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Date : 20180419


Dossier : IMM-3483-17

Référence : 2018 CF 420

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 avril 2018

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

ALMA MARY SALAZAR ZAFRA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Mme Zafra (la demanderesse) demande le contrôle de la décision d’un agent d’immigration (l’agent) qui a supprimé son fils (AJ) de sa demande de résidence permanente dans la catégorie des aides familiaux résidants. Mme Zafra a demandé que son fils soit considéré comme un enfant de fait pour des motifs d’ordre humanitaire.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, car la décision de l’agent est raisonnable.

I.  Faits

[3]  La demanderesse est une citoyenne des Philippines et travaille au Canada en tant qu’aide familiale résidante. Dans sa demande de résidence permanente, elle mentionne son mari (Mendoza) et son fils (AJ) en tant que personnes à charge.

[4]  En 2014, Citoyenneté et Immigration Canada a demandé de plus amples renseignements concernant les membres de la famille de la demanderesse. En réponse, la demanderesse et Mendoza ont fourni une lettre et un affidavit affirmant que Mendoza est le père biologique d’AJ. La demanderesse et Mendoza ont également fourni un affidavit de la mère biologique d’AJ.

[5]  En mars 2017, une lettre relative à l’équité procédurale a été envoyée à la demanderesse au sujet de la relation biologique entre Mendoza et AJ.

[6]  En juin 2017, la demanderesse a répondu à la lettre relative à l’équité procédurale avec une déclaration solennelle où elle a admis qu’AJ n’était pas le fils biologique de Mendoza, mais plutôt son fils de fait. Selon la déclaration, AJ a été offert par sa mère biologique (la nièce de Mendoza) à la demanderesse et à Mendoza au moment de sa naissance. La demanderesse a demandé à l’agent d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour des motifs d’ordre humanitaire afin de permettre l’inclusion d’AJ comme un enfant de fait dans la demande de résidence permanente de la demanderesse.

II.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[7]  La décision faisant l’objet du contrôle est composée de la lettre de l’agent datée du 5 juillet 2017, et des notes dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC).

[8]  Dans la lettre, l’agent fait remarquer que Mendoza a été avisé qu’AJ ne semblait pas correspondre à la définition d’un enfant à charge aux termes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR). L’agent a également fait remarquer qu’il a été reconnu qu’AJ n’était pas l’enfant biologique ni adopté légalement de Mendoza ou de la demanderesse. L’agent a conclu qu’AJ ne satisfaisait pas aux exigences du RIPR et qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire justifiant la prise de mesures spéciales. AJ a donc été retiré de la demande.

[9]  Dans les notes du SMGC, l’agent a examiné les observations selon lesquelles AJ était l’enfant de fait de la demanderesse depuis sa naissance. L’agent a également noté les affidavits indiquant qu’AJ était le fils biologique de Mendoza. Selon l’agent, cela remet en question la crédibilité des déclarations les plus récentes du statut d’enfant de fait.

[10]  L’agent a mentionné un affidavit de l’employeur de la demanderesse et des déclarations au sujet de la relation entre la demanderesse et AJ. L’affidavit soutenait que la demanderesse et AJ communiquaient en ligne et que la demanderesse fournissait un soutien financier à AJ. Toutefois, l’agent a fait remarquer qu’il y avait peu d’éléments de preuve de tiers à l’appui des déclarations faites dans ces affidavits et peu d’éléments de preuve pour établir la stabilité, le niveau de dépendance et la bonne foi de la relation entre la demanderesse et AJ.

[11]  L’agent a noté les éléments de preuve de la demanderesse, y compris des photographies, des bordereaux de paiement, et une facture d’hôpital de la naissance de AJ. Toutefois, l’agent a déclaré qu’il n’y avait pas de témoignage de tiers démontrant un soutien financier continu depuis 2012. L’agent a également fait remarquer qu’il n’y avait pas de communication continue entre la demanderesse et AJ, à l’exception d’une visite en personne en 2014. L’agent a conclu qu’il semblait qu’une relation de dépendance n’avait pas été entamée jusqu’à ce qu’une demande de documents concernant leur relation ait été faite en 2014, et donc il n’était pas clair si la relation n’avait pas été établie [traduction] « aux fins d’immigration ». L’agent a fait remarquer que la demanderesse a pris la décision délibérée de ne pas poursuivre l’adoption légale d’AJ.

