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Date : 20180314


Dossier : IMM-4331-16

Référence : 2018 CF 296

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 mars 2018

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

TINGFENG YANG (ALIAS JIN QUAN YANG),

MIN YAN CAO (ALIAS XINTONG CAO),

SIMMON YANG (ALIAS JUN JIAN YANG)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs, Tingfeng Yang, son épouse et son fils aîné, demandent le contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’immigration principal, M. Campbell (l’agent), refusant leur demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire (demande CH).

[2]  Les demandeurs soutiennent que l’agent a utilisé de façon inappropriée un critère trop étroit – des difficultés injustifiées ou excessives – et qu’il a utilisé déraisonnablement l’établissement des demandeurs contre eux. De plus, les demandeurs allèguent que l’agent a mal évalué leur risque au Guyana et a évalué de manière déraisonnable l’intérêt supérieur des enfants (ISE).

[3]  Les demandeurs demandent que la décision de l’agent soit annulée et que la question soit renvoyée à un autre agent pour réexamen.

[4]  La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Exposé des faits

[5]  Les demandeurs sont des ressortissants de la Chine et du Guyana. M. Yang (le père) et son fils sont arrivés au Canada le 11 novembre 2011 avec des visas de visiteur sur leurs passeports guyanais. Ils ont ensuite fait une demande d’asile frauduleuse le 30 novembre 2011, en utilisant des documents falsifiés sous de faux noms pour prétendre qu’ils étaient des ressortissants de la Chine seulement, faisant l’objet de persécution en Chine pour avoir participé à des activités d’une maison-église chrétienne. Mme Cao (l’épouse de M. Yang) est arrivée séparément au Canada le 15 février 2012 et a fait une demande d’asile frauduleuse distincte sur la base de la pratique du Falun Gong.

[6]  Après que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est intervenu lors de l’audience relative à la demande d’asile, en utilisant des données biométriques pour prouver la vraie identité des demandeurs, Mme Cao a abandonné sa demande d’asile le 20 février 2014 alors que M. Yang avait modifié son formulaire de renseignements personnels pour présenter un nouveau fondement de persécution du fait d’activités criminelles contre des ressortissants chinois au Guyana. Entre-temps, le 12 juillet 2012, le fils cadet de M. Yang et de Mme Cao est né au Canada. Il est citoyen canadien.

[7]  Le 26 mars 2015, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté la demande d’asile des demandeurs pour manque de crédibilité et a communiqué cette décision le lendemain. La Section de la protection des réfugiés a conclu que la demande n’avait pas un minimum de fondement. Les demandeurs n’ont pas présenté une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision.

[8]  Le 1er octobre 2015, les demandeurs ont présenté la demande CH qui fait l’objet du présent contrôle. Dans les observations présentées par leur consultant en immigration (consultant), les demandeurs ont noté qu’ils craignaient pour leur sécurité depuis un incident survenu en mars 2010 lors duquel leur restaurant avait été cambriolé et ils ont été agressés (un incident qui constituait également la base de leur demande d’asile révisée).

[9]  Les arguments présentés mettent en avant quatre raisons justifiant l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire : 1) le temps que la famille a passé au Canada; 2) les liens des enfants avec le Canada; 3) la contrainte excessive impliquant l’ISE et 4) la crainte d’un retour au Guyana. Les observations indiquaient que les demandeurs avaient lancé une entreprise de blanchissage et de nettoyage à sec et s’étaient fait beaucoup d’amis au Canada. M. Yang avait fait du bénévolat dans la communauté pendant plus de six mois.

[10]  Les observations ont également soutenu que l’expulsion causerait une contrainte excessive pour les parents et leurs enfants mineurs. Il a été dit que les enfants avaient passé quatre ans au Canada et n’avaient pas la capacité de s’adapter à la vie au Guyana ou en Chine. Le retour des enfants au Guyana serait si traumatisant que l’ISE ne pourrait être servi que par le fait que la famille reste au Canada.

[11]  Les observations soutenaient ensuite qu’il y avait une criminalité inhabituelle contre les Chinois au Guyana et que l’État du Guyana ne pouvait pas les protéger. Pour appuyer cela, les demandeurs ont présenté trois articles de presse sur des crimes commis contre des Chinois au Guyana. En conséquence, il a été soutenu que les demandeurs feraient probablement l’objet de discrimination et de violence ethnique s’ils retournaient au Guyana.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[12]  L’agent a noté les sujets abordés dans les arguments des demandeurs et a précisé que, même si les demandeurs allèguent qu’ils subiraient des difficultés s’ils étaient renvoyés au Guyana, ils n’ont formulé aucune allégation similaire concernant un retour en Chine où la Section de la protection des réfugiés a conclu qu’ils pourraient y retourner.

[13]  L’agent a examiné les conclusions de la Section de la protection des réfugiés au sujet de la crédibilité et de la possibilité pour les demandeurs de retourner en Chine. En ce qui concerne les articles sur la violence, l’agent a reconnu que de la violence a été perpétrée au Guyana à l’encontre des Chinois, mais a conclu que les articles ne soutenaient pas la proposition selon laquelle il y a de la discrimination contre les personnes d’origine chinoise au Guyana ou que les demandeurs seraient personnellement confrontés à des difficultés. L’agent a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle ce genre d’attaques criminelles pourrait avoir lieu dans n’importe quel pays.

