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Date : 20180205


Dossier : IMM-2674-17

Référence : 2018 CF 124

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 5 février 2018

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

KAJEEPAN JEYAKUMAR

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Dans le présent contrôle judiciaire, Kajeepan Jeyakumar conteste la décision en date du 19 mai 2017 (la décision) de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugiés du Canada (CISR), qui a refusé de lui reconnaître qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger.

[2]  Pour les motifs qui suivent, j’accueille la demande de M. Jeyakumar. Je conviens avec lui que la Section de la protection des réfugiés a commis plusieurs erreurs dans le traitement des éléments de preuve, ce qui, dans l’ensemble, rend la décision déraisonnable.

II.  Résumé des faits

[3]  M. Jeyakumar est un Tamoul du district de Kilinochchi dans le nord du Sri Lanka. Il prétend que s’il retourne au Sri Lanka, des groupes militants l’enlèveront pour obtenir une rançon et le tueront si le paiement n’est pas fait. Il allègue que les autorités sri-lankaises s’intéressent à lui pour deux raisons : i) son lien avec son cousin, qui, selon lui, a été tué en 2015 en raison d’activités antigouvernementales, et ii) parce que M. Jeyakumar a soutenu la veuve de son cousin à obtenir justice pour le meurtre.

[4]  M. Jeyakumar allègue qu’en 2016, il a été enlevé par des agents de renseignements de la police sri-lankaise, détenu pendant six jours, interrogé au sujet de son cousin et accusé d’avoir participé à des manifestations antigouvernementales. Il allègue que son père a payé sa libération, après quoi il a fui le Sri Lanka avec l’aide d’un agent.

[5]  M. Jeyakumar s’est présenté au point d’entrée de Fort Erie le 2 mars 2017. Comme il est arrivé à la frontière du Canada en provenance des États-Unis, il n’aurait normalement pas le droit aux termes de l’alinéa 101(1)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), la disposition sur les « tiers pays sûrs », d’avoir sa demande d’asile renvoyée à la Section de la protection des réfugiés. Toutefois, le frère de M. Jeyakumar, Dinesh Jeyakumar, avait déjà présenté une demande d’asile avec succès au Canada et est maintenant un résident permanent. Cela signifiait que M. Jeyakumar était visé par l’exception à l’alinéa 101(1)e) de la LIPR prévue à l’alinéa 159.5b)(ii) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Bien que la demande d’asile de M. Jeyakumar ait été entendue par la Section de la protection des réfugiés aux termes de cette exception, lorsque celle-ci a rejeté sa demande en application des articles 96 et 97(1) de la LIPR, il lui a été interdit d’interjeter appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés devant la Section d’appel des réfugiés de la CISR aux termes de l’alinéa 110(2)d) de la LIPR. Pour cette raison, il revient à la Cour d’effectuer le contrôle judiciaire de la décision.

III.  Discussion

[6]  Les parties s’entendent pour reconnaître que la décision de la Section de la protection des réfugiés doit être examinée selon la norme de la raisonnabilité, ce qui exige que la Cour examine si la décision était justifiée, transparente, intelligible et faisait partie des issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (Nouveau-Brunswick (Conseil de gestion) c Dunsmuir, 2008 CSC 9, aux paragraphes 41 et 47).

[7]  M. Jeyakumar soulève diverses questions dans la présente demande, mais celles que je juge déterminantes quant à l’issue de la demande sont les suivantes :

  1. La question de savoir si la Section de la protection des réfugiés a omis de tenir compte de certains éléments de preuve concernant l’association perçue de M. Jeyakumar avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET);

  2. La question de savoir si la Section de la protection des réfugiés a tiré une conclusion d’invraisemblance non fondée;

  3. La question de savoir si la Section de la protection des réfugiés a reconnu, de façon implicite, que M. Jeyakumar avait été détenu et interrogé par les autorités sri-lankaises.

