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Date : 20170203


Dossier : DES-4-16

Référence : 2017 CF 78

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 février 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

AWSO PESHDARY

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS PUBLICS

(Ordonnance et motifs très secrets rendus le 20 janvier 2017)

I.                    Aperçu

[1]               Le procureur général du Canada (PGC) a présenté une demande en vue d’obtenir une ordonnance concernant la divulgation de renseignements qui ont fait l’objet de trois avis présentés à l’avocat du Service des poursuites pénales du Canada. Le PGC n’a pas autorisé la divulgation de renseignements à la personne touchée, M. Awso Peshdary, qui fait l’objet d’accusations relatives à des infractions de terrorisme. La position du PGC soutient que la divulgation de ces renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale, selon le processus et les pouvoirs établis en application des articles 38.01, 38.03 et 38.06 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5. Le PGC me demande de confirmer la non-divulgation des renseignements en litige.

[2]               Pour m’aider à examiner la demande du PGC, j’ai nommé M. Ian Carter en qualité d’amicus curiae. En outre, j’ai tenu une audience à huis clos pendant laquelle un représentant du Service canadien du renseignement de sécurité a témoigné et a été contre‑interrogé par M. Carter. J’ai ensuite entendu les observations de l’avocat du PGC, M. Andre Seguin, et de M. Carter sur les questions de savoir si la non-divulgation était justifiée dans l’intérêt de la sécurité nationale et si l’intérêt public à l’égard de la divulgation devait l’emporter sur cet intérêt. Plus particulièrement, M. Carter a présenté des observations à l’égard de l’importance que certains renseignements pourraient avoir pour la capacité de M. Peshdary de présenter une réponse et une défense complètes aux chefs d’accusation qui pèsent contre lui.

[3]               Avant l’audience, et même pendant celle‑ci, M. Seguin et M. Carter ont convenu que certains des renseignements soulevaient manifestement des préoccupations en matière de sécurité nationale. De plus, M. Seguin a concédé que certaines parties caviardées pouvaient maintenant être divulguées. En conséquence, quelques parties seulement de deux documents demeurent en litige. Le premier document (que je désignerai comme le document no 7) correspond à un ensemble de notes dactylographiées préparées par un agent de la GRC pendant une rencontre avec un policier potentiel, nommé Abdullah Milton. Deux lignes seulement du document de quatre pages sont en litige. Le deuxième document (document no 8) est une transcription de 251 pages d’une entrevue menée par deux agents de la GRC avec M. Milton. Le PGC demande le caviardage de plusieurs parties du document, essentiellement pour des motifs liés à la sécurité nationale.

[4]               Compte tenu de l’accord entre M. Seguin et M. Carter à l’égard de la nécessité de protéger certains passages dans les deux documents en question, je n’ai à me pencher que sur ceux pour lesquels la divulgation représente un véritable litige. J’ai résumé mes conclusions dans l’annexe ci‑jointe. L’annexe présente les passages caviardés qui, à mon avis, doivent le demeurer, les passages caviardés qui, à mon avis, devraient être divulgués (ou que le PGC a accepté de divulguer) ainsi que les passages caviardés qui, à mon avis, peuvent être remplacés par un résumé ou le contenu des passages caviardés.

II.                 Les principes juridiques applicables

[5]               La première étape consiste à examiner la pertinence des renseignements que le PGC cherche à protéger (Canada (Procureur général) c Ribic, 2003 CAF 246, au paragraphe 17). En l’espèce, je dois examiner la pertinence des renseignements, non seulement pour la défense de M. Peshdary, mais aussi à l’égard de sa requête pendante concernant la production de documents en la possession du SCRS.

[6]               La deuxième étape consiste à établir si l’allégation d’atteinte à la sécurité nationale du PGC est bien fondée. Les observations du PGC doivent se voir accorder un poids considérable et être évaluées sur la norme de la décision raisonnable (Ribic, aux paragraphes 18 et 19).

