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Date : 20180126


Dossier : IMM-861-17

Référence : 2018 CF 84

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 janvier 2018

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

RANDEEP SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), à l’encontre d’une décision rendue par une agente des visas (l’agente) qui a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur au titre de la catégorie des travailleurs autonomes dans la catégorie « immigration économique ».

II.  Contexte

[2]  Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il est marié et a un enfant. Il cultive depuis plusieurs années des terres qu’il loue de son père, en Inde.

[3]  En avril 2014, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie « immigration économique ». Plus précisément, il a présenté une demande au titre de la catégorie des travailleurs autonomes, le demandeur ayant l’intention d’acheter et de gérer une exploitation agricole conformément au paragraphe 88(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Ses observations incluaient entre autres des renseignements financiers et une déclaration sous serment de son père.

[4]  Le 30 janvier 2017, l’agente a mené une entrevue avec le demandeur, à New Delhi. L’entrevue, d’une durée de 20 minutes, s’est déroulée en pendjabi. Voici un extrait des notes d’entrevue de l’agente : [traduction] 

  • Le demandeur a déclaré que son oncle vivait à Brampton et qu’il était agent immobilier.
  • Le demandeur a indiqué qu’il travaillait comme agriculteur depuis 2003. Il cultivait 24 acres de terre, dont 11 appartenaient à son père; le reste des terres étaient louées. Il y cultivait du blé, du riz et de la betterave à sucre;
  • Il a mentionné qu’il avait l’intention de cultiver des terres au Canada, sans toutefois préciser d’endroit. Son oncle lui aurait dit qu’il pourrait trouver un endroit près de Brampton.
  • Le demandeur a indiqué qu’il voulait acheter de huit à dix acres. Interrogé sur le coût des terres, le demandeur a répondu que les taux variaient.
  • Interrogé sur la taille moyenne des exploitations agricoles au Canada, le demandeur a répondu que la superficie variait de 10 à 70 acres.
  • Interrogé sur les cultures qu’il avait l’intention de cultiver, il a dit qu’il ne savait pas encore et que son choix serait fait en fonction des conditions climatiques et de la rentabilité.
  • Interrogé sur les cultures produites dans la région visée, il a répondu le blé, l’orge et le soya. Le demandeur ne savait pas quelles variétés de blé étaient cultivées dans la région et ne connaissait pas le prix de gros de ces cultures.
  • Il a déclaré qu’il investirait 200 000 $ provenant de la vente de la moitié de la propriété de son père.
  • Il ne savait pas dans quelle région du Canada se trouvait Brampton.
  • Il ne connaissait pas la capitale du Canada.
  • Il ne savait pas quelles provinces bordaient l’Ontario.
  • Lorsque l’agente lui a demandé quelle était la température moyenne en janvier dans cette région, le demandeur a répondu qu’il ne le savait pas, mais que le temps était frais.
  • Interrogé sur les dépenses qu’il aurait à assumer, outre l’achat des terres, le demandeur a mentionné la machinerie agricole. Il n’en connaissait pas le prix, mais a estimé que cela devrait coûter environ 50 000 $ au total.
  • Il a dit avoir une certaine connaissance des ordinateurs et d’Internet. Il a toutefois été incapable de mentionner un site Web en particulier qu’il avait consulté, mais a dit avoir fait des recherches sur Google.
  • Interrogé sur les recherches qu’il avait faites sur l’économie, les marchés, le climat et la démographie en Ontario, il a déclaré qu’il s’était renseigné sur le climat et les cultures. Lorsque l’agente lui a demandé d’être plus précis, le demandeur a indiqué qu’il connaissait les périodes de culture.
  • Interrogé sur les réseaux de distribution mis à la disposition des agriculteurs au Canada, le demandeur a déclaré que les produits agricoles étaient vendus dans les supermarchés, les marchés de producteurs, etc.
  • Interrogé sur les organismes gouvernementaux présents dans la région pour aider les agriculteurs, le demandeur a mentionné la Fédération de l’agriculture de l’Ontario qui fournit des semences, des produits antiparasitaires, etc.; il ne savait toutefois pas où se trouvait son bureau.
  • Interrogé sur les recherches qu’il avait faites pour connaître le taux de rendement des investissements en agriculture, le demandeur a indiqué un taux de 2,5 % la première année, sans toutefois pouvoir expliquer comment il en était arrivé à ce chiffre.
  • Il a déclaré que l’anglais et le français étaient parlés en Ontario. Il a dit qu’il parlait un peu l’anglais, mais pas le français.
  • Lorsqu’on lui a posé une question en anglais, le demandeur a répondu : « Désolé, je ne vous comprends pas ».
  • L’agente a informé le demandeur de ses préoccupations et elle lui a donné l’occasion de répondre. Le demandeur a déclaré que son oncle l’aiderait. Cette réponse n’a pas apaisé les craintes de l’agente.

