Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180214


Dossier : IMM-457-17

Référence : 2018 CF 172

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 14 février 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

SANDRINA KERBY MATHURIN

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  En 2008, Mme Sandrina Mathurin est arrivée au Canada en provenance de Sainte-Lucie à titre de visiteuse. Son visa a expiré en 2009, mais elle est restée au Canada et elle a eu deux enfants ici (elle a également deux enfants à Sainte-Lucie). En 2014, Mme Mathurin a présenté, sans succès, une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Elle a également demandé l’asile, mais elle a été jugée non crédible.

[2]  En 2016, Mme Mathurin a présenté une deuxième demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, laquelle invoquait principalement l’intérêt supérieur de ses enfants nés au Canada. Un agent d’immigration a rejeté la demande malgré la situation particulière du fils de Mme Mathurin, Jayden, atteint d’un trouble du spectre autistique. L’agent a examiné le diagnostic du trouble de Jayden, mais il a conclu que Mme Mathurin n’avait pas démontré que des services appropriés pour les enfants autistes n’étaient pas offerts à Sainte-Lucie.

[3]  Mme Mathurin affirme que la décision de l’agent est déraisonnable parce qu’elle fait fi d’éléments de preuve importants à l’appui de sa demande. Elle soutient également que les motifs de l’agent donnent ouverture à une crainte raisonnable de partialité, plus précisément, l’observation de l’agent selon laquelle Mme Mathurin a choisi d’avoir deux enfants au Canada alors qu’elle n’avait pas de statut d’immigrante au Canada. Elle me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent examine de nouveau sa demande.

[4]  Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de l’agent. L’agent a raisonnablement examiné les éléments de preuve présentés par Mme Mathurin à l’appui à sa demande. De plus, interprétée dans son contexte, la mention de l’agent concernant l’absence de statut d’immigrante de Mme Mathurin ne fait que qualifier la situation difficile dans laquelle elle s’est placée. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]  Deux questions sont soulevées :

  1. La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

  2. Les motifs de l’agent donnent-ils ouverture à une crainte raisonnable de partialité?

II.  La décision de l’agent

[6]  L’agent a examiné la situation des enfants de Mme Mathurin de façon très détaillée. Il a examiné le diagnostic de Jayden et les difficultés qu’il rencontrerait probablement dans l’avenir. L’agent a également examiné les conséquences du retour des enfants nés au Canada à Sainte-Lucie (ou à Saint-Vincent, où habite leur père), en plus des effets sur les enfants de Mme Mathurin une fois à Sainte-Lucie.

[7]  L’agent a conclu que Mme Mathurin n’avait pas présenté d’éléments de preuve concernant certaines questions principales, comme le pronostic de Jayden, le soutien qu’elle pourrait recevoir au Canada et sa participation dans la vie de ses enfants se trouvant à Sainte-Lucie.

[8]  L’agent a examiné des renseignements, contenus dans des rapports du Département d’État américain et dans les éléments de preuve documentaire présentés par Mme Mathurin, sur les services offerts aux enfants autistes à Sainte-Lucie et à Saint-Vincent. L’agent a conclu que Mme Mathurin n’avait pas démontré que ces pays n’offraient pas suffisamment de ressources appropriées pour les enfants autistes.

[9]  En résumé, l’agent a conclu que l’intérêt supérieur des enfants canadiens serait mieux servi s’ils demeuraient au Canada. Il s’agissait d’un facteur positif important en faveur de la demande de Mme Mathurin, mais il n’était pas déterminant. L’agent a noté que Mme Mathurin et son partenaire avaient choisi de demeurer au Canada sans statut d’immigrant et d’avoir deux enfants ici. Selon l’agent, leur décision de faire fi des lois canadiennes ne devrait pas être récompensée par une résidence permanente (citant Joseph c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 904).

