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Date : 20180302


Dossier : IMM-3821-17

Référence : 2018 CF 243

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 2 mars 2018

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

JUAN ANDRES RODRIGUEZ MARIN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, un citoyen de la Colombie, demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), confirmant celle de la Section de la protection des réfugiés, concluant que le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR ou la Loi).

[2]  La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Contexte

[3]  Le demandeur est arrivé au Canada depuis les États-Unis aux environs du 15 juillet 2014 et a présenté une demande d’asile en décembre 2014. Il prétend faire l’objet d’une extorsion de la part d’un groupe paramilitaire connu sous le nom des Aigles noirs. En janvier 2014, il a affirmé que les Aigles noirs lui ont ordonné de leur verser de l’argent. Ils ont proféré des menaces à son égard par téléphone et en lui faisant parvenir une lettre accompagnée d’une couronne funéraire. En juin 2014, le demandeur aurait été la cible de coups de feu tirés par deux hommes à motocyclette alors qu’il se trouvait dans un taxi.

[4]  À l’appui de sa demande, le demandeur a rempli un rapport de police où il a rapporté l’incident de la couronne funéraire, et a soumis des photos de la couronne funéraire ainsi que de la lettre des Aigles noirs. Il a également fourni des photos du taxi dans lequel il était lorsqu’on lui a prétendument tiré dessus.

[5]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur n’était pas crédible et qu’il n’avait pas de crainte subjective de persécution. La Section de la protection des réfugiés a tiré plusieurs conclusions défavorables du témoignage et des éléments de preuve fournis par le demandeur, notamment son retour en Colombie après s’être initialement enfui aux États-Unis, le temps qu’il a mis à informer ses amis et sa famille de la tentative d’extorsion dont il a été victime, son omission de présenter une demande d’asile aux États-Unis et le temps mis par ce dernier pour présenter une demande d’asile au Canada. La Section de la protection des réfugiés a également rejeté les éléments de preuve corroborants, concluant que le demandeur pourrait avoir inventé cette histoire et obtenu ces photos sur Internet.

[6]  Le demandeur a fait appel de cette décision devant la Section d’appel des réfugiés et a présenté de nouveaux éléments de preuve obtenus de son avocat en Colombie. La Section d’appel des réfugiés a refusé d’admettre l’ensemble des nouveaux éléments de preuve, a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés et a rejeté l’appel.

[7]  Le 20 juillet 2016, le juge René LeBlanc a accueilli la demande de contrôle judiciaire et renvoyé l’affaire à un autre commissaire pour qu’il procède à un nouvel examen : Marin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 847 [Marin]. Le juge LeBlanc a conclu que la Section d’appel des réfugiés n’avait pas correctement appliqué la norme de contrôle et n’avait pas effectué une évaluation indépendante des éléments de preuve, tel qu’énoncé par la Cour d’appel fédérale dans la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93; Marin, précitée, aux paragraphes 35 à 36. Toutefois, il a conclu que la décision de la Section d’appel des réfugiés en ce qui concerne le refus d’admettre de nouveaux éléments de preuve était raisonnable et ne saurait intervenir dans cet aspect de la décision de la Section d’appel des réfugiés : Marin, précitée, aux paragraphes 28 à 29.

[8]  Après avoir renvoyé l’affaire à la Section d’appel des réfugiés pour nouvel examen par un autre commissaire, la Section d’appel des réfugiés a envoyé un avis à l’avocat, lui demandant de présenter tout argument supplémentaire dans un délai de 30 jours. Le demandeur a profité de cette occasion pour déposer une lettre et un autre affidavit qui comportait de nouveaux éléments de preuve. Lors du nouvel examen, la Section d’appel des réfugiés a refusé d’accepter ces nouveaux éléments de preuve, en application du paragraphe 110(4) de la LIPR, a confirmé les conclusions de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité du demandeur et a rejeté l’appel.

III.  Questions en litige

[9]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève les deux questions suivantes :

  1. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur en refusant d’admettre l’affidavit en tant que « nouvelle preuve »?
  2. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale, en soulevant une « nouvelle question » sans donner au demandeur la possibilité d’y répondre?

