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Date : 20180115


Dossier : IMM-798-17

Référence : 2018 CF 34

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 janvier 2018

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

HABAB AHMED HASSAN ABUZEID

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

et

ABDALLA ABOSHARIA

intervenant

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande présentée par Mme Abuzeid sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés confirmant une décision de la Section de la protection des réfugiés qu’elle n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[2]  Devant la Section d’appel des réfugiés, Mme Abuzeid a allégué qu’il y avait eu déni de justice naturelle et qu’elle n’avait pas eu droit à une audience équitable devant la Section de la protection des réfugiés en raison de l’incompétence de son avocat. La Section d’appel des réfugiés a conclu que les éléments de preuve qui lui avaient été présentés étaient insuffisants pour démontrer la représentation incompétente et a rejeté l’appel. Mme Abuzeid prétend qu’en rejetant l’appel : 1) la Section d’appel des réfugiés a présenté une analyse et des conclusions déraisonnables sur l’allégation d’incompétence; et 2) la Section d’appel des réfugiés a déraisonnablement refusé les nouveaux éléments de preuve qui n’avaient pas été présentés à la Section de la protection des réfugiés en raison de l’incompétence de son avocat.

[3]  Il revient à la partie qui allègue la représentation incompétente de démontrer le rendement incompétent de l’avocat et le préjudice découlant de ladite incompétence. Ce seuil est élevé et Mme Abuzeid n’a pas satisfait cette exigence. La demande est rejetée.

II.  Résumé des faits

[4]  Mme Abuzeid est citoyenne du Soudan. Elle est mariée et a quatre enfants, qui demeurent tous au Soudan. Elle est venue seule au Canada en mai 2016 et a demandé l’asile peu de temps après.

[5]  La demande d’asile se fondait sur la crainte déclarée de Mme Abuzeid à l’égard des forces de l’ordre soudanaises résultant de son travail politique contre le gouvernement. Mme Abuzeid prétend avoir été arrêtée à de nombreuses reprises, battue, agressée sexuellement et menacée de viol.

[6]  Mme Abuzeid a déclaré avoir récemment été détenue par les autorités du Soudan en janvier 2016, et avoir, dès sa libération, demandé un passeport qu’elle a reçu en février 2016. Elle a ensuite obtenu deux visas de sortie auprès des autorités soudanaises : l’un pour aller en Égypte, et l’autre pour aller au Canada.

[7]  La demande de Mme Abuzeid a été entendue par la Section de la protection des réfugiés où elle était représentée par Me Abosharia. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration a comparu devant la Section de la protection des réfugiés pour des motifs de crédibilité. La Section de la protection des réfugiés a refusé la demande, citant la crédibilité comme question déterminante.

[8]  Mme Abuzeid a ensuite retenu les services d’un nouvel avocat et interjeté appel auprès de la Section d’appel des réfugiés. Elle a demandé l’autorisation de déposer de nouveaux éléments de preuve devant la Section d’appel des réfugiés et a présenté une plainte au Barreau du Haut-Canada (BHC) et à Aide juridique Ontario alléguant que Me Abosharia l’avait représentée de manière incompétente dans sa demande d’asile. Les plaintes demeurent en suspens.

[9]  Dans une ordonnance en date du 2 mai 2017, le protonotaire Kevin Aalto a noté pour seule question sur l’avis de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire l’allégation de représentation incompétente par l’avocat, et a autorisé Me Abosharia à comparaître et à déposer un dossier de l’intervenant.

III.  Norme de contrôle

[10]  Les décisions de la Section d’appel des réfugiés, y compris les évaluations de l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve, sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 855, au paragraphe 27). La norme de contrôle de la décision correcte s’applique lorsqu’il s’agit de savoir si un manquement à l’équité procédurale découle d’allégations de représentation incompétente par l’avocat (Badihi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 64, au paragraphe 7).