A.  La Section de la protection des réfugiés a-t-elle omis de tenir compte des éléments de preuve concernant les liens perçus de M. Jeyakumar avec les TLET?

[8]  La Section de la protection des réfugiés a déterminé que la demande d’asile de M. Jeyakumar ne pouvait être accueillie uniquement parce qu’il était un jeune Tamoul du nord du Sri Lanka ou qu’il retournerait en tant que demandeur d’asile débouté, mais qu’il devait également établir un lien réel ou perçu avec les TLET dans les deux cas pour justifier sa demande. La Section de la protection des réfugiés a conclu que M. Jeyakumar n’avait pas établi ce lien, parce qu’il n’y avait eu que [traduction« deux mentions mineures des TLET dans l’ensemble de la preuve (de M. Jeyakumar) » — lesquelles figurent dans i) la lettre de son père et ii) sa réponse à une question posée par son avocat. La Section de la protection des réfugiés a conclu que ces mentions « mineures » étaient [traduction] « négligeables et insuffisantes à elles seules » pour prouver le lien requis avec les TLET et, par conséquent, que M. Jeyakumar n’avait pas établi le profil d’une personne à risque.

[9]  Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Jeyakumar soutient que la Section de la protection des réfugiés a omis de tenir compte de façon déraisonnable des éléments de preuve que lui et son frère avaient été interrogés sur l’implication des TLET en 2009, à la suite de quoi le frère de M. Jeyakumar s’est enfui au Canada et a présenté une demande d’asile qui a été accueillie. Le défendeur rétorque que la Section de la protection des réfugiés n’a commis aucune erreur en omettant de faire référence à ces événements, soutenant que, contrairement à son frère, M. Jeyakumar n’a pas été arrêté ou détenu en 2009 et que cette information était donc accessoire au profil de M. Jeyakumar.

[10]  Je suis d’accord avec M. Jeyakumar. La conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il n’y avait que [traduction] « deux mentions mineures des TLET dans l’ensemble de la preuve (de M. Jeyakumar) » était déraisonnable. En effet, dans l’exposé des faits présenté dans le formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA) de M. Jeyakumar, un document central qui n’a pas été contesté par la Section de la protection des réfugiés et qui est notable compte tenu de son absence dans l’analyse de la Section de la protection des réfugiés, M. Jeyakumar mentionne les TLET à maintes reprises :

[traduction]
3  Vavuniya était contrôlée par l’armée, mais les TLET avaient une présence clandestine et menaient leurs activités en forçant les Tamouls à les aider. L’armée a réagi en arrêtant de nombreux Tamouls soupçonnés de soutenir les TLET. L’armée a interrogé mon père et d’autres membres de ma famille.

4.  En 2009, mon frère et moi avons été arrêtés dans la rue et interrogés. J’avais 15 ans à ce moment-là. L’armée soupçonnait que nous pouvions être des partisans des TLET, car les TLET utilisaient beaucoup d’enfants soldats. Ils sont venus à la maison et ont interrogé mes parents au sujet de mes activités quotidiennes et celles de mon frère. Ils voulaient savoir si les TLET étaient entrés en contact avec nous.

5.  En mai 2009, la guerre a pris fin avec la défaite des TLET. Nous espérions pouvoir être en mesure de vivre en paix, mais l’armée a déclaré que de nombreux membres des TLET s’étaient enfuis et se cachaient parmi la population ou avaient fui vers d’autres pays et qu’ils continuaient à arrêter des gens.