IV.  Norme de contrôle

[10]  Il n’y a pas de désaccord entre les parties, et je conviens que la norme de contrôle applicable aux questions de droit faisant intervenir l’interprétation de sa loi habilitante par le Tribunal est celle de la décision raisonnable : Dunsmuir c New Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 (Dunsmuir). La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43; Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 313, au paragraphe 12. En particulier, en cas d’allégations selon lesquelles la Section d’appel des réfugiés a enfreint l’équité procédurale en tirant des conclusions supplémentaires quant à la crédibilité, sans en faire part aux parties, la norme de contrôle est celle de la décision correcte : voir Kwakwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 600, au paragraphe 19, citant la décision Ortiz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 180, au paragraphe 17; Husian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 684.

V.  Dispositions législatives pertinentes

[11]  Les dispositions pertinentes de la LIPR sont les suivantes :

Définition de réfugié

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Personne à protéger

Person in need of protection

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

[…]

[…]

Éléments de preuve admissibles

Evidence that may be presented

110 (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

110 (4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[…]

[…]

VI.  Discussion

A.  La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur en refusant d’admettre l’affidavit en tant que « nouvelle preuve »?

[12]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que les nouveaux éléments de preuve fournis n’étaient pas conformes aux exigences énoncées au paragraphe 110(4) de la LIPR, dans la mesure où le demandeur aurait pu les présenter avant le rejet de la demande. La Section d’appel des réfugiés a formulé les remarques suivantes aux paragraphes 19 et 20 :

[19] Je suis d’avis que les documents ne répondent pas aux critères du paragraphe 110(4). D’abord, les documents, bien qu’ils soient postérieurs au rejet de la demande, ne concernent pas des événements survenus après la décision de la SPR. J’estime aussi qu’il s’agit de documents dont on aurait pu s’attendre à ce qu’ils soient présentés avant le rejet de sa demande, considérant qu’ils viennent corroborer un élément important : l’allégation du demandeur concernant l’attentat contre sa personne alors qu’il prenait place à bord d’un taxi. L’appelant a pourtant pu faire des démarches pour obtenir les documents corroborant ses allégations par l’entremise d’un avocat colombien, moins d’un mois après que la SPR n’ait rendu sa décision. Rien n’explique pourquoi de telles démarches n’ont pas été faites en préparation de l’audience devant la SPR. D’autant plus que, à cette audience, l’appelant a expliqué qu’il a obtenu les photos par l’entremise de la compagnie d’assurance de l’entreprise de taxi, mais qu’il n’était pas en mesure d’obtenir le rapport de la compagnie d’assurance, « n’ayant aucun contact pour obtenir cette information ». Il a néanmoins pu, moins d’un mois après que la SPR n’ait rendu sa décision, engager un avocat colombien qui a obtenu une copie du dossier de l’appelant à la fiscalia, apparemment sans difficulté. Il appartenait à l’appelant de « présenter toutes les preuves qui sont accessibles au moment opportun ». J’estime, par conséquent, qu’on aurait pu s’attendre à ce que l’appelant obtienne ces documents en préparation de son audience devant la SPR, alors qu’il était représenté par un conseil expérimenté et que ces documents étaient accessibles, en plus de constituer une preuve indépendante et objective de ses allégations. J’estime, par conséquent, que la décision de la SPR ne vient pas modifier la pertinence et l’accessibilité des documents avant le rejet de la décision.

[20] Pour ces raisons, je rejette l’admissibilité des documents soumis à titre de nouvelle preuve, puisqu’il ne rencontre pas les conditions explicites mentionnées au paragraphe 110(4) de la LIPR.

[Notes de bas de page omises.]

[13]  La Section d’appel des réfugiés a également formulé des observations sur la lettre et l’affidavit fournis en réponse à la lettre envoyée par la Section de la protection des réfugiés et invitant le demandeur à présenter des arguments en réponse à la décision de la Cour fédérale. Comme il a été mentionné précédemment, le juge LeBlanc a conclu que la Section d’appel des réfugiés avait raisonnablement rejeté les nouveaux éléments de preuve, mais a accueilli la demande de contrôle judiciaire au motif que la Section d’appel des réfugiés aurait dû faire preuve de moins de retenue à l’égard des conclusions de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité, à la suite de la décision dans Huruglica de la Cour d’appel fédérale, précitée.