[11]  Dans le présent dossier, la Cour est appelée à examiner une conclusion de la Section d’appel des réfugiés sur une question de compétence de l’avocat, et non à examiner de novo la demande initiale. Mme Abuzeid n’allègue pas que la Section d’appel des réfugiés a agi de manière inéquitable, ou qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale ou déni de justice naturelle dans l’instance devant la Section d’appel des réfugiés. Les avocats des parties ont été appelés à émettre leur opinion sur la norme de contrôle à appliquer dans les circonstances. Dans ses observations écrites, l’avocat de Mme Abuzeid a indiqué que [traduction] « la question qui est en cause dans la présente demande de contrôle judiciaire relève du caractère raisonnable de la décision de la Section d’appel des réfugiés, et non de l’incompétence de l’intervenant en soi ». Les observations orales ont permis d’établir une certaine reconnaissance qu’il était difficile de trancher si la Cour devait appliquer la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable vu les circonstances.

[12]  D’après les faits et les circonstances qui m’ont été exposés, je me rallie aux arguments présentés dans les observations écrites de l’avocat de Mme Abuzeid. La Cour est appelée à réviser une décision de la Section d’appel des réfugiés, dans laquelle la Section d’appel des réfugiés, dans l’exercice de sa compétence et de son pouvoir, a conclu que « la preuve ne permet pas de conclure que le conseil a représenté l’appelante de façon incompétente dans le cadre de sa demande d’asile et que la demande d’asile a été rejetée pour cette raison ». À mon avis, il s’agissait d’une décision mixte de fait et de droit, qui devait être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51 et 53; Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, au paragraphe 26). Or, mon opinion sur la norme de contrôle importe peu. J’estime que la décision de la Section d’appel des réfugiés était à la fois raisonnable et correcte, puisque Mme Abuzeid n’a pas démontré que l’issue de sa demande aurait été différente sans l’incompétence de son avocat devant la Section de la protection des réfugiés.

IV.  Questions préliminaires

A.  Intitulé

[13]  La demanderesse a nommé le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté comme le défendeur en l’espèce. L’intitulé correct pour identifier le défendeur est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, au paragraphe 5(2) et LIPR). En conséquence, le défendeur figurant à l’intitulé est modifié et remplacé par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

B.  Dossier de l’intervenant

[14]  Me Abosharia a déposé un volumineux dossier d’intervenant en l’espèce. Mme Abuzeid s’oppose au dossier au motif qu’une grande partie des arguments qu’il comporte se rapportent au fondement de la décision de la Section d’appel des réfugiés. Mme Abuzeid se fonde sur le Protocole procédural concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger délivré par le juge en chef le 7 mars 2014, lequel prévoit que les observations écrites des anciens avocats doivent avoir pour seule fin de répondre aux allégations.

[15]  Le rôle de l’intervenant dans le présent dossier n’est pas de plaider à l’encontre ou en faveur de la décision de la Section d’appel des réfugiés. Le statut d’intervenant a plutôt été accordé à Me Abosharia pour lui permettre de répondre aux allégations de représentation incompétente. Il aurait été préférable que ces observations aient été présentées à la Section d’appel des réfugiés. À cet égard, le dossier n’indique pas pourquoi ces observations n’ont pas été ainsi présentées, même si le dossier indique que Me Abosharia a été informé par lettre envoyée le 3 janvier 2017 par service de messagerie que sa représentation prétendument incompétente avait été soulevée devant la Section d’appel des réfugiés, et de la décision rendue le 23 janvier 2017.

[16]  Vu les circonstances, j’ai examiné et pris en considération le dossier de l’intervenant, sans toutefois tenir compte des arguments présentés à l’appui du fondement de la décision de la Section d’appel des réfugiés.

C.  Affidavit de Mme Abuzeid en date du 22 août 2017

[17]  Me Abosharia s’oppose à la pièce A de l’affidavit souscrit le 22 août 2017 par Mme Abuzeid, une lettre de Mme Sarah Snider. Me Abosharia affirme que la lettre n’a pas été assermentée et qu’elle n’est pas datée, qu’elle porte sur une question litigieuse, et que la véracité de son contenu n’a pas été adéquatement avérée ni vérifiée. Il affirme que l’inclusion de l’information qu’elle contient dans l’affidavit du 22 août 2017 est contraire à la jurisprudence et à l’article 81 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Il prétend aussi que le fait que Mme Snider n’a pas souscrit son affidavit sous serment l’a privé de la possibilité de vérifier la preuve. Je suis d’accord. La teneur de la pièce A de l’affidavit du 22 août 2017 n’a pas été prise en considération.