6.  En décembre 2009, mon frère Dinesh a été arrêté par le « Groupe de travail spécial » (GTS), une force militaire de la police qui était très redoutée par le peuple tamoul. Cela s’est passé après l’explosion d’une bombe que l’armée et la police croyaient être l’œuvre des membres restants des TLET. Ils ont arrêté des personnes ayant un lien avec Vanni. Mon frère a été détenu pendant six jours. Il a été battu. Après sa libération, il a fui le Sri Lanka et a obtenu le titre de réfugié au sens de la Convention au Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[11]  De toute évidence, lorsque la Section de la protection des réfugiés a conclu que les éléments de preuve de M. Jeyakumar se limitaient au témoignage de son père et à sa déclaration pendant l’interrogatoire, sans faire référence au FDA, elle a omis de tenir compte d’éléments de preuve importants sur une question clé de la décision : M. Jeyakumar avait établi un lien perçu avec les TLET.

[12]  La Cour a conclu que l’absence d’analyse concernant des éléments de preuve portant sur les TLET constituait une erreur susceptible de révision. Dans la décision KS c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 999 [KS], par exemple, la Section de la protection des réfugiés a relevé que le demandeur avait un « lien familial » avec les TLET, mais a ensuite omis de façon déraisonnable d’analyser comment ce lien pourrait contribuer au risque que le demandeur soit perçu comme un partisan des TLET s’il retournait au Sri Lanka (aux paragraphes 45, 46 et 51).

[13]  En l’espèce, la Section de la protection des réfugiés n’a pas rejeté le FDA de M. Jeyakumar, ou son contenu concernant les TLET. Par conséquent, il était déraisonnable pour la Section de la protection des réfugiés d’omettre de tenir compte de cette preuve d’un lien familial au moment d’évaluer si M. Jeyakumar avait lui-même établi un lien réel ou perçu avec les TLET. Cet oubli a été aggravé par la conclusion fautive de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle seuls deux éléments de la preuve de M. Jeyakumar portaient sur ses liens perçus avec les TLET, sans même faire référence à son FDA.

B.  La Section de la protection des réfugiés a-t-elle tiré une conclusion d’invraisemblance non fondée?

[14]  La Section de la protection des réfugiés a reconnu que M. Jeyakumar avait un cousin décédé, mais a conclu que M. Jeyakumar n’avait pas établi que son cousin était un opposant politique, en partie parce que M. Jeyakumar ignorait les activités politiques de son cousin. La Section de la protection des réfugiés a conclu que M. Jeyakumar n’avait pas fourni de détails sur les activités politiques de son cousin, y compris concernant son affiliation à un parti politique et les détails des manifestations auxquelles avait participé son cousin. M. Jeyakumar a expliqué à la Section de la protection des réfugiés que son défunt cousin ne discutait pas de ses opinions politiques avec sa famille; toutefois, la Section de la protection des réfugiés a déterminé que cette explication n’était pas raisonnable étant donné les croyances de M. Jeyakumar selon lesquelles son cousin avait été assassiné pour ses activités politiques et l’importance de cet événement pour sa demande d’asile.

[15]  Dans la présente demande, M. Jeyakumar soutient que la Section de la protection des réfugiés a omis de tenir compte de l’explication plausible de son manque de connaissance à l’égard des activités politiques de son cousin.

[16]  Le défendeur soutient que la conclusion d’invraisemblance de la Section de la protection des réfugiés est justifiable : elle déclare que si les activités politiques du cousin de M. Jeyakumar ont été à la base des événements ayant conduit à sa fuite du Sri Lanka et qu’il a effectivement aidé la veuve de son cousin après le décès, M. Jeyakumar devrait avoir une certaine connaissance de ces activités.

[17]  Les parties conviennent que la conclusion de la Section de la protection des réfugiés sur ce point était une conclusion sur la vraisemblance, qui ne devrait être tirée que dans les cas les plus flagrants (Gabila c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 574, aux paragraphes 35 à 41; Subramaniyathas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 583, aux paragraphes 20 à 23 [Subramaniyathas]).

