits de la personne. La recommandation a été approuvée par la Commission dans sa décision du 31 janvier 2017 :

[traduction] Avant de rendre sa décision, la Commission a examiné le rapport qui vous a déjà été communiqué ainsi que toute autre observation présentée en réponse au rapport. Après avoir examiné ces éléments d’information, la Commission a décidé, aux termes du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte parce que la défenderesse a fourni une explication pour son action qui n’est pas un prétexte à la discrimination fondée sur l’âge ou l’état matrimonial.

[3]  La Commission joue un rôle de vérification préalable. Les motifs et les recommandations d’un enquêteur, lorsque la Commission ne présente pas ses propres motifs et adopte plutôt les recommandations d’un enquêteur, sont traités comme s’ils constituaient le raisonnement de la Commission aux fins de la vérification préalable (Canada (Procureur général) c Sketchley, 2005 CAF 404; 2006 3 RCF 392, au paragraphe 37). En l’espèce, la demanderesse ne conteste pas la décision en soi, mais estime plutôt qu’il y a eu une faute concernant l’enquête menée, violant ainsi les principes d’équité procédurale.

I.  Faits

[4]  Les faits de l’espèce sont relativement simples.

[5]  La demanderesse est Suzanne Demitor. Elle a 53 ans, est mariée et a deux enfants âgés de 11 et 13 ans. La demanderesse était une employée de la défenderesse jusqu’en 1996 environ, date à laquelle son emploi a pris fin. À la suite de son licenciement, la demanderesse a fourni des services de façon continue à la défenderesse dans le cadre d’une série de contrats auxquels participaient diverses entités (Cicada Systems Inc., Cicada Systems, Demitor Holdings Inc.) jusqu’en 2013, moment auquel son dernier contrat, présenté comme étant un contrat de consultant, a été résilié.

[6]  C’est ce dernier contrat qui est la source de la plainte à la Commission présentée par la demanderesse. La défenderesse a conclu une entente avec Demitor Holdings Inc. faisant affaire sous le nom de Cicada Systems. L’entente comprenait une clause de résiliation à la seule discrétion de la défenderesse, mais la demanderesse affirme qu’elle a fait l’objet d’un traitement différentiel défavorable en raison de son âge et de son état matrimonial, deux motifs illicites conformément à l’article 3 de la Loi. Aux fins des présentes, je vais insister sur les faits qui sont directement pertinents aux allégations de violation de l’équité procédurale. Néanmoins, le contexte général dans lequel ces allégations sont présentées est quelque peu pertinent.

[7]  Au début des années 1990, la demanderesse a commencé à élaborer, avec d’autres travailleurs de Westcoast Energy Inc. (Westcoast Energy), dont Marion Johansen, une base de données qui aiderait à gérer l’inventaire des déchets et des produits chimiques de la défenderesse. Mme Johansen continuerait de s’engager auprès de la demanderesse, tant en tant que coemployée que responsable de la gestion des contrats de Westcoast Energy, fonctions qui ont tenu la demanderesse impliquée jusqu’en 2013.

[8]  Un système plus rigoureux a été élaboré à partir de cette base de données, en grande partie en raison de l’expertise de la demanderesse. Ce système était nommé le Système d’information sur la gestion de l’environnement (SIGE). Un tel système s’est révélé utile, puisqu’il permettait à la société de répondre aux obligations de déclaration réglementaires.

[9]  En 2002, la demanderesse a créé Cicada Systems Inc. (Cicada Systems) et elle a immatriculé la société aux États-Unis en 2011. En 2013, la demanderesse a commencé à conclure des contrats avec la défenderesse par l’intermédiaire de Demitor Holdings Inc. La demanderesse a fourni des services et un soutien pour le SIGE et le système d’inventaire environnemental et de produits chimiques (IEPC)].

[10]  En 2004, Westcoast Energy a été achetée par Duke Energy et a été peu après renommée Spectra Energy (Spectra). Spectra avait son propre système pour suivre le même type de renseignements. Par conséquent, Westcoast Energy a souhaité migrer son SIGE vers le système EPASS de Spectra. Alors que la transition avançait, tout ce qui restait sous la direction de Westcoast Energy, qui est pertinent en l’espèce, était le système IEPC. La demanderesse a par la suite été principalement mise en cause dans la direction du système IEPC, qui devait encore être migré vers le système EPASS.

[11]  Mme Johansen, qui a été interrogée par l’enquêteur, a expliqué que la nécessité de maintenir le système IEPC en tant que système autonome diminuait avec le temps, et qu’il y avait plusieurs points où le programme semblait être victime de restrictions budgétaires et de décisions de la direction. Jusqu’à 2013, le système IEPC a été conservé dans la division, mais la migration vers le système EPASS devait se poursuivre. Cela donnerait lieu au transfert de la fonction vers le siège social de Spectra à Houston (Texas).

[12]  Selon Mme Johansen, l’intention de la défenderesse était que la demanderesse contribue à la transition du programme au siège social de Houston. Cependant, l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle était remplacée par une autre personne plus jeune qu’elle, M. Moreno, de Houston, était tout simplement indéfendable étant donné que M. Moreno était [traduction] « responsable » de l’ensemble du système EPASS, alors que la demanderesse avait un rôle qui consistait à gérer ce qui devait devenir un simple module du système EPASS.

[13]  Naturellement, c’est dans le contexte de l’incertitude entourant sa contribution à venir à Westcoast Energy que les événements qui ont mené à la résiliation de son contrat devaient avoir lieu.

[14]  En fait, la demanderesse a longuement parlé à l’enquêteur de la précarité de sa situation dès 2005. Ainsi, au cours de la période de 2005 à 2013, la défenderesse s’est montrée neutre en ce qui concerne les perspectives à long terme du système IEPC et son apport continu. À plusieurs reprises au cours de cette période, elle a estimé qu’elle se verrait retirer ses responsabilités en raison de l’absence d’engagement envers les programmes avec lesquels elle était la plus directement impliquée.

[15]  Dans les notes de l’entrevue de l’enquêteur menée avec la demanderesse, l’enquêteur indique que le mari de la demanderesse avait demandé à cette dernière ce qui se passait au sujet des contrats et pourquoi elle ne travaillait pas. Elle avait indiqué qu’elle ferait des heures de travail pour se battre pour son emploi et le mari de la demanderesse avait laissé entendre qu’elle faisait trop de travail sans être payée. La demanderesse pensait que son mari serait inquiet et qu’il entrerait en contact avec des personnes de l’entreprise. En effet, dans sa deuxième entrevue avec l’enquêteur, elle a reconnu qu’elle savait que son mari discutait avec un gestionnaire de Westcoast Energy, un certain Rob Conrad, mais ne savait pas que son mari enverrait le courriel qui a entraîné la fin de sa relation avec Westcoast Energy. Le courriel est au cœur de la présente cause.

[16]  Le courriel envoyé le 16 juillet 2013, qui est reproduit intégralement dans le rapport d’enquête (et reproduit également à l’annexe A des présents motifs), est, à mon avis, clairement menaçant. M. Demitor se présente comme représentant de Cicada Systems. Le courriel présente les antécédents de sous-financement pour le système IEPC et affirme qu’une proposition élaborée par Cicada pour traiter les déficiences majeures du système IEPC et des fiches signalétiques n’a pas été acceptée, avec la conséquence que [traduction] « Cicada devait essentiellement trafiquer le système pour tenter de respecter les échéances de l’INRP seulement ». Le courriel affirme que Cicada recommandait qu’elle [traduction] « reprenne ses rapports comme elle l’a fait avec BC Hydro pour s’assurer que la base de données des fiches signalétiques était à jour et crédible ». Il poursuit son courriel en démontrant son mécontentement relativement à la manière dont l’affaire a été traitée en ces termes :

[traduction] Étant donné que vous étiez responsable du système IEPC pendant la période en question, j’aimerais savoir quels membres de la direction ont participé au processus décisionnel décrit ci-dessus et à qui a été remis le sommaire du système IEPC, daté de novembre 2010, que j’ai inclus. Rob travaille actuellement pour le système IEPC et je suis convaincu qu’il a une bonne compréhension de ce qui était nécessaire pour faire avancer les choses.

[Non souligné dans l’original.]

[17]  Le courriel se poursuit en ces termes, alors que M. Demitor continue de parler en tant que représentant de Cicada Systems :

[traduction] En tant que consultant spécialisé dans la responsabilité réglementaire en matière de produits chimiques, une partie de notre fonction et de notre responsabilité est d’informer nos clients s’ils font des choses qui seraient mal perçues dans le cas d’un audit réglementaire. Une partie de notre diligence raisonnable consiste à attribuer l’imputabilité à certaines décisions concernant les questions de réglementation afin que nous puissions mieux servir nos clients et les conseiller à l’avenir.

[Non souligné dans l’original.]

[18]   Le courriel devient ensuite très personnel :

[traduction] Cicada fait partie intégrante du système IEPC. Suzanne a aidé à l’élaborer et elle a les connaissances essentielles à son succès, que ce système reste, ou non, autonome. Si le souhait de Spectra est d’intégrer le système IEPC au système EPASS, disposer de Cicada est essentiel pour éviter des obstacles au développement similaires à ceux rencontrés lors du développement lié aux émissions atmosphériques.

Le courriel conclut ensuite en établissant un élément d’urgence, indiquant que [traduction] « [étant] donné que les budgets font actuellement l’objet de discussions et que Matthew a été chargé d’évaluer le système IEPC et son éventuelle intégration dans le système EPASS, cette question doit être traitée immédiatement afin que nous puissions éviter d’autres obstacles pour le système IEPC et les fiches signalétiques. Ces systèmes doivent être à jour et crédibles, peu importe que le système IEPC soit ou non intégré dans le système EPASS ».