[14]  Le demandeur a présenté des observations écrites et déposé un affidavit comportant des renseignements qui n’avaient pas été fournis antérieurement. La Section d’appel des réfugiés a constaté qu’au paragraphe 22, l’avocat du demandeur a soutenu que l’affidavit attestait de l’absence de connaissance qu’il avait de l’existence et l’accessibilité de la nouvelle preuve (dossier de la fiscalia), et du fait que cette nouvelle preuve avait été obtenue après le versement d’un pot-de-vin par son avocat à la police colombienne. Toutefois, la Section d’appel des réfugiés a relevé qu’aucune explication n’avait été fournie sur les raisons pour lesquelles ces documents répondaient aux exigences énoncées au paragraphe 110(4) de la LIPR :

[23] Ces observations ont été envoyées après le dépôt du dossier de l’appelant. Aucune justification n’a été donnée pour expliquer les raisons pour lesquelles l’appelant n’a pas pu transmettre ce document (affidavit de l’appelant du 30 août 2016) et les observations non transmis au préalable, avec le dossier de l’appelant qui contenait sa demande d’admissibilité de nouveaux éléments de preuve. Son affidavit vient expliquer pourquoi il ne savait pas qu’il pouvait avoir accès aux documents de la police transmis à titre de nouvelle preuve. J’estime que ces explications auraient dû être transmises avec sa demande d’admissibilité des documents soumis à titre de nouvelle preuve. En l’absence d’explication, j’estime que les critères prévus à l’article 110(4) ne sont pas satisfaits. Je n’autorise donc pas l’admission de ce document en tant que nouvel élément de preuve.

[15]  Le demandeur soutient que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur de droit en ce sens que la conclusion selon laquelle le demandeur aurait pu lui fournir les nouveaux éléments de preuve plus tôt ne représente pas le critère juridique applicable en application du paragraphe 110(4) de la LIPR.

[16]  Le défendeur soutient que les demandeurs d’asile sont censés mettre [traduction] « toutes les chances de leur côté » pour faire valoir leurs réclamations. Le paragraphe 110(4) de la LIPR représente l’une des mesures du système visant à atteindre cet objectif et limite d’une façon restrictive les nouveaux éléments de preuve en appel, à la Section d’appel des réfugiés. Le demandeur a omis de fournir les éléments de preuve contenus dans l’autre affidavit à la Section de la protection des réfugiés, afin de corroborer sa demande. Il a cherché à le faire uniquement lorsque sa demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés. Le défendeur soutient que la décision de la Section d’appel des réfugiés à cet effet était raisonnable, puisque le demandeur n’a pas fourni d’explication satisfaisante pour n’avoir pas soumis ces éléments plus tôt. Comme lors du premier contrôle judiciaire où la Cour a conclu que le rejet des nouveaux éléments de preuve était raisonnable, le défendeur soutient qu’il s’agit simplement d’une autre tentative pour remédier ex post facto à un dossier incomplet.

[17]  La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont conclu de façon constante que la Section d’appel des réfugiés peut refuser d’admettre des éléments de preuve qui auraient pu être présentés normalement à l’audience de la Section de la protection des réfugiés. Le critère d’admissibilité des nouveaux éléments de preuve en application du paragraphe 110(4) est celui qui a été examiné par la Cour d’appel fédérale dans Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, au paragraphe 13, à l’alinéa 113a) de la LIPR. Cela a été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, aux paragraphes 40 et 44 :

40 Il faut tenir pour acquis que le choix d’une formulation quasi identique par le législateur ne découle pas du simple hasard. En vertu d’une règle d’interprétation bien connue, il faut présumer que le législateur, lorsqu’il reprend sans les modifier les termes d’une disposition qui a déjà été interprétée par les tribunaux, entend s’en remettre à cette interprétation : voir Elmer A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983 à la p. 125.