[14]  En ce qui concerne le retour des demandeurs en Chine, l’agent a conclu qu’il n’y avait aucune preuve de difficultés en Chine et que les demandeurs n’avaient pas réfuté la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle ils détenaient un statut en Chine leur permettant d’y retourner.

[15]  Pour ce qui est de l’établissement, l’agent a noté un certain niveau d’établissement, mais aucune preuve d’une telle importance que l’expulsion créerait des difficultés de la perte de cet établissement au-delà de ce qui pourrait normalement être prévu. L’agent a ajouté que Mme Cao avait fait l’objet d’un mandat de l’immigration depuis le 2 janvier 2015 pour ne pas s’être présenté à une entrevue préalable au renvoi. En conséquence, l’agent a retenu cela contre son établissement.

[16]  L’agent a indiqué que M. Yang n’avait pas d’emploi entre novembre 2011 et février 2015. Il n’y avait aucune indication de la façon dont M. Yang subvenait à ses besoins et à ceux de sa famille. Mme Cao est au chômage depuis son arrivée au Canada. L’agent a également indiqué l’existence d’un permis d’exploitation indiquant que M. Yang avait démarré une entreprise. Même si rien n’indiquait que le permis municipal avait été renouvelé après février 2016, l’agent a accordé un poids favorable à l’entreprise. Il a également noté que M. Yang avait fait du bénévolat comme assistant de bureau en 2013.

[17]  L’agent a conclu que, même s’il y avait un niveau d’établissement, la preuve n’indiquait pas un niveau d’intégration dans la société canadienne tel que le départ des demandeurs causerait des difficultés excessives hors de leur contrôle et non prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[18]  En ce qui concerne l’ISE, l’agent a noté l’observation selon laquelle les enfants n’avaient pas la capacité de retourner en Chine ou au Guyana. Cependant, selon les observations, le fils aîné a vécu en Chine avec ses grands-parents pendant ses sept premières années. Il n’y avait aucune preuve qu’il ne pouvait pas y vivre ou qu’il y était privé de ses besoins fondamentaux.

[19]  L’agent a conclu que, même s’il n’y avait aucune preuve relative à la scolarité des enfants, il était raisonnable de supposer que le fils aîné allait à l’école et le plus jeune, à la garderie. Il n’y avait aucune preuve de la scolarité du fils ou aucune information provenant de camarades de classe, d’enseignants ou d’autres personnes qui montrerait que son intérêt supérieur serait servi en restant au Canada plutôt qu’en étant renvoyé. Il n’y avait aussi aucune preuve d’un professionnel indiquant que l’intérêt supérieur des enfants serait compromis s’ils devaient quitter le Canada.

[20]  L’agent a conclu que, bien qu’il soit dans l’intérêt supérieur de la plupart des enfants de rester avec leurs parents, le fils cadet ne perdrait pas son statut de citoyen canadien et la décision finale quant au pays où il irait si les parents étaient renvoyés reviendrait aux parents. Il n’y avait aucune preuve indiquant que le fils cadet n’avait pas la capacité d’aller en Chine. Même s’il était probable que de meilleurs services seraient disponibles au Canada, rien n’indiquait que les besoins des enfants ne pourraient pas être satisfaits au Guyana ou en Chine. L’agent a noté qu’aucun gouvernement ne pouvait garantir l’absence de pauvreté ou que la criminalité ne toucherait pas une famille et qu’il était dans l’intérêt de chaque enfant d’avoir l’amour et le soutien de ses parents. L’agent a conclu qu’aucune preuve n’avait été présentée pour démontrer que les intérêts des enfants seraient compromis au Guyana ou en Chine.

[21]  L’agent a conclu qu’il était raisonnable de supposer que les enfants avaient été exposés aux langues, coutumes et cultures chinoises et guyaniennes par l’intermédiaire de leurs parents et que leur jeune âge les aiderait raisonnablement à s’adapter à l’un ou l’autre pays.

[22]  L’agent a mentionné le fait que les demandeurs auraient dû savoir que l’expulsion serait une possibilité après le rejet de la demande d’asile; par conséquent, ils ne pouvaient pas maintenant prétendre que les difficultés de quitter le Canada échappaient à leur contrôle. Compte tenu de la familiarité des demandeurs avec la Chine et le Guyana, ainsi que de la capacité de M. Yang de lancer une entreprise au Canada, l’agent était convaincu que M. Yang pourrait obtenir un emploi ou démarrer une entreprise dans l’un ou l’autre pays et qu’il n’y aurait pas de difficultés excessives causées par le renvoi.

[23]  Considérant un examen global des facteurs, l’agent a conclu que, compte tenu de la preuve dans son ensemble, y compris la nature exceptionnelle d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire, les demandeurs n’avaient pas démontré qu’il serait inacceptable de leur refuser l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire. En conséquence, la demande a été rejetée.

IV.  Question en litige et norme de contrôle

A.  Questions

[24]  Les demandeurs définissent quatre questions en litige :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur de droit en se fondant sur un critère trop étroit?