[7]               La troisième étape exige de soupeser l’intérêt public à l’égard de la divulgation les intérêts à l’égard de la non-divulgation, et voir lequel des deux l’emporte. Soupeser les intérêts rivaux requiert l’examen d’un certain nombre de facteurs, dont la nature de l’intérêt public en cause, la valeur des renseignements pour la défense, le sérieux de l’accusation soulevée et l’exigence d’autres moyens d’obtenir les renseignements (Ribic, aux paragraphes 21 et 22).

III.               Conclusion et décision

[8]               Les renseignements non divulgués semblent généralement pertinents et liés à des préoccupations en matière de sécurité nationale. Il faut alors se demander comment soupeser ces préoccupations par rapport à l’intérêt public à l’égard de la divulgation.

[9]               Les renseignements qui, selon le PGC, ne devraient pas être divulgués se rapportent principalement aux méthodes et aux techniques utilisées par le Service canadien du renseignement de sécurité dans la collecte de renseignements. [caviardé]. La divulgation de ces renseignements, selon le PGC, révélerait plusieurs méthodes employées par le Service dans l’exécution de son mandat d’enquêter sur les menaces pour la sécurité du Canada. La divulgation de ces méthodes porterait atteinte à la capacité du Service d’y avoir recours.

[10]           Je commencerai par les renseignements qui, comme en convient le PGC, peuvent désormais être divulgués. Ces renseignements portent sur le contact initial entre le Service et M. Milton, et sur le fait que M. Milton a pris des notes sur ces discussions avec M. Peshdary. Ces renseignements sont traités de deux façons dans l’annexe ci-dessous. Dans certains cas, le passage entièrement caviardé a été divulgué intégralement, avec la note [traduction] « Le PGC accepte la divulgation ». Dans d’autres cas, lorsque les renseignements à divulguer apparaissent à côté de renseignements qui demeureront caviardés, j’ai fourni un texte de remplacement pour le texte caviardé.

[11]           J’ai conservé le caviardage qui concerne essentiellement de manière manifeste les méthodes et techniques non évidentes du Service, [caviardé]. Dans ces passages, l’intérêt à l’égard de la confidentialité l’emportait sur l’intérêt public à l’égard de la divulgation. Plus particulièrement, la valeur de ces renseignements pour la défense semble minime.

[12]           M. Carter était essentiellement préoccupé par des renseignements liés à un arrangement financier entre le Service et M. Milton. M. Carter a fait valoir que ces renseignements seraient essentiels à la défense dans le procès de M. Peshdary en plus d’être hautement pertinents à la demande de production de dossiers de tiers de M. Peshdary. Le PGC concède essentiellement que le fait qu’il existait un arrangement financier avec M. Milton peut être divulgué. Cependant, le PGC fait valoir que les détails de cet arrangement ne devraient pas être divulgués. Agir ainsi placerait le Service dans une position difficile concernant d’autres sources, passées, présentes et futures, qu’elles soient rémunérées ou non. De plus, cela équivaudrait à révéler des techniques que le Service emploie dans le traitement de ses sources.

[13]           Je suis convaincu que l’existence d’un arrangement financier entre le Service et M. Milton constitue une information importante pour la défense et qu’elle devrait être divulguée. Cependant, je ne suis pas convaincu, à ce stade, que d’autres détails soient nécessaires. Par conséquent, je préserverai le caviardage en ce qui concerne ces détails tout comme je l’ai fait concernant d’autres détails relatifs au traitement des sources.

[14]           En ce qui concerne un autre sujet, M. Carter a demandé la possibilité de formuler d’autres observations si des renseignements supplémentaires sont mis au jour au moyen d’une demande de M. Peshdary en vue d’obtenir des dossiers de tiers auprès du Service. Effectivement, il pourrait s’avérer nécessaire de revenir devant la Cour ultérieurement, dépendamment de l’issue de cette demande. Une autre procédure en application de l’article 38 pourrait être requise. Le cas échéant, et si d’autres observations à l’égard de quelques‑unes des questions traitées dans la présente instance sont appropriées dans ce contexte, il s’agirait du forum approprié pour les présenter.

[15]           J’ai rédigé les présents motifs dans le but de les rendre publics. Cependant, j’accorderai une du temps au PGC pour les examiner et m’informer de toutes les préoccupations à propos de leur publication.


