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Date : 20180302


Dossier : IMM-1388-17

Référence : 2018 CF 222

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 mars 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

MUHAMMAD TARIQ MALIK

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Muhammad Tariq Malik a travaillé pendant plusieurs années à titre de policier à Karachi, au Pakistan. Une partie de son travail consistait à affronter les gangs violents et à arrêter des membres de ces gangs. Les journalistes au Pakistan l’ont décrit comme une personne qui mettait au jour la corruption des politiciens et de personnalités connues. Le nom et la photographie de l’homme paraissent dans divers reportages.

[2]  À partir de 2012, M. Malik et sa famille ont commencé à recevoir des menaces. À deux reprises, le véhicule transportant ses enfants devient la cible de tirs. M. Malik décide de quitter le Pakistan avec sa famille pour venir au Canada. Malheureusement, sa femme meurt en 2015. Par peur, M. Malik ne retourne pas au Pakistan pour assister aux funérailles, mais ses contacts au pays lui font part des menaces qui sont encore proférées contre lui.

[3]  M. Malik demande l’asile, mais a été déclaré exclu en raison de son rôle dans le service de police du Sind à Karachi, une organisation connue pour avoir commis des violations des droits de l’homme. Il a ensuite demandé une évaluation des risques avant renvoi (ERAR), soulignant qu’il était probable qu’il ne soit en sécurité nulle part au Pakistan. Il a fourni des éléments de preuve pour montrer que, récemment, onze policiers avaient été tués au Pakistan pour avoir dénoncé des criminels. Il a soutenu que la police n’était pas en mesure de les protéger, lui-même et sa famille.

[4]  L’agent d’ERAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui de la demande de M. Malik principalement parce que M. Malik n’avait pas l’intention de retourner au travail en tant que policier et qu’il était probable qu’il puisse vivre au Pakistan ailleurs qu’à Karachi.

[5]  M. Malik soutient que la décision de l’agent était déraisonnable, car il n’avait pas suffisamment tenu compte des éléments de preuve démontrant que la protection de l’État ne pouvait pas être accordée aux anciens policiers du Pakistan. M. Malik me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent réexamine sa demande.

[6]  Je suis d’accord avec M. Malik que la conclusion de l’agent est déraisonnable au regard de la preuve. Par conséquent, je vais accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

[7]  La seule question en litige est de savoir si la décision de l’agent était déraisonnable.

II.  La décision de l’agent

[8]  L’agent a jugé que les éléments de preuve à l’appui de la demande de M. Malik étaient peu convaincants. En particulier, il a fait remarquer que M. Malik n’avait pas l’intention de retourner au travail en tant que policier, qu’il avait quitté le Pakistan plus de quatre ans déjà, que les éléments de preuve ne montraient pas expressément que les anciens policiers étaient ciblés et qu’il était vraisemblable que M. Malik puisse vivre en toute sécurité dans un autre grand centre, comme Islamabad, Rawalpindi, Lahore ou Hyderabad. L’agent a fait remarquer que le Pakistan est un pays diversifié et qu’il serait possible de trouver un emploi et de vivre anonymement dans un grand centre urbain. Dans tous les cas, M. Malik n’a pas démontré que la protection de l’État ne pouvait lui être accordée, puisqu’il n’avait fait aucune tentative de demander une protection avant de quitter le Pakistan.

[9]  En réponse à la demande de M. Malik d’examiner la situation de ses enfants, l’agent a reconnu que le statut des enfants au Canada était incertain, mais a conclu que la question convenait plus à une demande fondée sur des motifs humanitaires qu’à une ERAR.

III.  La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[10]  Le ministre soutient que l’agent a examiné les éléments de preuve pertinents au sujet des risques auxquels les agents de police sont exposés au Pakistan et qu’il était raisonnable de conclure qu’il n’y avait aucune indication que les anciens policiers étaient ciblés. En outre, le ministre fait remarquer que l’agent a mentionné à juste titre que M. Malik n’avait pas demandé la protection de l’État ailleurs au Pakistan. Par conséquent, selon le ministre, la conclusion de l’agent selon laquelle M. Malik n’était pas exposé à un risque pour sa vie dans l’ensemble du Pakistan n’était pas déraisonnable.

[11]  Je ne souscris pas aux observations du ministre.

[12]  M. Malik a fourni à l’agent des éléments de preuve détaillés sur les risques auxquels les policiers sont exposés au Pakistan, et ces éléments sont corroborés par les menaces que sa propre famille a reçues. L’agent a conclu que ces éléments de preuve n’étayaient pas l’existence de menaces à l’endroit d’anciens policiers. Cependant, ceux-ci montrent effectivement que bien des policiers ciblés ont été tués, alors qu’ils n’étaient pas en service et étaient accompagnés de leur famille. De plus, M. Malik avait présenté des éléments de preuve selon lesquels les menaces contre lui continuaient, même après avoir quitté le pays. Compte tenu de ces éléments de preuve, je conclus que l’agent n’a pas raisonnablement évalué le risque auquel M. Malik était exposé en tant qu’ancien policier chargé d’affronter la violence des gangs et d’exposer la corruption en haut lieu.

[13]  Puisque l’évaluation du risque global pour M. Malik par l’agent était déficiente, il s’ensuit que la conclusion de l’agent selon laquelle M. Malik pouvait vivre en sécurité à divers endroits au Pakistan était également déraisonnable.

IV.  Conclusion et décision

[14]  L’analyse effectuée par l’agent sur les dangers auxquels M. Malik et sa famille étaient exposés n’a pas suffisamment tenu compte des éléments de preuve montrant que les risques de vivre au Pakistan étaient permanents pour ceux-ci. Par conséquent, je conclus que la décision de l’agent était déraisonnable et j’accueille la demande de contrôle judiciaire de M. Malik. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1388-17

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour d’août 2019

Lionbridge

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1388-17

 

INTITULÉ :

MUHAMMAD TARIQ MALIK c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 octobre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

Ashley Fisch

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Amina Riaz

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kaminker Weinstock Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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