[5]  Le 31 janvier 2017, l’agente a rejeté la demande, concluant que le demandeur ne répondait pas à la définition de « travailleur autonome » au sens du paragraphe 88(1) du Règlement.

[6]  Dans ses motifs écrits, l’agente a indiqué qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur avait l’intention et la capacité d’acheter une ferme au Canada. Elle a jugé que le demandeur ne connaissait rien des pratiques agricoles au Canada, qu’il n’avait fait aucune recherche sur l’entreprise agricole proposée, qu’il ne connaissait rien de sa destination prévue et qu’il n’avait pas les ressources financières nécessaires pour acheter une exploitation agricole au Canada.

[7]  Le 24 février 2017, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agente.

[8]  Durant l’audience devant notre Cour tenue le 25 octobre 2017, les deux parties ont reconnu que le plan d’affaires du demandeur, ainsi que les certificats de police et les documents financiers à l’appui (les documents manquants), ne figuraient pas dans le dossier certifié du tribunal (le DCT). L’affaire a été ajournée pour permettre aux deux parties de faire une analyse plus approfondie.

[9]  Le 15 novembre 2017, l’agente a présenté un affidavit dans lequel elle déclarait que les documents manquants ne figuraient pas dans son dossier et que ses notes ne faisaient aucune mention de la présentation de ces documents durant l’entrevue. Elle a ajouté que, si le demandeur lui avait remis ces documents durant l’entrevue, elle l’aurait inscrit dans ses notes d’entrevue et elle aurait examiné ces documents avant de rendre sa décision.

[10]  Le 22 novembre 2017, le demandeur a présenté un affidavit dans lequel il disait avoir présenté les documents manquants à l’agente durant l’entrevue, mais que celle-ci les lui avait remis sans les lire et sans poser de questions sur ces documents. Il disait avoir consacré une somme considérable pour la préparation de son plan d’affaires et que le plan aurait eu un effet déterminant sur sa demande.

[11]  Le 9 janvier 2018, le demandeur et l’agente ont été contre-interrogés au sujet de leurs affidavits.

[12]  Le 22 janvier 2018, soit la veille de l’audience, le demandeur a présenté un affidavit d’un consultant en immigration dans lequel le consultant indiquait que son bureau avait préparé un plan d’affaires pour le demandeur avant l’entrevue.

III.  Questions préliminaires

[13]  Les affidavits et les contre-interrogatoires de l’agente et du demandeur sont admissibles. Lors d’un contrôle judiciaire, des éléments de preuve supplémentaires peuvent être présentés pour examiner des questions liées à l’équité procédurale (Pompey c. Canada (Immigration et Citoyenneté), 2016 CF 862, au paragraphe 26).

[14]  L’affidavit du consultant en immigration n’a pas été présenté comme il se doit à notre Cour et n’a donc pas été pris en compte. Il a été présenté la veille de l’audience, sans qu’il soit possible de mener un contre-interrogatoire, et ce, en dépit du fait que le demandeur avait eu suffisamment de temps pour l’obtenir et le soumettre plus tôt.

IV.  Questions en litige

[15]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. L’agente a-t-elle manqué à l’équité procédurale, en :
    1. ne tenant pas compte des documents manquants;
    2. ne donnant pas au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations?
  2. La décision de l’agente est-elle raisonnable?

V.  Norme de contrôle

[16]  La norme de contrôle qui s’applique aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte, alors que les autres questions sont examinées en regard de la norme de la décision raisonnable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43.

