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Date : 20180213


Dossier : IMM-1786-17

Référence : 2018 CF 166

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 février 2018

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

LESNOR AUGUSTIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du 27 mars 2017 de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, dans laquelle on a conclu que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

II.  Résumé des faits

[2]  Le demandeur est un citoyen d’Haïti. Il a une épouse et deux enfants. Le 27 août 2016, il a fui Haïti seul et il s’est rendu aux États-Unis. Il est entré au Canada le 6 janvier 2017, et il a demandé l’asile au point d’entrée. Il a allégué qu’il craignait la persécution d’une personne nommée Eustache St-Lot, qui a été le responsable d’un organisme géré par le gouvernement, le « Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement ».

[3]  Le demandeur allègue que M. St-Lot le tient pour responsable de son renvoi en tant que responsable de cet organisme et de la peine de prison qui s’ensuivit, après que le demandeur a dénoncé un stratagème selon lequel des entreprises liées par contrat au Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement devaient, pour obtenir le renouvellement de leurs contrats, verser de l’argent dans un fonds distribué à des politiciens locaux par ledit organisme. À l’époque, le demandeur était employé par l’une de ces entreprises, JL Transport, à titre de chef de la direction. Selon lui, M. St-Lot a révélé ce régime de pots-de-vin lors d’une réunion en juin 2015 avec les représentants des entreprises liées par contrat au Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement. En réponse à la demande de M. St-Lot de verser lesdits paiements, le demandeur allègue avoir dénoncé la corruption et déclaré que l’entreprise pour laquelle il travaillait n’y contribuerait pas, étant donné qu’il s’agissait manifestement d’un pot-de-vin. Il a également indiqué qu’il informerait les médias.

[4]  Environ deux semaines après la réunion, une station de radio locale a diffusé un reportage sur la corruption au sein du Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement et elle a nommé M. St-Lot. Le demandeur allègue qu’à partir de ce moment, il a reçu des appels téléphoniques et des messages textes de menace qui se sont intensifiés en mai et juin 2016 et qui ont finalement abouti à des agressions physiques les 27 juin et 21 août 2016, lesquelles agressions ont été commandées par M. St-Lot, selon lui. Il allègue également avoir été blessé à la jambe en juillet 2016, alors qu’il marchait dans un quartier bondé et, selon ses médecins, il s’agissait probablement d’une blessure par balle. Il indique avoir pensé qu’il ne s’agissait que d’un accident jusqu’à l’agression au mois d’août, après quoi il a réalisé qu’il ne s’agissait pas du tout d’un accident.

[5]  Le demandeur a quitté Haïti une semaine suivant l’agression en août, après s’être assuré que l’on s’occuperait de sa famille en son absence.

[6]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que la demande du demandeur comportait plusieurs difficultés. Premièrement, elle a conclu que le défaut inexpliqué par le demandeur de demander l’asile aux États-Unis démontrait l’absence d’une crainte subjective. Ensuite, la Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur n’était pas crédible, compte tenu des omissions importantes dans son formulaire Fondement de la demande d’asile concernant la nature des menaces formulées contre lui. Plus précisément, la Section de la protection des réfugiés a indiqué que, contrairement au témoignage du demandeur, le formulaire Fondement de la demande d’asile ne contenait aucune mention des menaces de mort et n’établissait aucun lien direct entre M. St-Lot et l’agression en août. La Section de la protection des réfugiés était aussi insatisfaite de l’explication du demandeur sur la raison pour laquelle le rapport du « Juge de la paix » concernant l’agression du mois d’août 2016 ne contenait aucune mention des menaces de mort, ou de son explication quant à la manière dont M. St-Lot pouvait continuer de représenter un risque sérieux pour lui, après avoir perdu son emploi de responsable du Bureau de monétisation des programmes d’aide au développement et avoir été incarcéré.