[12]  Pour ce qui est des considérations concernant l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a indiqué que sa tâche est d’évaluer les difficultés auxquelles il serait exposé si la demanderesse n’obtenait pas la dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ni un visa de résident permanent. L’agent a fait remarquer qu’AJ, en tant que petit garçon de cinq ans, a vécu toute sa vie aux Philippines, et a accès à l’éducation dans ce pays. Il n’y a aucun élément de preuve selon lequel AJ a visité un jour le Canada. L’agent a indiqué que l’appui financier que la demanderesse fournit à AJ pourrait continuer pendant qu’il est aux Philippines. L’agent a conclu que l’intérêt supérieur d’AJ pencherait en faveur d’une relation continue avec sa famille biologique aux Philippines.

[13]  L’agent a également fait remarquer qu’étant donné qu’AJ est né hors des liens du mariage, il est considéré comme un enfant illégitime et n’a pas les mêmes droits qu’un enfant légitime en application de la loi des Philippines. Par conséquent, une adoption légale serait dans l’intérêt supérieur d’AJ.

[14]  L’agent a conclu qu’il n’y a pas suffisamment de facteurs d’ordre humanitaire pour accorder la réparation demandée.

III.  Questions en litige

[15]  La demanderesse soulève les questions suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?
  2. La conclusion qu’AJ n’est pas un enfant de fait est-elle raisonnable?
  3. L’intérêt supérieur d’AJ a-t-il été examiné d’une manière adéquate?

IV.  Discussion

A.  Quelle est la norme de contrôle applicable?

[16]  La demanderesse soutient que les questions de droit sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte. Le défendeur soutient que toutes les questions sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable.

[17]  Dans l’arrêt Smith c Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, au paragraphe 37, la Cour suprême a confirmé que des questions de droit ne sont pas susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte, sauf si elles relèvent d’une catégorie désignée dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] comme étant susceptible de révision selon la norme de la décision correcte.

[18]  Aucune des catégories désignées dans l’arrêt Dunsmuir n’est soulevée en l’espèce. Par conséquent, le contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’applique à l’examen des motifs d’ordre humanitaire par l’agent pour décider si une personne est un membre de la famille de fait (Zhong c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 223, au paragraphe 17 [Zhong]).

[19]  La norme de la décision raisonnable s’applique aussi à l’examen de l’intérêt supérieur de l’enfant par l’agent (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 44 [Kanthasamy]).

B.  La conclusion qu’AJ n’est pas un enfant de fait est-elle raisonnable?

[20]  La demanderesse soutient qu’il y avait des éléments de preuve pour établir qu’AJ dépendait d’elle et de son mari financièrement et affectivement et que, par conséquent, l’évaluation par l’agent de la relation de fait n’est pas raisonnable.

[21]  En application du RIPR, un enfant à charge est défini comme étant un enfant biologique ou adopté. Toutefois, en examinant la dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, l’agent doit tenir compte des faits qui se posent dans la demande, notamment si un enfant est un enfant de fait : Okbai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 229, aux paragraphes 18 et 19.

[22]  Dans la décision Frank c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 270, au paragraphe 29, la Cour a défini le statut de membre de famille de fait comme : « [...] se limit[ant] aux personnes vulnérables qui n’entrent pas dans la définition de membres de la famille au sens de la [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] et qui dépendent du soutien, tant financier qu’affectif, qu’ils reçoivent des personnes habitant au Canada ».

