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Date : 20180404


Dossier : T-8-17

Référence : 2018 CF 365

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 avril 2018

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

ARCTOS HOLDING INC. ET ARCTOS & BIRD MANAGEMENT LTD.

demanderesses

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET FUJI STARLIGHT EXPRESS CO LTD.

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire concernant la décision de Parcs Canada de consolider les baux (la décision concernant la consolidation des baux) de plusieurs lots situés dans le parc national Banff (le parc). Parcs Canada a consolidé les baux à la demande de Fuji Starlight Express Co. Ltd. (Fuji), qui a l’intention de procéder à l’aménagement des lots consolidés en y construisant des commerces, y compris un hôtel et un restaurant.

[2]  Arctos Holdings Inc. et Arctos & Bird Management Ltd. (de manière interchangeable les demanderesses  ou Arctos) sont les propriétaires, promoteurs et gestionnaires immobiliers d’un regroupement de locaux à usage commercial, locatif et de restauration, appelé le Bison Courtyard, situé à proximité des lots consolidés. Les demanderesses s’opposent à la décision concernant la consolidation des baux au motif que Parcs Canada a omis de bien considérer et de manière « proactive » l’incidence de la consolidation et du soi-disant projet d’aménagement sur la population permanente de la ville de Banff, omettant ainsi de se conformer au plan directeur du parc national Banff (le plan directeur de Banff).

II.  Résumé des faits

A.  Les faits

[3]  Dans sa décision concernant la requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire des demanderesses, déposée par le défendeur, le procureur général du Canada, la juge Strickland a décrit les faits relatifs à cette affaire, ainsi que le régime de réglementation complexe régissant l’utilisation et l’aménagement des terres dans le parc national Banff : Arctos Holdings Inc. c Canada (Procureur général), 2017 CF 553, aux paragraphes 5 à 21 [Arctos]. Par souci de concision, j’en présenterai seulement un court résumé.

[4]  Comme je l’ai indiqué plus haut, les demanderesses sont les propriétaires, promoteurs et gestionnaires immobiliers de Bison Courtyard, un regroupement de locaux à usage commercial, locatif et de restauration situé dans la ville de Banff.

[5]  Les lots 20 à 24 sont contigus à Bison Courtyard. Le droit de tenure à bail des lots 21 à 24 était à l’origine partagé entre deux copropriétaires, Homestead Inn et Melissa’s Restaurant. Chacun des copropriétaires détenait un certificat de titre pour sa part indivise du droit de tenure à bail des lots 21 à 24. En 2009, Fuji a fait l’acquisition du lot 20, ainsi que de la part détenue en copropriété par Homestead Inn des lots 21 à 24. En 2016, Fuji a fait l’acquisition de la part restante indivise du droit de tenure à bail de Melissa’s Restaurant des lots 21 à 24, devenant ainsi l’unique propriétaire non seulement du lot 20, mais également des lots 21 à 24.

[6]  Dans le cadre de la décision concernant la consolidation des baux du 25 novembre 2016, Parcs Canada a délivré un bail consolidé à Fuji pour les lots 20 à 24. La décision concernant la consolidation des baux fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

[7]  Depuis que la décision concernant la consolidation des baux a été prononcée, d’autres projets d’aménagement ont été entrepris. Après l’approbation de la consolidation, Fuji a présenté une demande de permis d’aménagement auprès de la commission de planification municipale (Municipal Planning Commission ou MPC) de la ville de Banff. Le 14 décembre 2016, la MPC a délivré le permis (la décision de la MPC), sous réserve de certaines conditions.

[8]  Arctos a interjeté appel de la décision de la MPC auprès de la commission d’appel en matière d’urbanisme (Development Appeal Board ou DAB). À ce moment-là, Arctos soutenait que la consolidation du lot 20 et des lots 21 à 24 constituait un lotissement illégal, et que le permis d’aménagement ne respectait pas les obligations du plan directeur de Banff à l’égard des exigences relatives à la population.

[9]  Dans une décision datée du 11 mai 2017, la DAB a accueilli en partie l’appel interjeté par Arctos (la décision de la DAB). Cependant, elle a rejeté l’appel interjeté par Arctos concernant le lotissement prétendument illégal, ainsi que l’argument d’Arctos selon lequel il y avait eu manquement aux obligations du plan directeur de Banff. Arctos a demandé l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la DAB devant la Cour d’appel de l’Alberta. Le 15 septembre 2017, la demande d’autorisation a été rejetée.