  2. L’agent a-t-il dûment tenu compte de l’établissement des demandeurs au Canada?

  3. L’agent a-t-il commis une erreur dans l’évaluation du risque en appliquant le mauvais critère?

  4. L’agent a-t-il été réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants?

B.  Norme de contrôle

[25]  Le demandeur n’a pas présenté d’observations concernant la norme de contrôle, mais il a contesté le caractère raisonnable de diverses conclusions. Le défendeur soutient que la décision est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

[26]  Les questions qui impliquent l’examen de la preuve par l’agent soulèvent soit des questions de fait ou mixtes de fait et de droit et, par conséquent, peuvent être susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La question de savoir si l’agent a appliqué le bon critère est une question de droit qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : D’Aguiar-Juman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 6, au paragraphe 6, 261 ACWS (3d) 970. Si le bon critère a été appliqué, le résultat de son application est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable étant donné qu’une telle décision est une question mixte de fait et de droit.

[27]  Le caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de celle-ci, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir].

[28]  Si les motifs, lorsqu’ils sont lus dans leur ensemble, « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables, les motifs répondent alors aux critères établis dans Dunsmuir » : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708.

V.  Analyse

A.  L’agent a-t-il appliqué un critère qui était trop étroit?

[29]  Les demandeurs invoquent Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, [2015] 3 RCS 909 [Kanthasamy] et les directives à l’égard du traitement des demandes au Canada (Directives) en soutenant que, bien que l’agent ne l’ait pas dit, le critère utilisé était celui des difficultés indues ou excessives plutôt que de se concentrer sur l’objectif sous-tendant une demande CH et d’examiner tous les facteurs énoncés dans les Directives cumulativement.

[30]  Les demandeurs soulignent deux exemples où ils disent que l’agent a commis ces erreurs.

[31]  Une erreur alléguée est que l’agent dit que le processus de demande pour des motifs d’ordre humanitaire n’est pas conçu pour éliminer les difficultés, mais plutôt pour répondre à un ensemble particulier de circonstances et qu’il vise à fournir un mécanisme de redressement souple, mais exceptionnel. Les demandeurs affirment que cette formulation est une paraphrase de la décision dans Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 10 Imm LR (3d) 206, [2000] ACF no 1906 (QL) (CF 1re inst.) [Irimie] et, Irimie a été expressément invalidé par Kanthasamy.

[32]  En toute déférence, Kanthasamy n’a pas invalidé Irimie. Au contraire, la Cour suprême s’est appuyée sur Irimie et Rizvi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 463, [2009] ACF no 582, pour dire que l’obligation de quitter le Canada entraînera inévitablement des difficultés et que ces difficultés à elles seules ne suffisent généralement pas à justifier une dispense pour considérations d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) : Kanthasamy, au paragraphe 23.

[33]  L’autre paragraphe de la décision de l’agent sur lequel les demandeurs s’appuient pour démontrer qu’un critère des difficultés injustifiées a été utilisé est le suivant :

Qu’ils aient choisi de rester au Canada pour avoir un enfant et poursuivre d’autres procédures d’immigration, ils ne peuvent pas maintenant soutenir que les difficultés qu’ils peuvent rencontrer en quittant le Canada sont indépendantes de leur volonté.

[34]  Les demandeurs soutiennent que la référence à des difficultés indépendantes de leur volonté n’est pertinente que si un critère des difficultés injustifiées est appliqué.

[35]  Je ne suis pas d’accord. Kanthasamy indique que l’expression « le résultat de circonstances indépendantes de [la] volonté [du demandeur] » se rapporte à des difficultés inhabituelles et injustifiées qui sont « non envisagées » par la LIPR : Kanthasamy, au paragraphe 26. C’est le libellé des Directives. La Cour suprême précise non seulement que les Directives, bien que non contraignantes, sont utiles pour indiquer ce qui constitue une interprétation raisonnable d’une disposition de la LIPR, mais elle indique aussi qu’elles peuvent être examinées par un agent à la condition que l’agent examine les circonstances particulières à l’espèce et ne traite pas les Directives comme énonçant des exigences obligatoires : Kanthasamy, aux paragraphes 31 et 32.

[36]  Les demandeurs n’ont pas démontré que l’agent avait omis de tenir compte de leur situation particulière ou que l’agent considérait que les Directives constituaient une exigence obligatoire selon laquelle pour qu’une demande CH soit accueillie, il faut qu’il y ait des « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives ». Telle qu’elle est énoncée dans les présents motifs, la preuve devant l’agent était maigre. Néanmoins, l’agent a examiné les circonstances qui ont été avancées par les demandeurs. Compte tenu de la preuve présentée à l’agent et des observations insuffisantes qui ont été présentées, je ne suis pas convaincue du fait que l’agent a appliqué le bon ou le mauvais critère de façon trop restrictive. Les éléments de preuve ont été examinés de façon appropriée, mais ils étaient tout simplement insuffisants pour appuyer la demande.