[19]  Une copie conforme de ce courriel a été envoyée aux cadres à Houston et le courriel est signé par Tim Demitor, qui se présente comme parlant au nom de Demitor Holdings Inc. faisant affaire sous le nom de Cicada Systems.

[20]  Lorsqu’il a été interrogé, M. Demitor a dit qu’il a envoyé le courriel afin de garantir la [traduction] « stabilité financière » de sa famille. Il avait l’impression que le travail de la demanderesse était compromis par son gestionnaire et il s’inquiétait de son manque de rémunération et de la conformité réglementaire de la société. Il affirmait que son but était d’ouvrir un dialogue.

[21]  La plupart des destinataires du courriel ne connaissaient pas M. Demitor, puisque celui-ci n’avait jamais traité avec eux auparavant. Néanmoins, le courriel n’a pas été bien reçu par les représentants de la défenderesse. Ils l’ont considéré comme accusateur, dépassant les limites et agressif au point de peut-être constituer du chantage. De plus, la défenderesse a affirmé que le courriel signifiait qu’il y avait eu une rupture des obligations de confidentialité de la part de la demanderesse compte tenu des renseignements contenus dans le courriel. Par conséquent, en une semaine, la relation contractuelle a été rompue. Il semble qu’il revenait à un certain Rob Conrad, un employé de Westcoast Energy, de mettre fin à la relation contractuelle.

[22]  Que le cas en l’espèce soit une question de droit de travail ou de violation de la relation contractuelle menant à une responsabilité, il ne s’agit pas d’une question que la Cour doit trancher. En effet, la demanderesse ne s’est pas opposée au bien-fondé du rapport, approuvé par la Commission. Comme nous le verrons, la Commission a disposé de la plainte sur un fondement restreint, et ceci n’est pas contesté. En d’autres mots, le caractère raisonnable de la décision n’est pas soulevé comme question en litige. Plutôt, la demanderesse s’oppose à la question relative à la manière dont l’enquête a été menée.

II.  Objection préliminaire

[23]  La plainte a été déposée le 24 juin 2014, près d’un an après les événements qui se sont conclus par la résiliation de la relation contractuelle, mais dans le délai de prescription.

[24]  Cependant, la défenderesse a présenté une objection préliminaire à la plainte, en affirmant qu’il ne relevait pas de la compétence de la Commission d’étudier la question, puisqu’il ne s’agissait pas d’une relation employeur/employé, mais plutôt d’une relation entre deux personnes morales. Dans une lettre en date du 8 septembre 2014, la demanderesse a été invitée par la Commission à présenter sa position sur la question de compétence.

[25]  La lettre du 8 septembre 2014 est signée par un membre du personnel de la Commission, Pascale Lagacé, qui est présentée comme une chef d’équipe en règlement anticipé. La lettre vise à soulever la question de la compétence. La plaignante, en tant que société, n’aurait pas qualité pour présenter une plainte. Mme Lagacé invitait les parties à formuler des observations pour traiter la question.

[26]  Mme Demitor a communiqué avec Mme Lagacé le jour suivant celui où elle a reçu l’avis. Dans l’affidavit présenté à la Cour, la demanderesse affirme qu’elle avait été immédiatement préoccupée parce qu’elle avait l’impression que Mme Lagacé avait déjà pris sa décision sans entendre sa version de l’histoire. La demanderesse a envoyé ses observations sur la question de compétence le 20 octobre 2014. Elle a alors essayé de communiquer de nouveau avec Mme Lagacé, sans succès.

[27]  C’est le 5 février 2015 qu’elles ont réussi à communiquer ensemble. Mme Lagacé a indiqué que la question a été renvoyée pour un rapport à un autre agent, Jamis Masters. Malgré cela, Mme Demitor a de nouveau demandé à communiquer avec Mme Lagacé. Elle a eu gain de cause le 19 mars 2015. Selon les notes prises à cette époque, Mme Lagacé a confirmé qu’elle pensait toujours que la Commission n’avait pas compétence, mais elle a indiqué deux fois que c’était son avis, parce que la plaignante est une société et non une personne. L’employée de la Commission a ensuite expliqué la durée habituelle du processus si la Commission enquêtait sur l’affaire quant à son bien-fondé.

[28]  Dans ses propres notes, la demanderesse consigne sa conversation de suivi avec M. Masters qui, après un examen rapide du dossier, avait tendance à voir la relation entre la demanderesse et la défenderesse comme une relation d’entreprise, d’un contrat à l’autre, où la défenderesse n’exerce pas de contrôle sur la demanderesse. Les notes précisent que M. Masters [traduction] « ne voit pas quoi que ce soit qui indique une relation d’employé – soit entre une personne et une entreprise » (affidavit de Suzanne Demitor, pièce J). Néanmoins, Mme Demitor semble exprimer un certain optimisme puisque M. Masters semble sensible à ses arguments ([traduction] « Il a indiqué que, en raison de ma réfutation surprenante de leurs accusations, il est très intéressé à enquêter »).

[29]  Malgré les réticences initiales de Mme Lagacé et de M. Masters, le rapport sur la question de compétence, qui a été délivré le 13 août 2015, recommandait que la plainte soit entendue sur le fonds. Ce rapport a été préparé par M. Masters, un membre de la Division des services de règlement. Après avoir présenté des observations par les parties, la Commission a approuvé le rapport de M. Masters le 16 novembre 2015.

III.  L’enquête

[30]  S’est ensuivie l’enquête sur la plainte par M. Stephen Worth. Avant qu’une enquête avec la demanderesse ait été organisée, la demanderesse a insisté pour envoyer 3 000 pages d’éléments de preuve le 2 septembre 2016. L’avocat de la défenderesse a indiqué pendant l’audience de l’affaire qu’il n’a pas eu accès à ces éléments de preuve et que, en fait, la Cour n’avait jamais été saisie de ceux-ci. L’avocat de la défenderesse a simplement remarqué que la preuve présentait la relation de la demanderesse avec Westcoast Energy. On ne voit donc pas facilement ce qui justifie de présenter autant d’« éléments de preuve » sur ce qui est une question relativement simple. Comme je l’ai observé à l’audience de l’affaire, il semble que les parties aient procédé comme s’il s’agissait d’une question de droit du travail ou d’une question générale de violation de contrat. La réalité est que la demanderesse affirmait qu’il y avait eu discrimination en ce qui concerne la résiliation du contrat fondée sur l’âge et l’état matrimonial. L’on se serait attendu à ce que l’accent soit mis sur ces motifs. Après l’enquête, la Commission a jugé que [traduction] « il n’y a pas eu de preuve présentée pour soutenir l’allégation selon laquelle l’âge de la plaignante était un facteur ayant contribué à la décision de la défenderesse de mettre fin à son contrat [...] » (rapport d’enquête du 21 octobre 2016, au paragraphe 35) et que [traduction] « mis à part les affirmations sommaires de la plaignante selon lesquelles il y a un lien entre les actions de la défenderesse et son état matrimonial, rien ne suggère que la défenderesse a agi de manière discriminatoire » (au paragraphe 76).

[31]  Néanmoins, la demanderesse reproche à l’enquête ce qu’elle prétend être des infractions à l’équité procédurale.

[32]  L’enquêteur a interrogé quatre personnes, et a également examiné les documents présentés par les parties : Mme Demitor, M. Demitor, Marion Johansen et Bruce Kosugi. Mme Johansen est la spécialiste des déchets industriels pour la défenderesse et elle a travaillé étroitement avec la demanderesse alors qu’elle était directement employée par la défenderesse. Plus tard, elle a géré les contrats avec la demanderesse; elle était le point de contact principal entre la demanderesse et la défenderesse. Quant à Bruce Kosugi, il était le gestionnaire du système environnement, hygiène et sécurité en Colombie-Britannique et le gestionnaire de M. Johansen.

[33]  Mme Demitor a été interrogée deux fois par téléphone : le 5 octobre 2016, pendant environ 30 minutes et, le 12 octobre 2016, pendant 10 autres minutes. En ce qui concerne M. Demitor, il a été interrogé pendant environ 20 minutes, le 7 octobre 2016. Les notes d’entrevue de l’enquêteur ont été versées au dossier dont dispose la Cour. Ont été également versées au dossier les notes d’entrevue en ce qui concerne les entrevues de Mme Johansen et M. Kosugi.

[34]  Le rapport d’enquête est daté du 21 octobre 2016 et exige que les observations des parties sur le rapport soient présentées au plus tard le 14 novembre 2016. Il est signé par M. Worth. Cependant, il a été communiqué le 31 octobre 2016 à Mme Lagacé, qui était devenue « gestionnaire, Enquêtes » à ce moment-là. Il semble que M. Worth a quitté la Commission le 28 octobre 2016.

[35]  Les parties ont présenté leurs observations à deux dates différentes, le 3 novembre 2016 (défenderesse) et le 14 novembre 2016 (demanderesse) sans avoir eu accès aux observations de l’autre partie. Par conséquent, les observations de la demanderesse du 14 novembre n’ont pas tenu compte des observations de la défenderesse, présentées dix jours plus tôt. De même, les réponses n’ont pas été coordonnées; la réponse de la défenderesse est arrivée le 30 novembre 2016 et la réponse de la demanderesse est arrivée le 9 décembre 2016.