[7]  Le demandeur conteste la décision de la Section de la protection des réfugiés pour divers motifs. Premièrement, il prétend que l’examen de la Section de la protection des réfugiés concernant sa crédibilité était trop laborieux, microscopique et exagéré. Plus précisément, il conteste la mention par la Section de la protection des réfugiés [traduction] « de nombreuses contradictions » entre ses témoignages oral et écrit, alors qu’il n’a cité que deux exemples qui n’étaient pas contradictoires, tandis que son formulaire Fondement de la demande d’asile : i) indiquait que les auteurs de la persécution lui ont dit [traduction] « qu’il ferait mieux de se comporter correctement pour [son] bien et celui de [sa] famille », menace qui, selon lui, ne pouvait être interprétée que comme une menace contre sa vie et la vie de sa femme et de ses enfants, et ii) établissait un lien direct entre l’agression en août et M. St-Lot, en indiquant qu’il avait été accusé par ses assaillants d’être [traduction] « responsable du renvoi du grand patron ».

[8]  Deuxièmement, le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés a examiné le rapport du « Juge de la paix » concernant l’incident en août de façon déraisonnable en concluant qu’il ne contenait aucune mention des menaces de mort, alors qu’il en faisait mention. Troisièmement, il affirme qu’il était déraisonnable pour la Section de la protection des réfugiés de conclure que M. St-Lot ne représentait plus une menace pour lui parce qu’il n’exerçait plus de fonctions officielles et qu’il avait purgé une peine d’emprisonnement. Selon le demandeur, cette conclusion a été tirée sans tenir compte de la documentation sur le pays, qui montre une culture répandue de vengeance en Haïti et la persistance du risque de vengeance pendant plusieurs années, même après la fin des menaces. Le demandeur ajoute que ces éléments de preuve indiquent qu’une personne comme M. St-Lot continue de représenter une menace pour lui, étant donné que les autorités se sentent toujours intimidées par une telle personne.

[9]  Quatrièmement, le demandeur prétend que la Section de la protection des réfugiés n’aurait pas dû tirer de conclusion défavorable de son défaut de demander l’asile aux États-Unis. Il affirme que l’on devrait considérer qu’il a mis moins de quatre mois avant de demander l’asile, étant donné qu’il a passé une partie de son temps aux États-Unis à attendre dans un refuge à Buffalo. En outre, il soutient que l’Entente sur les tiers pays sûrs lui permettait explicitement d’entrer au Canada depuis les États-Unis, étant donné qu’un membre de sa famille immédiate se trouve au Canada.

[10]  Enfin, le demandeur affirme que la Section de la protection des réfugiés a manqué à son obligation d’équité procédurale en tirant une conclusion défavorable du délai que le demandeur a mis avant de quitter Haïti, après qu’elle a indiqué à l’audience qu’il ne s’agissait plus d’une question litigieuse.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[11]  L’espèce soulève deux questions :

  1. La décision de la Section de la protection des réfugiés est-elle raisonnable?

  2. La Section de la protection des réfugiés a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale envers le demandeur?

[12]  Il n’est pas controversé entre les parties que la norme de contrôle applicable à la première question est celle de la décision raisonnable et que la norme de la décision correcte s’applique à la seconde question (Abd c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 374, au paragraphe 13; Santillan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1297, aux paragraphes 24 et 25).

[13]  Bien que je relève quelques problèmes avec la décision de la Section de la protection des réfugiés, je conclus qu’elle appartient aux issues possibles acceptables et qu’elle est conforme aux règles d’équité procédurale, lorsque je l’examine dans son ensemble.

IV.  Discussion

A.  La décision de la Section de la protection des réfugiés est-elle raisonnable?

[14]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que ni le demandeur ni la menace posée par M. St-Lot n’étaient crédibles. Les conclusions concernant la crédibilité sont des conclusions de fait à l’égard desquelles un degré élevé de retenue s’impose. Il est établi depuis longtemps que les conclusions de la Section de la protection des réfugiés concernant la vraisemblance ou la crédibilité, pourvu qu’elles ne soient pas déraisonnables au point de justifier une intervention, ne sont pas susceptibles de contrôle, à moins que le demandeur ne soit en mesure de démontrer qu’elles ne pouvaient pas être raisonnablement tirées (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732, 160 NR 315, aux paragraphes 3 et 4; Qasem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] ACF no 1618, 2002 CF 1re inst. 1182, aux paragraphes 42 à 46).