V.  Discussion

A.  Représentation incompétente

[18]  Mme Abuzeid a dressé une liste d’erreurs et d’omissions commises par Me Abosharia devant la Section d’appel des réfugiés. Elle prétend que sa crédibilité a été contestée devant la Section de la protection des réfugiés en raison de l’absence d’éléments de preuve déterminants que Me Abosharia a fait défaut de lui conseiller de présenter. Par exemple, elle affirme que la Section de la protection des réfugiés a trouvé peu vraisemblable qu’elle ait pu demander et recevoir un passeport et des visas de sortie après avoir été arrêtée et détenue par les autorités du Soudan. Elle affirme que ce doute fondamental de la Section de la protection des réfugiés a été causé par le défaut de Me Abosharia de lui indiquer d’inclure une lettre de son cousin, un agent de l’immigration et des passeports au Soudan, expliquant qu’il avait secrètement obtenu pour elle les titres de voyage.

[19]  Mme Abuzeid a aussi reconnu dans ses observations qu’aucun manquement allégué dans la conduite de Me Abosharia n’atteignait seul le niveau de l’incompétence. Toutefois, elle prétend que les manquements ont opéré de manière cumulative pour amener la Section de la protection des réfugiés à conclure qu’elle n’était pas crédible et à refuser sa demande d’asile. Elle affirme que la Section d’appel des réfugiés a manqué d’examiner l’effet cumulatif des manquements et n’a pas tenu compte de la jurisprudence où l’incompétence de la représentation était constatée lorsque l’avocat : 1) prépare les formulaires de la demande d’asile de manière négligente en omettant les détails; 2) ne présente pas d’éléments de preuve à la Section de la protection des réfugiés lorsqu’un client a remis ces éléments de preuve à l’avocat; 3) ne tente pas de recueillir des éléments de preuve que le client ne présente pas spontanément, mais qui pourraient exister et appuyer la demande, et 4) ne prépare pas correctement le client en vue d’une audience.

[20]  Mme Abuzeid affirme aussi que puisque Me Abosharia n’a pas répondu à ses allégations devant la Section d’appel des réfugiés, les éléments de preuve non contredits ont établi qu’elle avait été représentée de manière incompétente.

[21]  Dans Badihi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 64, j’ai examiné le critère à appliquer si l’incompétence d’un avocat est alléguée :

[17]  Le juge James Russell a établi le critère à appliquer pour examiner les allégations de représentation inefficace ou incompétente de la part d’un avocat dans Galyas, en formulant les observations ci-après au paragraphe 84 :

[84]  Il est généralement reconnu que si un demandeur souhaite établir un manquement à l’équité procédurale sur ce point, il doit :

a. corroborer l’allégation en avisant l’ancien conseil et en lui donnant la possibilité de répondre;

b. établir que les actes ou les omissions de l’ancien conseil relevaient de l’incompétence, indépendamment de l’avantage de l’analyse et de la sagesse rétrospectives;

c. établir que le résultat aurait été différent n’eût été l’incompétence. [Sources omises]

[18]  Il incombe au demandeur de prouver à la fois le volet de la compétence et du préjudice du critère pour démontrer un manquement à l’équité procédurale. Les parties s’entendent pour dire que le critère est très rigoureux. Comme le juge Richard Mosley l’a fait remarquer au paragraphe 9 dans Jeffrey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 605 :

[9] [...] La partie qui invoque l’incompétence doit établir qu’elle a subi un préjudice important et que ce préjudice découle des actions ou omissions du conseil incompétent. Il faut démontrer qu’il est raisonnablement probable que, n’eût été les erreurs commises par le conseil par manque de professionnalisme, l’issue de l’instance aurait été différente

[19]  Dans R. c G.D.B., 2000 CSC 22, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit au paragraphe 29 :

[29]  Dans les cas où il est clair qu’aucun préjudice n’a été causé, il n’est généralement pas souhaitable que les cours d’appel s’arrêtent à l’examen du travail de l’avocat. L’objet d’une allégation de représentation non effective n’est pas d’attribuer une note au travail ou à la conduite professionnelle de l’avocat. Ce dernier aspect est laissé à l’appréciation de l’organisme d’autoréglementation de la profession.  S’il convient de trancher une question de représentation non effective pour cause d’absence de préjudice, c’est ce qu’il faut faire (Strickland c Washington, 466 US 668 [1984], au paragraphe 697).

