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Date : 20180406


Dossier : IMM-3762-17

Référence : 2018 CF 370

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 avril 2018

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

ASAKO HACHINOHE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration (SAI) a rejeté un appel interjeté contre le refus d’une demande de parrainage à titre de conjoint. La Section d’appel de l’immigration a confirmé que la demanderesse n’a pas réussi à établir que le mariage est authentique et n’avait pas pour principal objet l’acquisition d’un statut au Canada aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

II.  Les faits

[2]  La demanderesse, une femme de 44 ans née au Japon, est devenue résidente permanente pour des motifs d’ordre humanitaire à la suite de la rupture de son mariage avec un homme violent d’origine ghanéenne. Le mariage s’est terminé par un divorce.

[3]  En 2007, Christopher Igolo a quitté le Nigéria et, après être entré au Canada illégalement, il a présenté une demande d’asile. Il a rencontré la demanderesse en mai 2009 et il a emménagé avec elle en août 2009. Il a cependant déménagé en janvier 2010.

[4]  La demande d’asile de M. Igolo a été rejetée en mai 2010 et, un mois plus tard, le couple a obtenu une licence de mariage, qui devait avoir lieu le 17 juillet 2010. Ce mariage n’a pas eu lieu.

[5]  À la suite du rejet de sa demande d’asile pour motifs d’ordre humanitaire et d’une décision défavorable à l’issue d’un examen des risques avant renvoi (ERAR), M. Igolo a été renvoyé au Nigéria en mars 2012.

[6]  Le couple s’est marié au Nigéria en mai 2012 et, après une cohabitation d’un mois, la demanderesse est revenue au Canada. Elle n’a pas revu son mari depuis.

[7]  Le 22 juillet 2013, la demanderesse a soumis une demande de parrainage de M. Igolo, qui a été rejetée. Après avoir interrogé M. Igolo, l’agent a conclu que lui et la demanderesse étaient des amis, mais qu’ils avaient contracté un mariage de convenance pour faciliter l’immigration. Les points les plus préoccupants dans cette affaire avaient trait aux antécédents de M. Igolo en matière d’immigration, à sa piètre connaissance de la demanderesse et à l’absence d’éléments de preuve à l’égard de leur relation.

[8]  Pour l’essentiel, la Section d’appel de l’immigration a confirmé les conclusions de l’agent. Après avoir examiné les facteurs pertinents en l’espèce, y compris la période de fréquentation avant le mariage et la connaissance de leurs antécédents mutuels, les témoignages respectifs des intéressés n’ont pas été jugés suffisamment crédibles, dignes de foi ou fiables pour l’emporter sur les doutes de l’agent et de la Section d’appel de l’immigration.

[9]  Les éléments suivants ont instillé ces doutes :

  • l’incohérence des témoignages concernant l’adresse à laquelle le couple aurait cohabité;

  • le manque d’éléments de preuve d’une vie commune en tant que couple;

  • le manque de crédibilité des témoignages concernant l’emménagement de la demanderesse avec M. Igolo trois mois après leur rencontre, vu l’absence de preuve de l’établissement d’une relation de confiance mutuelle;

  • la preuve concernant les messages que M. Igolo a envoyés à la demanderesse avant l’audience de la Section d’appel de l’immigration et dans lesquels il parle de ses passe-temps, de ses mets préférés et de ses antécédents;

  • d’autres éléments de preuve de tromperie;

  • la preuve que la licence de mariage a été obtenue un mois après le rejet de la demande d’asile et qu’il a été célébré deux mois après le renvoi, qui met en évidence la corrélation entre les antécédents de M. Igolo en matière d’immigration et l’évolution de la relation;

  • le caractère général et indéterminé des éléments de preuve liés à la relation;

  • le peu de crédibilité prêtée à l’excuse de la demanderesse pour expliquer pourquoi elle n’avait pas rendu visite à M. Igolo au Nigéria, excuse qu’elle a présentée pour la première fois à la fin de la troisième séance de l’audience.

III.  Discussion

[10]  La norme de contrôle applicable aux questions mixtes de droit et de fait est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53, (2008) 1 RCS 190).

[11]  La Section d’appel de l’immigration a relevé au moins 11 éléments incohérents, peu crédibles ou invraisemblances. Pour l’essentiel, la demanderesse demande à la Cour de réexaminer le dossier, de soupeser les faits à nouveau et de rendre une nouvelle décision. Ce n’est pas le rôle de notre Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[12]  La demanderesse soutient que chacune des constatations prises en compte dans l’analyse et la conclusion de la Section d’appel de l’immigration constituaient des facteurs déterminants et que le fondement de la décision est par conséquent précaire.

[13]  Cette manière de voir ne rend pas justice à l’analyse rigoureuse de la Section d’appel de l’immigration. Certes, des facteurs ont eu plus de poids, mais la Section d’appel de l’immigration a soupesé chaque facteur isolément et en tenant compte du contexte pour en arriver à sa conclusion. Bien évidemment, la preuve selon laquelle M. Igolo a pris la peine d’informer son épouse au sujet de ses habitudes et de ses préférences personnelles (des détails que l’on s’attend à ce que les membres d’un couple connaissent) a lourdement joué en défaveur de la demanderesse, comme il se devait. Vu la tendance des parties à « manipuler » les faits, il était raisonnable que leur crédibilité soit sérieusement mise en doute.

[14]  Si on met tous ces facteurs en balance – la tendance à manipuler les faits, le parallèle évident entre l’évolution de la relation et les procédures d’immigration et toutes les autres préoccupations soulevées par l’affaire –, la conclusion de la Section d’appel de l’immigration apparaît tout à fait raisonnable.

[15]  Même si la demanderesse soutient le contraire, il est clair que la Section d’appel de l’immigration a examiné l’ensemble de la preuve. Elle n’a pas fait fi des éléments de preuve documentaire, mais a tout simplement conclu qu’au vu des failles dans les autres éléments de preuve, la demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau de preuve imposé.

[16]  Il se peut que la demanderesse soit crédible et qu’elle ait un intérêt authentique et subjectif à l’égard de son mariage, mais le comportement de M. Igolo et l’examen objectif des autres éléments de preuve ont joué en sa défaveur.

IV.  Conclusion

[17]  Je conclus donc que la décision est raisonnable.

[18]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3762-17

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3762-17

 

INTITULÉ :

ASAKO HACHINOHE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 avril 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 avril 2018

 

COMPARUTIONS :

Leigh Salsberg

Pantha Yektaeian Guitter

 

Pour la demanderesse

 

Rachel Hepburn-Craig

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sapru & Salsberg

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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