B.  Le plan directeur de Banff

[10]  La présente demande de contrôle judiciaire concerne principalement une disposition du plan directeur de Banff. La production de ce plan est une obligation légale découlant de l’article 11 de la Loi sur les Parcs nationaux du Canada, LC 2000, c 32, qui prévoit aussi un examen des plans des parcs au moins tous les dix ans. Comme c’est le cas pour les plans de tous les parcs nationaux, le plan directeur de Banff énonce « des vues à long terme sur l’écologie du parc et prévoit un ensemble d’objectifs et d’indicateurs relatifs à l’intégrité écologique, et des dispositions visant la protection et le rétablissement des ressources, les modalités d’utilisation du parc par les visiteurs, le zonage, la sensibilisation du public et l’évaluation du rendement ». Une des « mesures clés » relativement à la ville de Banff, et apparaissant dans la version actuelle du plan directeur de Banff, est rédigée ainsi :

Pour plafonner la population permanente (recensement fédéral) à 8 000 habitants, agir proactivement en tenant compte de cet objectif

stratégique dans toutes les décisions touchant à la ville, qu’elles soient prises

avec ou sans la collaboration de la municipalité, y compris les décisions ayant trait aux permis d’exploitation.

It is anticipated that the permanent population (Federal Census) will not

exceed 8,000; all decisions of Parks Canada and the Town of Banff, including

business licensing, shall proactively take into account this policy objective.

[11]  Comme je l’ai mentionné précédemment, les demanderesses soutiennent que lorsque Parcs Canada a rendu sa décision concernant la consolidation des baux, le ministère n’a pas « proactivement » tenu compte de l’objectif stratégique visant le plafonnement de la population permanente à 8 000 habitants.

III.  Questions en litige

[12]  Sur le fond, une seule question est soumise à la Cour : Parcs Canada a-t-il commis une erreur susceptible de révision dans sa décision concernant la consolidation des baux, en omettant de tenir compte « proactivement » de l’objectif stratégique énoncé dans le plan directeur de Banff visant à plafonner la population de la ville de Banff à 8 000 résidents permanents?

[13]  Cependant, la Cour doit d’abord décider si les demanderesses ont qualité pour présenter cette demande de contrôle judiciaire. Alors que les demanderesses ont au départ affirmé qu’elles avaient directement qualité pour agir, cet argument n’a pas été maintenu dans les observations orales, puisqu’il avait déjà été rejeté par la juge Strickland : Arctos, aux paragraphes 50 à 53. Je suis d’accord avec son analyse de la question de l’intérêt direct, et je dois maintenant décider si les demanderesses respectent les exigences pour se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public et présenter leur demande.

IV.  Question préliminaire : qualité pour agir dans l’intérêt public

A.  Thèse des parties

1)  Les demanderesses

[14]  Dans leurs observations orales, les demanderesses soutiennent qu’elles satisfont au critère à trois volets pour pouvoir agir dans l’intérêt public, appliqué d’une manière souple et téléologique, et énoncé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45 [Downtown Eastside], au paragraphe 37. Elles affirment que la question justiciable sérieuse soulevée en l’espèce est liée au régime de réglementation unique et complexe qui s’applique aux propriétés et aux projets d’aménagement dans le parc, et au défaut allégué de Parcs Canada et de la ville de Banff de gérer proactivement la population permanente du parc.

[15]  Les demanderesses soutiennent que le deuxième facteur – à savoir si le demandeur a un intérêt réel ou véritable dans le litige – s’applique, puisque les demanderesses sont propriétaires d’entreprises dans la ville de Banff et subissent les effets négatifs de [traduction« l’intensification sans contrainte des projets d’aménagement ». À ce propos, les demanderesses ajoutent qu’Arctos a fait montre d’une préoccupation soutenue envers la préservation des caractéristiques uniques de la ville de Banff, invoquant l’architecture soignée dont fait preuve l’aménagement de Bison Courtyard, ainsi que d’un engagement envers la préservation de l’environnement dans le cadre de ses pratiques commerciales.

[16]  Enfin, les demanderesses affirment que l’action proposée représente une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux, puisque les seules parties concernées par la décision concernant la consolidation des baux sont Parcs Canada et Fuji, toutes deux n’ayant aucun intérêt à contester la décision. Par conséquent, les demanderesses affirment qu’une demande de contrôle judiciaire pourrait, en effet, être la seule manière de soumettre la question aux tribunaux.