[18]  En l’espèce, la Section de la protection des réfugiés n’a pas conclu que M. Jeyakumar était évasif par rapport à sa connaissance des activités politiques de son cousin. En outre, elle n’a pas relevé d’incohérences ou de contradictions dans son témoignage — comme c’est le cas dans la décision Subramaniyathas (au paragraphe 19). La Section de la protection des réfugiés a plutôt rejeté l’allégation de M. Jeyakumar selon laquelle son cousin était impliqué dans une activité antigouvernementale en grande partie parce qu’elle jugeait que le manque de connaissance de M. Jeyakumar à l’égard des détails de cette activité était peu plausible. Pourtant, M. Jeyakumar a clairement et constamment expliqué que son cousin ne l’avait jamais invité à des événements politiques, ni discuté de ces événements avec lui en détail.

[19]  Selon moi, il est évident que la Section de la protection des réfugiés n’a pas tenu compte de l’explication de M. Jeyakumar dans son contexte (voir Manege c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 374, au paragraphe 35). La Section de la protection des réfugiés a reconnu que M. Jeyakumar n’avait aucune implication politique personnelle et avait un faible niveau d’instruction. Les détails que M. Jeyakumar a donnés à propos de l’implication politique de son cousin étaient en accord avec son explication selon laquelle son cousin ne discutait pas de sujets politiques avec lui. M. Jeyakumar a également témoigné de vive voix lors de l’audition de sa demande d’asile et indiqué qu’il n’avait entendu parler des activités politiques de son cousin que lorsqu’il a rendu visite à sa tante, qui selon lui, a dit à son fils de ne pas participer à des manifestations politiques et a grondé son fils pour y être quand même allé.

[20]  La Section de la protection des réfugiés a omis d’expliquer, dans les termes les plus clairs, pourquoi il serait invraisemblable dans ce contexte que M. Jeyakumar comprenne mal les activités politiques de son cousin, alors que les éléments de preuve démontraient que son cousin évitait de parler à sa famille, y compris à M. Jeyakumar, de ses activités politiques de façon détaillée. En outre, le contexte sri-lankais plus large dans lequel la demande d’asile de M. Jeyakumar a été instruite, selon les éléments de preuve objectifs, était tel que partager les détails de sa participation politique avec des membres de sa famille pouvait mener à des interrogatoires et à des conséquences préjudiciables.

[21]  La conclusion d’invraisemblance déraisonnable de la Section de la protection des réfugiés étayait sa conclusion selon laquelle le cousin de M. Jeyakumar n’était pas un opposant politique, et cette conclusion était à son tour essentielle au reste de son analyse. Par conséquent, je conclus que le raisonnement erroné de la Section de la protection des réfugiés sur ce point a teinté l’ensemble de la décision.

C.  La Section de la protection des réfugiés a-t-elle reconnu, de façon implicite, que M. Jeyakumar avait été détenu et interrogé par les autorités sri-lankaises?

[22]  Comme je l’ai déjà mentionné, la Section de la protection des réfugiés n’a pas contesté les éléments de preuve de M. Jeyakumar en général, ni tiré une conclusion générale de non-crédibilité. M. Jeyakumar soutient que la Section de la protection des réfugiés doit donc avoir accepté ces parties de son histoire qu’elle n’a pas expressément rejetées. Il fait valoir que cette conclusion découle de l’interaction entre la présomption de véracité et la jurisprudence selon laquelle la Section de la protection des réfugiés doit tirer ses conclusions au sujet de la crédibilité en des termes clairs et explicites, invoquant la décision Glowacki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 292, au paragraphe 8. M. Jeyakumar s’appuie également sur la décision Mendoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 251, au paragraphe 22, pour affirmer qu’un tribunal commet une erreur s’il ne précise pas les éléments de preuve qui sont rejetés.

[23]  Puisque, selon M. Jeyakumar, la décision ne contient aucune conclusion expresse contraire, il soutient que la Section de la protection des réfugiés a implicitement accepté plusieurs parties de son histoire, notamment le fait qu’il a été arrêté en 2016 et détenu pendant six jours jusqu’à ce que son père paye pour le faire libérer. M. Jeyakumar soutient que la décision de la Section de la protection des réfugiés est déraisonnable lorsqu’elle est examinée à la lumière de cette constatation et d’autres conclusions implicites.

