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Date : 20180205


Dossier : IMM-2246-17

Référence : 2018 CF 128

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 février 2018

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

AMINA CHAUDHARY

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Dans la présente demande, Mme Chaudhary (la demanderesse) sollicite le contrôle de la décision rendue le 27 avril 2017 par un agent d’immigration principal (l’agent), par laquelle il a rejeté sa demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, aux termes de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), et a également refusé de lui accorder un permis de séjour temporaire prévu au paragraphe 24(1) de la LIPR. L’agent a conclu que la grande criminalité de la demanderesse l’emportait sur toute considération d’ordre humanitaire.

[2]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.  Résumé des faits

[3]  La demanderesse est devenue résidente permanente en 1977. On ignore si son pays de citoyenneté est l’Inde ou le Royaume-Uni. En 1984, la demanderesse a été reconnue coupable du meurtre au premier degré d’un enfant de huit ans et a été condamnée à l’emprisonnement à perpétuité. Un appel de cette décision a été rejeté en 1986.

[4]  Par suite de cette condamnation, la demanderesse a fait l’objet d’un rapport pour grande criminalité, et une mesure d’expulsion a été prise contre elle.

[5]  En 1989, la demanderesse a épousé son mari alors qu’ils purgeaient tous les deux une peine d’emprisonnement. Ils ont eu trois enfants ensemble pendant qu’elle était en prison. Les trois enfants ont des besoins particuliers.

[6]  En juin 2016, la demanderesse a obtenu une libération conditionnelle de jour de la Commission nationale des libérations conditionnelles et a vécu dans une maison de transition de la Société Elizabeth Fry. La demanderesse allègue qu’elle a passé le reste de sa peine à la résidence de son mari, dont la santé s’est détériorée depuis un accident vasculaire cérébral en août 2016.

[7]  En août 2015, la demanderesse a déposé une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (demande CH), laquelle fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

II.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[8]  La décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire est la décision rendue par l’agent le 27 avril 2017, par laquelle il a rejeté la demande CH de la demanderesse et a refusé de lui accorder un permis de séjour temporaire.

[9]  L’agent a examiné les facteurs d’ordre humanitaire suivants : l’établissement, la famille, l’intérêt supérieur des enfants, la réhabilitation de la demanderesse, les conditions du pays en Inde et au Royaume-Uni et les difficultés occasionnées par le renvoi. L’agent a soupesé ces facteurs par rapport à la gravité du crime commis par la demanderesse.

[10]  Au sujet de l’établissement, l’agent a souligné que la demanderesse a travaillé et a décroché un diplôme d’études supérieures pendant son incarcération et a acheté une maison en 2006. L’agent a également souligné la participation de la demanderesse à divers programmes, comme le précise une lettre de soutien de la Société Elizabeth Fry.

[11]  L’agent s’est concentré en grande partie sur la famille de la demanderesse, en particulier sur son mari malade. Il a souligné une lettre d’un médecin indiquant que le mari nécessite une surveillance constante et que la présence de la demanderesse est nécessaire pour le maintenir en vie. Selon le médecin, sans les soins de la demanderesse, son mari connaîtrait un [traduction« décès prématuré ».

[12]  L’agent a souligné que la demanderesse et son mari avaient une relation non conventionnelle fondée sur la distance. Ainsi, l’agent a souligné que le mari a réussi à prendre soin de lui-même et à subvenir à ses besoins pendant l’incarcération de la demanderesse. L’agent a reconnu que l’état de santé du mari s’est détérioré après 2016, mais a estimé qu’il aurait accès à des soins médicaux et à un soutien provenant d’autres sources.

[13]  En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a souligné que deux des trois enfants de la demanderesse ne parlent pas et qu’ils nécessitent des soins en tout temps. L’agent a souligné que peu d’éléments de preuve démontraient la nature de la relation entre la demanderesse et ses enfants, et aucune observation n’a été présentée concernant le rôle de la demanderesse pendant les années de développement des enfants. L’agent a cité les commentaires de l’agent de libération conditionnelle en établissement, qui a souligné le manque net d’effort de la part de la demanderesse pour établir ou maintenir des liens avec les enfants. L’agent a conclu que, bien que la situation soit malheureuse, ce sont les propres décisions de la demanderesse qui en étaient la cause. Il a souligné que le statut d’immigration de la demanderesse ainsi que les procédures [traduction] « progressaient bien » au moment où elle a décidé [traduction« d’agrandir sa famille ».