III.  La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[10]  Mme Mathurin soutient que l’agent ne s’est pas rendu compte que Jayden souffre, en fait, de deux problèmes de santé distincts qui nécessitent différentes formes de traitement. En plus du trouble du spectre autistique, Jayden a également besoin de l’aide d’un orthophoniste, aide à laquelle il n’aurait pas accès à Sainte-Lucie ou à Saint-Vincent, selon Mme Mathurin.

[11]  Mme Mathurin invoque plusieurs documents médicaux contenus dans son dossier à l’appui de cet aspect de sa demande. Chacun d’eux mentionne directement ou indirectement que Jayden a besoin de services d’orthophonie. En conséquence, affirme Mme Mathurin, l’agent a commis une erreur en se concentrant sur la disponibilité des traitements pour l’autisme à Sainte-Lucie et à Saint-Vincent et en faisant fi de l’impossibilité d’avoir accès à des services d’orthophonie. De plus, selon Mme Mathurin, l’agent n’a pas examiné adéquatement les besoins généraux en matière de soins de Jayden et les répercussions négatives qu’il subirait s’il était renvoyé du Canada.

[12]  Je ne suis pas d’accord avec la caractérisation que Mme Mathurin applique à la décision de l’agent.

[13]  L’agent a examiné attentivement les éléments de preuve concernant la santé et les besoins médicaux de Jayden, y compris les rapports d’experts et les évaluations. L’agent a mentionné le diagnostic du trouble du spectre autistique et les troubles de la parole de Jayden. Dans ses observations à l’agent, Mme Mathurin n’a pas indiqué que ces questions nécessitaient une analyse distincte, et les rapports sur lesquels elle s’est fondée ne l’indiquaient pas non plus. Quoi qu’il en soit, l’agent a tenu compte de la disponibilité des services d’orthophonie à Sainte-Lucie et à Saint-Vincent et il a conclu qu’aucun élément de preuve ne démontrait que les services offerts dans ces pays ne répondraient pas aux besoins de Jayden. En fait, à ce moment, on venait tout juste de recommander que Jayden rencontre un orthophoniste au Canada.

[14]  En conséquence, je ne peux pas conclure que l’examen des éléments de preuve par l’agent était déraisonnable.

IV.  Les motifs de l’agent donnent-ils ouverture à une crainte raisonnable de partialité?

[15]  Mme Mathurin s’oppose à l’observation de l’agent selon laquelle son partenaire et elle ont choisi d’avoir deux enfants au Canada alors qu’ils n’avaient pas de statut d’immigrant. Elle soutient que la déclaration de l’agent, laquelle figure deux fois dans les motifs, indique qu’il n’a pas été impartial.

[16]  Je ne peux pas conclure que la déclaration de l’agent indique un manque d’impartialité. En lisant la décision de l’agent dans son ensemble, je conclus que, dans sa première déclaration, il n’a fait que mentionner la durée du séjour de Mme Mathurin au Canada sans statut d’immigrante, et il a indiqué qu’elle avait eu deux enfants pendant cette période. La deuxième déclaration figure dans le sommaire, préparé par l’agent, sur les circonstances dans lesquelles Mme Mathurin et ses enfants se sont retrouvés. Une lecture objective des déclarations de l’agent ne permet pas de conclure à une crainte raisonnable de partialité. Au contraire, l’analyse globale de l’agent indique une préoccupation sincère pour la famille et de l’empathie pour les choix auxquels ils sont aujourd’hui confrontés.

V.  Conclusion et décision

L’agent a traité de manière raisonnable les éléments de preuve appuyant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de Mme Mathurin, y compris les renseignements liés à son fils Jayden. En outre, les motifs de l’agent ne donnent pas ouverture à une crainte raisonnable de partialité. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-457-17

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire et elle ne certifie aucune question d’importance générale.

« James W. O’Reilly »

Juge


Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-457-17

 

INTITULÉ :

SANDRINA KERBY MATHURIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 31 août 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 FÉVRIER 2018

 

COMPARUTIONS :

Justin Dubois

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Tom Finlay

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Emond Harnden LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.