[…]

44 En fait, il m’apparaît difficile de soutenir que les critères énoncés par la juge Sharlow dans l’arrêt Raza ne découlent pas tout aussi implicitement du paragraphe 110(4) que de l’alinéa 113a). On voit mal, notamment, comment la SAR pourrait admettre une preuve documentaire qui ne serait pas crédible. De fait, l’alinéa 171a.3) prévoit expressément que la SAR « peut recevoir les éléments de preuve qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision ». Il est vrai que l’alinéa 110(6)a) introduit également la notion de crédibilité aux fins de déterminer si une audience peut être tenue. À ce chapitre, cependant, ce n’est pas la crédibilité de la preuve elle-même qui doit être soupesée, mais bien la question de savoir si un élément de preuve par ailleurs crédible « soulève une question importante » relativement à la crédibilité générale de la personne en cause. En d’autres termes, le fait qu’un nouvel élément de preuve soit intrinsèquement crédible ne suffira pas pour justifier la tenue d’une audience devant la SAR : il faudra encore que cet élément de preuve puisse justifier une réévaluation de la crédibilité globale d’un demandeur et de son récit.

[18]  La Cour fédérale a suivi la démarche normale exposée dans Raza et a confirmé dans Singh, précité, qu’elle admet les nouveaux éléments de preuve en application du paragraphe 110(4) de la LIPR : voir par exemple les arrêts Tuncdemir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 993, aux paragraphes 32 à 34; Acikgoz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 149, aux paragraphes 24 à 28; Jeyakumar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 241, aux paragraphes 19 et 20; Belek c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 196, au paragraphe 5; Vijayakumar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1160, aux paragraphes 12 à 14; Khan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 855, au paragraphe 43.

[19]  Le demandeur souligne le langage employé au paragraphe 23 de la décision, où la Section d’appel des réfugiés affirme que les explications figurant dans l’affidavit du 30 août 2016 auraient dû être fournies en même temps que la demande d’admission des documents à titre de nouveaux éléments de preuve. À première vue, cela pourrait laisser croire que la Section d’appel des réfugiés n’a pas appliqué correctement les critères énoncés au paragraphe 110(4). Toutefois, il ressort clairement de l’ensemble de la décision que la Section d’appel des réfugiés a conclu que l’affidavit supplémentaire avait été déposé après le rejet de la demande et que le demandeur n’avait donné aucun motif pour expliquer pourquoi il n’avait pas pu le présenter à la Section de la protection des réfugiés.

[20]  Par conséquent, je conclus que rien ne permet de modifier la conclusion de la Section d’appel des réfugiés qui consiste à rejeter les nouveaux éléments de preuve en application du paragraphe 110(4) de la LIPR.

B.  La Section d’appel des réfugiés a-t-elle enfreint le droit du demandeur à l’équité procédurale, en soulevant une « nouvelle question » sans donner au demandeur la possibilité d’y répondre?

[21]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que les éléments de preuve documentaire déposés par le demandeur contredisaient son témoignage. C’était l’une des nombreuses conclusions défavorables de la Section d’appel des réfugiés, quant à la crédibilité des éléments importants de la demande d’asile du demandeur. D’autres faisaient part des incohérences dans son témoignage au sujet des personnes faisant l’objet de menaces proférées par les Aigles noirs et des renseignements mentionnés dans les éléments de preuve documentaire, des incohérences et de l’invraisemblance de la chronologie des événements le jour où il a été victime d’un attentat, ainsi que du temps qu’il a mis à demander l’asile au Canada sans explication raisonnable.

[22]  Au paragraphe 54 de la décision, la Section d’appel des réfugiés a conclu que l’estampille temporelle apposée aux documents soumis par le demandeur contredisait son récit chronologique des événements :