[36]  Dans ses observations du 14 novembre 2016, la demanderesse a contesté en particulier l’allégation selon laquelle son mari était en possession de renseignements confidentiels. Elle a indiqué qu’elle n’avait pas accès aux renseignements confidentiels de la défenderesse depuis le 31 mai 2013, six semaines complètes avant le courriel du 16 juillet 2013 qui a eu pour conséquence la révocation de son contrat. Selon la prétention de la demanderesse, M. Demitor a parlé avec divers employés de la défenderesse avant d’écrire son courriel, et il aurait été capable de recueillir certains renseignements. Néanmoins, la demanderesse renvoie aux courriels reçus indiquant que la défenderesse avait partagé avec elle des renseignements confidentiels jusqu’au 15 juillet, le jour avant celui où son mari a communiqué avec divers représentants de la défenderesse. Le fait que la défenderesse lui communiquerait des renseignements confidentiels en dehors des voies sécurisées aurait une certaine incidence sur l’usage prétendu de renseignements confidentiels par son mari (en fait, cela peut expliquer la raison pour laquelle Westcoast Energy a rapidement décidé de couper les communications après le courriel du 16 juillet).

[37]  Mme Demitor a également affirmé que l’enquêteur n’avait pas tenu compte de la preuve et que les entrevues avec les Demitor avaient été précipitées, en particulier l’entrevue menée auprès de M. Demitor. La demanderesse a également indiqué qu’elle s’attendait à ce que Rob Conrad, qui aurait pris la décision finale de mettre fin à l’entente contractuelle, soit interrogé. Finalement, la demanderesse a tenté de faire croire que son mari n’était pas son agent avant l’envoi du courriel, malgré les éléments de preuve selon lesquels il y a eu de nombreuses conversations entre lui et les représentants de Westcoast Energy dans lesquelles, évidemment, il parle en son nom. M. Demitor affirme que ses renseignements sont venus de représentants, ce qui suggère qu’il n’était pas inconnu de Westcoast Energy. En effet, les contrats avec Westcoast Energy ont été conclus par des personnes morales, y compris Demitor Holdings Inc. et Cicada Systems.

[38]  Les observations de la défenderesse du 3 novembre 2016 étaient fondamentalement en faveur du rapport d’enquête, même si la défenderesse a continué de prétendre que la demanderesse n’était pas une employée.

[39]  Les réponses plus exhaustives de la défenderesse aux observations de la demanderesse du 14 novembre se poursuivent en indiquant que les observations de la demanderesse portent sur de nombreuses questions, mais ne portent pas tellement sur les enjeux pertinents de la plainte, à savoir si l’âge ou l’état matrimonial étaient des facteurs ayant contribué à la décision de résilier le contrat. La question de savoir si la demanderesse avait soutenu que M. Demitor devait être un représentant ou non avant le courriel du 16 juillet 2013 n’est pas importante puisqu’il s’est lui-même présenté comme un représentant de Demitor Holdings Inc. faisant affaire sous le nom de Cicada Systems et parlant en leur nom. On remarque que M. Kosugi, envers qui la demanderesse était particulièrement critique dans sa plainte à la Commission, avait de nouvelles responsabilités depuis janvier 2013, de sorte qu’il n’avait plus la responsabilité d’approuver des contrats avec la demanderesse ou d’y mettre fin. Somme toute, la question est de savoir si l’âge ou l’état matrimonial étaient des facteurs ayant contribué à la résiliation du contrat, et non si la défenderesse avait raison de résilier le contrat. Finalement, la défenderesse s’est emparée de l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle n’avait pas d’accès au système après le 31 mai 2013. Cette affirmation, selon la défenderesse, était [traduction] « manifestement fausse et, comme il est démontré plus bas, la demanderesse savait qu’elle était fausse ». Le fait à retenir est que la demanderesse avait indiqué, le 31 mai, qu’elle devait être exclue de l’accès aux renseignements confidentiels détenus de manière sécurisée, mais que l’accès n’a pas cessé avant le 30 juin 2013.

[40]  La demanderesse n’avait pas vu la réponse de la défenderesse du 30 novembre 2016 lorsqu’elle a produit sa propre réponse. Elle ne savait pas que la défenderesse avait contesté son affirmation selon laquelle elle avait perdu tout accès direct aux renseignements confidentiels le 31 mai 2013. Dans ses observations en réponse du 9 décembre 2016, la demanderesse s’est concentrée sur son prétendu statut d’employée de la défenderesse.

[41]  C’est seulement le 5 janvier 2017, lorsque la demanderesse a reçu la réponse de la défenderesse, qu’elle a remarqué que son affirmation selon laquelle elle n’avait pas eu accès au système de renseignements de la défenderesse depuis le 31 mai 2013 était inexacte. Par conséquent, elle a immédiatement demandé à corriger son erreur en envoyant un courriel à Mme Lagacé le 9 janvier 2017.

[42]  Dans son courriel du 9 janvier, Mme Demitor reconnaît son erreur de bonne foi, en notant que les éléments de preuve présentés à l’enquêteur indiquaient qu’elle savait qu’elle avait toujours les accès au 30 juin 2013. Cela tendrait à indiquer qu’il s’agit d’une erreur de bonne foi. Plus important en l’espèce, la demanderesse a insisté sur le fait que l’erreur ne faisait [traduction] « aucune différence dans quoi que ce soit d’autre dans mon argument ». Elle a ajouté que [traduction] « il suffit de corriger la date. En ce qui concerne la question en cause, la date ne fait absolument aucune différence. Le changement est sans importance pour mes observations » (affidavit de Suzanne Demitor, pièce O).

[43]  En dépit de l’assurance donnée par Mme Lagacé selon laquelle la correction avait été communiquée à la Commission, le dossier certifié du tribunal n’a pas affiché le courriel du 12 janvier 2017. Je note toutefois dans le deuxième certificat prévu à l’article 318 des Règles, du 18 avril 2017, deux courriels, un daté du 9 janvier 2017 et l’autre daté du 12 janvier 2017, qui sont des instructions données par Mme Lagacé concernant la [traduction] « correction de la date de la première observation » avec comme pièce jointe [traduction] « Preuve d’accès au système le 18 juin – pas d’accès au 30 juin.docx ». Le 9 janvier, l’instruction semble avoir été de verser au dossier (« svp mettre au dossier ») le courriel de Mme Demitor du même jour. Cependant, la question n’est pas sans soulever quelques doutes puisque la date figurant sur les courriels nécessiterait quelques explications. Quant à l’instruction donnée le 12 janvier, elle semble faire partie d’une chaîne qui comprend le courriel de Mme Demitor du 9 janvier, qui indique de nouveau de verser au dossier le courriel du 9 janvier, mais aussi celui du 11 janvier où la défenderesse souhaite avoir la confirmation de la communication de la correction de la date à la Commission. Cette deuxième chaîne de courriels comprend un courriel de Mme Lagacé à une certaine Julie Fortier et un courriel de Mme Fortier à une certaine Maria Stokes avec l’instruction suivante : [traduction] « Pourriez-vous imprimer une copie de ce courriel et de la pièce jointe et classer au dossier? ». La pièce jointe est de nouveau également nommée [traduction] « Preuve d’accès au système le 18 juin – pas d’accès au 30 juin.docx ».

[44]  Comme la Commission n’a pas pris part à la présente instance de la Cour, la Cour n’a pas profité d’une explication complète.

[45]  Dans tous les cas, la demanderesse a présenté la question au gestionnaire des services de greffe en février 2017, après la décision défavorable de la Commission, rendue le 31 janvier.

[46]  Ce qui était une erreur qui ne faisait [traduction] « aucune différence dans quoi que ce soit d’autre dans mon argument » et, [traduction] « [en] ce qui concerne la question en cause, la date ne fait absolument aucune différence » avant la décision de la Commission, semble être devenu une question de grande importance après la décision selon la demanderesse. En effet, dans un courriel en date du 21 février 2017, la demanderesse a demandé que la Commission revienne sur sa décision. Elle a également formulé des allégations au sujet des [traduction] « conflits d’intérêts » de Mme Lagacé et a demandé si les employés de la Commission étaient assujettis à un examen de conflit d’intérêts avec toute société sous réglementation fédérale.

[47]  Cela nous amène à la procédure devant la Cour où la demanderesse prétend qu’il y a eu violation de l’équité procédurale.

IV.  La décision faisant l’objet du contrôle

[48]  La Commission a approuvé le rapport d’enquête selon lequel l’explication donnée par la défenderesse pour la résiliation de la relation contractuelle avec la demanderesse n’était pas un prétexte à la discrimination fondée sur l’âge ou l’état matrimonial. La décision est datée du 31 janvier 2017, alors que le rapport, signé par l’enquêteur, est daté du 21 octobre 2016. Durant la période entre le rapport et la décision, la demanderesse et la défenderesse ont présenté leurs arguments et leurs réponses aux observations de l’autre partie.

[49]  L’objection préliminaire à la compétence de la Commission avait déjà été rejetée le 13 août 2015, la Commission ayant conclu que [traduction] « lorsqu’on examine la relation entre la plaignante et la défenderesse sous l’angle du contrôle et de la dépendance, il semble qu’elle peut être considérée comme un emploi aux fins de la Loi ». Cela, malgré qu’elle ait reconnu qu’[traduction] « il est clair que la plaignante n’était pas dans une relation employeur/employé traditionnelle avec la défenderesse » (au paragraphe 38).

[50]  La question de compétence ayant été tranchée plus tôt, la Commission s’est dite satisfaite, selon le critère peu rigoureux applicable, de l’allégation selon laquelle Mme Demitor avait été [traduction] « congédiée en raison du mécontentement de [son] mari », puisqu’il était reconnu que la résiliation impliquait le conjoint de la plaignante (au paragraphe 14). De même, la Commission était disposée à poursuivre l’analyse en fonction du critère peu rigoureux selon lequel [traduction] « un employé plus jeune de la défenderesse a pu occuper les fonctions de la défenderesse [sic] après son départ » (au paragraphe 15). Par conséquent, la Commission en a vu suffisamment pour passer à la deuxième étape, où un examen plus approfondi de l’explication offerte par la défenderesse a lieu.