2)  Le procureur général du Canada

[17]  Le procureur général du Canada (le procureur général) soutient que les demanderesses ne doivent pas se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public. Le procureur général souligne d’abord que les trois facteurs du critère à trois volets doivent être soupesés cumulativement, et non individuellement, et à la lumière de leur objectif de soulever une question d’intérêt public. Le procureur général ne conteste pas qu’une question justiciable sérieuse a été soulevée en l’espèce.

[18]  Le procureur général soutient néanmoins qu’Arctos n’a pas un intérêt réel ou véritable dans la décision concernant la consolidation des baux. Le procureur général affirme que la décision faisant l’objet du présent contrôle concerne la consolidation administrative de baux, et non l’approbation d’un plan d’aménagement; alors que les demanderesses jouissent de droits de participation dans ce dernier cas, elles n’en détiennent pas dans le premier cas. Le procureur général ajoute que l’acte administratif de consolidation de baux n’a aucun effet sur la population, et même si cet acte pouvait être considéré en quelque sorte comme conférant des droits d’aménagement, l’effet de l’aménagement proposé sur la population est sans importance. Le procureur général termine en ajoutant que la juge Strickland, quand elle s’est penchée sur la question de savoir si les demanderesses avaient un intérêt réel ou véritable dans le litige, a jugé que rien ne montrait qu’Arctos démontre depuis longtemps une véritable préoccupation à l’endroit de la population de résidents permanents de la ville de Banff.

[19]  Enfin, en ce qui concerne le troisième facteur du critère à trois volets concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public, le procureur général soutient que les demanderesses disposaient d’un recours devant la DAB et la Cour d’appel de l’Alberta et que, par conséquent, la Cour n’a pas besoin de se pencher sur cette question.

3)  Fuji

[20]  Fuji ne prend pas position quant à la question de la qualité pour agir dans l’intérêt public.

B.  Discussion

[21]  La reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public est un exercice discrétionnaire inhérent, au cours duquel les tribunaux sont appelés à établir un équilibre « entre l’accès aux tribunaux et la nécessité d’économiser les ressources judiciaires » : Conseil canadien des Églises c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 RCS 236. Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Downtown Eastside, au paragraphe 37 :

Lorsqu’ils exercent le pouvoir discrétionnaire de reconnaître ou non la qualité pour agir dans l’intérêt public, les tribunaux doivent prendre en compte trois facteurs : (1) une question justiciable sérieuse est-elle soulevée? (2) le demandeur a-t-il un intérêt réel ou véritable dans l’issue de cette question? et (3) compte tenu de toutes les circonstances, la poursuite proposée constitue-t-elle une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux? : Borowski, p. 598; Finlay, p. 626; Conseil canadien des Églises, p. 253; Hy and Zel’s, p. 690; Chaoulli, par. 35 et 188. Le demandeur qui souhaite se voir reconnaître la qualité pour agir doit convaincre la cour que ces facteurs, appliqués d’une manière souple et téléologique, militent en faveur de la reconnaissance de cette qualité. Toutes les autres considérations étant égales par ailleurs, un demandeur qui possède de plein droit la qualité pour agir sera généralement préféré.

[22]  La Cour s’appuie sur ce critère à trois volets quand elle doit décider si elle doit reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public en utilisant son pouvoir discrétionnaire. Le critère doit être appliqué de manière souple et téléologique, et il incombe au demandeur de convaincre le tribunal que les facteurs, considérés globalement, militent en faveur de la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public. Pour les motifs qui suivent, j’estime que les demanderesses en l’espèce ne peuvent pas se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public afin de présenter cette demande de contrôle judiciaire.

1)  Question justiciable sérieuse

[23]  Comme la juge Strickland était prête à le reconnaître, et comme le défendeur, le procureur général, ne s’y oppose pas, j’estime que la question dont la Cour est saisie est sérieuse et justiciable : lorsqu’il rend une décision discrétionnaire relative à une location, le ministre doit-il tenir compte « proactivement » des objectifs du plan directeur de Banff, particulièrement en ce qui concerne les objectifs liés à la population?

[24]  Cependant, je souscris également aux observations de la juge Strickland, selon lesquelles la présente affaire ne soulève aucune question constitutionnelle, et la consolidation de baux n’est pas une question particulièrement sérieuse; elle concerne plutôt une mesure d’ordre administratif n’ayant aucun effet indépendant sur la population de la ville de Banff. Comme je l’ai indiqué précédemment, le critère concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public ne se compose pas de trois seuils individuels. En conséquence, les facteurs qui militent contre le volet de la « question justiciable sérieuse » du critère à trois volets sont également importants pour déterminer globalement la reconnaissance ou non de la qualité pour agir dans l’intérêt public, et doivent être pris en compte.