[22]  La Section d’appel des réfugiés n’a pas expressément défini le critère de l’incompétence, mais a étudié et abordé les composants que sont le rendement et le préjudice. Comme le souligne mon collègue le juge Alan Diner, devant une allégation de représentation incompétente, le rôle de la Cour n’est pas de se substituer à un organisme de réglementation professionnelle, mais plutôt de « décider si les omissions en question ont causé un préjudice à la demanderesse, en l’absence duquel elle aurait obtenu, suivant une probabilité raisonnable, un résultat différent » (Guadron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1092, au paragraphe 9 [Guadron]). À mon avis, le rôle de la Section d’appel des réfugiés est le même que celui de la Cour.

[23]  La Section d’appel des réfugiés a examiné chaque acte allégué d’incompétence, et a conclu que l’incompétence alléguée n’exemptait pas Mme Abuzeid de son obligation de donner des renseignements véridiques, complets et corrects. La Section d’appel des réfugiés : 1) a conclu que Mme Abuzeid savait que la question de ses visas de sortie préoccupait la Section de la protection des réfugiés, et qu’elle connaissait vraisemblablement l’importance qu’avaient ses revendications voulant que son domicile ait été fouillé; et 2) a refusé l’idée que la demanderesse ne savait pas que la Cour aurait souhaité avoir les éléments de preuve corroborant son activisme politique, et les arrestations et les détentions auxquels elle prétendait. Dès lors, la responsabilité de ne pas avoir présenté d’éléments de preuve suffisants sur ces sujets lui revenait au moins en partie.

[24]  En somme, la Section d’appel des réfugiés a, dans les faits, conclu que Mme Abuzeid portait une part de la responsabilité pour les lacunes de sa preuve, part de responsabilité qui ne pouvait ainsi revenir à l’incompétence de son avocat. Elle n’a pas présenté d’élément de preuve documentaire dont elle aurait raisonnablement pu disposer, et la représentation incompétente qui fait l’objet de ses allégations ne la déchargeait pas de sa propre responsabilité de présenter elle-même ces éléments de preuve.

[25]  Pour arriver à cette conclusion, la Section d’appel des réfugiés n’a pas, à mon avis, fait fi de tenir compte de l’effet cumulatif des manquements allégués. Plutôt que de prendre en considération la décision dans son ensemble, je suis convaincu que la Section d’appel des réfugiés a conclu que Mme Abuzeid n’avait pas démontré le préjudice qu’exige le critère de la représentation incompétente.

[26]  J’estime aussi que la conclusion de la Section d’appel des réfugiés n’était pas contraire à la jurisprudence de la Cour. Dans la décision Guadron par exemple, le juge Diner déclare que la responsabilité d’un représentant légal est entre autres de faire des tentatives raisonnables pour trouver les renseignements cruciaux. Toutefois, l’examen plus poussé de sa décision indique que les circonstances sous-jacentes à ce dossier avaient manifestement été communiquées à l’avocat, lequel détenait des éléments de preuve pertinents dont il n’a pas fait usage, et que d’autres éléments de preuve à sa disposition n’avaient pas été sollicités par lui. Les circonstances du présent dossier ne sont pas aussi nettes.

[27]  Mme Abuzeid concède que la conclusion centrale sur la crédibilité de sa demande était celle de la Section de la protection des réfugiés qui n’a pas cru vraisemblable qu’elle ait pu recevoir un passeport et des visas de sortie si elle était réellement une activiste politique au Soudan qui avait été récemment arrêtée et détenue. Elle prétend que sans les mauvais conseils de son avocat, cette conclusion défavorable sur la crédibilité n’aurait pas été posée. Cet argument n’est tout simplement pas convaincant. Même avec le secours des motifs de la Section de la protection des réfugiés et plusieurs mois pour préparer son appel à la Section d’appel des réfugiés, le meilleur élément de preuve qu’elle a pu présenter sur la question était une lettre de son cousin, dont la Section d’appel des réfugiés a estimé qu’elle manquait de crédibilité : la Section d’appel des réfugiés a conclu que la lettre était incohérente avec le témoignage de Mme Abuzeid, en remarquant qu’il ne s’agissait [traduction] « pas d’un document attesté sous serment, et sa source ne peut être établie en toute certitude ».