Je constate à la lecture de la preuve documentaire déposée par l’appelant, que l’heure indiquée sur la plainte auprès de la fiscalia indique 2:55pm, alors que le notaire aurait confirmé l’authenticité de la signature de l’appelant sur la plainte déposée à la fiscalia à 9:30:01am. La preuve documentaire vient contredire non seulement la chronologie des événements, telle que relatée par l’appelant à l’audience, mais elle est invraisemblable. Je ne peux pas m’expliquer comment le notaire aurait pu attester de l’authenticité de la signature de l’appelant sur un document et son contenu, alors que le document aurait été produit postérieurement à l’authentification. L’appelant a également témoigné qu’il était allé chez le notaire après avoir obtenu les photos, pour ensuite aller à la fiscalia porter plainte, puis au bureau de l’ombudsman. Or l’authentification des photos de l’accident et de sa signature sur les plaintes faites à la fiscalia et au bureau de l’ombudsman aurait eu lieu à 9 :28 :31; 9 :28 :31 et 9 :30 :01 respectivement. Je n’accorde donc aucune valeur probante à ces documents et j’estime que l’incohérence et l’invraisemblance du témoignage de l’appelant affectent sa crédibilité. Tenant compte des problèmes de crédibilité susmentionnés sur des éléments importants de sa demande d’asile, notamment les incohérences dans le témoignage de l’appelant quant aux personnes visées par les menaces des Aguilas Negras et ce que révèle la preuve documentaire; du peu de valeur probante accordée à la lettre de menace du 10 juin 2014; des incohérences et des invraisemblances de la chronologie des événements le 18 juin 2014, jour de l’attentat contre sa personne; j’estime que la SPR n’a pas erré en concluant que le comportement de l’appelant n’était pas crédible et dénote plutôt l’absence de crainte subjective.

[Non souligné dans l’original.]

[23]  Le demandeur soutient qu’il y a eu manquement à son droit à l’équité procédurale, car les contradictions identifiées par la Section d’appel des réfugiés, entre le sceau du notaire et son témoignage, n’ont été soulevées à aucun moment pendant l’audience de la Section de la protection des réfugiés. Il soutient que, si cette question avait été directement soulevée en présence du demandeur, il aurait pu demander la possibilité de parcourir les documents avec la Section d’appel des réfugiés, afin d’expliquer comment ceux-ci ont été notariés, ainsi que la chronologie des événements après l’attaque.

[24]  Le demandeur soutient que l’équité procédurale exige qu’un demandeur ait la possibilité de dissiper les doutes de la Section d’appel des réfugiés au sujet de toute nouvelle question. Dans le cadre de l’instance de la Section d’appel des réfugiés, la jurisprudence à la présente question débute par la décision Ching c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 725, au paragraphe 71, où madame la juge Kane a conclu que :

[…] Celle‑ci devrait d’abord se demander si la question est « nouvelle » et si le fait de ne pas la soulever risquerait d’entraîner une injustice. Dans le cas où elle décidera d’aller de l’avant avec la nouvelle question, il paraît évident que l’équité procédurale l’obligera à aviser la ou les parties intéressées, ainsi qu’à leur donner la possibilité de présenter des observations.

[25]  Madame la juge Kane s’est inspirée des principes issus de la décision de la Cour suprême du Canada dans une affaire criminelle; R c Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 RCS 689 [Mian]. Dans Mian, la Cour suprême avait examiné la question de savoir ce qu’on peut considérer comme nouvelle question en appel, au paragraphe 30 :

Une question est nouvelle lorsqu’elle constitue un nouveau fondement sur lequel on pourrait s’appuyer – autre que les moyens d’appel formulés par les parties – pour conclure que la décision frappée d’appel est erronée. Les questions véritablement nouvelles sont différentes, sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties (voir Quan c Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 RCS 712, par. 39) et on ne peut pas raisonnablement prétendre qu’elles découlent des questions formulées par les parties. Vu cette définition, dans le cas de nouvelles questions, il faudra aviser les parties à l’avance pour qu’elles puissent en traiter adéquatement.

[Non souligné dans l’original.]

[26]  Même s’il s’agissait là du contexte d’une affaire criminelle, madame la juge Kane a conclu que ces principes étaient également applicables dans le contexte administratif.

[27]  Dans Koffi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 4 [Koffi], au paragraphe 38, la juge Kane a conclu qu’une décision de la Section d’appel des réfugiés peut être jugée raisonnable même lorsqu’elle a tiré des conclusions indépendantes quant à la crédibilité d’un demandeur, sans l’interroger à ce sujet et lui donner la possibilité de présenter des observations. Ce serait le cas si « [la SAR] n’a pas fait fi d’éléments de preuve contradictoires figurant au dossier ni tiré d’autres conclusions sur des questions dont le demandeur n’a pas eu connaissance ».