[51]  Puisque la demanderesse ne conteste pas le bien-fondé de la décision de la Commission, une analyse approfondie de la décision n’est pas requise. Il suffira de dire que le rapport d’enquête et la décision reproduisent intégralement le courriel envoyé par le mari de Mme Demitor le 16 juillet 2013. Il est littéralement la pièce centrale. La Commission estime qu’il n’y a pas de lien établi avec l’âge par la demanderesse, puisque les éléments de preuve [traduction] « sembleraient démontrer que la défenderesse a choisi de centraliser le développement de son inventaire environnemental et de produits chimiques au moyen d’un système élaboré par sa société mère » (au paragraphe 41).

[52]  De même, l’allégation relative à l’état matrimonial n’a pas été établie. La Commission a pris soin de ne pas creuser les questions de droit du travail quant à la question de savoir si la résiliation était justifiée : cela peut expliquer que la question a été tranchée en fonction de motifs circonscrits. Ainsi, ce qui a motivé la défenderesse à résilier le contrat est sa perception selon laquelle le courriel envoyé au nom de Mme Demitor, ou en tant que son représentant, était menaçant, puisqu’il suggérait que la défenderesse était en non-conformité réglementaire et que seule la demanderesse pouvait s’assurer que ce soit corrigé. Qui plus est, la défenderesse avait un motif raisonnable de percevoir une violation du contrat en raison de l’atteinte à la confidentialité.

[53]  La Commission voulait évaluer si la résiliation était discriminatoire, et non si elle était justifiée en tant que question de droit du travail ou de droit des contrats. Il importait peu de savoir si les renseignements utilisés dans le courriel provenaient de la demanderesse. La nature menaçante du courriel et le lien clair avec Mme Demitor ([traduction] « Cicada fait partie intégrante du système IEPC. Suzanne a aidé à l’élaborer et a les connaissances essentielles à son succès, que ce système reste, ou non, autonome »), associé à la perception d’un accès illicite à des renseignements confidentiels étaient les motifs de la résiliation, et non l’état matrimonial ou l’âge. Le résultat aurait été le même si un professionnel avait écrit le courriel. Je reproduis ici les paragraphes essentiels du rapport d’enquête, qui sont au cœur de la décision.

[traduction] [76]  Il m’importe peu que M. Demitor ait eu l’intention que ce courriel soit menaçant ou, comme il le dit, une tentative d’ouvrir le dialogue avec la direction. La défenderesse a perçu ses actions comme menaçantes et provenant d’un représentant de la plaignante. De même, la question de savoir si M. Demitor a obtenu les renseignements qu’il a évoqués dans son courriel de sa conjointe n’est pas importante. La défenderesse avait un motif raisonnable de percevoir une violation des modalités du contrat de la plaignante et a agi d’une manière qu’elle estimait appropriée. Mis à part les affirmations sommaires de la plaignante selon lesquelles il y a un lien entre les actions de la défenderesse et son état matrimonial, rien ne suggère que la défenderesse a agi de manière discriminatoire. La défenderesse a agi selon l’hypothèse, qu’elle soit vraie ou fausse, que la plaignante a manqué aux exigences de confidentialité, et non en raison de son état matrimonial. Cette présomption de violation a créé un abus de confiance dans la relation de travail et le contrat de la plaignante a été résilié.

[77]  Il ne revient pas à la Commission d’enquêter afin de savoir si la plaignante a fait l’objet d’un congédiement justifié. Au contraire, il suffit que la Commission soit convaincue que la défenderesse n’a pas exercé de discrimination contre la plaignante en raison d’un motif de distinction illicite prévu par la Loi. Dans les circonstances présentes, la question de savoir si l’explication de la défenderesse pour ses actions est un prétexte à la discrimination fondée sur l’état matrimonial est en cause et il semble que l’explication de la défenderesse est raisonnable. Si la plaignante avait eu une relation professionnelle et non personnelle avec la personne qui a écrit aux cadres supérieurs de la défenderesse et suggéré que l’organisation ne se conformait pas aux exigences réglementaires, il est raisonnable de croire que la défenderesse aurait agi de la même manière. Selon la prépondérance des probabilités, l’explication de la défenderesse semble être un récit exact des événements qui se sont déroulés.

[Non souligné dans l’original.]

En effet, la Commission était intéressée uniquement par les motifs de résiliation. C’était suffisant s’il y avait des motifs raisonnables de conclure que le courriel était menaçant et utilisait des renseignements confidentiels. Si cela constitue le fondement de la résiliation, il n’y a pas de discrimination. En effet, il y avait uniquement des affirmations gratuites de discrimination.

V.  Norme de contrôle et analyse

[54]  Personne ne conteste que la norme de contrôle pour les allégations de violations d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, [2014] 1 RCS 502, au paragraphe 79; Canada (Citoyenneté et Immigration). Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 [Khosa], au paragraphe 43).

[55]  La demanderesse présente trois questions liées à l’équité procédurale.

  • a) La Commission a contrevenu à l’équité procédurale puisqu’elle n’a pas tenu compte de la correction de date faite par la demanderesse après que les observations écrites ont été rédigées;

  • b) L’enquête n’a pas été menée avec rigueur;

  • c) Le personnel de la Commission et, en particulier Mme Lagacé, ont fait preuve d’étroitesse d’esprit.

La Cour traitera ces manquements allégués un à un.

A.  Correction de la date

[56]  Comme cela a été souligné plus tôt, ce qui a été présenté simplement comme une déclaration erronée au sujet de la date à laquelle la demanderesse a perdu l’accès aux renseignements confidentiels de la défenderesse est devenu devant la Cour [traduction] « essentielle à l’argument de la demanderesse dans ses observations du 14 novembre selon lesquelles elle n’avait pas d’accès au système pendant le mois où son mari a envoyé le courriel » (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 41). Le moins que l’on puisse dire est que cela serait entièrement contraire au courriel du 9 janvier 2017, où la demanderesse a affirmé ceci : [traduction] « Je peux vous assurer que la date ne fait aucune différence dans quoi que ce soit d’autre dans mon argument [...] Le changement est sans importance pour mes observations ».

[57]  Comme la Cour l’a entendu à l’audience de la présente affaire, la demanderesse n’avait même pas ajouté la défenderesse à son courriel du 9 janvier 2017, ce qui, du moins selon la défenderesse, constituait des observations inadmissibles, puisque l’échange d’observations était fermé à la fin de décembre 2016 : l’enquête sur la plainte était terminée au 28 décembre 2016, alors que le rapport d’enquête a été communiqué à la Commission par des membres de son personnel.

[58]  La demanderesse peut très bien avoir eu raison le 9 janvier 2017, lorsqu’elle a indiqué que son erreur ne faisait aucune différence quelle qu’elle soit pour ses observations. Après tout, son argument, et il est limité, était que son mari n’avait pas accès aux renseignements confidentiels, puisque son propre accès avait été refusé avant le courriel du 16 juillet 2013. Cet argument était, de toute façon, faible. Que l’accès ait été refusé le 31 mai ou le 30 juin, cela n’aurait pas empêché la demanderesse de partager des renseignements confidentiels qui auraient été utilisés par son mari. En effet, la demanderesse a affirmé que les représentants de la défenderesse avaient contrevenu à la sécurité lorsqu’ils lui ont communiqué, le 15 juillet 2013, des renseignements confidentiels, ce qui démontre que des renseignements confidentiels se sont rendus jusqu’à elle le jour précédent l’envoi du courriel du 16 juillet. La demanderesse a affirmé que l’erreur n’a pas changé l’argument selon lequel le mari n’a pas eu accès à des renseignements confidentiels. En fait, il est difficile de voir la manière dont le partage de renseignements confidentiels repose sur la perte d’accès aux réseaux peu avant que le courriel ait été envoyé, à moins qu’il soit prouvé que les renseignements confidentiels utilisés étaient accessibles seulement pendant les deux premières semaines de juillet 2013. Aucune preuve de ce genre n’a été produite.

[59]  Toute la question des renseignements confidentiels est un faux-fuyant compte tenu de la décision de la Commission. Peu importe que les renseignements soient confidentiels ou qu’ils proviennent de Mme Demitor. Ce qui était important, selon la Commission, est que la défenderesse [traduction] « a agi selon l’hypothèse, qu’elle soit vraie ou fausse, que la plaignante a manqué aux exigences de confidentialité, et non en raison de son état matrimonial » (rapport d’enquête, au paragraphe 76). Le bien-fondé de la décision n’est pas contesté et la Cour prend la décision telle qu’elle est : la Commission se concentrait sur la question de savoir s’il y avait eu discrimination. Si la défenderesse a mis fin à l’entente contractuelle en raison du ton du courriel et du motif raisonnable de croire qu’il y avait eu une violation des modalités du contrat, la résiliation n’était pas motivée par l’état matrimonial ou l’âge. Que la croyance de la défenderesse soit erronée n’est pas important. La Commission s’est prononcée exclusivement sur la question de savoir si la résiliation comportait de la discrimination. Elle a conclu que la résiliation avait été causée par le courriel et la croyance de la défenderesse selon laquelle certains renseignements qu’il contenait étaient des renseignements confidentiels communiqués à Mme Demitor. En d’autres mots, la Commission a exclu la discrimination en tant que facteur ayant contribué à la résiliation, que la résiliation ait été justifiée ou non.