[15]  En l’espèce, à l’exception de l’erreur de la Section de la protection des réfugiés dans son examen du rapport du « Juge de la paix », le demandeur ne m’a pas convaincu que cette dernière ne pouvait raisonnablement tirer les conclusions sur la crédibilité auxquelles elle est parvenue.

[16]  Le défendeur reconnaît que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en concluant que le rapport du « Juge de la paix » ne faisait aucune référence aux menaces de mort. Toutefois, je suis plutôt d’accord avec le défendeur que le fait que le rapport contienne une telle mention n’explique pas d’autres omissions et incohérences dans le témoignage du demandeur. Plus précisément, comme l’a souligné le défendeur, la transcription de l’audience montre que la Section de la protection des réfugiés avait des réserves concernant l’omission des menaces de mort qui auraient été proférées lors de l’agression en août 2016, alors que le rapport ne fait allusion qu’aux menaces proférées par téléphone bien avant cet incident. Je suis aussi d’accord avec le défendeur que le témoignage du demandeur semble avoir évolué de façon à répondre à l’erreur de la Section de la protection des réfugiés, étant donné que le demandeur a expliqué pourquoi les menaces de mort ne figuraient aucunement dans le rapport susmentionné.

[17]  Je conclus également qu’il était raisonnable que la Section de la protection des réfugiés tire une conclusion défavorable du fait que le demandeur n’a pas mentionné, dans son formulaire Fondement de la demande d’asile, les menaces de mort par téléphone et messages textes dont il a été victime pendant plus d’un an. Le demandeur explique que la nature mortelle de ces menaces est implicite dans les réponses fournies dans le formulaire Fondement de la demande d’asile ([traduction] « [tu] ferais mieux de te comporter correctement pour [ton] bien et celui de [ta] famille »). Le problème est que le demandeur n’a pas fourni cette explication à la Section de la protection des réfugiés. Le fait est que le formulaire Fondement de la demande d’asile n’indique pas clairement une menace de mort en lien avec ces appels téléphoniques et messages textes. Par conséquent, je suis d’avis qu’il était raisonnablement loisible à la Section de la protection des réfugiés de tirer une conclusion défavorable de cette omission importante.

[18]  Il était également raisonnablement loisible à la Section de la protection des réfugiés de conclure que le demandeur n’avait pas fourni une explication satisfaisante concernant la manière dont M. St-Lot continuait de représenter une menace, étant donné qu’il n’occupait plus une position d’autorité et qu’il avait été incarcéré pour corruption. Plus précisément, il était raisonnablement loisible à la Section de la protection des réfugiés de rejeter l’explication du demandeur portant que M. St-Lot continuerait néanmoins de représenter une menace pour lui, étant donné qu’il était proche du ministre des Finances d’Haïti de l’époque, M. Wilson Labeau. La Section de la protection des réfugiés a noté à cet égard qu’aucun élément de preuve ne démontrait que M. St-Lot et M. Labeau étaient des amis et que le demandeur n’avait pas été en mesure de réfuter un article de journal qui indiquait que ces deux hommes étaient à couteaux tirés, étant donné qu’ils se sont contredits dans leur témoignage devant une commission gouvernementale de lutte contre la corruption.

[19]  Comme le défendeur l’indique à juste titre, la Section de la protection des réfugiés n’a pas mis en doute le désir de M. St-Lot de persécuter le demandeur, mais plutôt sa capacité à le faire. Je ne trouve aucun motif pour modifier cette conclusion. Je note à cet égard qu’aucun élément de preuve au dossier ne démontre que l’épouse et les enfants du demandeur, qui résident probablement encore en Haïti, ont été harcelés, importunés ou autrement menacés par M. St-Lot ou ses hommes de main depuis que le demandeur a quitté Haïti à la fin d’août 2016, malgré que le demandeur ait indiqué dans le formulaire Fondement de la demande d’asile que sa famille était également exposée à un risque et que M. St-Lot était encore en mesure d’user de son influence.