[23]  Dans l’évaluation de l’admissibilité à la dispense pour des considérations d’ordre humanitaire pour ces motifs, les agents ont pour référence les lignes directrices OP-4 qui énoncent plusieurs facteurs pertinents qui définissent une relation de fait, y compris la bonne foi de la relation, le niveau de dépendance, la stabilité et la durée de la relation, ainsi que les répercussions d’une séparation. Cette directive encadre le pouvoir discrétionnaire de l’agent et constitue un point de repère en fonction duquel le caractère raisonnable de la décision peut être évalué (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 72) [Baker].

[24]  En l’espèce, l’agent a examiné les facteurs pertinents avancés par la demanderesse en fonction des lignes directrices. L’agent a relevé qu’il y avait peu d’éléments de preuve d’une relation de dépendance qui était stable et de bonne foi. Il a fait remarquer que la demanderesse n’a rendu visite à AJ qu’une seule fois, en 2014. En ce qui concerne la dépendance financière, l’agent a fait remarquer que les bordereaux de paiement n’indiquaient qu’une contribution financière en 2012. Il a également fait remarquer que seul l’affidavit de l’employeur de la demanderesse abordait la relation de dépendance entre la demanderesse et AJ. L’agent a également fait remarquer que le demandeur et Mendoza n’ont commencé à documenter leur relation avec AJ qu’en 2014, à l’appui de leur demande d’immigration.

[25]  Dans l’ensemble, l’agent a conclu que la demanderesse ne s’est pas acquittée de son fardeau de preuve et qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour accorder la mesure exceptionnelle. Il incombe au demandeur de présenter suffisamment d’éléments de preuve pour justifier l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire : Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 45 [Kisana]; Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 5.

[26]  La demanderesse soutient que l’agent a mal interprété les déclarations solennelles et s’est appuyé sur les déclarations solennelles précédentes qui prétendaient que Mendoza était le père biologique d’AJ pour remettre en question leur crédibilité. La demanderesse soutient que la question de la véracité concernant les déclarations solennelles n’est pas pertinente à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La demanderesse soutient également que l’agent a commis une erreur en exigeant la corroboration par des « tiers » de la preuve de l’affidavit de l’employeur qui montrait une relation de dépendance entre la demanderesse et AJ.

[27]  Toutefois, les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, comme toutes les décisions administratives, doivent être examinées comme un tout (Kanthasamy; Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes et Papier Irving, Ltée., 2013 CSC 34, au paragraphe 54). Bien que l’agent ait contesté les déclarations solennelles au motif de la crédibilité, la demanderesse a eu la possibilité de répondre à ces préoccupations au moyen d’une lettre relative à l’équité procédurale. En outre, l’agent a conclu que les éléments de preuve étaient insuffisants à d’autres égards, plus précisément, qu’il n’y avait pas eu d’élément de preuve pour corroborer la relation de fait présumée, à part l’affidavit de l’employeur.

[28]  Plus précisément, l’agent a mené une évaluation des éléments de preuve dans son ensemble en indiquant ce qui suit :

[traduction]
Je remarque qu’il y a plusieurs affidavits, autres que ceux déjà abordés, et un seul, celui de Kerri McKean et Andrew Balahura, les employeurs de la demanderesse principale, traite de la relation entre la demanderesse principale et AJ [...] Je remarque qu’il y a peu d’éléments de preuve de tiers à l’appui des déclarations faites dans ces affidavits et peu d’éléments de preuve pour établir la stabilité, la dépendance et la bonne foi de la relation entre la demanderesse principale et AJ [...]

[...]

Je précise que la dépendance et la relation parent-enfant documentée entre la demanderesse principale, son conjoint et AJ, n’a pas été entamée jusqu’à ce qu’une demande de documents concernant leur relation ait été faite par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) en 2014 [...] Je note que ce n’était qu’au moment de la demande de documents par IRCC en 2014 que la demanderesse principale et son époux ont cherché à faire reconnaître le statut d’AJ en tant qu’enfant à leur charge.