[14]  Quant à la réhabilitation, l’agent a souligné que la demanderesse n’accepte pas la responsabilité de ses crimes, puisqu’elle clame son innocence. L’agent a souligné que la demanderesse a participé avec succès à tous les programmes institutionnels exigés. L’agent a cité également des lettres des sociétés John Howard et Elizabeth Fry à l’appui de la demande de la demanderesse.

[15]  L’agent a abordé la question des difficultés et des risques allégués par la demanderesse si elle était renvoyée au Royaume-Uni ou en Inde. L’Inde était le pays principal de l’analyse. La demanderesse a affirmé que, si elle devait retourner en Inde, son frère la tuerait probablement à titre de « crime d’honneur », parce qu’elle s’est mariée avec un musulman. La demanderesse a aussi affirmé qu’elle serait emprisonnée. L’agent a conclu qu’il serait préférable d’évaluer ces risques dans le cadre d’une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), que la demanderesse pouvait demander, mais elle ne l’a pas fait. L’agent a reconnu les difficultés liées à une réintégration en Inde, mais a souligné que la demanderesse aurait les mêmes difficultés au Canada au moment de sa remise en liberté complète dans la société, et qu’elle avait les compétences nécessaires pour sa réintégration.

[16]  L’agent a indiqué le critère à appliquer aux demandes CH énoncé dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], et a souligné que tous les facteurs pertinents devaient être évalués globalement. L’agent a souligné que le temps écoulé depuis la commission du crime, la faible probabilité de récidive, ainsi que le mari et les enfants de la demanderesse militaient en sa faveur. Cependant, l’agent a souligné que la gravité de l’infraction, ajoutée au fait que la demanderesse n’avait pas accepté la responsabilité de ses crimes, jouait contre sa demande. L’agent a indiqué que, bien que les enfants de la demanderesse aient des besoins spéciaux, son absence ne nuirait pas à leur bien-être, étant donné que d’autres membres de la famille élargie, des amis et d’autres groupes pourraient aider les enfants.

[17]  Suivant ce raisonnement, l’agent a également refusé la demande de permis de séjour temporaire de la demanderesse.

III.  Norme de contrôle

[18]  La norme de contrôle qui s’applique à l’égard d’une décision relative à une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable (Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18 [Kisana]).

[19]  La décision d’accorder un permis de séjour temporaire est une « décision hautement discrétionnaire », qui est également assujettie à la norme de la décision raisonnable (Lorenzo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 37, au paragraphe 23; Evans c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 259, au paragraphe 26).

IV.  Questions en litige

[20]  La demanderesse soutient que la décision de l’agent est déraisonnable en ce qui concerne les questions suivantes :

  1. Soins médicaux du mari

  2. Intérêt supérieur des enfants

  3. Difficultés

  4. Refus du permis de séjour temporaire

V.  Discussion

A.  Soins médicaux du mari

[21]  La demanderesse soutient que l’agent a omis de bien examiner la preuve médicale, qui confirme que son mari est très malade et qu’il dépend d’elle pour ses besoins en soins de santé. Elle souligne les rapports médicaux du Dr Gutman, qui indiquent que depuis son accident vasculaire cérébral en 2016, ses soins de santé sont importants et qu’elle assume la principale responsabilité de ces soins. Elle souligne également le témoignage de son mari et celui d’une nièce.

[22]  Une demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire est une mesure exceptionnelle et discrétionnaire (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, au paragraphe 15 [Legault]), et il incombe au demandeur de présenter des éléments de preuve pertinents afin d’appuyer l’établissement de son admissibilité à une telle dispense (Kisana, au paragraphe 45; Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 5 [Owusu]).

[23]  En l’espèce, l’agent a examiné et soupesé les éléments de preuve concernant le mari de la demanderesse. Sa décision est étoffée et réfléchie. Plus précisément, il a souligné le fait que l’état de santé du mari s’est aggravé depuis 2016, et il s’agit de la preuve même qui, selon la demanderesse, n’a pas été traitée adéquatement. L’agent a précisément estimé que cet élément de preuve constituait un facteur positif dans l’ensemble. Toutefois, cet élément de preuve n’était pas suffisant pour surpasser la gravité des condamnations de la demanderesse.