VI.  Analyse

A.  Équité procédurale

(1)  Les documents manquants

[17]  Lorsque les éléments de preuve sur ce qui s’est passé durant l’entrevue sont contradictoires, notre Cour a établi qu’il faut privilégier les notes de l’agente (Oei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CF 1re inst. 466, au paragraphe 42). Les agents prennent des notes contemporaines durant chaque entrevue et n’ont aucun intérêt direct pour quelque règlement particulier dans une affaire.

[18]  Ce raisonnement s’applique en l’espèce. L’agente est une professionnelle expérimentée qui mène des entrevues avec des demandeurs sur une base régulière. Elle a répété à maintes reprises dans son affidavit et durant le contre-interrogatoire que sa démarche habituelle consiste à consigner tous les documents qui lui sont présentés durant une entrevue, à accepter et à examiner ces documents, à exposer au demandeur toute question concernant ces documents, ainsi qu’à conserver ces documents dans le dossier, avant de rendre une décision. Or, ses notes ne font aucune mention des documents manquants, lesquels ne figurent pas non plus dans son dossier.

[19]  L’explication de l’agente est corroborée par les notes qu’elle a prises durant l’entrevue; de plus, l’agente n’a aucun intérêt direct dans l’issue de la demande de résidence permanente du demandeur. À l’inverse, le demandeur a attendu près de dix mois avant de rendre compte de l’entrevue dans son affidavit écrit.

[20]  De plus, quelque neuf mois environ se sont écoulés après l’entrevue avant que le demandeur soulève pour la première fois la question des documents manquants. Si le demandeur savait que ces documents étaient essentiels à l’examen de sa demande, mais que l’agente n’en avait pas tenu compte ou qu’ils ne figuraient pas dans le dossier certifié du tribunal, il n’est que raisonnable et avisé de présumer qu’il aurait soulevé cette question immédiatement.

[21]  Enfin, il incombait au demandeur de présenter à l’agente toute la documentation qui pourrait permettre à cette dernière de rendre une décision favorable; les agents des visas n’ont aucune obligation juridique de demander des précisions ou des renseignements supplémentaires avant de rejeter une demande de visa au motif que la documentation fournie était insuffisante pour les convaincre que les critères de sélection pertinents avaient été atteints (Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1198, au paragraphe 6).

[22]  Si le demandeur avait bel et bien apporté ces documents durant l’entrevue, il aurait dû les porter dûment à l’attention de l’agente, ou il aurait dû soulever cette question et présenter des éléments de preuve à l’appui de ses allégations plus tôt, afin que la Cour ne soit pas appelée à formuler des hypothèses et à écarter les notes de l’agente près d’un an plus tard.

(2)  Possibilité du demandeur de répondre

[23]  Le demandeur soutient que l’agente ne lui a pas donné l’occasion de répondre à ses préoccupations au sujet de ses ressources financières et de sa capacité à subvenir à ses besoins au Canada; de sa connaissance de l’anglais et des défis de l’agriculture au Canada.

[24]  Le défendeur soutient que les préoccupations de l’agente ont été prises en compte et exposées au demandeur durant l’entrevue. Le demandeur a simplement omis de corriger ou d’infirmer ces préoccupations.

[25]  Le contenu de l’obligation d’équité dont bénéficient les demandeurs de visa se situe à l’extrémité inférieure du registre (Trivedi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 422, au paragraphe 39). Lorsque les réserves d’un agent des visas découlent directement des exigences d’une loi ou d’un règlement, l’agent n’est pas tenu de donner au demandeur la possibilité d’y répondre (Hassani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283 [Hassani], au paragraphe 24).

[26]  En revanche, l’agent des visas doit donner au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations au sujet de la crédibilité, de l’exactitude ou de l’authenticité des renseignements fournis (Hassani, au paragraphe 24).

[27]  Je suis d’avis qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale. La crédibilité du demandeur n’était pas en cause et l’agente n’était pas tenue de lui donner l’occasion de répondre à ses préoccupations en ce qui concerne le respect des exigences de la loi. L’agente a malgré tout posé de nombreuses questions au demandeur, lui donnant ainsi l’occasion de dissiper ses préoccupations.