[28]  Dans Kwakwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 600, M. le juge Gascon a passé en revue les commentaires de la juge Kane, ainsi que ceux de M. le juge Shore dans Ortiz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 180 [Ortiz], qui portaient également sur les conclusions indépendantes faites par la Section d’appel des réfugiés. Au paragraphe 24 de la décision Kwakwa, le juge Gascon a tiré la conclusion suivante de ces décisions :

En d’autres termes, la Section d’appel des réfugiés est habilitée à tirer de façon indépendante des conclusions défavorables sur la crédibilité d’un demandeur, sans les lui exposer et sans lui donner la possibilité de formuler des observations, mais cela vaut seulement pour les situations où la Section d’appel des réfugiés n’a pas ignoré les éléments de preuve contradictoires déposés au dossier ou tiré des conclusions supplémentaires au sujet d’éléments que le demandeur ignorait.

[29]  Le juge Gascon a distingué cette situation de Sary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 178, au paragraphe 31, dans laquelle il a conclu que la Section d’appel des réfugiés n’avait pas examiné toutes les « nouvelles questions », mais a plutôt fait référence à la preuve au dossier qui appuyait les conclusions formulées par la Section de la protection des réfugiés. Il a conclu que dans Kwakwa, la Section d’appel des réfugiés avait tiré un certain nombre de conclusions relatives aux pièces d’identité fournies par le demandeur, qui n’ont pas été particulièrement soulevées ni abordées par la Section de la protection des réfugiés. Par conséquent, le juge Gascon a conclu que la procédure adoptée par la Section d’appel des réfugiés n’était pas juste envers le demandeur et que la Section d’appel des réfugiés avait manqué à l’équité procédurale.

[30]  Dans la présente affaire, le demandeur prétend que la Section d’appel des réfugiés a tiré des [traduction] « conclusions supplémentaires au sujet d’éléments que le demandeur ignorait ». Il soutient que l’affaire se distingue donc de l’affaire Koffi, précitée, de la décision Ibrahim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 380, ou de la décision Tan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 876, où les questions en cause avaient déjà été soulevées par la Section de la protection des réfugiés, et la Section d’appel des réfugiés avait simplement évalué les éléments de preuve différemment.

[31]  Le défendeur soutient que la question de la crédibilité constituait la pierre angulaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés et le seul motif pour lequel le demandeur avait sollicité un appel devant la Section d’appel des réfugiés. Par conséquent, soutient le défendeur, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle les estampilles temporelles apposées aux éléments de preuve documentaire contredisaient le témoignage du demandeur devant la Section de la protection des réfugiés ne peut pas être considérée comme une « nouvelle question ».

[32]  La crédibilité du demandeur, les éléments de preuve documentaire, la chronologie des événements, et l’incident de la fusillade alors que le demandeur prenait place à bord du taxi étaient en cause dans la décision de la Section de la protection des réfugiés. La Section de la protection des réfugiés a fait des commentaires sur les éléments de preuve corroborants fournis par le demandeur lui-même et a conclu qu’ils étaient contredits par son propre témoignage : [traduction]

[…]

Et après tout ce que le demandeur a enduré, je ne trouve pas crédible, si une de ces affirmations était vraie, qu’il envisage réellement de retourner en Colombie à l’heure actuelle, compte tenu des couronnes funéraires et de la lettre envoyées par les Aigles noirs. Ces renseignements sont directement disponibles sur Internet.

Au vu des conclusions sur la crédibilité, tirées dans le cadre de la présente affaire, y compris le fait d’avoir sollicité la protection du Bureau de l’ombudsman, je conclus que les documents soumis dans le cadre de la présente affaire ne donnent pas de la crédibilité à cette demande, peu importe le nombre de pages qu’ils comportent.

Par ailleurs, les éléments de preuve corroborants fournis par le demandeur lui-même contredisaient de manière importante le récit fait dans le formulaire Fondement de la demande d’asile et le témoignage. Le demandeur d’asile a affirmé et indiqué par écrit dans le formulaire Fondement de la demande d’asile que les tirs contre le taxi le 18 juin 2014 représentaient la seule attaque physique perpétrée contre sa personne.