[29]  Ici, les préoccupations de l’agent concernant la crédibilité constituaient une partie de l’analyse, mais l’agent n’a pas rejeté la demande uniquement en raison de la crédibilité. Plutôt, il a effectué une évaluation des éléments de preuve. L’affidavit de l’employeur a été rejeté non seulement parce qu’il était de nature intéressée, mais aussi parce qu’il manquait de corroboration. Dans Fadiga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1157, au paragraphe 14 [Fadiga], la Cour a fait remarquer qu’on ne peut accorder que peu de poids à ce qu’on nomme une « preuve intéressée », mais qu’« [u]ne certaine indulgence sera possible si un document est corroboré par d’autres éléments de preuve objectifs [...] » En l’espèce, il n’y avait pas d’éléments de preuve de la sorte. Il faut faire preuve de retenue envers les conclusions de l’agent concernant la crédibilité fondées sur des incohérences (V.S. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 109, au paragraphe 13).

[30]  La demanderesse s’appuie sur la décision Zhong pour soutenir que l’agent n’a pas évalué les éléments de preuve pertinents et a tiré des conclusions défavorables concernant la crédibilité fondées sur des déclarations contradictoires antérieures. Toutefois, la décision Zhong se distingue de l’espèce. Dans la décision Zhong, l’agent n’a pas évalué les éléments de preuve et les facteurs pertinents dans son analyse de la relation de fait (Zhong, au paragraphe 30). Toutefois, en l’espèce, l’agent a examiné les éléments de preuve fournis par la demanderesse et n’a pas rejeté la demande uniquement en raison de la crédibilité.

[31]  La demanderesse s’appuie aussi sur la décision Abusaninah c Canada (Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 234 [Abusaninah], où l’agent a commis une erreur parce qu’il a rejeté des affidavits seulement parce que les membres de la famille avaient des liens étroits (Abusaninah, aux paragraphes 35 et 39). Toutefois, en l’espèce, l’agent a évalué tous les éléments de preuve et a rejeté les affidavits parce qu’ils n’ont pas résisté à un examen minutieux à la lumière des préoccupations antérieures quant à la crédibilité et les autres éléments de preuve offerts. Les éléments de preuve concernant les liens étroits n’ont essentiellement pas pu surmonter les autres questions. Ainsi, l’espèce ressemble davantage à la décision Fadiga, au paragraphe 25, où la Cour a indiqué ce qui suit :

[25]  Lorsqu’un agent a accordé moins de poids à des éléments de preuve « intéressés » qui ne sont pas corroborés, les cours de révision devraient s’abstenir d’infirmer sa décision au motif qu’il a commis une erreur de pondération ou qu’il s’agit d’un motif de contrôle. En toute déférence, la question formulée ainsi devient tout au plus un exercice sémantique. Toute déclaration extrajudiciaire soulève d’emblée la question de la fiabilité, d’autant plus cruciale si la déclaration émane d’un membre de la famille ou d’une autre personne ayant un intérêt particulier quant à l’issue d’une affaire.

[32]  Le caractère raisonnable d’une décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire doit être évalué comme un tout, en tenant compte de tous les faits et facteurs pertinents (Kanthasamy, aux paragraphes 25 et 33). La dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est une mesure d’exception et discrétionnaire : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, au paragraphe 15 [Legault]. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire, ce n’est pas le rôle de la Cour de réexaminer les facteurs d’ordre humanitaire (Kisana, au paragraphe 24).

[33]  À ce titre, l’agent n’a pas commis d’erreur dans son analyse du statut d’enfant de fait.

C.  L’intérêt supérieur d’AJ a-t-il été examiné d’une manière adéquate?

[34]  La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur dans son évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle soutient que l’agent n’a pas examiné correctement les avantages qui viendraient de la réinstallation d’AJ au Canada comparativement aux conditions défavorables qui règnent aux Philippines. La demanderesse soutient que l’agent a mal interprété les éléments de preuve en ce qui concerne les conditions régnant aux Philippines et a également commis une erreur en affirmant qu’AJ pouvait se réunir avec sa famille biologique.