2)  Intérêt réel ou véritable

[25]  À mon avis, les demanderesses n’ont pas démontré qu’elles ont un intérêt « réel » ou « véritable » dans l’affaire qui nous occupe, laquelle, il faut le rappeler, concerne la consolidation administrative de baux à l’intérieur du parc. Comme l’ont affirmé les demanderesses lors de leur plaidoirie, je reconnais qu’Arctos a un intérêt envers la durabilité de l’environnement et la préservation du parc, et qu’elle s’est comportée d’une manière qui concorde avec cette vision. À cet égard, Arctos mérite nos éloges. Cependant, l’engagement des demanderesses à la préservation du parc n’est pas assimilable au fait d’avoir un intérêt réel ou véritable dans la décision faisant l’objet du contrôle – en l’occurrence la décision concernant la consolidation des baux. Concernant l’acte administratif de consolidation des baux, lequel est le véritable sujet de la présente demande de contrôle judiciaire, les demanderesses n’y ont aucun intérêt réel ou véritable. Arctos se préoccupe seulement de ce qui suit la consolidation (aménagement et augmentation présumée de la population), et non de la consolidation elle-même (qui n’a, de toute façon, aucun effet sur la population).

[26]  Pour les besoins de la discussion, même si l’on présumait que la question soumise à la Cour peut être qualifiée de question concernant au sens large la gestion proactive de la population de la ville de Banff, Arctos n’est pas en mesure de démontrer un intérêt « réel » ou « véritable » suffisant pour appuyer sa demande en vue d’agir dans l’intérêt public.

[27]  D’abord, pour ce qui est des demanderesses, la preuve d’un intérêt réel conforme aux cibles en matière de population du plan directeur de Banff semble n’être apparue qu’après qu’Arctos eut pris connaissance, en juillet 2016, de l’intention de Fuji de construire un hôtel. Dans son affidavit, Peter Poole, propriétaire et chef de la direction d’Arctos, indique qu’à la fin d’octobre 2016, il a appris du maire que la population de la ville de Banff s’élevait à environ 10 000 habitants. Il affirme que c’est ce qui l’a amené à se pencher sur la question et à obtenir les données du recensement municipal, et à [traduction] « commencer à se préoccuper de l’intensification de l’aménagement sur le site du Homestead Inn ». L’affidavit de M. Poole contient des éléments de preuve relativement récents et non particulièrement importants en fonction desquels on demande à la Cour de conclure à un intérêt public véritable.

[28]  Deuxièmement, la prétention d’Arctos à l’égard d’un intérêt public véritable est minée par le fait que l’entreprise a contesté à diverses reprises l’approbation des permis d’aménagement de Fuji, et plusieurs de ces contestations n’ont rien à voir avec la population de la ville de Banff. Je tiens à préciser que ces mesures étaient tout à fait conformes aux droits juridiques des demanderesses, et mes observations en l’espèce ne diminuent en rien ce fait. Cependant, ces contestations antérieures sont pertinentes pour déterminer si l’intérêt d’Arctos est réellement motivé par un intérêt public d’assurer la conformité aux cibles du plan directeur de Banff en matière de population. Arctos a précédemment contesté les permis d’aménagement de Fuji au motif que le projet visait un lotissement illégal, qu’il ne prévoyait la conservation d’aucune ligne de visibilité existante, qu’il n’était pas conforme au règlement sur l’utilisation des terres pour ce qui est des exigences relatives à la hauteur, aux ordures et au recyclage, et que le plan du bâtiment était médiocre. Cela nous mène logiquement à la conclusion que l’intérêt d’Arctos sur la question est à la fois public et privé.

3)  Manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux

[29]  En ce qui concerne le troisième facteur, j’estime que les demanderesses n’ont pas réussi à démontrer que la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public, en toutes circonstances, est une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux. L’affirmation des demanderesses selon laquelle le présent contrôle judiciaire [traduction« peut représenter la seule manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux » [souligné dans l’original] est contredite par leurs propres actions : les demanderesses ont contesté la décision concernant la consolidation des baux devant la DAB en 2017, et ont interjeté appel de la décision devant la Cour d’appel de l’Alberta. Il s’agissait de recours appropriés pour contester la décision concernant la consolidation des baux, au motif du non-respect du plan directeur de Banff, et Arctos s’est prévalue de ces recours. Ainsi, j’estime que ce facteur ne milite pas en faveur de la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public des demanderesses.