B.  L’agent a-t-il commis une erreur lorsqu’il a examiné l’établissement des demandeurs au Canada?

[37]  En ce qui concerne l’établissement, les éléments de preuve présentés à l’agent étaient également clairsemés. Ils comprenaient quelques documents liés à l’entreprise de blanchissage et de nettoyage à sec que M. Yang avait démarrée avec un partenaire (il apparaît sur ces documents que l’entreprise avait été créée en 2015), un avis de cotisation de l’Agence du revenu du Canada pour 2014 qui montrait un revenu personnel de 13 972 $, un document d’une page de TD Canada Trust montrant que M. Yang avait une valeur nette patrimoniale de 5 369,30 $ et un certificat d’immatriculation pour un véhicule Toyota 2007. Une lettre du centre de service aux immigrants et à la collectivité a confirmé que M. Yang avait fait du bénévolat au centre d’avril à octobre 2013 en tant qu’assistant de bureau travaillant 81,5 heures au total.

[38]  En plus des documents, l’agent a reçu diverses photographies de M. Yang soit avec son associé, soit avec sa famille, le montrant au travail et avec sa famille à Toronto et dans les environs dans divers lieux d’intérêts et à divers événements.

[39]  Les arguments avancés par le consultant à l’appui de l’établissement étaient que les demandeurs avaient vécu au Canada pendant environ quatre ans, avaient deux enfants, dont l’un est né au Canada, et que [traduction] « M. Yang a montré ses efforts pour soutenir sa famille, tandis que sa femme prend soin de leurs enfants en tant que femme au foyer. » Il est ensuite fait référence à l’entreprise de blanchissage et de nettoyage à sec et aux documents déposés pour l’étayer ainsi que l’établissement des demandeurs. Il a également été soutenu que [traduction] « M. Yang s’est fait beaucoup d’amis au Canada et s’est enthousiasmé pour sa vie au Canada. » Les observations ont continué, déclarant que la famille [traduction] « s’adaptait bien à la vie au Canada et semblait s’être bien intégrée au style de vie canadien ».

[40]  En examinant ces arguments, l’agent a noté que les demandeurs étaient au Canada depuis plus de quatre ans et, comme on pouvait s’y attendre, avaient acquis un certain niveau d’établissement. Bien que M. Yang ait affirmé à l’agent qu’il avait une sœur vivant au Canada, aucun élément de preuve n’a été présenté pour étayer l’étendue de leur relation. L’agent a précisé que les demandeurs avaient fait preuve d’un certain degré d’établissement au Canada, mais qu’il avait également accordé un poids négatif au fait que Mme Cao n’avait pas un bon dossier civil au Canada puisqu’elle avait fait l’objet d’un mandat actif pour défaut de comparaître à une entrevue préalable au renvoi.

[41]  L’agent a exprimé sa préoccupation au sujet du fait que, depuis l’arrivée de M. Yang au Canada en novembre 2011, jusqu’en février 2015, il n’était pas employé, mais il n’avait pas indiqué comment il avait financièrement subvenu à ses besoins et à ceux de sa famille pendant ces années. Mme Cao n’avait pas travaillé au Canada depuis son arrivée.

[42]  En ce qui concerne la preuve documentaire soumise par les demandeurs, l’agent a indiqué que le permis d’exploitation et la police d’assurance avaient expiré en février 2016 et qu’aucun document à jour n’avait été déposé pour montrer s’ils avaient été renouvelés.

[43]  La conclusion de l’agent en matière d’établissement était que les demandeurs avaient atteint un certain degré d’établissement, mais que cela ne soutenait pas qu’ils s’étaient intégrés à la société canadienne dans une mesure telle que leur départ causerait des difficultés excessives indépendantes de leur volonté et non prévues par la LIPR.

[44]  La conclusion de l’agent est raisonnable et conforme aux éléments de preuve qui manifestent un degré mineur d’intégration des demandeurs en l’espace de quatre ans.

[45]  Aucune preuve n’a été présentée à l’agent qui pourrait appuyer une conclusion selon laquelle le départ des demandeurs causerait des difficultés soit pour les demandeurs, soit pour ceux qu’ils ont eu à connaître au Canada, de sorte qu’ils devraient bénéficier de mesures exceptionnelles prévues par le paragraphe 25(1) de la LIPR. La conséquence pour les demandeurs d’être obligés de quitter le Canada pour demander la résidence permanente à partir de l’extérieur semblerait, d’après les éléments de preuve, être la difficulté inévitable découlant d’une telle situation.

[46]  Contrairement aux observations des demandeurs, l’agent a discuté de la capacité d’adaptation et de l’expérience en affaires des demandeurs dans le cadre de l’analyse de difficultés occasionnées par le retour et de la façon dont ces compétences pourraient aider au Guyana ou en Chine, étant donné qu’il n’y a pas eu de preuve pour montrer une incapacité à y démarrer une entreprise ou à y trouver un emploi. L’agent n’a pas fait abstraction de manière inacceptable de l’établissement en déclarant que le rétablissement au retour serait facilité en raison des caractéristiques et de l’expérience du demandeur au Canada. Même si l’agent n’a pas conclu que l’établissement justifiait une dispense pour considérations d’ordre humanitaire, il a raisonnablement analysé les observations pour ce motif et y a attribué un poids approprié.