[24]  Le défendeur ne partage pas cet avis, invoquant l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sellan, 2008 CAF 381, au paragraphe 3, pour affirmer qu’une « conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité » est suffisante « pour rejeter la demande », en l’absence d’éléments de preuve documentaire indépendants et crédibles permettant d’étayer une décision favorable au demandeur, et il soutient que M. Jeyakumar ne s’est pas acquitté de son fardeau de produire de tels éléments de preuve corroborants. Le défendeur soutient en outre qu’il est clair que la Section de la protection des réfugiés ne croyait pas que le cousin de M. Jeyakumar avait été assassiné pour son engagement politique et que la Section de la protection des réfugiés ne reconnaissait donc pas que M. Jeyakumar ait vraiment été arrêté ou détenu parce que la Section de la protection des réfugiés n’a pas accepté l’hypothèse de la détention.

[25]  Là encore, je suis d’accord avec M. Jeyakumar. Je conclus que la Section de la protection des réfugiés n’a pas tiré de conclusion générale relative à la crédibilité à son égard. Elle a plutôt mis en doute certaines parties de son récit, tout en ajoutant foi à d’autres. Elle a rejeté le fait qu’il avait un lien perçu avec les TLET en raison d’un manque d’éléments de preuve ou de documents corroborants relatifs à cette partie de son témoignage. De plus, la Section de la protection des réfugiés croyait qu’il avait une crainte subjective et qu’il avait aidé la veuve de son cousin, dans une certaine mesure, après le décès.

[26]  Fait important, la Section de la protection des réfugiés n’a pas rejeté la détention de M. Jeyakumar : la Section de la protection des réfugiés a expressément examiné le contenu de l’interrogatoire auquel a été soumis M. Jeyakumar pendant sa détention, concluant que M. Jeyakumar avait [traduction] « omis d’établir selon la prépondérance des probabilités qu’il avait été interrogé sur un lien avec les TLET pendant sa détention, comme il l’avait affirmé ».

[27]  Compte tenu de cette affirmation, je ne suis pas d’accord avec le fait que, comme le prétend le défendeur, la Section de la protection des réfugiés puisse être considérée comme ayant conclu que la détention n’avait pas eu lieu, alors qu’elle a utilisé ses conclusions sur le contenu de l’interrogatoire pendant cette détention pour affaiblir les autres éléments de preuve de M. Jeyakumar.

IV.  Conclusion

[28]  Je conclus que les trois erreurs soulevées ci-dessus, examinées cumulativement, rendent la décision déraisonnable. Par conséquent, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre commissaire pour nouvel examen.

V.  Question à certifier

[29]  À la fin de l’audience, l’avocat de M. Jeyakumar a proposé deux questions à certifier relativement aux conclusions que peut raisonnablement tirer la Section de la protection des réfugiés de l’omission du demandeur de fournir des documents corroborants.

[30]  Premièrement, étant donné que la réponse aux questions proposées doit être déterminante quant à l’issue de la demande, ces questions ne sont pas appropriées aux fins de certification (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 9). Quoi qu’il en soit, la jurisprudence sur ce point est claire : l’absence d’explication raisonnable justifiant un manque d’éléments de preuve documentaire corroborant peut raisonnablement mener à une conclusion défavorable quant à la crédibilité (voir, entre autres, Alekozai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 158, au paragraphe 10).

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2764-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La décision est annulée.

  2. L’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés afin d’être réexaminée par un autre commissaire.

  3. Aucune question ne sera certifiée.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2674-17

 

INTITULÉ :

KAJEEPAN JEYAKUMAR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 janvier 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 février 2018

 

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

 

Pour le demandeur

 

Mary Matthews

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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