[20]  En résumé, je conclus que malgré son erreur concernant l’absence de toute mention de menaces de mort dans le rapport du « Juge de la paix », les conclusions quant à la crédibilité générale de la Section de la protection des réfugiés peuvent résister à un examen selon la norme du caractère raisonnable.

[21]  Je conclus également qu’il était loisible à la Section de la protection des réfugiés de tirer une conclusion défavorable en ce qui concerne la crainte subjective alléguée du demandeur, compte tenu de sa demande d’asile tardive. Dans la décision Espinosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1324, aux paragraphes 16 et 17 [Espinosa], la Cour a conclu qu’il peut arriver qu’un délai dans la présentation d’une demande d’asile joue un rôle décisif, lorsque le demandeur est incapable de fournir une explication satisfaisante pour ledit délai (Espinosa, aux paragraphes 16 et 17). Le demandeur allègue qu’il a mis longtemps à demander l’asile parce qu’il effectuait des [traduction] « recherches » sur la façon de demander l’asile au Canada. Toutefois, comme la Section de la protection des réfugiés l’a noté, les éléments de preuve présentés par le demandeur à cet égard étaient lacunaires et imprécis, puisqu’il n’a pas été en mesure d’indiquer de manière précise les sites Web du gouvernement du Canada qu’il a consultés lors de ses recherches.

[22]  Le demandeur cite la décision Pissareva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) ([2000] ACF no 2001, au paragraphe 27 [Pissareva]) à l’appui de son argument selon lequel l’omission de revendiquer le statut de réfugié aux États-Unis n’est qu’un critère pertinent parmi d’autres. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le passage dans un pays signataire de la Convention sur les réfugiés sans y demander le statut de réfugié dans les plus brefs délais constitue un critère pertinent dans l’examen de la crainte subjective d’un demandeur (Pissareva, au paragraphe 27). Toutefois, les conclusions finales de la Cour n’appuient pas l’argument du demandeur. Dans la décision Pissareva, les demanderesses sont demeurées à New York pendant un mois avant de venir au Canada, et la Cour a jugé que la conclusion de la Section de la protection des réfugiés portant que le délai avant le dépôt de la demande d’asile indiquait une absence de crainte subjective n’était pas déraisonnable.

[23]  Le demandeur a également soutenu, en citant la décision Gyawali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003 CF 1122 [Gyawali]), qu’étant donné que son statut était en règle pendant toute la période où il s’est trouvé aux États-Unis, il n’a jamais risqué l’expulsion par les autorités américaines. L’affaire du demandeur se distingue de celle dans la décision Gyawali, où le demandeur avait fui le Népal par crainte de persécution, mais il était arrivé au Canada avec un permis d’étudiant en règle et il avait demandé la résidence permanente. Ce n’est que lorsque sa famille n’a plus été en mesure de financer ses études que la menace d’un renvoi est devenue plus concrète et qu’il a demandé l’asile. En l’espèce, le demandeur se trouvait légalement aux États-Unis, mais rien n’indique qu’il disposait d’un autre document qu’un visa de court séjour ou d’un visa lui permettant de travailler ou d’étudier; par conséquent, la menace d’être forcé de rentrer dans son pays d’origine était plus imminente pour le demandeur à son arrivée aux États-Unis qu’elle ne l’était pour le demandeur dans la décision Gyawali, qui pouvait raisonnablement s’attendre à être autorisé à rester au Canada pendant plusieurs années en tant que résident temporaire ou permanent.

[24]  Par conséquent, je ne vois aucun motif d’intervenir dans la conclusion de la Section de la protection des réfugiés concernant la demande d’asile tardive du demandeur ni d’intervenir dans sa décision globale.