[60]  On peut dire la même chose de la tentative de la demanderesse de donner de l’importance au fait que la correction de la date, en ce qui concerne le moment auquel l’accès aux renseignements confidentiels a été perdu, n’a pas été communiquée à la Commission. Ce n’est pas important. J’accepte, aux fins de cet argument, qu’il soit plus probable que la correction n’a pas été communiquée à la Commission malgré les renseignements selon lesquels le courriel du 9 janvier 2017 – soit le courriel par lequel Mme Demitor a corrigé la date à laquelle elle a perdu l’accès aux renseignements confidentiels – a été déposé par le personnel de la Commission. Il est possible que la correction ait eu un peu d’importance aux yeux de la demanderesse, puisqu’elle est préoccupée par sa crédibilité. Le fait reste que la crédibilité de la demanderesse n’était pas mise en cause par la Commission dont l’intention était centrée sur la question de savoir si la défenderesse avait fait preuve de discrimination à l’égard de la demanderesse au moyen d’un prétexte. Il n’y a pas eu de conclusions relatives à la crédibilité de la demanderesse puisqu’aucune n’était requise. Pour être franc, il semble que le courriel du 16 juillet 2013 l’ait fait. La Commission a jugé que le fait que le mari de la demanderesse ait envoyé le courriel n’était pas important. Si un professionnel avait écrit le courriel, suggérant que l’organisation ne respectait pas ses exigences réglementaires, le résultat aurait été le même. La résiliation découlait du courriel et de l’utilisation de renseignements confidentiels et n’était pas motivée par l’état matrimonial de l’expéditeur. La date de l’accès direct aux renseignements confidentiels n’était même pas évoquée dans le rapport d’enquête du 21 octobre 2016. Ce n’était pas important.

[61]  La demanderesse s’est beaucoup fondée sur la décision de mon collègue le juge Brown dans la décision Bergeron c Canada (Procureur général), 2017 CF 57 [décision Bergeron]. Dans cette affaire, la Commission a considéré les mauvaises observations qui lui ont été présentées. L’erreur était flagrante. Il n’est pas étonnant que la Cour ait jugé que les parties n’avaient pas été entendues : elles ne l’ont pas été.

[62]  En l’espèce, rien ne peut être comparé à la situation dans la décision Bergeron. Dans la décision Bergeron, c’est l’ensemble des observations qui n’ont pas été présentées à la Commission parce qu’une erreur a été commise et, évidemment, aucune partie n’a été entendue puisque les observations appropriées n’ont pas été présentées à la Commission. Selon moi, la situation en l’espèce relève d’un cas où la décision rendue n’a pas été touchée si la correction de la date ne s’est pas rendue devant la Commission. Dans l’arrêt Khosa, les juges majoritaires ont commenté les motifs de contrôle énoncés à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, la disposition invoquée en l’espèce.

[63]  En ce qui concerne l’alinéa 18.1(4)b), les juges majoritaires se sont exprimés ainsi :

[43]  L’intervention judiciaire est aussi autorisée dans les cas où l’office fédéral

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

Aucune norme de contrôle n’est précisée. Par contre, suivant Dunsmuir, les questions de procédure (sous réserve d’une dérogation législative valide) doivent être examinées par un tribunal judiciaire selon la norme de la décision correcte. En pareil cas, la prise de mesures est régie par les principes de common law, qui prévoient notamment l’abstention d’accorder réparation si l’erreur procédurale est un vice de forme et n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice (Pal, par. 9). C’est ce que confirme le par. 18.1(5). On a pu croire que la Cour fédérale, du fait qu’elle tire son origine d’une loi, devait bénéficier d’une attribution de pouvoir spécifique pour « valider la décision » (par. 18.1(5)) le cas échéant.

Le paragraphe cité avec une si grande approbation empathique est tiré de la décision Pal c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993), 24 Admin LR (2d) 68 :

[9]  Il échet donc d’examiner si le manquement aux principes de justice naturelle n’avait guère ou pas d’effet sur l’issue de la décision prise dans son ensemble. La réparation visée au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale relève du pouvoir discrétionnaire de cette Cour. Tel est le sens de ce paragraphe qui prévoit que les mesures de réparation « sont prises [par la Cour] si elle est convaincue que “l’office fédéral” n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ». Ce libellé évoque la nature discrétionnaire des anciens brefs de prérogative, que remplacent maintenant les mesures prévues au paragraphe 18.1(4). Il s’ensuit que si la procédure ou la décision erronée ne cause pas un préjudice, la Cour ne rendra normalement pas l’ordonnance portant annulation de la décision. Si une nouvelle audience ne sert à rien, la Cour ne l’ordonnera pas.

[Non souligné dans l’original.]

La date à laquelle la demanderesse a perdu l’accès direct aux renseignements confidentiels n’est pas importante. Rien d’important n’est associé à cette date. Cela peut même être vu comme non pertinent. Je ne peux pas voir quel préjudice peut être causé à la demanderesse. Si elle souhaite présenter une question liée à la crédibilité, celle-ci est également non pertinente, et n’a pas été prise en compte par le décideur. Il n’est pas clair si la correction de la date devait être soumise à la Commission une fois l’enquête terminée, après avoir reçu les observations des parties. Mais, même si c’était le cas, cela n’aurait pas eu d’effet sur le résultat puisque ce n’était pas pertinent pour les questions prises en compte par l’enquêteur et, plus tard, par la Commission. La date à laquelle l’accès direct a été perdu n’a même pas été évoquée, puisqu’elle était loin des questions présentées à la Commission. La correction de date peut être problématique si l’erreur faite dans les observations du 14 novembre est en cause devant la Commission. Elle ne l’a pas été.

B.  L’enquête n’a pas été menée avec rigueur

[64]  La demanderesse affirme que l’enquête n’était pas satisfaisante en ce qui concerne trois aspects. Selon elle, l’enquête a manqué de profondeur et de neutralité.

  1. Correction de la date : à toutes fins utiles, c’est le même argument que celui qui précède. La demanderesse affirme que [traduction] « la Commission est tenue d’examiner les observations de la demanderesse à ce sujet avant de rendre sa décision » (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 63);

  2. Mme Demitor conteste le commentaire du rapport d’enquête selon lequel [traduction] « il est raisonnable que la défenderesse présume que M. Demitor parlait au nom de la plaignante, puisqu’elle l’avait auparavant présentée comme son représentant pour des questions contractuelles et autres affaires » (rapport d’enquête, au paragraphe 75). Mme Demitor a prétendu que cela faisait une différence lorsqu’elle a établi que son mari était son agent parce que l’enquêteur s’est fondé sur une compréhension erronée selon laquelle elle avait présenté son mari comme son représentant avant le 17 juillet 2013, date à laquelle elle a envoyé un courriel à Mme Johansen pour l’aviser que son mari la représenterait.

  3. Omission d’interroger M. Conrad, l’agent de la défenderesse responsable de la résiliation de l’arrangement contractuel. De plus, la demanderesse se plaint qu’elle et son mari ont été interrogés pendant seulement 40 et 20 minutes respectivement. Selon la demanderesse, davantage de temps était nécessaire pour développer une meilleure compréhension de la preuve.

[65]  Il n’est cependant pas clair comment certaines de ces plaintes ne sont pas simplement un désaccord avec certaines conclusions. Ce n’est pas tellement la rigueur avec laquelle l’enquête a été menée qui est contestée, lorsque la demanderesse affirme que son mari a été déclaré par elle comme son représentant seulement le 17 juillet 2013, puisque l’enquêteur avait conclu que M. Demitor parlait en son nom. Cela semblerait davantage une contestation du caractère raisonnable de la conclusion que d’une question d’équité procédurale. Dans tous les cas, il est difficile d’y voir un argument relatif à la rigueur avec laquelle l’enquête a été menée.

[66]  Quoi qu’il en soit, l’argument de la rigueur sur le fond échoue. La demanderesse invoque la décision Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 CF 574, pour affirmer qu’une enquête doit être rigoureuse et neutre, afin « qu’il existe un fondement juste pour que la CCDP estime qu’il y a lieu de constituer un tribunal en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi » (à la page 590). Cependant, la Cour précise dans la décision Slattery le niveau de rigueur requis :

Pour déterminer le degré de rigueur de l’enquête qui doit correspondre aux règles d’équité procédurale, il faut tenir compte des intérêts en jeu : les intérêts respectifs du plaignant et de l’intimé à l’égard de l’équité procédurale, et l’intérêt de la CCDP à préserver un système qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif.

[...]

Il faut faire montre de retenue judiciaire à l’égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes. Ce n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose. Un tel point de vue correspond à la retenue judiciaire dont la Cour suprême a fait preuve à l’égard des activités d’appréciation des faits du Tribunal des droits de la personne dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554.

(à la page 600)

[Non souligné dans l’original.]

[67]  Je ne suis pas convaincu qu’il y avait quoi que ce soit d’important au sujet du courriel envoyé par Mme Demitor le 17 juillet 2013. La demanderesse affirme que la date à laquelle elle a présenté son mari en tant que représentant professionnel a un caractère fondamental. Cependant, le point soulevé était que M. Demitor se présentait clairement comme son représentant dans son courriel du 16 juillet 2013, mais également dans d’autres communications avec les représentants de la défenderesse, y compris M. Conrad, certainement avant la résiliation, mais également avant le courriel du 16 juillet. Il y a eu des communications entre les représentants et M. Demitor. Comme le soulignent les notes de l’entrevue de M. Demitor, la défenderesse savait qui il était, et ce qu’il a communiqué au nom de Mme Demitor. La demanderesse a omis de démontrer qu’il y a eu un défaut d’enquêter sur des renseignements évidemment importants. Il est évident que les parties savaient que M. Demitor parlait au nom de Suzanne Demitor le 16 juillet 2013 et avant. On ne sait pas clairement ce qu’il y aurait d’autre à faire de plus important une fois qu’il aurait été établi que M. Demitor parlait au nom de Mme Demitor. Là encore, le courriel du 16 juillet 2013 parle de lui-même.

[68]  Dans l’arrêt Tahmourpour c Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113 (Tahmourpour), le juge a clairement indiqué qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard des enquêtes de la Commission, qui est maître de son propre processus.