[28]  Les préoccupations de l’agente étaient liées à la capacité du demandeur d’acheter et de gérer une exploitation agricole au Canada. Elle a jugé que le demandeur ne connaissait rien des pratiques agricoles au Canada, qu’il n’avait fait aucune recherche, qu’il ne connaissait rien de sa destination prévue et qu’il ne disposait pas de ressources financières suffisantes.

[29]  L’agente n’était nullement tenue de donner au demandeur l’occasion de répondre à ses préoccupations au sujet des exigences de la LIPR et du Règlement. Il incombait au demandeur de démontrer qu’il avait la capacité nécessaire pour être travailleur autonome et contribuer de manière importante au Canada par l’achat et la gestion d’une exploitation agricole, conformément au paragraphe 88(1) du Règlement.

[30]  L’agente a malgré tout posé de nombreuses questions au demandeur, lui donnant ainsi l’occasion de dissiper ses préoccupations. L’agente lui a notamment demandé ce qu’il comptait cultiver; où se situait Brampton; quelles cultures étaient produites dans cette région; quelle était la température en janvier; quelles recherches le demandeur avait faites pour se renseigner sur l’économie, les marchés, le climat et la démographie en Ontario; les types de blé qui y étaient cultivés; les prix des cultures; ce que le demandeur savaient des réseaux de distribution; comment il financerait l’achat d’une ferme; combien coûteraient les terres et la machinerie et quel taux de rendement il prévoyait obtenir.

[31]  Bien que l’agente ait déclaré que le demandeur n’avait ni « l’intention ni la capacité » d’acheter et de gérer une ferme, la nature de ses questions montre qu’elle cherchait à établir ses connaissances et ses capacités. Comme le demandeur conteste l’évaluation que l’agente a faite de ses réponses, et du reste de sa demande, la question en litige ne concerne pas l’équité procédurale, mais plutôt le caractère raisonnable de la décision.

B.  Caractère raisonnable de la décision

[32]  Le défendeur prétend avoir fourni des explications et des réponses raisonnables aux questions de l’agente concernant les pratiques agricoles au Canada. Il soutient également que l’agente ne lui a pas posé de questions sur son expérience en tant qu’agriculteur, bien que cette expérience soit pertinente pour juger de son admissibilité.

[33]  Le défendeur soutient que le demandeur a omis de s’acquitter du fardeau qui lui incombait de fournir suffisamment de renseignements à l’appui de sa demande. Compte tenu des réponses que le demandeur lui a données, l’agente a estimé qu’il était raisonnable de conclure qu’il ne répondait pas aux critères d’admissibilité.

[34]  Vu l’imprécision des plans du demandeur, le peu de recherches qu’il a faites et les critères rigoureux énoncés dans le guide opérationnel des agents, il était raisonnable pour l’agente d’avoir des réserves et de conclure que le demandeur n’avait ni l’intention ni la capacité d’acheter et de gérer une ferme au Canada.

[35]  Il est bien établi qu’il incombe au demandeur de fournir à l’agent des visas suffisamment de renseignements à l’appui de sa demande (Guryeva c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1103, au paragraphe 5).

[36]  Si les plans d’un demandeur sont excessivement vagues ou irréalistes, il est peu probable que le demandeur puisse satisfaire aux critères d’admissibilité. De même, des recherches insuffisantes sur le projet proposé peuvent justifier une conclusion selon laquelle le plan n’est pas viable (Shehada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 11, au paragraphe 7).

[37]  La Cour a eu à traiter une affaire comparable dans Singh Sahota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 856, où elle a déclaré ce qui suit :

[10] L’agente des visas n’était pas convaincue que M. Sahota avait l’intention et la capacité d’être un travailleur autonome au Canada. Même s’il avait ce qu’elle a considéré comme un plan d’affaires exhaustif, il ne savait pas ce que cela voulait dire. Selon les notes de l’entretien, il ignorait quelles étaient les cultures que l’on pouvait exploiter en Ontario et où il avait l’intention de s’installer, et il n’était pas au courant de la géographie et des conditions climatiques. En outre, il avait acquis son expérience dans la culture du blé et du riz, et il avait maintenant l’intention de cultiver des fruits et des légumes. Sa seule expérience à cet égard était la culture de légumes destinés à sa propre consommation. Certains extraits de la lettre de décision – et des notes – de l’agente des visas sont douteux. M. Sahota semblait avoir des éléments d’actif suffisants, mais l’agente s’est souciée du fait que la plupart de ces éléments étaient de nature fixe, comme la ferme qu’il possédait en Inde, qu’il allait falloir vendre. Elle s’est souciée aussi du fait que M. Sahota n’était pas venu auparavant au Canada pour évaluer lui-même la situation.