[24]  La demanderesse ne peut évoquer quels éléments de preuve ont été écartés par l’agent. Essentiellement, donc, la demanderesse nous demande de soupeser à nouveau la preuve, ce qui n’est pas le rôle de notre Cour (Kaur c Canada (Citoyenneté et Immigration)), 2017 CF 757, au paragraphe 58). Bien que les facteurs d’ordre humanitaire pourraient en l’espèce être soupesés à nouveau afin d’appuyer un résultat différent, il n’appartient pas à la Cour de le faire lorsque [traduction] « [...] la décision appartient à un éventail acceptable de décisions raisonnables » (Betoukoumesou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 591, aux paragraphes 35 à 43).

[25]  En l’espèce, la demanderesse souhaite simplement que l’agent ajoute plus de poids positif à la preuve médicale et moins de poids aux déclarations de culpabilité. Cependant, l’agent a le droit de mettre l’accent sur le dossier criminel de la demanderesse et de juger que ses antécédents l’emportent sur toute considération d’ordre humanitaire, particulièrement lorsque la dispense sollicitée pour des motifs d’ordre humanitaire est liée à une interdiction de territoire pour criminalité (Horvath c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1261, au paragraphe 49; Lupsa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1054, au paragraphe 51).

[26]  Dans une demande CH, l’agent est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve. Dans une affaire semblable, la Cour, dans Guiseppe Ferraro c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 801, au paragraphe 17, affirme ce qui suit [Ferraro] :

Il existe une présomption selon laquelle la responsable du dossier a considéré l’ensemble de la preuve qui lui a été soumise. Cette présomption ne sera réfutée que si la preuve qui n’est pas analysée présente une forte valeur probante et porte sur une question qui intéresse au plus haut point la demande [...].

[27]  En l’espèce, l’agent a traité directement la preuve contraire et a expliqué la raison pour laquelle la gravité de l’infraction l’emportait sur la situation du mari de la demanderesse. La demanderesse cherche à plaider de nouveau le bien-fondé de la demande CH devant notre Cour. Le législateur a délégué au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration le pouvoir de statuer sur le bien-fondé de demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. La Cour ne peut intervenir pour accorder plus de poids à la preuve médicale, ou réévaluer les éléments de preuve (Leung c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 636, au paragraphe 34 [Leung]), en l’absence des « traits distinctifs du caractère déraisonnable », qui éloignent la décision relative à une demande CH des issues possibles et raisonnables (Ré:Sonne c Association canadienne des radiodiffuseurs, 2017 CAF 138, au paragraphe 59).

[28]  Comme l’agent a apprécié la preuve, plus précisément la preuve contradictoire, aucune indication d’un tel caractère déraisonnable ne découle des faits. Pour cette raison, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que la décision est déraisonnable.

B.  Intérêt supérieur des enfants

[29]  La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur dans l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants, et que ses enfants, âgés de 18 ans et plus, devraient être considérés comme des « enfants » en raison de leurs besoins spéciaux. La demanderesse soutient que la déclaration de l’agent concernant le fait qu’elle ait des enfants était déraisonnable. Selon la demanderesse, l’agent n’a pas mesuré ce que sa présence au Canada ajouterait dans la vie des enfants.

[30]  La demanderesse a affirmé que son renvoi du Canada aura des répercussions sur ses enfants. Bien que la demanderesse ait trois enfants, seulement deux enfants ont été inscrits sur sa demande de résidence permanente : sa fille, Toni (18 ans au moment de la demande CH) et son fils, Omar (22 ans au moment de la demande).

[31]  Une décision relative à une demande CH sera jugée déraisonnable lorsque l’intérêt des enfants touchés par la décision n’est pas suffisamment pris en compte (Kanthasamy, au paragraphe 39). L’intérêt supérieur de l’enfant doit être « bien identifié et défini », puis examiné « avec beaucoup d’attention » (Kanthasamy, au paragraphe 39; Legault, aux paragraphes 12 à 31) et le décideur doit se montrer « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur de l’enfant (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 75). L’intérêt supérieur de l’enfant n’appelle pas un certain résultat (Legault, au paragraphe 12) parce que, généralement, l’intérêt supérieur de l’enfant militera en faveur d’un non-renvoi (Zlotosz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 724, au paragraphe 22.