[25]  Il importe de noter ici que le rôle de la Cour lors de l’examen du caractère raisonnable d’une décision d’un décideur administratif n’est pas d’examiner les éléments de preuve ni de substituer ses propres conclusions à celles du décideur. Par conséquent, il ne s’agit pas de rechercher si les éléments de preuve présentés à la Section de la protection des réfugiés pouvaient entraîner une issue différente. Cette question est sans importance (Canada (Citoyenneté et Immigration c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 67; Amri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 925, au paragraphe 4). La question dont la Cour était saisie consistait à rechercher si la décision de la Section de la protection des réfugiés, lorsqu’elle est examinée dans son ensemble, appartenait aux issues possibles acceptables. J’ai conclu que c’était le cas.

B.  La question de l’équité procédurale

[26]  Le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés a manqué à son obligation d’équité procédurale à son égard en tirant une conclusion défavorable du délai qui s’est écoulé entre le moment où il a été menacé et le moment où il a quitté Haïti, après qu’elle a indiqué, lors de l’audience, que le délai avant de quitter Haïti [traduction] « avait été écarté », puisqu’il n’avait pas été examiné.

[27]  Toutefois, il ressort clairement de la décision de la Section de la protection des réfugiés que le délai avant de quitter Haïti était l’un des trois critères qui l’ont mené à conclure que le demandeur n’était pas crédible en ce qui concerne sa crainte subjective, les deux autres facteurs étant le délai de plus de quatre mois avant de venir au Canada et de demander l’asile et le défaut de l’avoir demandé aux États-Unis. Cela soulève la question de l’importance de l’erreur commise par la Section de la protection des réfugiés en mentionnant dans sa décision le temps que le demandeur a mis avant de quitter son pays, en dépit de ses affirmations contraires à l’audience.

[28]  Le demandeur cite la décision Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001 CF 1re inst. 405 [Ali]) à l’appui de son argument portant qu’il s’agit d’un manquement à l’équité procédurale. Dans la décision Ali, la demanderesse avait été informée avant et pendant l’audience que « les questions litigieuses à examiner avaient trait à la crédibilité, à l’identité personnelle, à la destruction de documents, à la possibilité de refuge intérieur et à la protection de l’État » (décision Ali, au paragraphe 8), mais jamais que la demande d’asile tardive était une question litigieuse. Étant donné qu’une demande d’asile tardive a été considérée comme l’un des critères qui minaient la crainte de persécution alléguée par la demanderesse, la Cour a conclu que la demanderesse n’avait pas eu la possibilité de répondre au dossier déposé contre elle et que, par conséquent, il y avait eu manquement à l’équité procédurale.

[29]  Toutefois, dans la décision Ali, la Cour a également conclu que bien qu’il y eût un manquement à l’équité procédurale, de nombreux autres motifs lui permettaient de conclure que la demanderesse ne craignait pas véritablement d’être persécutée, et elle a rejeté la demande de contrôle judiciaire. À mon avis, c’est également le cas en l’espèce. Au paragraphe 9 de sa décision, la Section de la protection des réfugiés a conclu ce qui suit : [traduction] « [l]e défaut du demandeur de demander l’asile aux États-Unis constitue un critère important dans l’examen de la crainte subjective alléguée du demandeur ». Ce point a été précisé au paragraphe 11 de la décision. Entre le défaut du demandeur de demander l’asile aux États-Unis et le délai entre son départ d’Haïti et sa demande d’asile au Canada, il semble que le départ tardif d’Haïti n’ait pas été déterminant

[30]  Bien que l’espèce soit techniquement entachée d’un manquement à l’équité procédurale, je conclus qu’il serait raisonnable de souscrire à la décision de notre Cour dans l’affaire Ali et de rejeter la demande, étant donné que la Section de la protection des réfugiés disposait de plusieurs autres motifs pour conclure que le demandeur n’avait pas adéquatement démontré une crainte subjective.

[31]  Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier. Je conclus que, quoi qu’il en soit, l’espèce ne soulève aucune question de portée générale.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1786-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« René LeBlanc »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1786-17

 

INTITULÉ :

LESNOR AUGUSTIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER NOVEMBRE 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 FÉVRIER 2018

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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