Pourtant, lorsqu’il a déposé sa plainte criminelle, qui est rédigée à la première personne, au bureau du procureur, il a indiqué à la page 35 de la pièce 4, [traduction] « J’ai été victime d’une agression physique et des personnes ont récemment essayé de tirer sur moi à plusieurs reprises. »

Lorsque j’ai fait part au demandeur de la contradiction entre l’agression physique et les tirs dans deux circonstances différentes, il a affirmé qu’il y a dû y avoir une erreur lors de la rédaction de la plainte.

Je conclus (indiscernable) le contraire. Il s’agit clairement de deux allégations distinctes, séparées par les termes [traduction] « et récemment ». Le document provient de lui. C’est son histoire.

Je conclus qu’il ne connaît sans doute pas sa propre histoire et tire une conclusion défavorable quant à sa crédibilité.

[…]

[33]  Lors du deuxième appel, le demandeur a interjeté appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés pour le seul motif que la « SPR a erré en concluant en l’absence de crédibilité de l’appelant sur les éléments essentiels de sa demande d’asile, alors que la preuve abondante déposée avec son dossier corroborait ses allégations » : voir la décision de la Section d’appel des réfugiés au paragraphe 14.

[34]  Dans le cadre de son analyse, la Section d’appel des réfugiés a conclu que le demandeur n’était pas crédible pour diverses raisons, notamment le fait que les estampilles temporelles contredisaient son témoignage :

« [54] […] Or l’authentification des photos de l’accident et de sa signature sur les plaintes faites à la fiscalia et au bureau de l’ombudsman aurait eu lieu à 9 :28 :31; 9 :28 :31 et 9 :30 :01 respectivement. Je n’accorde donc aucune valeur probante à ces documents et j’estime que l’incohérence et l’invraisemblance du témoignage de l’appelant affectent sa crédibilité.

[…]

[62] Considérant le niveau d’instruction de l’appelant; le fait qu’il craignait déjà pour sa vie en mars 2014 et finalement quitté la Colombie en juillet 2014, car il ne s’y sentait plus en sécurité malgré les changements dans ses habitudes de vie et de résidence; que de l’information concernant le processus d’asile au Canada est facilement accessible sur Internet; qu’il n’a pas demandé l’asile à la première occasion, dès son arrivée aux États-Unis; qu’il a attendu cinq mois avant de déposer sa demande au Canada, alors qu’il était entré illégalement; j’estime les explications fournies par le demandeur non convaincantes. J’estime que la SPR n’a pas erré en tirant une inférence défavorable quant à la crédibilité de l’appelant pour avoir tardé à déposer sa demande d’asile.

[63] Tenant compte des problèmes de crédibilité susmentionnés sur des éléments importants de sa demande d’asile, notamment les incohérences dans le témoignage de l’appelant quant aux personnes visées par les menaces des Aguilas Negras et ce que révèle la preuve documentaire; du peu de valeur probante accordée à la lettre de menace du 10 juin 2014; des incohérences et des invraisemblances de la chronologie des événements le 18 juin 2014, jour de l’attentat contre sa personne; et enfin, de son retard à demander l’asile au Canada, exempte d’explication raisonnable; la SAR conclut que l’appelant n’a pas fait la preuve des éléments essentiels à sa demande d’asile, selon la prépondérance des probabilités.

Décision de la Section d’appel des réfugiés, paragraphes 54 à 63.

[35]  Le commentaire de la Section d’appel des réfugiés sur les estampilles temporelles est une conclusion de fait formulée sur la crédibilité du demandeur en ce qui concerne les éléments de preuve documentaire au dossier; seul motif de l’appel devant la Section d’appel des réfugiés. Au fond, la Section d’appel des réfugiés a tiré une conclusion explicite par sa décision et à présent, le demandeur soutient devant la Cour qu’il y a eu manquement à son droit à l’équité procédurale parce qu’il n’a pas eu l’occasion de fournir des explications à ce sujet.