ORDONNANCE dans DES-4-16

LA COUR STATUE que :

1.      Les parties des documents no 7 et no 8 indiquées dans l’annexe ci‑jointe seront divulguées, non divulguées ou remplacées, selon le cas, conformément aux conclusions établies aux présentes.

2.      À moins que le Procureur général du Canada en appelle de la présente ordonnance, la divulgation peut être rendue à l’expiration de la période d’appel ou lorsque le procureur général du Canada décidera qu’aucun appel ne sera présenté.

3.      Le procureur général du Canada informera la Cour dans les cinq jours de toute préoccupation à propos de la publication de la présente ordonnance et des présents motifs. L’amicus peut présenter des observations en réponse dans les trois jours suivant la réception des observations du procureur général du Canada.

« James W. O’Reilly »

Juge


Annexe

Texte caviardé

Nature de l’allégation en matière de sécurité

Conclusions

Document no 7, page 3

[Caviardé]

Remplacé par : « L’agent obtient des renseignements auprès de Peshdary et les consigne. »

Document no 8, page 50, lignes 27 à 29

[Caviardé]

Remplacé par : « Le Service a communiqué avec moi et a demandé une rencontre. »

Document no 8, page 51, lignes 1 à 4

[Caviardé]

Remplacé par : « Nous nous sommes rencontrés de temps à autre par la suite. »

Document no 8, page 51, lignes 10 à 11

[En blanc/blank]

Le PGC accepte de divulguer le passage.

Document no 8, page 56, lignes 7 à 8

Mention d’un arrangement financier

Le passage devrait être divulgué.

Document no 8, page 62, lignes 25 à 26

[Caviardé]

Remplacé par : « Il s’agissait seulement, il s’agissait seulement d’un aurevoir. »

Document no 8, page 66, lignes 13 à 14

[En blanc/blank]

Le PGC accepte de divulguer le passage.

Document no 8, page 67, lignes 7 à 8

[En blanc/blank]

Le PGC accepte de divulguer le passage.

Document no 8, page 70, lignes 13 à 15

[Caviardé]

Remplacé par : « Je consignerai mes notes. »

Document no 8, page 70, lignes 17 à 18

[Caviardé]

Remplacé par : « J’apporte alors mes notes. »

Document no 8, page 70, lignes 20 à 21

[Caviardé]

Remplacé par : « Et je leur montre mes notes. »

Document no 8, page 78, lignes 17 à 19, 21 et 22, 27 à 28

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document 8, page 79, lignes 3, 5 et 6, 8 et 9

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document 8, page 88, lignes 15 et 16, 18, 20 et 21

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document no 8, page 89, lignes 9 à 11, 13 et 14, 16, 18 à 20

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document no 8, page 96, ligne 30; page 97, lignes 1, 3 et 4

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document no 8, page 135, lignes 26 à 27

[En blanc/blank]

Le PGC accepte de divulguer le passage.

Document no 8, page 140, lignes 17, 19; page 141, ligne 1

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document no 8, page 181, lignes 4, 10, 16

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document no 8, page 185, lignes 22 et 23

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

Document no 8, page 187, lignes 7 à 9, ligne 17

[Caviardé]

Non-divulgation confirmée.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

DES-4-16

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c AWSO PESHDARY

 

LIEU DE L’AUDIENCE À HUIS CLOS :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE À HUIS CLOS :

LE 12 JANVIER 2017

 

ORDONNANCE ET MOTIFS TRÈS SECRETS :

LE JUGE O’REILLY.

 

ORDONNANCE ET MOTIFS TRÈS SECRETS RENDUS :

LE 20 JANVIER 2017

ORDONNANCE ET MOTIFS PUBLICS PUBLIÉS :

LE 3 FÉVRIER 2017

Comparutions :

Me Andre Seguin

Me Marc Edmunds

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Ian Carter

 

AMICUS CURIAE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bayne, Sellar, Boxall

Avocats

Ottawa (Ontario)

AMICUS CURIAE

 

 

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