[39]  Tout contrôle judiciaire d’une procédure de la Commission doit reconnaître que l’organisme est maître de son processus et doit lui laisser beaucoup de latitude dans la façon dont il mène ses enquêtes. Une enquête portant sur une plainte concernant les droits de la personne ne doit pas être astreinte à une norme de perfection. Il n’est pas nécessaire de remuer ciel et terre. Les ressources de la Commission sont limitées et son volume de travail est élevé. Celle-ci doit alors tenir compte des intérêts en jeu : ceux des plaignants à l’égard d’une enquête la plus complète possible et l’intérêt de la Commission à assurer l’efficacité du système sur le plan administratif. Voir, par exemple, à ce sujet l’arrêt Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), paragraphe 55; Commission canadienne des droits de la personne, Rapport annuel 2001 (Ottawa, Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux, 2002), p. 33.

[Non souligné dans l’original.]

[69]  Il est possible que le défaut d’interroger certains témoins peut constituer une violation de l’équité procédurale, mais uniquement dans des cas exceptionnels, puisque ce serait un défaut d’examiner une preuve manifestement importante (Tahmourpour, au paragraphe 40). En d’autres mots, selon les termes de la Cour dans la décision Slattery, « l’enquêteuse, tout comme la CCDP, doit être maître de sa propre procédure, et le contrôle judiciaire d’une enquête prétendument déficiente ne devrait être justifié que lorsque l’enquête est manifestement déficiente » (à la page 605).

[70]  La demanderesse affirme que l’enquêteur devait interroger M. Conrad. Elle indique qu’une personne raisonnable s’attendrait à ce que [traduction] « des éléments de preuve utiles puissent être obtenus à l’occasion d’une entrevue [...] » (mémoire des faits et du droit, au paragraphe 71), mots tirés du paragraphe 24 de la décision Egan c Canada (Procureur général), 2008 CF 649 (Egan), où la Cour reconnaît d’abord qu’il n’y a pas d’obligation d’interroger tous les témoins inscrits par un plaignant. Dans la décision Egan, la Cour a reconnu que seul le défaut d’examiner une preuve importante constituerait une erreur susceptible de révision. Le juge Hughes a d’abord établi la raison pour laquelle le témoignage d’un certain nombre de personnes constituait une omission importante (aux paragraphes 21 à 23). Il s’agissait de conclusions qui reposent grandement sur les faits. Compte tenu des faits dans la décision Egan, on peut comprendre la raison pour laquelle ne pas procéder à l’entrevue serait une violation de l’équité procédurale. Une démonstration semblable n’a pas été faite en l’espèce.

[71]  Dans la présente cause, la demande de la demanderesse correspond plutôt au fait de « remuer ciel et terre » (Tahmourpour, au paragraphe 39). La question fondamentale soulevée par la plainte a été examinée par l’enquêteur. Ce n’est pas une enquête manifestement déficiente (Slattery, aux pages 604 et 605) ou un cas de défaut d’examiner « une preuve manifestement importante » (Tahmourpour, au paragraphe 40). Il n’y avait pas d’indication de ce qui était attendu d’une entrevue de M. Conrad, contrairement à ce qui avait été le cas dans la décision Egan. Au contraire, la demanderesse aurait voulu que l’enquêteur entame des recherches à l’aveuglette, sans tenir compte de la reconnaissance de la latitude considérable que l’enquêteur doit avoir et de la nécessité pour la Commission d’être le maître de son processus. Ne pas interroger M. Rob Conrad n’était pas un manquement au principe d’équité procédurale. En effet, la demanderesse était incapable de préciser ce que M. Conrad aurait pu présenter de plus dans la présente affaire, ce qui est contraire, par exemple, aux faits précis de la décision Egan.

[72]  La demanderesse a noté qu’elle et son mari ont été interrogés pendant environ 60 ou 70 minutes, ce qui soutenait en quelque sorte la proposition que l’enquête n’a pas été menée avec rigueur. Les observations ne sont pas fondées. L’affaire était simple. La demanderesse avait fourni des documents importants. Évidemment, il revenait à l’enquêteur de préciser les aspects plus pertinents de sa preuve. L’allégation audacieuse selon laquelle l’enquête peut être mesurée en fonction de la durée d’une entrevue va à l’encontre de la règle selon laquelle l’enquêteur est maître de son processus. Sans plus, une telle allégation audacieuse ne peut être retenue.

[73]  Finalement, il n’est pas nécessaire d’élaborer davantage au sujet de la date de la correction. Il n’y a pas eu défaut d’enquêter sur une preuve manifestement importante, puisque la preuve n’était pas importante. En janvier 2017, la demanderesse a soutenu avec force que l’erreur de date n’avait aucune importance. Elle n’a pas démontré la manière dont le passage du temps ne changeait rien. La question relative à la date n’est pas que l’enquête n’avait pas été menée avec rigueur, mais plutôt que les renseignements qui ont été réputés comme peu importants pour les observations n’ont pas été communiqués à la Commission. On n’a pas montré ce qui était important avec la correction de la date. Ce qui était important était l’utilisation des renseignements confidentiels et non le moment auquel ils ont été obtenus. Le fait que la demanderesse a perdu son accès aux renseignements confidentiels le 31 mai, ou le 30 juin, ou le 15 juillet 2013 avait peu d’importance, tant que la croyance de la demanderesse selon laquelle M. Demitor a utilisé des renseignements confidentiels était raisonnable. Et cela n’a pas été contesté.

C.  Le personnel de la Commission, en particulier Mme Lagacé, a fait preuve d’étroitesse d’esprit

[74]  La demanderesse a traité tôt dans le processus avec Mme Lagacé. Le personnel de la Commission doutait que la Commission avait compétence pour instruire la plainte de la demanderesse.

[75]  Fondamentalement, Mme Lagacé, à titre de chef d’équipe en règlement anticipé, craignait que la demanderesse, [traduction] « en tant que société », n’ait pas qualité pour agir devant la Commission. Lorsque la demanderesse a discuté de la question avec Mme Lagacé, la demanderesse s’inquiétait du fait que Mme Lagacé aurait une influence indue sur la décision qui serait rendue par la Commission, malgré le fait que Mme Lagacé a indiqué que l’absence de relation employeur/employé était ce qu’elle pensait, en plus d’indiquer que la décision était celle de la Commission (affidavit de Suzanne Demitor, pièce J, notes de la demanderesse sur sa conversation avec Mme Lagacé).

[76]  La Commission n’était évidemment pas d’accord avec le point de vue exprimé par Mme Lagacé (décision du 13 août 2015). Néanmoins, Mme Demitor a continué de nourrir des doutes au sujet de Mme Lagacé puisque son nom a fait surface au cours du processus d’enquête, y compris le fait qu’elle a transmis la recommandation finale le 28 décembre 2016 à la Commission et que, malgré son assurance selon laquelle la correction de la date avait été communiquée à la Commission, le dossier révèle que l’échange de courriels à cet effet ne figurait pas dans le dossier examiné par la Commission.

[77]  Le critère relatif à la partialité applicable à l’étape de l’enquête a été officiellement examiné dans la décision Zündel c Canada (Procureur général), [1999] 4 CF 289 [Zündel], jugement rendu par le juge Evans, plus tard juge en chef. Pour l’emporter, il doit être démonté que les enquêteurs ou les commissaires ont fait preuve d’étroitesse d’esprit.

[19]  À mon avis, la norme d’impartialité applicable aux enquêteurs et aux membres de la Commission est parmi les moins sévères, du moins lorsque les allégations de partialité sont fondées sur le fait qu’ils ont exprimé des opinions qui témoignent d’un préjugement des questions à l’étude. Pour s’acquitter du fardeau qui lui incombe dans la présente affaire, le demandeur doit démontrer que Mme Falardeau-Ramsay avait l’esprit fermé lorsqu’elle a participé à la décision de la Commission de déférer les plaintes déposées contre lui à un Tribunal. Cette conclusion s’appuie sur les trois motifs suivants.

[78]  Cela ne doit pas être confondu avec la crainte raisonnable de partialité qui est la norme applicable aux tribunaux ou à d’autres instances juridictionnelles. Le juge Marc Noël, alors juge de la Cour, a écrit, dans la décision Société Radio-Canada c Canada (Commission canadienne des droits de la personne), (1993), 71 FTR 214 [SRC], à la page 225, lorsqu’il a pris en considération le critère approprié pour la Commission :

[L]e critère ne repose donc pas sur le point de savoir si l’on peut raisonnablement discerner un parti pris, mais plutôt si l’on s’est tellement écarté de la norme de l’ouverture d’esprit qu’on pourrait avec raison affirmer qu’il y a eu préjugement de la question portée devant l’organisme d’enquête.

[79]  Ce qui constitue un esprit fermé est donc plus difficile à établir que le critère de la crainte raisonnable de partialité. Il s’agit d’un critère plus élevé à satisfaire pour une personne qui prétend qu’un organisme d’enquête a fait preuve d’étroitesse d’esprit. Le critère est plutôt celui qui a été présenté en ces termes par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland Telephone Co. c Terre-Neuve (Board of Commissioners of Public Utilities), [1992] 1 RCS 623, [Newfoundland Telephone Co.] :

Les membres de la Commission doivent avoir au stade de l’enquête une grande latitude pour faire des commentaires publics. Pourvu que ces déclarations ne témoignent pas d’un esprit à ce point fermé qu’il serait inutile de présenter des arguments contraires, on ne devrait pas pouvoir les attaquer en invoquant la partialité.