[32]  À titre de question préliminaire, bien que la question n’ait pas été abordée dans les motifs de l’agent, notre Cour a conclu que l’examen de l’intérêt supérieur de l’enfant ne valait que pour les enfants de moins de 18 ans : Leung, au paragraphe 28; Saporsantos Leobrera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 587; Norbert c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 409, au paragraphe 37. Cependant, la jurisprudence de notre Cour indique également que l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant peut être envisagée pour les enfants de plus de 18 ans (Naredo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 15973 (CF); Yoo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 343, au paragraphe 32; Noh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 529, au paragraphe 63).

[33]  Nonobstant ce qui précède, l’agent a néanmoins mené une analyse de l’intérêt supérieur des deux enfants concernés, et a finalement accordé un poids favorable au facteur de l’intérêt supérieur des enfants.

[34]  Même s’il existe une jurisprudence pour chacun des deux aspects de la question, je conviens que l’âge de 18 ans n’est pas nécessairement une limite absolue pour l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant, puisqu’il peut exister des circonstances pour lesquelles il est approprié d’examiner l’intérêt supérieur lorsque l’enfant est âgé de plus de 18 ans. En fait, la situation d’un enfant ayant des besoins spéciaux, comme c’est le cas en l’espèce, pourrait bien mériter un examen de l’intérêt supérieur de l’enfant au-delà de l’âge de 18 ans.

[35]  Cependant, cette analyse doit prendre en considération les faits de l’espèce. La réalité ici est que la demanderesse n’a pas fait partie de la vie de ses enfants en raison de son incarcération. À l’exception de tentatives pour voir ses enfants pendant ses permissions de sortie avec escorte, rien n’indique que la demanderesse a joué un rôle dans leur éducation ou leur soutien émotionnel ou financier. Rien n’indique une relation de dépendance entre la demanderesse et ses trois enfants adultes. Il incombe à la demanderesse de fournir suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de ses allégations liées à l’intérêt supérieur des enfants sur lesquelles elle fonde sa demande CH : Owusu, au paragraphe 5.

[36]  De plus, les enfants de la demanderesse ne vivent pas dans la même ville ni la même province que la demanderesse. Rien n’indique que la demanderesse a tenté de passer du temps avec ses enfants depuis sa libération et, en réalité, ses conditions de libération conditionnelle pourraient rendre cela impossible. L’agent a indiqué qu’il ne disposait d’aucun élément de preuve quant au rôle de la demanderesse durant les années de développement des enfants, et a souligné par ailleurs le témoignage de l’agent de libération conditionnelle en établissement de la demanderesse, qui a conclu qu’il y avait eu un manque net d’effort de la part de la demanderesse en vue d’établir ou de maintenir un contact avec ses enfants.

[37]  Néanmoins, l’agent a évalué le peu d’éléments de preuve dont il disposait afin de déterminer la relation de la demanderesse avec ses enfants. Le dossier de cette interaction est limité compte tenu des circonstances, puisque la demanderesse n’a pas eu beaucoup d’interactions avec ses enfants. L’agent pouvait donc raisonnablement conclure que ses interactions futures avec ses enfants pourraient se faire par d’autres moyens.

[38]  En l’espèce, l’agent a tenu compte des besoins des enfants et a finalement conclu que la présence de la demanderesse au Canada ne serait pas suffisamment bénéfique pour justifier l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire exceptionnel pour accorder à la demanderesse une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire. Il a tiré cette conclusion en se fondant sur le peu d’éléments de preuve fournis par la demanderesse. L’agent a raisonnablement conclu qu’il serait possible de maintenir l’intérêt supérieur des enfants par d’autres moyens, et que d’autres personnes pourraient veiller aux soins des enfants, comme cela a été le cas durant la majeure partie de leur vie.

[39]  Étant donné que l’intérêt supérieur des enfants n’appelle pas un certain résultat (Legault, au paragraphe 12) et que la demanderesse a omis de présenter suffisamment d’éléments de preuve montrant que l’intérêt supérieur des enfants était un facteur important militant en faveur d’un non-renvoi (Owusu, au paragraphe 5), la décision de l’agent est raisonnable.