[35]  Une décision fondée sur les motifs d’ordre humanitaire sera jugée déraisonnable si l’intérêt des enfants touchés par la décision n’est pas suffisamment pris en compte (Kanthasamy, au paragraphe 39), et les décideurs doivent être « réceptif[s], attentif[s] et sensible[s] » à l’intérêt supérieur de l’enfant (Baker, au paragraphe 75). Toutefois, l’intérêt supérieur des enfants n’appelle pas un certain résultat (Legault, au paragraphe 12).

[36]  En l’espèce, l’agent fait remarquer qu’une évaluation des motifs d’ordre humanitaire n’est pas une comparaison entre la vie au Canada et aux Philippines, mais il s’agit plutôt d’une évaluation des [traduction] « difficultés que le demandeur est susceptible d’éprouver s’il ne se voit pas accorder la dispense ou un visa de résident permanent ». L’agent n’a commis aucune erreur en se fondant sur cette position (Miyir c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 73, aux paragraphes 18 et 19 [Miyir]).

[37]  L’agent a ensuite évalué les conditions régnant aux Philippines et a fait remarquer qu’AJ ne faisait pas partie de la catégorie de personnes qui sont exposées à un risque en raison de la loi martiale. Bien que la demanderesse conteste cette conclusion et soutienne que tous les citoyens des Philippines sont exposés à un risque, l’agent a fait remarquer que la preuve établit qu’il y a précisément [TRADUCTION] « davantage de violations des droits de la personne contre des civils, y compris les militants gauchistes, les dirigeants autochtones, et les militants pour l’environnement, qui sont depuis longtemps des cibles des abus militaires ». L’agent a conclu qu’il n’y avait aucune preuve qu’AJ était directement touché par la loi martiale et que la réinstallation était possible.

[38]  C’est à la demanderesse qu’il incombe de démontrer les difficultés, en s’appuyant sur des éléments de preuve convaincants. L’agent était obligé de tenir compte des faits relatifs aux difficultés sous-jacentes lors de sa décision quant à savoir si une dispense était justifiée (Chaudhary c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 128, aux paragraphes 41 et 42). En l’espèce, l’agent a conclu de façon raisonnable que le peu d’éléments de preuve documentaire ne justifiait pas l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire en matière de motifs d’ordre humanitaire. Les difficultés doivent être « évaluées de manière équitable, avec souplesse, et eu égard à la situation globale du demandeur » (Miyir, au paragraphe 16). Bien que la demanderesse ne soit pas tenue de démontrer qu’AJ est plus touché que la moyenne de la population dans son ensemble (Miyir, au paragraphe 33), en l’espèce, il y a eu peu d’éléments de preuve pour montrer qu’il a été touché.

[39]  En ce qui concerne les autres facteurs concernant l’intérêt supérieur de l’enfant, l’agent a indiqué qu’AJ ne s’était jamais établi au Canada et ne s’est jamais rendu au Canada. L’agent a également fait remarquer qu’AJ a la possibilité de recevoir une éducation aux Philippines, et demeure en contact avec sa mère biologique. Ces arguments étaient tous étayés par la preuve. Le fait que l’agent a renvoyé aux avantages de devenir un [traduction] « enfant légitime » aux Philippines n’est pas une erreur, étant donné que l’agent doit évaluer s’il serait inéquitable de refuser la dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[40]  Il faut faire preuve de retenue à l’égard de l’analyse de l’agent concernant l’intérêt supérieur de l’enfant, et en l’espèce, il était attentif aux éléments de preuve pertinents. La demanderesse n’a pas démontré que la conclusion de l’agent est déraisonnable et, par conséquent, il n’y a pas de motif justifiant l’intervention de notre Cour.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3483-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

    1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
    2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3483-17

INTITULÉ :

ALMA MARY SALAZAR ZAFRA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 27 février 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 19 AVRIL 2018

COMPARUTIONS :

Hannah Lindy

Lorne Waldman

POUR LA DEMANDERESSE

Alex C. Kam

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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