[11] [...] même d’après la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter, on ne peut pas dire que la décision dans son ensemble est déraisonnable. [...]

[38]  En l’espèce, les plans du demandeur étaient extrêmement vagues. Le demandeur ne pouvait expliquer ce qu’il comptait cultiver ni indiquer le prix des cultures, le coût de la machinerie, le coût des terres ou les particularités des réseaux de distribution, ni comment il réaliserait le taux de rendement escompté. Interrogé sur les recherches qu’il avait faites, le demandeur n’a pu mentionner que la période de l’année durant laquelle se faisaient les cultures et il n’a pu indiquer aucun site Web visité. Dans son affidavit, le demandeur a admis ce qui suit [traduction] : « Tout ce que je sais, c’est que je veux m’établir en Ontario, près de la région du grand Toronto ».

[39]  Il incombait au demandeur de prouver à l’agente qu’il avait l’intention et la capacité d’être un travailleur autonome au Canada et de contribuer de manière importante au Canada par l’achat et la gestion d’une exploitation agricole. Bien qu’il n’ait pas force exécutoire auprès de notre Cour, le guide opérationnel de l’agente mentionne les « critères rigoureux » qu’un demandeur doit satisfaire dans cette « activité hautement spécialisée et capitalistique » :

Il importe, si l’on veut évaluer l’intention et la capacité du demandeur d’acquérir et de gérer une exploitation agricole, de savoir que l’agriculture est une activité hautement spécialisée et capitalistique dont les biens immeubles comptent pour 54 % de l’actif de l’agriculteur moyen. La Fédération canadienne de l’agriculture (FCA) signale qu’au Canada, la valeur moyenne des exploitations agricoles varie entre 330 $ et 4 600 $ à l’acre. Les exploitations agricoles situées à proximité des centres urbains ont une valeur marchande plus élevée que celles qui en sont éloignées. La superficie moyenne des exploitations agricoles diffère d’une province à l’autre. Ainsi, à Terre-Neuve, la superficie moyenne déclarée des exploitations est de 146 acres, tandis qu’en Saskatchewan, elle est de 1 152 acres. [...]

Selon le recensement de 1996, 98 % des exploitations agricoles sont des entreprises familiales. La FCA indique que « plus que jamais, pour réussir, l’agriculteur canadien doit s’adapter aux exigences diverses de l’exploitation d’une entreprise agricole. Il doit pouvoir déceler si un animal est malade, réparer une moissonneuse-batteuse qui fonctionne mal et terminer la journée en accédant à Internet pour vérifier la situation des marchés mondiaux ».

L’agriculture est devenue une entreprise qui exige, en plus des compétences agricoles traditionnelles, une connaissance pratique des ordinateurs et d’autres appareils de haute technologie. Toujours selon le recensement de 1996, plus de 21 % des ménages agricoles canadiens possèdent un ou plusieurs ordinateurs personnels. On constate également une tendance de la communauté agricole à s’instruire davantage.

Autrement dit, pour réussir, le demandeur doit satisfaire à des exigences rigoureuses, à savoir posséder un capital suffisant, ainsi que l’expérience et les compétences appropriées.

(Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, OP 8 : Entrepreneurs et travailleurs autonomes, Ottawa, le 23 février 2016, à l’article 11.3).

[40]  Nonobstant l’expérience antérieure du demandeur comme agriculteur en Inde, laquelle est brièvement mentionnée dans les notes de l’agente, il était raisonnable pour l’agente d’accorder peu de poids à ce facteur étant donné que les pratiques agricoles en Inde diffèrent considérablement de celles utilisées au Canada.


JUGEMENT dans le dossier IMM-861-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-861-17

 

INTITULÉ :

RANDEEP SINGH c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 janvier 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 26 janvier 2018

 

COMPARUTIONS :

Sumeya Mulla

 

Pour le demandeur

Tessa Cheer

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman and Associates

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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