C.  L’agent a-t-il commis une erreur dans l’évaluation des risques en appliquant le mauvais critère?

[47]  À l’audience de la présente demande, l’avocate des demandeurs a déclaré que l’évaluation du risque faite par l’agent était la question la plus importante en leur faveur. Bien que les demandeurs utilisent le terme [traduction] « risque », la Cour nommera ce motif par le terme utilisé par l’agent, qui décrit également plus précisément ce motif, les conditions défavorables du pays. Les demandeurs soutiennent que l’agent s’est fié, à tort, aux conclusions défavorables sur la crédibilité de la Section de la protection des réfugiés selon lesquelles il n’y avait aucun fondement crédible pour leurs demandes en vertu de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la LIPR. Les demandeurs déclarent que l’agent, en agissant ainsi, a omis d’examiner si les faits sous-jacents, comme le démontrent les trois articles d’Internet, pouvaient étayer une conclusion de difficulté suffisante pour appuyer la demande CH en vertu du paragraphe 25(1). Comme le paragraphe 25(1.3) permet une telle analyse, les demandeurs disent que l’agent a commis une erreur en acceptant les conclusions de la Section de la protection des réfugiés en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) pour évaluer les difficultés au paragraphe 25(1) en raison des conditions défavorables du pays sans établir s’il y avait des motifs d’ordre humanitaire découlant du même ensemble de faits.

[48]  Les demandeurs affirment également que l’agent ne pouvait pas importer dans leurs motifs d’ordre humanitaire la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les demandeurs pouvaient retourner en Chine. Les demandeurs allèguent que, à l’exception de leur fils né au Canada, ils ont la citoyenneté guyanienne et que, pour cette raison, les conditions défavorables présumées au Guyana ne sont pas théoriques et que l’agent n’aurait pas dû accepter le fait qu’ils pouvaient retourner en Chine où ils ne seraient pas exposés aux conditions alléguées au Guyana.

[49]  Pour obtenir gain de cause, ces observations exigent que l’on conclue que les conditions qui auraient mis les demandeurs en danger au Guyana étaient légitimes même s’il s’agissait des mêmes risques qui ont été considérés et rejetés par la Section de la protection des réfugiés comme non crédibles. Les demandeurs comptent sur les trois articles d’Internet pour le démontrer.

[50]  Pour examiner la question, les deux avocats se concentrent sur l’avant-dernier paragraphe de la page 5 de la décision qui porte sur les articles d’Internet. Chacun dit que le paragraphe devrait être lu de manière différente. Le paragraphe en question stipule :

[traduction]

Les autres observations des demandeurs comprennent des articles d’Internet faisant état de crimes et de violence au Guyana, dont des crimes contre des personnes d’origine chinoise. J’ai lu ces articles et je constate que, bien qu’ils soutiennent que les personnes d’origine chinoise ont été victimes de crimes au Guyana, ils ne soutiennent pas qu’il existe une discrimination contre les Chinois d’origine dans ce pays ou que les demandeurs sont confrontés personnellement aux difficultés mentionnées. Ces observations ne réfutent pas les conclusions de la Section de la protection des réfugiés selon lesquelles [traduction] « de telles attaques peuvent se produire dans n’importe quel pays ».

[51]  Les demandeurs suggèrent que les trois articles soumis montrent que les personnes qui sont d’origine chinoise au Guyana sont prises pour cible et c’est ce qu’ils craignent. Ils croient que l’agent n’a pas bien pris en compte les conditions du pays. Ils disent qu’ils ne prétendaient pas qu’ils seraient personnellement attaqués, mais qu’ils seraient, en tant que Chinois d’origine, confrontés à de la discrimination et au risque d’être pris pour cible, ce qui, sans atteindre un niveau de persécution, crée une situation défavorable qui rendrait difficile le retour au Guyana. Ils appuient ces préoccupations sur les trois articles récupérés sur Internet, deux qui ont été publiés dans le Guyana Times les 8 août 2015 et 24 mars 2015, et un qui a été publié sur iNews Guyana le 19 août 2014. Les manchettes des articles sont les suivantes :

[traduction]

Le propriétaire d’un restaurant chinois poignardé à mort et sa femme battue lors de l’effraction de leur domicile;

Granger prend les Chinois, les Brésiliens comme boucs émissaires;

Attaquer un investissement chinois, c’est attaquer tous les Guyaniens

[52]  En lisant les articles en question, qui se réfèrent en partie à des attaques contre des personnes d’ascendance chinoise, je suis d’avis qu’il était raisonnable pour l’agent de conclure que ces articles ne corroborent pas l’existence au Guyana d’une discrimination contre les personnes d’origine chinoise qui équivaudrait à des conditions défavorables dans un pays justifiant une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[53]  Par exemple, le premier article n’insinue pas que le propriétaire du restaurant chinois a été ciblé ou tué en raison de ses origines chinoises. L’article porte en réalité sur l’augmentation de la criminalité et mentionne également un meurtre horrible d’une femme de 77 ans et le meurtre d’un homme de 23 ans. Une référence dans l’article à une femme disant [traduction] « ils viennent et tuent Chiney » semble être une référence au surnom de la victime comme décrit plus haut dans l’article et non une déclaration que le crime était lié à l’origine ethnique de la victime. Dans l’article, il n’y avait aucune mention non plus selon laquelle les deux autres victimes récentes de meurtre étaient des personnes d’origine chinoise ou qu’elles avaient été tuées pour leur appartenance ethnique. Il semble que le crime en général, et non l’appartenance ethnique, était le dénominateur commun.