(à la page 642)

[80]  Il y a deux raisons pour lesquelles les arguments de la demanderesse ne sont pas convaincants. Premièrement, il n’y a aucune preuve que Mme Lagacé était fermée au point que les observations étaient futiles. Deuxièmement, il n’y a aucune preuve que Mme Lagacé joue un rôle dans l’enquête ou qu’elle est responsable de la recommandation finale faite à la Commission par l’enquêteur qui a examiné la preuve et interrogé des témoins. En fait, en l’espèce, les deux enquêtes ont donné l’avantage à la demanderesse jusqu’au bout, sauf, bien sûr, lorsque la deuxième enquête a conclu que l’explication de la résiliation de l’entente contractuelle donnée par la défenderesse était selon toute vraisemblance exacte et que la résiliation est survenue pour des raisons discriminatoires. La défenderesse a été mise à l’épreuve de justifier son action de licencier une personne qui était dans une relation qui n’était pas la relation traditionnelle employeur-employé et où les allégations quant à l’âge et l’état matrimonial restaient minces.

[81]  Le premier contact avec Mme Lagacé s’est produit en septembre 2014 après que la demanderesse eut été avisée que le personnel de la Commission soulevait une question concernant la compétence de la Commission. Il n’est pas surprenant que le personnel exprime l’idée qu’il estime que la Commission n’a pas compétence. S’il n’estimait pas qu’il y avait une question en litige, il n’y aurait aucune raison de la soulever. En dépit des craintes initiales de la demanderesse, le rapport d’enquête conclut que l’affaire devrait être examinée quant au fond et la Commission convient qu’elle a compétence dans les circonstances.

[82]  Par conséquent, la plainte a fait l’objet d’une enquête. Rien n’indique que Mme Lagacé a joué un quelconque rôle ou que l’intégrité de l’enquêteur, qui a signé le rapport d’enquête, peut être remise en question. S’il y avait eu une quelconque indication d’un esprit fermé, il est très douteux que l’enquête ait dépassé la première étape. Non seulement l’enquête a conclu que la demanderesse était employée par la défenderesse et que l’emploi a pris fin, mais il devait y avoir une conclusion selon laquelle il y avait un lien avec l’état matrimonial ou l’âge pour que l’enquête passe à la deuxième étape. La demanderesse a bénéficié d’une décision favorable jusqu’à la première étape. Pour cela, l’enquêteur devait examiner s’il existait une explication raisonnable de ce qui s’est passé qui n’est pas un prétexte à la discrimination fondée sur un motif illicite, et ce fardeau incombe à la défenderesse. En d’autres mots, la demanderesse a bénéficié d’une pleine enquête, et non d’une enquête abrégée sur une question de compétence ou parce que les allégations de discrimination étaient si minces. La demanderesse a eu pleinement l’occasion de présenter son dossier et elle a eu l’avantage que la défenderesse a dû expliquer ses actions.

[83]  Rien ne prouve que Mme Lagacé eût exercé une influence indue sur le processus d’enquête. Je ne vois pas où il peut y avoir d’esprit fermé. Dans l’arrêt Newfoundland Telephone Co., un commissaire de la Commission des services publics (Public Utilities Board) avait formulé de nombreux et vigoureux commentaires publics concernant l’appelante Newfoundland Telephone Company, mais la Cour n’a pas jugé qu’il y avait là un esprit fermé :

Qu’en est-il donc des déclarations de M. Wells? Certes, un commissaire peut se permettre, au cours d’une enquête, de faire des déclarations publiques concernant celle-ci. Bien qu’il vaille peut-être mieux se taire, aucun préjudice irréparable ne découlerait du fait pour un commissaire de s’inquiéter de l’importance des salaires des cadres et de leurs pensions. Il ne serait pas déplacé non plus de souligner au nom de tous les consommateurs que dans le cadre de l’enquête on [TRADUCTION] « mettra tout en œuvre » pour déterminer si les dépenses ou les tarifs sont convenables et raisonnables. Les membres de la Commission doivent avoir au stade de l’enquête une grande latitude pour faire des commentaires publics. Pourvu que ces déclarations ne témoignent pas d’un esprit à ce point fermé qu’il serait inutile de présenter des arguments contraires, on ne devrait pas pouvoir les attaquer en invoquant la partialité.

Les déclarations faites par M. Wells avant le début de l’enquête, le 19 décembre, ne semblent pas le fait d’un esprit fermé. Par exemple, il n’y a rien à redire à sa déclaration: « Alors, je veux que la société soit traduite devant nous -- tous ces richards aux grosses pensions -- pour qu’ils justifient (ces frais) sous le regard du public [...] Je crois que les abonnés ont droit à l’assurance de notre intention de ne pas permettre à cette société de se montrer trop prodigue. »  Elle n’est que l’expression colorée que les salaires et les prestations de retraite paraissaient déraisonnablement élevées. Elle ne révèle pas un esprit fermé. Pas même la déclaration de Wells qu’il tenait ces dépenses pour injustifiables n’est indicative d’un esprit fermé. Si toutefois un commissaire déclarait qu’aucun élément de preuve recueilli au cours de l’enquête ne lui ferait changer d’avis, ce serait là une indication d’un esprit fermé. Même au stade de l’enquête, des déclarations traduisant un esprit fermé au point de rendre vain tout argument contraire justifieraient qu’on invoque la crainte de partialité. Cependant, la déclaration citée de M. Wells a été faite le 13 novembre, soit trois jours après que la tenue de l’audience eut été ordonnée. Une fois fixée la date de l’audience, les parties étaient en droit de s’attendre que la conduite des commissaires soit de nature à ne susciter aucune crainte raisonnable de partialité. Tel a été l’effet du commentaire de M. Wells.

(aux pages 642 et 643)

Il n’y a rien de la sorte dans le cas présent. Même les notes de la demanderesse révèlent que Mme Lagacé indiquait qu’il s’agissait de son point de vue sur la question de compétence et non du point de vue de la Commission, ne montrant aucune animosité à l’égard de la demanderesse, mis à part peut-être la propre perception de la demanderesse selon laquelle Mme Lagacé n’était pas favorable à sa cause. Cela ne correspond pas au critère d’un « esprit fermé ».

[84]  Il revenait à la demanderesse de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y avait, [traduction] « as a matter of fact » (SRC, au paragraphe 48) (dans la version anglaise du jugement), un esprit fermé (Zündel, au paragraphe 31) de la part de Mme Lagacé. Le critère de l’esprit fermé nécessite qu’il soit démontré que l’esprit est « à ce point fermé qu’il serait inutile de présenter des arguments contraires » (Newfoundland Telephone Co., à la page 642). La preuve en l’espèce démontre le contraire. Dans la décision SRC, le personnel de la Commission avait évalué la plainte et avait décidé que, même si elle avait été produite hors délai, elle devait procéder à l’enquête. Le rapport à la Commission comportait des lacunes. La Cour a conclu ce qui suit :

[traduction] [51]  Le directeur régional et l’enquêteuse ont pris part à la préparation du rapport. Les lacunes de celui-ci ont déjà été relevées. Il est clair à mes yeux que le directeur régional et l’enquêteuse avaient décidé à l’avance de la recommandation qui figurerait dans le rapport. Ils avaient préjugé de la question et, en fonction de cela, invité Mme Paul à maintenir sa plainte. Cela, Mme Paul le fit, semble-t-il, dans une certaine mesure au détriment de sa vie privée, le directeur général et l’enquêteuse sachant les incidences que tout cela pourrait avoir sur la situation de Mme Paul. Cela étant, il est clair que, après avoir dit à Mme Paul que sa plainte ferait l’objet d’une enquête, les agents de la Commission se sont départis de l’objectivité que supposent leurs fonctions qui consistent à rédiger, à l’intention de la Commission, des conclusion [sic] équitables et impartiales sur le problème des délais.

[52]  La Commission a fait sienne la recommandation contenue dans le rapport, sans motiver sa décision. Elle adopta le rapport, supposant, il est clair, que celui-ci correspondait à un exposé équitable et impartial de tous les faits pertinents. L’objectivité des membres de la Commission n’est pas ici en cause, mais il semble évident qu’en adoptant ce rapport défectueux, la Commission a rendu une décision sans tenir compte de l’ensemble des faits pertinents.

[85]  Là encore, rien de la sorte n’est allégué en l’espèce. Au mieux, la demanderesse a simplement affirmé que Mme Lagacé a joué un rôle dans cette affaire, ce qui ne peut pas être nié, et présentait un esprit fermé, sans en démontrer la manière. L’importance du rôle et le fait d’avoir un esprit fermé sont des spéculations. Après la conversation entre la demanderesse et Mme Lagacé en mars 2015, il n’y a eu aucune autre communication personnelle avec la demanderesse. J’ai lu le contre-interrogatoire de l’affidavit de la demanderesse. Elle reconnaît aux questions 321 et 324 que rien ne démontre que Mme Lagacé a influencé indûment l’enquêteur. Le rapport d’enquête a été conclu le 21 octobre 2017. Il ne semble pas qu’il ait été modifié par la suite. Le 28 décembre 2016, Mme Lagacé a informé le greffe de la Commission que le cas était prêt pour la prochaine réunion de la Division II de la Commission. Elle transmet à la Commission la recommandation formulée dans le rapport d’enquête et rien de plus.

[86]  En fait, le contre-interrogatoire établit à mon avis que les conversations de février et de mars 2015 portaient sur la question de compétence. La demanderesse semble avoir vu dans ce qu’elle considérait comme une attitude dédaigneuse de la part de Mme Lagacé à l’égard de la question de compétence une opinion selon laquelle sa plainte était sans fondement (réinterrogatoire, Q363). Le contre-interrogatoire ne permet pas de conclure que Mme Lagacé a exprimé une opinion autre que celle selon laquelle la Commission n’avait pas compétence en raison de l’absence d’une relation employeur-employé appropriée. Comme nous le savons, le rapport d’enquête ne partageait pas ce point de vue et la Commission en a convenu. Sans aucune preuve de participation à l’enquête, après que la Commission a conclu qu’elle avait compétence, il n’y a simplement pas de preuve d’un esprit fermé au point que toute observation soit futile.