C.  Difficultés

[40]  La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur en concluant qu’il serait préférable d’évaluer les risques auxquels serait prétendument confrontée la demanderesse à son retour en Inde dans le cadre d’une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR).

[41]  Le paragraphe 25(1.3) de la LIPR indique explicitement que les facteurs de risque qui permettent d’éclairer une analyse menée aux termes des paragraphes 96 et 97 de la LIPR ne peuvent être pris en considération dans les motifs d’ordre humanitaire examinés au titre de l’article 25 de la LIPR : Kanthasamy, au paragraphe 24. Cependant, la Cour suprême du Canada a affirmé, dans l’arrêt Kanthasamy, au paragraphe 51, que l’agent chargé d’examiner une demande CH peut « tenir compte des faits sous-jacents pour déterminer si la situation du demandeur justifie ou non une dispense pour considérations d’ordre humanitaire ».

[42]  En l’espèce, l’agent a tenu compte de ces faits. Il a souligné que le déménagement en Inde serait difficile, et que la réintégration de la demanderesse dans un pays qui lui est étranger, particulièrement en tant que femme, serait la plus grande difficulté à laquelle elle serait exposée. Toutefois, l’agent a souligné que la demanderesse avait les compétences nécessaires pour cette réintégration. Tout bien considéré, l’agent a conclu que les difficultés et les autres facteurs fondés sur des motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour l’emporter sur [traduction] « la nature horrible du crime commis par Mme Chaudhary, son refus de reconnaître la responsabilité de son crime et l’absence de remords qui en est la conséquence ».

[43]  La Cour ne peut pas revoir la pondération de ces divers facteurs lors d’un contrôle judiciaire, et l’agent n’a commis aucune erreur à ce propos.

D.  Refus du permis de séjour temporaire

[44]  La demanderesse soutient que le fait que l’agent ait refusé d’analyser sa demande de permis de séjour temporaire est déraisonnable. Elle conteste la déclaration de l’agent selon laquelle le séjour prolongé de la demanderesse au Canada serait [traduction] « [...] plus perturbant pour sa famille [...] ». Elle soutient que cela va à l’encontre des éléments de preuve concernant les soins qu’elle fournit à son mari.

[45]  Cependant, le commentaire de l’agent doit être placé dans le contexte de la demande dans son ensemble. Une décision d’accorder un permis de séjour temporaire est une décision hautement discrétionnaire qui commande par conséquent un degré élevé de déférence (Voluntad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1361, au paragraphe 25.

[46]  La Cour, dans la décision Ferraro, au paragraphe 25, a affirmé que si les motifs appuyant une demande CH ne sont pas suffisants, comme c’est le cas en l’espèce, l’agent n’est pas tenu d’effectuer une analyse séparée concernant la demande de permis de séjour temporaire.

[47]  En l’espèce, l’agent a conclu ce qui suit :

[traduction] Je me suis également demandé si l’octroi d’un permis de séjour temporaire était justifié dans les circonstances [...] et j’ai conclu que la délivrance d’un permis de séjour temporaire n’était pas justifiée dans les circonstances [...]; après avoir examiné soigneusement les considérations en l’espèce, je juge qu’il n’y a aucune raison particulière de prolonger sa présence au Canada (non souligné dans l’original).

[48]  De toute évidence, l’agent a décidé de refuser le permis de séjour temporaire pour les mêmes raisons qu’il a rejeté la demande CH de la demanderesse. Ce faisant, l’agent n’a commis aucune erreur.

VI.  Conclusion

[49]  Dans l’ensemble, l’obstacle juridique qui se posait pour la demanderesse n’était pas suffisant pour satisfaire au critère permettant d’obtenir une dispense pour des considérations d’ordre humanitaire ou un permis de séjour temporaire.

[50]  L’agent a fait un examen raisonnable des éléments de preuve. Par conséquent, la décision commande la déférence.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2246-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2246-17

INTITULÉ :

AMINA CHAUDHARY c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 janvier 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

Le 5 février 2018

COMPARUTIONS :

Jean Marie Vecina

Pour la demanderesse

James Todd

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Vecina & Sekhar Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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