[54]  Le deuxième article était une histoire à propos de certains politiciens guyaniens qui faisaient campagne dans la [traduction] « Région 11 » (ceux qui ne sont pas au Guyana). Ces politiciens, en recherchant des contributions financières de la diaspora guyanienne à New York et au New Jersey et en cherchant à influencer leurs relations quant au candidat pour qui voter au Guyana, ont prétendu que [traduction] « les Brésiliens et les investisseurs chinois poussent les Guyaniens à la périphérie ». L’histoire note que les mêmes politiciens avaient [traduction] « fait d’autres commentaires anti-chinois auparavant ». L’article conclut que, si les partis d’opposition ont par le passé mené des attaques politiques et médiatiques contre des ressortissants chinois qui investissaient au Guyana, le gouvernement a pleinement soutenu les contributions des ressortissants chinois et appelé à [traduction] « l’arrêt immédiat de telles attaques injustifiées qui vont à l’encontre de la réputation hospitalière de notre nation ». Je ne vois pas comment cet article, discutant de l’argument de certains politiciens selon lequel les Guyaniens devraient craindre l’investissement au Guyana par des investisseurs chinois, montre qu’il existe une discrimination systémique au Guyana du type prétendument craint par les demandeurs.

[55]  Le troisième article est simplement une réitération antérieure de la position du gouvernement énoncée dans le deuxième article avec l’ajout de déclarations sur l’encouragement des investissements étrangers. Il montre clairement que le gouvernement n’est pas en faveur du découragement des investissements chinois et a réitéré sa position selon laquelle aucun groupe ethnique ne devrait être dénigré et toute propagande politique et médiatique négative doit cesser.

[56]  Après avoir examiné les trois articles d’Internet, je suis incapable de conclure que l’agent a tiré des conclusions déraisonnables ou a appliqué un mauvais critère en concluant que les articles ne constituent pas de preuve de discrimination contre les personnes d’origine chinoise justifiant l’octroi d’une dispense pour considérations d’ordre humanitaire.

[57]  Une autre raison invoquée par les demandeurs concernant les conditions défavorables du pays était qu’ils avaient personnellement été victimes d’un cambriolage allégué au Guyana. La Section de la protection des réfugiés avait déterminé que, compte tenu des nombreuses conclusions défavorables et conclusions sur la crédibilité défavorables à l’égard des demandeurs, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables pour conclure que les demandeurs avaient déjà été victimes d’un cambriolage au Guyana. S’il n’y a pas eu de cambriolage, il ne peut logiquement pas servir de fondement aux préoccupations des demandeurs concernant les conditions défavorables du pays.

[58]  Si je comprends l’argument des demandeurs en ce qui concerne l’allégation de cambriolage, c’est qu’en reconnaissant que la Section de la protection des réfugiés avait conclu qu’aucun cambriolage n’avait été commis, l’agent a utilisé les facteurs de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) et a appliqué la norme relative à la question de savoir si les demandeurs avaient établi une crainte fondée de persécution, de risque de torture, de risque de mort ou de risque de traitements ou de peines cruels et inusités. À ce titre, ils soutiennent que l’agent n’a pas appliqué la disposition du paragraphe 25(1.3) de la LIPR qui oblige l’agent à « [tenir] compte, toutefois, des difficultés auxquelles l’étranger fait face » et, par conséquent, le mauvais critère a été appliqué.

[59]  Le problème avec cet argument est double. Premièrement, une partie des difficultés cernées par les demandeurs en raison des conditions du pays était leur expérience passée de cambriolage au Guyana. L’agent a donc répondu de manière appropriée à cette préoccupation. Deuxièmement, je suis d’avis que l’agent a suivi les instructions de la Cour suprême selon lesquelles « le paragraphe 25(1.3) n’empêche pas d’admettre en preuve les faits présentés à l’appui d’instances relatives aux art. 96 et 97 […] [l’agent] peut cependant tenir compte des faits sous‑jacents pour déterminer si la situation du demandeur justifie ou non une dispense pour considérations d’ordre humanitaire » : Kanthasamy, au paragraphe 51.

[60]  La Section de la protection des réfugiés a tiré des conclusions très claires qui établissaient les faits sous-jacents sur lesquels l’agent s’appuyait raisonnablement. Le fait est que la Section de la protection des réfugiés a conclu dans un langage sans équivoque, après avoir d’abord entendu le témoignage de M. Yang et l’avoir interrogé, que le cambriolage que les demandeurs cherchaient toujours à invoquer n’avait pas eu lieu. Les demandeurs ne peuvent pas modifier cette conclusion de fait simplement en y recourant à nouveau dans le contexte de la demande CH. Les demandeurs n’ont fourni aucun fondement à l’agent pour même envisager de réexaminer la preuve devant la Section de la protection des réfugiés afin d’arriver à une conclusion différente sur la question de savoir si le cambriolage allégué au Guyana avait eu lieu.