C.  Conclusion

[30]  Les facteurs du critère à trois volets, lorsqu’ils sont examinés globalement, ne militent pas en faveur de la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public des demanderesses. Puisque les demanderesses n’ont pas qualité pour agir, il est inutile de procéder à une analyse du bien-fondé de la présente affaire.

V.  Dépens

[31]  À l’audience, les parties m’ont informé qu’elles avaient discuté de la question des dépens, mais n’étaient pas parvenues à une entente; même si elles sont d’accord sur les éléments des étapes procédurales et des débours, elles ne s’entendent pas sur la question de savoir si les dépens doivent être évalués selon la colonne III ou la colonne IV du tarif B.

[32]  Les demanderesses affirment que les dépens devraient être accordés conformément à la colonne III du tarif B. Elles soulignent que le litige a été débattu dans l’esprit de l’intérêt public, un facteur énuméré à l’alinéa 400(3)h) des Règles des Cours fédérales, SOR/2004-238. Les demanderesses ajoutent qu’au moment du dépôt de la demande en janvier 2017, elles n’étaient pas en mesure de connaître l’issue de plusieurs procédures connexes (p. ex. les procédures devant la DAB et la Cour d’appel de l’Alberta, la décision de la juge Strickland sur la requête en radiation), et que compte tenu de ces décisions, Arctos a pu faire le tri des questions à débattre au procès.

[33]  D’autre part, le défendeur, le procureur général, soutient que les dépens devraient être adjugés conformément à la colonne IV du tarif B. Le défendeur souligne que plusieurs questions n’auraient pas dû être soulevées dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire, citant comme exemple l’argument des demanderesses en faveur de la qualité pour agir directement. Fuji n’a fait aucune demande quant aux dépens dans ses observations écrites ou orales.

[34]  Je ne suis pas d’accord avec la position des demanderesses, selon laquelle ce litige a été débattu dans l’intérêt public, au sens de l’alinéa 400(3)h). Pour être admissible à titre de plaideur agissant dans l’intérêt public, un demandeur doit démontrer, entre autres, qu’il n’a aucun intérêt personnel, propriétal ou pécuniaire dans le résultat de l’instance : Mcewing c Canada (Procureur général), 2013 CF 953, aux paragraphes 13 à 17. Comme je l’ai mentionné précédemment, j’estime qu’en l’espèce, les demanderesses ont à la fois un intérêt privé et public envers la question qui nous occupe, et ne peuvent donc pas être considérées comme de véritables plaideurs agissant dans l’intérêt public. Alors que la présence d’intérêts privés n’est pas déterminante lorsqu’une partie demande à être reconnue comme plaideur agissant dans l’intérêt public (voir, par exemple, Calwell Fishing Ltd. c Canada, 2016 CF 1140, au paragraphe 49), j’estime qu’en l’espèce, Arctos avait des intérêts privés considérables dans ce litige. Les tentatives précédentes d’Arctos visant à contester les activités d’aménagement de Fuji le prouvent très clairement.

[35]  Cela dit, je suis convaincu par l’argument des demanderesses, selon lequel elles ont fait le tri des questions devant être soumises à la Cour. Les demanderesses ont précisé à juste titre que la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée en janvier 2017, et je suis convaincu que, puisque la question a été débattue dans le cadre de diverses procédures connexes, les demanderesses ont restreint les questions à débattre dans la présente action.

[36]  Dans l’ensemble, je ne vois aucune raison de déroger à la pratique habituelle selon laquelle les dépens suivent l’issue de la cause. En conséquence, j’ordonne que les dépens soient adjugés au défendeur, le procureur général, conformément à la colonne III du tarif B.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-8-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Les dépens sont adjugés au défendeur, le procureur général, conformément à la colonne III du tarif B.

« Shirzad A. »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-8-17

INTITULÉ :

ARCTOS HOLDING INC. ET ARCTOS & BIRD MANAGEMENT LTD. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET FUJI STARLIGHT EXPRESS CO LTD.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 février 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE AHMED

DATE DES MOTIFS :

Le 4 avril 2018

COMPARUTIONS :

William W. Shores

Scott Poitras

Pour les demanderesses

Deborah Babiuk-Gibson

James Elford

Pour le défendeur

Procureur général du Canada

Blair C. Yorke-Slader

Denise Brunsdon

Bonnie Anderson

POUR LE DÉFENDEUR

Fuji Starlight Express Co Ltd.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shores Jardine LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

Pour les demanderesses

Procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

Pour le défendeur

Bennett Jones LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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