[87]  Même l’épisode concernant la correction de la date tendrait à montrer que Mme Lagacé a demandé que l’échange de courriels soit versé au dossier. Comme j’ai essayé de le montrer, l’importance de cette erreur a été démontrée lorsque l’accès à des renseignements confidentiels s’est avéré sans importance. C’est en fait ce que la demanderesse a affirmé dans son courriel du 9 janvier 2017. La preuve démontre plutôt qu’une enquête a été menée et que l’enquête a mené à la conclusion que la résiliation découlait du courriel du 16 juillet 2013, et non de l’âge ou de l’état matrimonial. Ce fut la seule décision rendue. Comme l’indique le rapport au paragraphe 77, [traduction] « [il] ne revient pas à la Commission d’enquêter sur la question de savoir si la plainte a été justement rejetée ». L’enquête a été limitée à la plainte présentée et ce n’est pas contesté devant la Cour. Il n’y a aucune preuve d’un esprit si fermé que des arguments seraient futiles et rien n’indique non plus que Mme Lagacé ait joué un rôle dans l’enquête, ce qui a permis de conclure possiblement à l’existence d’un esprit fermé.

VI.  Conclusion

[88]  Les faits de l’espèce sont relativement simples. La relation contractuelle qui permettait à Mme Demitor d’offrir ses services à Westcoast Energy a pris fin une semaine après que son mari, M. Demitor, a écrit un courriel aux représentants de Westcoast Energy. Le courriel était considéré comme menaçant et contenait des renseignements confidentiels qui n’auraient pas dû être entre les mains de M. Demitor.

[89]  La demanderesse a prétendu qu’il y a eu discrimination fondée sur son âge et son état matrimonial. Elle s’est plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne.

[90]  Malgré les doutes initiaux sur la compétence de la Commission de la part de certains membres du personnel, l’enquête sur la question de la compétence a conclu que la Commission avait compétence. La Commission en a convenu. L’enquête sur le bien-fondé de la plainte s’est ensuivie. La Commission a approuvé le rapport d’enquête qui a permis à la demanderesse de bénéficier d’une conclusion, à la première étape de l’enquête, selon laquelle Westcoast Energy devait justifier son action. Ce n’est pas important.

[91]  La Commission était convaincue de deux choses :

  • la défenderesse a perçu que le courriel était menaçant et qu’il venait d’une personne qui agissait en tant que représentant de la demanderesse;

  • les renseignements utilisés dans le courriel étaient perçus comme une violation des modalités du contrat de la demanderesse.

La défenderesse a agi d’une manière qu’elle jugeait appropriée compte tenu de ses propres conclusions relatives à la nature menaçante du courriel et de l’utilisation des renseignements confidentiels. De plus, la Commission a jugé que les allégations de discrimination étaient de simples affirmations.

[92]  La Commission a conclu que son rôle est limité : il lui suffit d’être convaincue que Westcoast Energy n’a pas exercé de discrimination à l’égard de Mme Demitor conformément à la Loi et non de savoir si la résiliation était justifiée. La Commission a ainsi rejeté la plainte au motif que l’explication entourant la résiliation était raisonnable, et non un prétexte discriminatoire.

[93]  La demanderesse n’a pas contesté le bien-fondé des conclusions comme étant déraisonnable. Elle a plutôt choisi de soutenir que le processus était entaché d’irrégularités et que l’équité procédurale avait été violée. À mon avis, ce n’était pas le cas et il n’y a pas d’erreur susceptible de révision. Malgré la tentative de la demanderesse de faire de la correction de la date une question importante, il s’agit en grande partie d’un non-enjeu : rien ne permettait de déterminer si la Commission avait été saisie de la correction ou non. Comme la demanderesse l’a elle-même affirmé, cette erreur de sa part n’a rien changé à ses arguments. En outre, l’explication de la résiliation du contrat était convaincante et la demanderesse [traduction] « n’a toutefois pas été en mesure de fournir des renseignements pour soutenir que son âge ou son état matrimonial constituait un facteur dans la décision de la défenderesse » (rapport d’enquête, au paragraphe 78). La date à laquelle Mme Demitor a perdu l’accès direct aux renseignements confidentiels de la défenderesse n’avait que peu ou pas d’importance.

[94]  La demanderesse a également affirmé que l’enquête n’a pas été menée avec rigueur. Elle s’est plainte que l’enquêteur n’avait pas interrogé Rob Conrad, qui était le représentant de Westcoast Energy responsable du congédiement. Il ne suffit tout simplement pas de satisfaire au critère juridique pour spéculer que [traduction] « des éléments de preuve utiles pourraient être obtenus en interrogeant » M. Conrad. La demanderesse a également affirmé qu’elle avait indiqué que M. Demitor était son agent le 17 juillet 2013, soit le lendemain du courriel. Cependant, la preuve démontre clairement que M. Demitor se présentait comme le représentant de la demanderesse dans le courriel du 16 juillet et que, par le passé, il avait eu des contacts avec des représentants de Westcoast Energy. Personne ne peut sérieusement mettre en doute qu’il agissait pour le compte de la demanderesse et en tant que son représentant à ces occasions.

[95]  Finalement, la demanderesse affirme que le personnel de la Commission a eu un esprit fermé. Cet argument est sans fondement compte tenu de la preuve. Non seulement l’enquête a été menée malgré une incertitude initiale quant à la compétence de la Commission pour instruire la plainte, mais l’enquête a été menée jusqu’à la deuxième étape, où la défenderesse avait le fardeau de fournir une explication raisonnable. Même la demanderesse a dû admettre en contre-interrogatoire dans son affidavit qu’elle n’avait fourni aucune preuve de l’implication d’un membre du personnel particulier dans l’enquête sur sa plainte ou sur son bien-fondé.

[96]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée, les dépens étant accordés à la défenderesse conformément à l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-343-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens, conformément à l’article 407 des Règles, sont adjugés à la défenderesse.

« Yvan Roy »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour de juillet 2020

Lionbridge


ANNEXE A

Bonjour Bruce,

Ici Tim Demitor, de Cicada Systems. Nous avons brièvement parlé au téléphone la semaine dernière. J’ai regardé certains documents qui m’ont été donnés récemment, et j’avais quelques questions sur le système IEPC (inventaire environnemental et des produits chimiques) remontant à 2005.

En 2005, on nous a dit que 50 pour cent allait dans le système EPASS et que, par conséquent, le financement adéquat n’a pas été libéré pour que le système reste à jour et conforme. Si vous pouvez vous souvenir de l’équipe de direction qui y a directement pris part, cela serait utile à l’avenir afin d’éviter toute confusion ou mauvaise communication entre Cicada et Spectra sur la question. Certains d’entre vous à qui une copie conforme a été envoyée pourraient vouloir dire votre mot, si vous avez pris part au système IEPC de 2005 à ce jour.

Au plus tard en 2010, il était évident que le système EPASS n’allait rien développer pour le système IEPC et nous avons été invités à fournir une proposition pour traiter les déficiences majeures du système IEPC et des fiches signalétiques des cinq dernières années et en assurer la conformité aux normes réglementaires. Cette proposition n’a pas été acceptée et Cicada devait essentiellement trafiquer le système pour tenter de respecter les échéances de l’INRP seulement. Parallèlement, Spectra intégrait un nouveau fournisseur de fiches signalétiques (Safetec) et il vous a été fortement recommandé que Cicada reprenne ses rapports comme elle l’a fait avec BC Hydro pour s’assurer que la base de données M505 était à jour et crédible. Le financement pour cela a également été refusé et maintenant nous avons ce qui semble être des problèmes majeurs avec la crédibilité des fiches signalétiques. Nous avons également fait des évaluations subséquentes de Safetec, dont la dernière recommandation reste à approuver. Étant donné que vous étiez responsable de 50 pour cent pendant la période en question, j’aimerais savoir quels membres de la direction ont participé au processus décisionnel décrit ci-dessus et à qui a été remis le sommaire du système IEPC, daté de novembre 2010, que j’ai inclus. Rob travaille actuellement pour le système IEPC et je suis convaincu qu’il a une bonne compréhension de ce qui était nécessaire pour faire avancer les choses.

En tant que consultant spécialisé dans la responsabilité réglementaire en matière de produits chimiques, une partie de notre fonction et de notre responsabilité est d’informer nos clients s’ils font des choses qui seraient mal perçues dans le cas d’un audit réglementaire. Une partie de notre diligence raisonnable consiste à attribuer l’imputabilité à certaines décisions concernant les questions de réglementation afin que nous puissions mieux servir nos clients et les conseiller à l’avenir.

Cicada fait partie intégrante du système IEPC. Suzanne a aidé à l’élaborer et elle a les connaissances essentielles à son succès, que ce système reste, ou non, autonome. Si le souhait de Spectra est d’intégrer le système IEPC au système EPASS, pouvoir compter sur Cicada est essentiel pour éviter des obstacles au développement similaires à ceux rencontrés lors du développement lié aux émissions atmosphériques.

Étant donné que les budgets font actuellement l’objet de discussions et que Matthew a été chargé d’évaluer le système IEPC et son éventuelle intégration dans le système EPASS, cette question doit être traitée immédiatement afin que nous puissions éviter d’autres obstacles pour le système IEPC et les fiches signalétiques. Ces systèmes doivent être à jour et crédibles, peu importe que le système IECP soit ou non intégré dans le système EPASS.

Cordialement,

Tim Demitor

Demitor Holdings, inc.

faisant affaire sous le nom de Cicada Systems


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-343-17

 

INTITULÉ :

SUZANNE DEMITOR c WESTCOAST ENERGY INC., (faisant affaire sous le nom de SPECTRA ÉNERGIE TRANSMISSION)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Lindsay Lyster

Sara Hanson

 

Pour la demanderesse

 

David G. Wong

Gosia Piasecka

 

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Moore Edgar Lyster

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour la demanderesse

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour la défenderesse

 

 

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