[28]  Il n’était pas déraisonnable que la Section d’appel des réfugiés accorde plus de poids aux documents du ministre sur les efforts déployés par le gouvernement du Soudan pour saisir les passeports et refuser les visas aux activistes politiques. Il n’était pas non plus déraisonnable que la Section d’appel des réfugiés conclue que le résultat n’aurait pas été différent si la lettre de son cousin avait été présentée à la Section de la protection des réfugiés.

[29]  Après avoir examiné le dossier dans son ensemble, y compris les composants du dossier de l’intervenant pour répondre aux allégations d’incompétence, je maintiens l’opinion que Mme Abuzeid a manqué de démontrer les circonstances extraordinaires qui sont requises pour prouver un manquement aux principes de justice naturelle découlant de la représentation incompétente d’un avocat (Memari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196, au paragraphe 36). Les éléments de preuve ne démontrent tout simplement pas que sans les agissements qui soulèvent les allégations d’incompétence, le résultat devant la Section de la protection des réfugiés aurait été différent. En arrivant à cette conclusion, je ne fais aucun constat sur les actes qui ont soulevé les allégations d’incompétence, lesquels appartiennent aux questions qu’il convient de présenter à l’organisme de réglementation professionnelle de Me Abosharia, le BHC.

B.  Admission de nouveaux éléments de preuve

[30]  Les observations de Mme Abuzeid sur le refus d’accepter ses nouveaux éléments de preuve proposés sont liées à son opinion que l’analyse de la représentation incompétente était déraisonnable : la [traduction] « Section d’appel des réfugiés a déraisonnablement analysé les allégations d’incompétence de l’avocat présentées par la demanderesse et a ainsi déraisonnablement refusé d’accepter tout nouvel élément de preuve ».

[31]  Ma conclusion que l’analyse de l’incompétence n’était pas déraisonnable se veut une réponse complète aux observations présentées sur la proposition de nouvelle preuve. Toutefois, je relèverai aussi que la Section d’appel des réfugiés a examiné tous les éléments de preuve en vue de leur admissibilité à la lumière des exigences du paragraphe 110(4) de la LIPR et de la décision de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96.

[32]  En plus de refuser la revendication que l’avocat était incompétent, la Section d’appel des réfugiés a conclu que tous les nouveaux éléments de preuve étaient soit non pertinents, soit non crédibles, ou qu’ils ne répondaient pas aux critères énoncés au paragraphe 110(4). La conclusion de la Section d’appel des réfugiés à cet égard n’a pas été contestée.

[33]  La Section d’appel des réfugiés n’a pas commis d’erreur dans le traitement de la nouvelle preuve proposée.

VI.  Conclusion

[34]  La décision de la Section d’appel des réfugiés reflète les éléments de transparence, d’intelligibilité et de justification dans le processus de prise de décisions et l’aboutissement appartient aux issues raisonnables possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[35]  Dans ses observations écrites, l’intervenant a demandé les dépens. Aux termes de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, des dépens ne sont pas accordés à moins que la Cour ne l’ordonne pour des motifs particuliers. L’intervenant n’a soulevé aucune raison particulière qui justifierait une ordonnance sur les dépens, et aucune ordonnance sur les dépens n’est délivrée.

[36]  Les parties n’ont pas relevé de question de portée générale aux fins de certification et aucune question n’a été soulevée.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

  3. L’intitulé de la cause est modifié de façon à désigner le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration à titre de défendeur.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-798-17

 

INTITULÉ :

HABAB AHMED HASSAN ABUZEID c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET ABDALLA ABOSHARIA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 octobre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 janvier 2018

 

COMPARUTIONS :

Keith MacMillan

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Laoura Christodoulides

 

Pour le défendeur

 

Adrienne Lei

 

Pour l’intervenant

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bureau du droit des réfugiés

Aide juridique Ontario

TORONTO (ONTARIO)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

Dewart Gleeason LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intervenant

 

 

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