[36]  Selon moi, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés ne correspond pas à la définition de l’expression « nouvelle question » telle qu’énoncée par la Cour suprême du Canada dans Mian, au paragraphe 30, et adoptée dans les affaires d’immigration par la Cour, comme il a été expliqué plus tôt. On ne saurait affirmer que les contradictions entre les estampilles temporelles et les conclusions défavorables quant à la crédibilité, autrement dit, les éléments de preuve documentaire au dossier et la crédibilité du demandeur, sont « différentes sur les plans juridique et factuel, des moyens d’appel soulevés par les parties ».

[37]  La Section d’appel des réfugiés peut tirer des conclusions indépendantes quant à la crédibilité, sans en informer le demandeur et lui donner la possibilité de présenter des observations : voir l’arrêt Koffi, précité, au paragraphe 38, et Ortiz, précité, au paragraphe 22. En d’autres termes, le fait de ne pas donner la possibilité à un demandeur de s’expliquer quant à une conclusion relative à la crédibilité ne constitue pas nécessairement un manquement à l’équité procédurale.

[38]  De toute façon, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la crédibilité du demandeur était la question déterminante soumise à la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés, et qu’il existait des motifs suffisants pour rejeter son appel, mis à part les incohérences relevées dans les documents par la Section d’appel des réfugiés.

[39]  En règle générale, un manquement à l’équité procédurale rendra une décision nulle et l’affaire sera renvoyée pour un nouvel examen. Il y a cependant une exception limitée à cette règle : une cour de révision peut faire fi d'un manquement à l’équité procédurale « lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir » : Mobil Oil Canada Ltd et al c Office Canada-Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, à la p. 228, [1994] ACS no 14 (QL) [Mobil Oil] citant W Wade, dans Administrative Law (6e éd. 1988), à la p. 535; voir également l’arrêt Yassine c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994) 172 NR 308, 27 Imm LR (2d) 135, au paragraphe 9 (ACF) [Yassine]. En d’autres termes, l’exception limitée s’applique dans les cas où le résultat est juridiquement inéluctable : Canada (Procureur général) c McBain, 2017 CAF 204, au paragraphe 10 [McBain].

[40]  La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont appliqué cette exception limitée, énoncée pour la première fois dans Mobil Oil, précité : voir par exemple Canada (ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56, au paragraphe 117 [Farwaha]; Ilaslan c Hospitality & Service Trades Union, 2013 CAF 150, au paragraphe 28 [Ilaslan]; Yassine et McBain, précitées; Canada (Commission des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2012 CF 445, au paragraphe 203; Singgh Dhaliwal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 201, aux paragraphes 25 et 26; et Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 807, au paragraphe 1.

[41]  Dans ces conditions, même si j’avais été convaincu que les estampilles temporelles constituaient une « nouvelle question » exigeant que le demandeur ait l’occasion de s’expliquer, il ne s’agit pas ici d’un cas où j’aurais jugé nécessaire de renvoyer l’affaire en vue d’un nouvel examen par un tribunal de la Section d’appel des réfugiés différemment constitué. Le manquement allégué n’était pas suffisamment grave pour justifier l’annulation de la décision de la Section d’appel des réfugiés et le renvoi de l’affaire pour qu’elle soit examinée une troisième fois par un autre agent : voir, par exemple, Farwaha, précité, au paragraphe 117; et Ilaslan, précité, au paragraphe 28.

[42]  De toute évidence, le décideur serait arrivé à la même décision en dépit des différences entre les estampilles temporelles, et le renvoi de l’appel pour un nouvel examen aurait été inutile. Bien qu’il eut été préférable que la Section d’appel des réfugiés informe le demandeur des incohérences relevées et lui donne la possibilité d’expliquer les différences entre les estampilles temporelles, ce résultat était inéluctable, compte tenu des autres conclusions qu’elle a tirées.

[43]  Pour ces motifs, la demande est rejetée. Aucune question sérieuse d’importance générale n’a été soumise aux fins de certification.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3821-17

LA COUR rejette la présente demande. Aucune question n’est certifiée.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3821-17

 

INTITULÉ :

JUAN ANDRES RODRIGUEZ MARIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 février 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :

Le 2 mars 2018

COMPARUTIONS :

Lobat Sadrehashemi

Pour le demandeur

Marjan Double

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Embarkation Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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