[61]  En conclusion, je ne lis pas la décision de l’agent comme disant qu’il doit y avoir un risque personnel pour les demandeurs afin qu’ils puissent montrer des difficultés au moyen des conditions défavorables du pays. L’agent a plutôt reconnu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve de difficultés si les demandeurs étaient renvoyés au Guyana en raison des conditions du pays alléguées et qu’il n’y avait aucune preuve de risque ou de difficulté s’ils retournaient en Chine.

[62]  Bien que je note et respecte le plaidoyer de Me Lee sur cette question, à mon avis, pour les raisons qui viennent d’être exposées, l’agent n’a pas appliqué le mauvais critère pour déterminer si la dispense pour considérations d’ordre humanitaire était justifiée en raison des conditions défavorables qui, selon les demandeurs, existeraient s’ils retournaient au Guyana. À mon avis, compte tenu des faits sous-jacents et des éléments de preuve présentés à l’agent, ce dernier n’a pas commis d’erreur dans l’examen de cette décision.

D.  L’agent a -t-il été réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants?

[63]  Il n’y avait presque aucune preuve devant l’agent d’identification ou de soutien de l’intérêt supérieur des deux enfants. Les observations contenaient en grande partie des déclarations vagues non étayées et une reproduction des paragraphes 59 à 67 de Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 166, 212 ACWS (3d) 207, exposés en entier, sans commentaires.

[64]  L’agent a reconnu qu’il devait être réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants, mais il a également reconnu qu’il était du devoir des demandeurs de prouver le fondement de leur demande et que le fait que l’intérêt supérieur des enfants est codifié ne signifie pas que cela l’emporte sur tous les autres facteurs. L’agent a relevé que les enfants avaient 12 ans et 4 ans et que l’enfant de 12 ans avait vécu les 7 premières années de sa vie en Chine, avec ses grands-parents. Après cela, il a vécu avec ses parents au Guyana pendant un an avant de venir au Canada.

[65]  Les observations relatives à l’ISE faites à l’agent étaient qu’un enfant était né au Canada et qu’il était [traduction] « inévitable » que les enfants au départ du Canada ne soient pas suffisamment capables de s’adapter à la vie au Guyana ou en Chine. Il a également été soutenu qu’il y avait des éléments de preuve d’une relation étroite et aimante entre les parents et les enfants. Cela a été suivi par l’affirmation selon laquelle [traduction] « le retour au Guyana [serait] si traumatisant que l’intérêt supérieur des enfants [sic] ne serait satisfait que si toute la famille restait au Canada ». Aucune autre observation n’a été faite à l’agent au sujet de l’ISE. Aucune preuve n’a été mentionnée à l’appui des arguments.

[66]  En ce qui concerne la résilience des enfants, l’agent a conclu que le fils aîné avait vécu avec ses grands-parents en Chine pendant sept ans, puis avec ses parents au Guyana pendant un an avant de venir au Canada. L’agent a ensuite noté que les éléments de preuve ne corroboraient pas un manque de résilience. Il s’agit d’une conclusion raisonnable, car il n’y avait aucune preuve contraire.

[67]  En ce qui concerne la relation étroite et aimante avec les parents, aucune preuve n’a été soulevée devant l’agent. Après avoir examiné le dossier, il semble que la seule preuve de ce genre serait les photos de famille, que l’agent a examinées et commentées. À mon avis, les photos montrent une famille qui profite de diverses sorties à Toronto, mais fournissent peu de détails sur l’ensemble de leur relation. Le fait d’accepter à première vue l’existence d’une relation aussi étroite et aimante ne corrobore pas à lui seul l’observation du consultant selon laquelle le retour au Guyana serait si traumatisant que toute la famille doit rester au Canada.

[68]  L’agent a estimé que rien n’indiquait que le plus jeune fils ne pouvait pas entrer au Guyana ou en Chine et, à ce titre, l’agent a déclaré qu’il était raisonnable de supposer qu’il serait en mesure d’accompagner ses parents en cas de renvoi. Comme il est citoyen canadien, l’agent a également reconnu que le plus jeune fils avait le droit de rester au Canada, décision qui incomberait à ses parents. L’agent a également estimé qu’il n’y avait aucune preuve que les enfants ne recevraient pas d’éducation, de soins de santé ou de soins médicaux au Guyana ou en Chine. En ce qui concerne spécifiquement l’éducation, l’agent a reconnu que [traduction] « [l]e mieux est de veiller à ce que chaque enfant reçoive une éducation et que ses parents aient un amour et un soutien constants ». Il n’y avait aucune preuve devant l’agent que cela ne se produirait pas au Guyana ou en Chine.

[69]  Il incombe aux demandeurs d’établir qu’une exemption pour motifs d’ordre humanitaire est justifiée et un demandeur qui n’a pas fourni de renseignements pertinents à l’appui de sa demande le fait à ses risques et périls : Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 8, [2004] 2 RCF 635. Le fait que l’agent disposait de très peu de renseignements pour établir un ISE plus détaillé n’est entièrement attribuable qu’aux demandeurs et à leur consultant. L’agent a tenu compte, autant que possible, des antécédents familiaux dans la décision de la Section de la protection des réfugiés et du contexte factuel fourni dans les observations. De toute évidence, cela ne suffisait pas à démontrer que l’allègement extraordinaire prévu au paragraphe 25(1) devrait être accordé.

[70]  L’avocate des demandeurs a ensuite contesté ce qu’elle dit être trois conclusions déraisonnables dans l’évaluation de l’ISE faite par l’agent : 1) la spéculation selon laquelle les enfants étaient exposés quotidiennement à la langue chinoise et guyanienne; 2) une conclusion selon laquelle les demandeurs n’avaient pas démontré qu’ils ne pouvaient pas fournir les services de base tels que l’éducation, la santé ou la médecine en Chine ou au Guyana qui, selon eux, attestent l’utilisation par l’agent d’un critère des besoins fondamentaux; 3) le fait que l’agent n’a pas tenu compte de la situation des enfants, il a plutôt mentionné ce qui n’a pas été fourni comme élément de preuve.

[71]  En ce qui concerne la déclaration concernant la langue chinoise ou guyanienne faite par l’agent, l’avocate dit que non seulement c’était spéculatif, mais le fait qu’il n’y a pas de langue guyanienne montre aussi que l’agent n’était pas suffisamment attentif à l’ISE.

[72]  L’ensemble de la déclaration faite par l’agent n’était pas limité à la langue. L’affirmation était que [traduction] « [c]était raisonnable que les deux garçons soient quotidiennement exposés à la langue, aux coutumes et à la culture chinoise et guyanienne par l’intermédiaire des demandeurs ». Je ne lis pas cela comme disant ou même sous-entendant qu’il existe une langue guyanienne distincte. Il s’agit d’une déclaration englobant la capacité des parents à partager avec leurs enfants des renseignements sur la Chine et le Guyana, étant donné qu’ils ont vécu pendant de longues périodes dans chaque pays.

[73]  En ce qui concerne la référence aux services de base, l’agent a indiqué qu’il n’y avait aucune preuve que les enfants n’auraient pas accès aux services de base en matière d’éducation, de santé et de soins médicaux au Guyana ou en Chine. Cette déclaration faisait partie de l’analyse des différences entre la vie au Canada et au Guyana ou en Chine. Il s’agissait aussi d’un commentaire sur l’absence générale de preuve. Ce n’était certainement pas toute l’analyse d’ISE. L’agent a pris en compte l’âge des enfants, les antécédents du fils aîné en Chine et au Guyana, les avantages de l’éducation, le manque d’éléments de preuve sur la scolarité, le bénéfice pour les enfants d’avoir l’amour et le soutien de leurs parents, la présence de leur famille proche en Chine, et la capacité des parents à se rétablir en Chine ou au Guyana, y compris leur ingéniosité.

[74]  L’objection selon laquelle l’agent n’a pas tenu compte de la situation des enfants, mais a énuméré les éléments de preuve absents, est sans fondement. L’absence de preuve ou d’observations significatives pour aider l’agent à mener une analyse de l’ISE était essentielle. Il y avait très peu de choses à examiner pour l’agent. Je ne reprocherai pas à l’agent d’être clair sur le fait que plus d’éléments de preuve – du genre énuméré – auraient dû être présentés.

VI.  Conclusion

[75]  Les demandeurs ont, en effet, demandé à l’agent d’abord, puis à la Cour de réévaluer la preuve dont était saisie la Section de la protection des réfugiés et de tirer une conclusion différente. Le fait est que la preuve à l’appui de cette demande CH, dont je souligne qu’elle a été soumise par un consultant et non par Me Lee, était au mieux très faible. L’agent a reçu très peu d’éléments, voire aucun, sur lesquels une décision pour des motifs d’ordre humanitaire positive pourrait être prise. À cela s’ajoute la conclusion de la Section de la protection des réfugiés non contestée selon laquelle il n’y avait aucun fondement crédible à la demande des demandeurs.

[76]  On a présenté à l’agent ce qui s’apparentait à de simples affirmations dans les observations et à une insuffisance de la preuve en ce qui concerne les motifs d’ordre humanitaire en général et l’ISE en particulier. Je suis d’avis qu’il ne fait aucun doute que la décision est raisonnable. Les motifs de l’agent expliquent clairement comment et pourquoi la décision a été prise. Il est clair que le résultat appartient aux résultats possibles, pouvant se justifier au regard des faits devant l’agent et du droit.

[77]  Selon l’agent, la preuve présentée ne justifiait tout simplement pas l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’accorder l’allègement exceptionnel demandé par les demandeurs. Il s’agissait d’une conclusion tout à fait raisonnable de la part de l’agent.

[78]  Pour ces motifs, la demande est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et aucune question n’a été soulevée eu égard aux faits de l’espèce.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4331-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-4331-16

 

 

INTITULÉ :

TINGFENG YANG (ALIAS JIN QUAN YANG) ET AL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 mai 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Sally Thomas

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lee & Company

Services d’assistance judiciaire, d’avocats et de litiges en matière d’immigration

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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